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21/03/2011 | FRANCE | N°10/02054

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 21 mars 2011, 10/02054


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 21/03/2011



***



N° de MINUTE :

N° RG : 10/02054



Jugement (N° 07/02192)

rendu le 25 Février 2010

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE



REF : JD/AMD





APPELANTES



Madame [F] [Z] épouse [S]

née le [Date naissance 6] 1955 à [Localité 16] (TUNISIE)

demeurant [Adresse 1]

[Localité 10]


>bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/10/04995 du 25/05/2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI



Mademoiselle [G] [I] [C] [Z]

née le [Date naissance 3] 1990 à [Localité 17]

demeu...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 21/03/2011

***

N° de MINUTE :

N° RG : 10/02054

Jugement (N° 07/02192)

rendu le 25 Février 2010

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : JD/AMD

APPELANTES

Madame [F] [Z] épouse [S]

née le [Date naissance 6] 1955 à [Localité 16] (TUNISIE)

demeurant [Adresse 1]

[Localité 10]

bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/10/04995 du 25/05/2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI

Mademoiselle [G] [I] [C] [Z]

née le [Date naissance 3] 1990 à [Localité 17]

demeurant [Adresse 7]

[Localité 14]

bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/10/04997 du 25/05/2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI

Madame [A] [Z]

née le [Date naissance 5] 1982 à [Localité 14]

demeurant [Adresse 7]

[Localité 14]

Représentées par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour

Assistées de Maître Tayeb ISMI-NEDJADI, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉS

Monsieur [V] [U]

demeurant [Adresse 13]

[Localité 9]

Assigné (Article 659 du CPC) - N'ayant pas constitué avoué

Madame [B] [R]

née le [Date naissance 4] 1950 à [Localité 15]

demeurant [Adresse 11]

[Localité 8]

Représentée par la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoués à la Cour

Assistée de Maître Anne-Sophie BASTIN, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS à l'audience publique du 24 Janvier 2011 tenue par Joëlle DOAT magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nicole HERMANT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Evelyne MERFELD, Président de chambre

Pascale METTEAU, Conseiller

Joëlle DOAT, Conseiller

ARRÊT PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président et Nicole HERMANT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 24 janvier 2011

***

Par jugement en date du 14 avril 2005, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de LILLE a prononcé le divorce des époux [V] [U] et [B] [R].

Par jugement en date du 9 novembre 2006, le juge aux affaires familiales a condamné M. [U] à verser à Mme [R] une prestation compensatoire d'un montant de 200 000 euros.

Par jugement en date du 11 mai 2006, le tribunal correctionnel de LILLE a déclaré M. [V] [U] et Mme [F] [S] coupables des délits d'organisation frauduleuse d'insolvabilité et complicité et les a condamnés aux peines respectives d'un an avec sursis et mise à l'épreuve pendant trois ans et six mois avec sursis, ainsi qu'à payer à Mme [B] [R] la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par arrêt en date du 13 février 2007, la cour d'appel de DOUAI a confirmé ce jugement.

Par jugement en date du 7 février 2007, le tribunal de grande instance de LILLE a :

- ordonné le partage de l'indivision post-communautaire

- dit que les droits de M. [U] s'élevaient à 1 135 382, 40 euros et ceux de Mme [R] à 1 408 363, 40 euros

- dit que devaient être attribués à M. [U] l'entreprise de transport, les comptes bancaires du CREDIT MUTUEL à son nom, le compte bancaire joint du CREDIT MUTUEL, les comptes bancaires de la BSD et de la BPN à son nom, la moitié des meubles meublants, la somme donnée à Mme [S] et les véhicules MERCEDES et SAXO

- dit que devaient être attribués à Mme [R] les immeubles situés à [Localité 18] et à [Localité 8], la valeur de l'immeuble de [Localité 12], les comptes bancaires à son nom au CREDIT MUTUEL et au CREDIT AGRICOLE, les véhicules VOLKSWAGEN et PEUGEOT ainsi que le deuxième véhicule MERCEDES, la moitié des meubles, l'attribution en nature des cinq camions vendus illégalement.

Par acte d'huissier en date du 13 mars 2007, Mme [F] [S], tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de sa fille [G] [Z], et Mademoiselle [A] [Z] ont fait assigner en tierce opposition devant le même tribunal Mme [B] [R], pour voir prononcer la rétractation du jugement du 7 février 2007 en ce qu'il avait décidé que la valeur de l'immeuble situé à [Localité 12] serait attribuée à Mme [B] [R] et suspendre l'exécution de ce jugement.

Par acte d'huissier en date du 14 août 2007, elles ont fait assigner M. [V] [U] en déclaration de jugement commun.

Par jugement en date du 25 février 2010, le tribunal a :

- déclaré recevable la tierce opposition formée par Mme [F] [S] et Mesdemoiselles [A] et [G] [Z]

- accueilli les demandes reconventionnelles formées par Mme [B] [R]

- dit que l'acquisition du deuxième véhicule MERCEDES et la donation intervenue en faveur de Mademoiselle [A] [Z] sont inopposables à Mme [B] [R]

- ordonné en conséquence la réintégration de ce véhicule dans l'indivision post-communautaire existant Mme [B] [R] et M. [V] [U] pour une valeur de 57 315 euros

- dit que l'acquisition de l'immeuble de [Localité 12] a été effectuée par Mme [F] [S] au moyen de fonds provenant de la communauté ou de l'indivision post-communautaire remis à celle-ci par M. [V] [U] en fraude aux droits de Mme [B] [R]

- dit également que la donation consentie par Mme [F] [S] à ses filles sur la nue-propriété de cet immeuble a été consentie en fraude des droits de Mme [B] [R]

- ordonné en conséquence la réintégration de la valeur de cet immeuble dans l'indivision post-communautaire existant entre Mme [B] [R] et M. [V] [U] pour la somme de 279 440 euros

- dit que le présent jugement devait être déclaré opposable à M. [V] [U]

- condamné in solidum Mme [F] [S], Mesdemoiselles [A] et [G] [Z] au paiement de la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts et de celle de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté celles-ci de leurs demandes plus amples ou contraires

- ordonné l'exécution provisoire du jugement

- condamné Mme [F] [S], Mesdemoiselles [A] et [G] [Z] aux dépens.

Mme [F] [S] et Mme [A] [Z] ont interjeté appel de ce jugement, par déclaration remise au greffe de la Cour le 22 mars 2010.

Mademoiselle [G] [Z] a interjeté appel de ce jugement, par déclaration remise au greffe de la Cour le 24 mars 2010.

Les deux appels ont été joints par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 19 avril 2010.

Dans leurs conclusions en date du 20 janvier 2011, Mme [F] [S], Mme [A] [Z] et Mademoiselle [G] [Z] demandent à la Cour :

- d'infirmer toutes les dispositions du jugement

- de débouter Mme [B] [R] de toutes ses demandes

- de la condamner à leur payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles exposent qu'elles ont sollicité la rétractation du jugement du 7 février 2007 en ce qu'il a attribué à Mme [B] [R] la valeur de l'immeuble situé à [Adresse 13], immeuble acquis au moyen de fonds provenant d'un héritage et qu'elles s'en rapportent à leurs précédentes écritures sur ce point.

En ce qui concerne la demande reconventionnelle de Mme [R], elles soulèvent en premier lieu l'irrecevabilité de la demande d'annulation de l'acte d'acquisition par Mme [S] de l'immeuble de [Localité 12], au motif qu'il appartient à Mme [R] de démontrer que l'acte juridique a été passé par son débiteur, M. [U], et qu'il est frauduleux, que M. [U] n'a passé aucun acte avec Mme [S], que cet acte n'est pas frauduleux et que Mme [R] ne peut demander que l'acte passé par Mme [S] qui n'est pas sa débitrice soit annulé, et en second lieu l'irrecevabilité de la demande de réintégration de la valeur de l'immeuble, en faisant valoir que Mme [R] est détentrice d'un titre ordonnant la réintégration dans l'indivision post-communautaire de la valeur de l'immeuble situé à [Localité 12] et que l'argumentation selon laquelle M. [U] aurait détourné les fonds de la communauté, puis les aurait remis à Mme [S] qui les aurait déposés sur son compte en vue de faire l'acquisition de l'immeuble situé à [Localité 12] n'est pas recevable, d'autant que cette demande est dirigée essentiellement contre M. [U], partie à l'instance.

Mmes [S] [Z] soutiennent qu'il n'est pas démontré que M. [V] [U] était propriétaire du deuxième véhicule MERCEDES, que ce véhicule était la propriété de Mme [F] [S] qui en a fait donation à sa fille [A], que la demande formée de ce chef par Mme [R] n'est pas fondée, qu'en tout état de cause, Mme [R] dispose déjà d'un titre à l'égard de M. [V] [U], qu'il n'est pas démontré que ce dernier a fait une donation de véhicule automobile à Mme [A] [Z], que Mme [R] ne peut demander l'annulation d'un acte juridique passé par un débiteur principal, qu'elle est en conséquence mal fondée à demander l'annulation de la donation, que le tribunal a ordonné la réintégration du véhicule automobile MERCEDES dans le patrimoine des deux époux et que, dans ces conditions, la demande de Mme [R] doit être rejetée.

Elles affirment que la demande tendant à voir déclarer Mme [A] [Z] solidairement responsable de la dette de M. [U] n'est pas fondée, que celle-ci n'est absolument pas responsable du comportement de M. [U].

Dans ses conclusions en date du 21 janvier 2011, Mme [B] [R] demande à la Cour :

- de débouter Mme [F] [S] et Mesdemoiselles [A] et [G] [Z] de l'ensemble de leurs demandes

- de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté la recevabilité de ses demandes formulées à titre reconventionnel et qu'il les a accueillies

y ajoutant,

- de condamner solidairement Mmes [S] et [Z] à lui payer la somme de 279 440 euros et celle de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en cause d'appel

en tout état de cause,

- de condamner solidairement Mme [F] [S] et Mesdemoiselles [A] et [G] [Z] à lui verser la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait observer qu'en cause d'appel, la rétractation du jugement du 7 février 2007 n'est plus sollicitée.

Elle affirme que ses demandes reconventionnelles sont recevables, dès lors qu'elle n'a jamais pu se voir octroyer ni la valeur de l'immeuble de [Localité 12], ni la restitution du véhicule MERCEDES ou sa contrepartie, au vu des agissements frauduleux exercés par les appelantes, tandis que, dans le cadre du jugement du 7 février 2007, les seules parties en cause sont bien M. [U] et elle-même.

Elle soutient que l'immeuble de [Localité 12] a été acquis par Mme [S] au moyen de fonds appartenant à la communauté ou à l'indivision post-communautaire et que, par collusion frauduleuse entre Mme [S] et ses filles, il a ensuite fait l'objet d'une donation de la nue-propriété à ces dernières par acte notarié en date du 31 octobre 2005, avec réserve d'usufruit au profit de Mme [S], que Mme [S] et ses filles ne versent aux débats aucun élément sérieux démontrant la réalité de l'acquisition de cet immeuble au moyen de fonds provenant d'un héritage.

Elle rappelle que quatre jours avant la signature de l'acte authentique de vente de cet immeuble, une somme de 203 500 euros a été versée en espèces sur le compte de Mme [S], que cette somme avait été acquise en fraude de ses droits, ainsi qu'il ressort de l'enquête pénale que l'acquisition de l'immeuble s'est faite au prix de 200 000 euros.

Elle indique qu'il y a lieu dès lors de déclarer inopposable l'acquisition par Mme [S] de l'immeuble de [Localité 12] et que, compte-tenu de la collusion frauduleuse de celle-ci, elle sera déclarée solidairement responsable de la dette envers elle de M. [U] à ce titre, si bien qu'elle-même pourra agir également contre Mme [S] en recouvrement de la somme de 279 400 euros.

Mme [R] ajoute que la donation de la nue-propriété de l'immeuble est intervenue en fraude de ses droits, alors que le jugement de divorce mettait à la charge de M. [U] certaines sommes et que des points n'avaient pas été tranchés, puisque la prestation compensatoire n'était pas encore fixée et que la communauté n'avait pas encore été liquidée, qu'ainsi, compte-tenu de leur collusion frauduleuse, Mesdemoiselles [Z] seront déclarées solidairement responsables de la dette de M. [U] vis à vis d'elle-même à ce titre, si bien qu'elle pourra agir également contre ces dernières en recouvrement de la somme de 279 400 euros.

Elle fait valoir qu'au cours de la procédure de divorce, M. [U] a acquis un véhicule MERCEDES avec les fonds de la communauté et qu'il a sciemment mis le véhicule au nom de Mademoiselle [A] [Z] afin qu'elle-même ne puisse pratiquer aucune saisie, que cette donation a été faite en fraude de ses droits et qu'il y a lieu d'en ordonner la réintégration dans l'indivision post-communautaire.

Elle observe que le bon de commande et la facture de ce véhicule sont libellés au nom de M. [U], que le premier véhicule MERCEDES a été revendu en juin 2003 pour un prix de 24 390 euros, lequel est venu en déduction du prix d'achat du nouveau véhicule MERCEDES par M. [U], pour le prix de 57 315 euros.

Elle déclare que, qu'il s'agisse d'une donation ou d'un achat, l'acte lui est inopposable, puisque les fonds ayant servi à l'acquisition de ce véhicule appartenaient à l'indivision post-communautaire et que, compte-tenu de la collusion manifeste de Mademoiselle [A] [Z], celle-ci doit être condamnée solidairement avec M. [U] au paiement de la somme de 57 315 euros.

Elle rappelle en effet qu'il est parfaitement possible, outre l'inopposabilité paulienne, de solliciter la condamnation solidaire des appelantes afin que les saisies puissent être pratiquées directement entre leurs mains, dans la mesure où les fonds sont toujours en leur possession.

Elle estime que la demande en dommages et intérêts est fondée, en raison du préjudice causé et de l'acharnement procédural des appelantes.

Par acte d'huissier en date du 15 décembre 2010, Mme [F] [S] et Mesdemoiselles [A] et [G] [Z] ont fait assigner M. [V] [U] devant la Cour.

Assigné suivant la procédure de l'article 659 du code de procédure civile, celui-ci n'a pas constitué avoué.

Le présent arrêt sera rendu par défaut.

SUR CE :

Sur la recevabilité de la tierce opposition et de l'action paulienne

Le tribunal a jugé que la tierce opposition était recevable, M. [V]

[U] ayant régulièrement été appelé à l'instance, en application de l'article 584 du code de procédure civile. Cette disposition n'est pas contestée.

Mmes [S] et [Z] soulèvent l'irrecevabilité des demandes de Mme [R] au titre de l'action paulienne du motif qu'elle disposerait déjà d'un titre constitué par le jugement du 7 février 2007. Cette fin de non recevoir doit être rejetée puisque le jugement du 7 février 2007 est la décision dont elles sollicitent la rétractation par la voie de leur tierce opposition.

Sur le fond

A titre reconventionnel, Mme [R] avait demandé au tribunal :

- de constater que l'acquisition du deuxième véhicule MERCEDES immatriculé au nom de Mme [S] et tous les actes en découlant notamment la donation au profit de [G] et [A] [Z] ont été pratiqués en fraude de ses droits et lui sont inopposables et d'ordonner en conséquence la réintégration de ce véhicule dans l'indivision post-communautaire pour sa valeur de 57 315 euros

- de constater que l'acquisition de l'immeuble de [Localité 12] par Mme [S] a été effectuée avec des fonds de la communauté ou de l'indivision ayant existé entre elle et M. [U] et en fraude à ses droits, que cette vente ainsi que les actes en découlant et notamment la donation au profit de Mesdemoiselles [Z] lui seront inopposables et d'ordonner en conséquence la réintégration de cet immeuble dans l'indivision post-communautaire pour un montant de 279 440 euros.

l'immeuble de [Localité 12]

Cet immeuble a été acquis par Mme [F] [S], selon un

acte en date du 6 septembre 2004, pour le prix de 200 000 euros, et celle-ci a fait donation de la nue-propriété de celui-ci à ses deux filles, par acte en date du 31 octobre 2005, avec réserve d'usufruit à son profit.

Le tribunal a dit que Mme [B] [R] était recevable et fondée à attaquer par le biais de l'action paulienne l'acte par lequel M. [U] avait remis à Mme [S] des fonds lui permettant d'acheter l'immeuble de [Localité 12], à demander qu'il soit dit que cette remise avait été faite en fraude à ses droits, puisque des fonds provenant de la communauté ou de l'indivision post-communautaire avaient été remis à un tiers et de dire ainsi que cette remise frauduleuse lui était inopposable.

L'article 1166 du code civil énonce que les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne.

En application de l'article 1167 du code civil, les créanciers peuvent, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leurs débiteurs en fraude de leurs droits

L'enquête de police a permis d'établir que, le 2 septembre 2004, le versement d'une somme de 203 500 euros a été effectué sur un compte ouvert au nom de Mme [F] [S], laquelle a été retirée en espèces. L'immeuble a été acheté quatre jours après la date du versement.

Interrogée le 11 janvier 2005 par les services de police, Mme [S] a déclaré qu'elle percevait le revenu minimum d'insertion.

Entendu le même jour, M. [U], qui déclarait lui-aussi bénéficier du revenu minimum d'insertion, a indiqué qu'il n'y avait aucun lien entre le virement de la somme de 199 000 euros de son compte sur celui de Mme [F] [S], suivi d'un retrait d'espèces de 203 000 euros, et l'achat d'un immeuble par Mme [S] trois jours après, que le retrait avait été effectué par lui pour ses besoins personnels, qu'il n'avait rien fait de particulier avec cet argent et que Mme [S] avait acquis cet immeuble avec de l'argent provenant d'un héritage.

Mme [S] produit une attestation de son frère M. [D] [P] en date du 29 janvier 2005, traduite le 2 mai 2005 par une interprète assermentée près la cour d'appel de [Localité 16] (Tunisie), selon laquelle il indique qu'il a versé à sa soeur une somme de 180 000 dinars durant le mois de février 2001 correspondant à un acompte sur l'héritage de son père, une attestation de mêmes

dates émanant de sa mère, Mme [T] [L] veuve de M. [J] Mchirgui, laquelle indique qu'elle a fait une donation de 100 000 dinars à sa fille durant le mois de février 2001 et une déclaration de M. [X] [H] qui déclare avoir acheté à Mme [F] [S] des bijoux traditionnels d'une valeur de 49 000 dinars tunisiens.

Ces éléments ne sont toutefois pas suffisants pour établir que des fonds, reçus en 1998 et 2001 en Tunisie par Mme [S], dont on ne connaît pas la contrevaleur en francs ou en euros, ont pu être transférés en France et épargnés jusqu'à ce que celle-ci achète le 6 septembre 2004 l'immeuble litigieux, aucun mouvement de fonds sur ses comptes autre que le versement, puis le retrait de la somme de 200 000 euros environ n'étant établi.

La requête en divorce a été déposée par Mme [R] le 7 mars 2003, l'ordonnance de non-conciliation mettant à la charge de M. [U] une contribution alimentaire pour [W], née le [Date naissance 2] 1984, d'un montant de 700 euros par mois et une pension alimentaire au titre du devoir de secours d'un montant de 3500 euros par mois a été rendue le 26 juin 2003 et l'assignation en divorce délivrée le 4 septembre 2003.

M. [U], qui exerçait une activité commerciale de transport de béton au sein d'une entreprise appartenant à la communauté, a mis fin à son activité professionnelle le 31 mars 2004, la radiation au registre du commerce étant intervenue le 29 avril 2004.

Il a vendu en février 2004, seul et sans autorisation, les dix camions de l'entreprise, pour un prix de 800 000 euros environ.

Il ressort du jugement rendu par le tribunal correctionnel de LILLE le 11 mai 2206, confirmé par arrêt de la Cour d'appel de DOUAI en date du 13 février 2007, qu'entre novembre 2003 et avril 2004, M. [U] a procédé à des transferts massifs de fonds depuis ses comptes personnels et professionnels à destination de deux comptes bancaires ouverts par Mme [S] à la BSD et au CREDIT MUTUEL, soit une somme de 368 200 euros, la quasi totalité de cette somme ayant ensuite été retirée en espèces, par chèques et par chèques de banque, que ces agissements avaient pour but de faire échapper M. [U] aux conséquences de ses obligations alimentaires.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il est suffisamment démontré que ce sont des fonds détournés de la communauté des époux [U] [R] qui ont été remployés dans l'acquisition de la maison

Mme [S] fait valoir que l'action paulienne ne peut être exercée qu'à l'encontre d'actes juridiques, qu'elle ne vise pas les actes matériels accomplis par le débiteur sur ses biens et que M. [U] n'a passé aucun acte juridique avec elle.

Toutefois, la remise de fonds par M. [U] à Mme [S] peut être qualifiée de donation, de sorte que c'est à juste titre que le tribunal a dit que cette remise était inopposable à Mme [R].

Le tribunal correctionnel de LILLE, dans son jugement en date du 11 mai 2006, a condamné solidairement M. [V] [U] et Mme [F] [S] à payer à Mme [B] [R] la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Mme [S] a ainsi été déclarée complice de l'organisation frauduleuse d'insolvabilité commise par M. [U] et, en vertu du jugement correctionnel confirmé par arrêt de la cour d'appel, elle est personnellement débitrice de Mme [R].

Dès lors, il est démontré qu'en faisant donation à ses deux filles de la nue-propriété de cette maison, alors que l'enquête était en cours et qu'elle avait été entendue par les services de police sur les transferts de fonds très importants effectués sur ses comptes ainsi que sur l'achat de l'immeuble de [Localité 12], Mme

[S], qui connaissait l'origine des fonds et qui avait ouvert des comptes bancaires pour permettre à M. [U] d'organiser son insolvabilité et de faire échapper des biens de communauté au partage entre époux, a consenti cet acte en fraude des droits de Mme [R].

S'agissant d'un acte gratuit, la preuve de la complicité du tiers n'est pas nécessaire.

L'acte de donation constitue bien un appauvrissement de Mme [S], puisqu'elle ne possède aucun autre patrimoine que cet immeuble.

Elle avait, en outre, nécessairement conscience du préjudice qu'elle causait à Mme [R] en se dépouillant au profit de ses filles du gage que constituait sa nue-propriété dans l'immeuble.

C'est à juste titre, dès lors, que le tribunal a déclaré la donation inopposable à Mme [R]

Mme [S] produit une attestation de Maître [K] [Y] en date du 14 décembre 2006 précisant que l'immeuble situé à [Adresse 13], a été vendu par Mme [S] moyennant le prix de 279 444 euros frais de négociation inclus, soit net vendeur la somme de 270 000 euros et que la régularisation de l'acte authentique aura lieu au plus tard le 15 février 2007.

Il n'est pas démontré qu'un acte authentique ait finalement été signé.

Il convient en tout état de cause de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la réintégration de la valeur de cet immeuble dans l'indivision post-communautaire [U] [R] , mais à hauteur de 270 000 euros et non de 279 440 euros, cette somme incluant des honoraires.

L'inopposabilité paulienne autorise le créancier poursuivant, par décision de justice et dans la limite de sa créance, à échapper aux effets d'une aliénation opérée en fraude de ses droits, afin d'en faire éventuellement saisir l'objet entre les mains du tiers;

En revanche, elle ne permet pas que Mme [S] soit condamnée solidairement avec ses deux filles à payer à Mme [R] la somme de 279 440 euros (qui serait ramenée à 270 000 euros) au motif de l'existence d'une collusion frauduleuse entre Mme [S] et M. [U], une telle conséquence ne résultant pas de l'application de l'action paulienne.

sur le véhicule MERCEDES

Le tribunal indique qu'il est établi que M. [V] [U]

a vendu un premier véhicule MERCEDES moyennant le prix de 24 393 euros immédiatement réutilisé pour acheter un second véhicule MERCEDES moyennant le prix de 57 315 euros et qu'il est acquis par l'audition de Mademoiselle [A] [Z] que cette dernière, qui n'avait pas encore le permis de conduire, a accepté, à la demande de M. [V] [U] d'immatriculer le véhicule à son nom par rapport à son divorce.

Mademoiselle [A] [Z] soutient que le véhicule MERCEDES

lui a été donné par sa mère qui en avait réglé le prix et qu'il n'existe aucune preuve de ce que ce deuxième véhicule était la propriété de M. [V] [U].

Au vu d'une fiche de résultat d'identification de véhicule, il apparaît qu'un véhicule MERCEDES n° de série WDB2110261A313652 a été acheté le 5 juin 2003 par Mme [F] [S] et revendu le 19 avril 2004.

Il est produit le bon de commande en date du 17 avril 2003 d'un véhicule MERCEDES E320CDI au nom de M. [V] [U], pour un prix de 57 315 euros, lequel mentionne la date de livraison du 30 juin 2003, le versement d'un acompte de 3000 euros et la reprise d'un véhicule MERCEDES E270CDI immatriculé au nom de M. [U] pour un montant de 24 390 euros.

Mme [S] produit la photocopie de deux chèques établis par ses soins et tirés de son compte BPN le 17 avril et le 27 mai 2003 à l'ordre de CICA MERCEDES, pour des montants respectifs de 3000 euros et 28 287 euros.

Le jugement en date du 7 février 2007 ne permet pas d'identifier le véhicule MERCEDES qui aurait été acquis par M. [U] à son nom avec les fonds de la communauté et qui a été attribué à Mme [R] par le jugement du 7 février 2007 sans qu'en soit précisée la valeur.

En réalité, le premier véhicule MERCEDES qui appartenait à la communauté des époux a été vendu au garage pour le prix de 24 390 euros, venant en déduction du prix de la nouvelle voiture acquise au prix de 57 315 euros, soit un solde de 32 925 euros qui a été payé en partie par les deux chèques tirés du compte de Mme [S] à hauteur de 31 287 euros.

Ce compte BPN étant l'un de ceux qui avaient été ouverts par Mme [S] pour permettre à M. [U] d'y déposer des fonds provenant de la communauté et l'achat du second véhicule ayant été financé partiellement par le prix de vente d'un véhicule commun, il est ainsi établi que le véhicule a été acquis par Mme [S] au moyen de fonds détournés de la communauté des époux [U] [R] et qu'elle l'a ensuite donné à sa fille [A] [Z] qui en était la propriétaire à la date à laquelle ce véhicule a été attribué à Mme [R] dans le cadre de la liquidation et du partage de la communauté.

Il y a lieu en conséquence d'appliquer les mêmes principes qu'en ce qui concerne l'immeuble de [Localité 12], de déclarer inopposables à Mme [R] comme faites en fraude à ses droits, la remise de fonds à Mme [S] pour lui permettre d'acheter le véhicule MERCEDES et la donation dudit véhicule à sa fille [A] et de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le véhicule devait être réintégré dans l'indivision post-communautaire pour sa valeur de 57 315 euros.

En revanche, le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré Mademoiselle [A] [Z] solidairement responsable de la dette de 57 315 euros envers Mme [B] [R] en raison de sa collusion frauduleuse avec M. [V] [U].

L'action paulienne n'a pas pour conséquence, en effet, de rendre coresponsable de la dette le tiers qui a concouru à l'acte frauduleux.

Le jugement étant confirmé en ce qui concerne la demande reconventionnelle, la demande de rétractation du jugement qui a dit que devait être attribuée à Mme [R] la valeur de l'immeuble de [Localité 12]est pas justifiée et le jugement doit également être confirmé en ce qu'il l'a rejetée.

Sur les dommages et intérêts

Au regard des manoeuvres opérées en connaissance de cause par Mme

[S] au détriment de Mme [R], c'est à juste titre que le tribunal a jugé que la procédure de rétractation engagée par celle-ci, en contradiction avec l'enquête menée sur l'organisation frauduleuse d'insolvabilité, caractérisait un abus du droit d'ester en justice qui devait être sanctionné par sa condamnation au paiement de la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts.

Pour le même motif, il convient de condamner Mme [S] au paiement de la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif.

La preuve d'une participation frauduleuse active des deux filles de Mme [S] n'est en revanche pas rapportée, de sorte que le jugement doit être infirmé en ce qu'il les a condamnées au paiement de cette somme in solidum avec leur mère et la demande formée de ce chef à leur encontre en cause d'appel doit être rejetée.

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Pour des raisons d'équité, il y a lieu de mettre à la charge de Mmes [S] et [Z] les frais irrépétibles d'appel supportés par Mme [R] dont les demandes ont pour l'essentiel été accueillies, à hauteur de 3000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par défaut :

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions non contraires au

présent arrêt

L'INFIRME en ce qu'il a dit que Mademoiselle [A] [Z] sera

déclarée solidairement responsable avec M. [U] de la dette portant sur la somme de 57 315 euros, ordonné la réintégration de l'immeuble de [Localité 12] pour une valeur de 279 440 euros et condamné Mesdemoiselles [Z] au paiement de dommages et intérêts

STATUANT à nouveau,

DEBOUTE Mme [R] de sa demande tendant à voir déclarer Mademoiselle [A] [Z] solidairement responsable avec M. [U] de la dette portant sur la somme de 57 315 EUROS

ORDONNE la réintégration de la valeur de l'immeuble situé à [Localité 12] dans l'indivision post-communautaire entre M. [U] et Mme [S] pour sa valeur de 270 000 euros et dit que, dans le cadre du partage, cette somme doit être attribuée à Mme [R]

DEBOUTE Mme [R] de sa demande en dommages et intérêts dirigée contre Mesdemoiselles [Z]

Y AJOUTANT,

DEBOUTE Mme [R] de sa demande tendant à voir condamner solidairement Mmes [S] et [Z] à lui payer la somme de 279 440 euros

LA DEBOUTE de sa demande en dommages et intérêts pour appel abusif dirigée contre Mesdemoiselles [Z]

CONDAMNE Mme [S] à payer à Mme [R] la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif

DIT que la somme correspondant à la valeur du véhicule MERCEDES, soit 57 315 euros, doit être attribuée à Mme [R] dans le cadre du partage

CONDAMNE Mme [S] et Mesdemoiselles [Z] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

LES CONDAMNE à payer à Mme [R] la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code civil en cause d'appel.

Le Greffier,Le Président,

Nicole HERMANT.Evelyne MERFELD.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 10/02054
Date de la décision : 21/03/2011

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°10/02054 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-03-21;10.02054 ?
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