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29/11/2010 | FRANCE | N°09/08334

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 29 novembre 2010, 09/08334


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 29/11/2010



***



N° de MINUTE :

N° RG : 09/08334



Jugement (N° 07/03730)

rendu le 02 Novembre 2009

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE



REF : BM/AMD





APPELANTE



L'ADMNISTRATEUR DES FINANCES PUBLIQUES DU NORD PAS DE CALAIS ET DEPARTEMENT DU NORD

[Adresse 1]

[Localité 5]



Représentée par la SCP COCHEME-LABADIE-COQUERELLE, avoués à la Cour




r>INTIMÉ



Monsieur [R] [E]

né le [Date naissance 2] 1927 à [Localité 6]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 4]



Représenté par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour

Ayant pour conseil Maître Dominique DELERUE,...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 29/11/2010

***

N° de MINUTE :

N° RG : 09/08334

Jugement (N° 07/03730)

rendu le 02 Novembre 2009

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : BM/AMD

APPELANTE

L'ADMNISTRATEUR DES FINANCES PUBLIQUES DU NORD PAS DE CALAIS ET DEPARTEMENT DU NORD

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par la SCP COCHEME-LABADIE-COQUERELLE, avoués à la Cour

INTIMÉ

Monsieur [R] [E]

né le [Date naissance 2] 1927 à [Localité 6]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour

Ayant pour conseil Maître Dominique DELERUE, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS à l'audience publique du 21 Octobre 2010 tenue par Bernard MERICQ magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nicole HERMANT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bernard MERICQ, Président de chambre

Pascale METTEAU, Conseiller

Joëlle DOAT, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 Novembre 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bernard MERICQ, Président et Nicole HERMANT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

VISA DU MINISTERE PUBLIC : 10 septembre 2010

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 07 octobre 2010

***

LA COUR,

FAITS ET PROCÉDURE :

1. [R] [E] a été président du conseil d'administration de la société holding Finabel, laquelle a déposé son bilan le 23 juin 1989, et d'une de ses sociétés filiales, la société Belleteste diffusion.

Il a lui-même été déclaré en redressement judiciaire (le 21 novembre 1996) puis en liquidation judiciaire (le 25 septembre 1997), la SELARL Soinne étant désignée comme représentant des créanciers puis comme liquidateur ; il a été condamné à participer au comblement du passif de la société Finabel à hauteur de 6 000 000,00 F.

Par ailleurs, selon jugement du 6 décembre 2000, le tribunal de commerce de Lille a condamné la société (SARL) Challenger holding à payer à la SELARL Soinne, ès qualités, la somme de 6 000 000,00 F (914 694,00 €) à titre de dommages-intérêts.

2. [R] [E] a, avec son épouse née [H] [U], déposé dans les délais légaux ses déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) relatives aux années 2004, 2005 et 2006 à la Recette principale de [Localité 5] centre.

Ces déclarations ont fait l'objet par l'administration fiscale d'une proposition de rectification en date du 7 août 2006 afin d'une part de réintégrer dans les bases de taxation la créance de 6 000 000,00 F détenue sur la société Challenger holding, d'autre part de contester une déduction opérée au passif déductible par les époux [E] au titre de redressements fiscaux antérieurs.

[R] [E] a contesté ce redressement, sachant qu'un avis de mise en recouvrement (AMR) a été émis le 24 janvier 2007 pour le chiffre de 21 479,00 € en principal outre pénalités.

3. Selon jugement rendu le 2 novembre 2009 auquel il est entièrement fait référence pour l'exposé des données de base du procès et des prétentions et moyens respectifs des parties, le tribunal de grande instance de Lille a pour l'essentiel :

- dit irrégulière la procédure de redressement menée à l'égard de [R] [E],

- annulé la décision de rejet de la réclamation prise le 5 avril 2007 par l'administration fiscale,

- alloué à [R] [E] une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

4. L'administrateur des finances publiques du Nord - Pas-de-Calais et du département du Nord, responsable du Pôle de gestion fiscale (ci-après  : l'administration fiscale), a relevé appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS ACTUELS DES PARTIES :

1. L'administration fiscale, une fois soutenu la régularité de la procédure du redressement car celui-ci ne pouvait qu'être adressé au déclarant et redevable [R] [E], reprend, à fins d'infirmation, ses moyens de première instance pour faire valoir que le redressement est fondé en raison de l'absence de caractère professionnel de la créance sur la société Challenger holding et en raison de la valeur de cette créance (qui ne saurait être considérée comme nulle ainsi que soutenu par l'intimé) ; elle s'explique également sur la déduction du passif fiscal, impossible car en rapport avec des redressements contestés et donc non définitifs.

À titre subsidiaire et en cas de confirmation, elle sollicite la mise en oeuvre de la procédure de compensation au sens des articles L 80 et L 203 du livre des procédures fiscales.

2. [R] [E], à fins de confirmation pour l'essentiel, conteste en premier lieu la régularité de la procédure de redressement en ce qu'aucun acte de celle-ci n'a jamais été notifié à son liquidateur judiciaire (la SELARL Soinne, ès qualités) alors que lui-même était dessaisi de l'administration et de la gestion de ses biens en application de l'article L 641-9 du code de commerce.

Également, il reprend ses moyens de première instance relatifs à l'absence de saisine de la commission départementale de conciliation (sur ce point le jugement devrait être infirmé) et fait valoir que :

* la créance sur la société Challenger holding ne fait pas partie de son actif imposable au titre de l'ISF puisqu'elle a été judiciairement déclarée au profit de la SELARL Soinne, ès qualités, et que lui-même est dessaisi de cette créance - étant ajouté que sa condamnation au comblement du passif de la société Finabel est sans incidence (d'autant qu'il s'est exécuté sur ce point),

* cette créance a un caractère professionnel qui l'exclut de la base imposable pour l'ISF,

* elle a une valeur nulle car elle est en réalité irrécouvrable sur la société Challenger holding,

* les redressements antérieurs peuvent être intégrés à son passif déductible,

* lui-même s'oppose à la compensation revendiquée.

3. L'exposé et l'analyse plus amples des moyens et des prétentions des parties seront effectués à l'occasion de la réponse qui sera apportée à leurs écritures opérantes.

4. Le ministère public a visé la procédure le 10 septembre 2010.

* * *

DISCUSSION :

1. La proposition de rectification qu'établit l'administration fiscale en application de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales ne doit être adressée qu'à la personne du contribuable, personnellement tenu, fût-il en redressement ou en liquidation judiciaire, de l'obligation fiscale de déclarer annuellement un état de sa fortune en application de l'article 885 W du code général des impôts (application de Cass. crim.11 mars 2009 Bull. crim. 2009 n° 55, s'agissant d'un arrêt rendu à propos de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales).

Cela est d'autant plus vrai en l'espèce que ce sont les époux [E], sans intervention du liquidateur judiciaire de [R] [E], qui ont déposé des déclarations ISF en leur qualité de détenteurs d'avoirs privés supérieurs au taux d'imposition ; il doit en outre être rappelé que Madame [H] [E]-[U] n'est quant à elle pas en liquidation.

2. Selon courrier de son conseil en date du 12 octobre 2006, [R] [E] a demandé que son cas fût soumis à la commission départementale de conciliation, ce que l'administration fiscale lui a refusé le 25 octobre 2006.

Cependant, cette commission intervient en cas d'insuffisance des prix ou évaluations ayant servi de base à l'impôt de solidarité sur la fortune (application de Cass. com.13 janvier 2009 Bull. 2009 IV n° 4).

Or, en l'espèce, le désaccord ne tient pas à une quelconque évaluation de biens ou de droits mais à la réintégration à faire -ou non- à l'actif [E] d'une créance sur la société Challenger holding dont le montant est connu puisque judiciairement fixé (en sorte que, quoiqu'en dise [R] [E], il n'y a pas de litige d'évaluation) et à la prise en considération -ou non- d'un passif fiscal ressortant lui-même de documents de redressement établis par l'administration fiscale.

Dans cette situation, un tel litige ainsi présenté ne relevait pas de la compétence de la commission départementale de conciliation en sorte que l'administration fiscale n'était pas tenue de proposer sa saisine ou de donner suite à la demande de saisine formée par le contribuable.

3. À ce stade du raisonnement, la procédure de rectification contradictoire mise en oeuvre par l'administration fiscale doit être considérée comme régulière.

4. La créance de 6 000 000,00 F sur la société Challenger holding a certes été reconnue au bénéfice de la SELARL Soinne, ès qualités.

Cependant, la lecture du jugement du 6 décembre 2000 fait ressortir que [R] [E] (outre son liquidateur Soinne) a agi contre la société Challenger holding en application de l'article 244 de la loi du 24 juillet 1966 et au titre de la responsabilité solidaire des fautes de gestion des administrateurs, étant reproché à la dite société Challenger holding d'avoir méconnu ses engagements de concours financiers et d'avoir ainsi contraint [R] [E] à déposer le bilan de la société Finabel, dans des conditions qui ont entraîné en sus sa condamnation à participer au comblement du passif de la société Finabel à hauteur de 6 000 000,00 F.

Ainsi l'indemnisation attribuée à [R] [E] -même sous couvert de son liquidateur judiciaire Soinne- représente-t-elle la réparation du préjudice qu'il a supporté personnellement à la suite de sa condamnation à supporter le passif Finabel.

Par ailleurs, cette condamnation au comblement du passif Finabel est elle-même reprise, en élément de passif déductible, à la déclaration ISF [E], ce qui ne fait pas litige (il s'observe que [R] [E] fait valoir qu'il a réglé -ou entrepris de régler- ce passif Finabel : cependant, il ne fait aucune preuve sur ce point alors que cet élément continue de figurer en intégralité à son passif déductible).

La créance sur la société Challenger holding constitue ainsi, au profit de [R] [E], un élément d'actif qui aurait dû figurer à ses déclarations ISF.

Une autre analyse peut être menée : une fois pris en considération ce lien entre la créance sur la société Challenger holding et la dette de comblement du passif Finabel, [R] [E] ne peut être suivi dans son raisonnement qui aboutit à faire figurer au passif déductible de son patrimoine privé un élément de passif (le comblement Finabel) afférent à un bien qu'il considère comme exonéré de déclaration à l'actif (la créance Challenger holding).

En l'état de ces considérations, il y a lieu de dire que cette créance sur la société Challenger holding n'a pas de caractère professionnel.

5. Cette créance n'est :

# ni nulle car [R] [E] n'a rien perdu de son droit à recouvrement, étant observé qu'il n'allègue pas -et démontre moins encore- avoir tenté la mise en oeuvre d'un quelconque processus d'exécution forcée (il évoque, à ses conclusions p. 9, le fait que 'Toute nouvelle mesure de recouvrement est donc apparue au liquidateur comme ne pouvant aboutir' mais il ne communique sur ce point aucun document émanant de la SELARL Soinne, ès qualités, susceptible d'étayer son affirmation)

# ni irrécouvrable car, même si la société Challenger holding n'a apparemment plus d'activité au point qu'elle aurait été radiée du registre du commerce, sa personnalité morale demeure, aucune liquidation judiciaire n'ayant été prononcée.

6. Ainsi la créance de 6 000 000,00 F détenue par [R] [E] contre la société Challenger holding aurait-elle dû figurer à l'actif du patrimoine déclaré au titre de l'ISF.

De ce point de vue, la proposition de rectification de l'administration fiscale est fondée.

7. Quant à la déduction du passif fiscal correspondant à des redressements fiscaux antérieurs, il se constate que les époux [E] ont fait figurer, à l'annexe 4 'passif et autres déductions' de leurs déclarations ISF :

+ en 2004 : un redressement de l'impôt sur le revenu de 74 162,00 € et un redressement de l'ISF de 27 910,00 €,

+ en 2005 : un redressement de l'impôt sur le revenu des années 1999, 2000 et 2001 de 82 580,00 € et un redressement de l'ISF de 27 883,00 €,

+ en 2006 : un redressement de l'impôt sur le revenu des années 1999, 2000 et 2001 de 82 580,00 € et un redressement de l'ISF de 27 883,00 €.

La proposition de rectification de l'administration fiscale écarte ces déductions car elles correspondent à des redressements contestés.

[R] [E] ne critique que le redressement pour 2006.

Pour 2006, le passif déductible tel que déclaré par les époux [E] enregistre tout d'abord un redressement de l'impôt sur le revenu des années 1999, 2000 et 2001 de 82 580,00 € : or ce redressement a été contesté par [R] [E] ainsi qu'en témoigne un arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Douai le 5 novembre 2009, s'agissant d'un document produit par [R] [E] à son dossier.

De même, le passif déductible tel que déclaré par les époux [E] enregistre un redressement de l'ISF de 27 883,00 € : or il résulte de la lecture de l'arrêt rendu le 19 février 2009 par la cour d'appel de Douai, également produit à son dossier par [R] [E], que les déclarations ISF des années 1995 à 2003 ont fait l'objet d'une notification de redressements en date du 27 janvier 2004 (spécialement, au titre des années 2001 à 2003, déjà pour réintégration à l'actif déclarable de la créance sur la société Challenger holding) et que cette notification a été contestée.

Il s'avère ainsi que ces redressements visés par les époux [E] à leurs déclarations ISF, spécialement celle pour 2006, n'étaient pas définitifs, ce qui empêchait leur mention au passif déductible.

8. En l'état des considérations ci-dessus développées, il y a lieu à infirmation du jugement.

Les éléments de la cause ne justifient pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'administration fiscale.

* * *

PAR CES MOTIFS :

- infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

ET, STATUANT À NOUVEAU :

- rejette la réclamation de [R] [E] ; dit valide et justifiée la proposition de rectification en date du 7 août 2006 ;

- rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

- condamne [R] [E] aux entiers dépens de la première instance et de l'instance d'appel, avec pour ces derniers faculté de recouvrement direct conformément à l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Cochemé-Labadie-Coquerelle, avoués.

Le Greffier,Le Président,

Nicole HERMANT.Bernard MERICQ.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 09/08334
Date de la décision : 29/11/2010

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°09/08334 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-11-29;09.08334 ?
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