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25/10/2010 | FRANCE | N°09/08181

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 25 octobre 2010, 09/08181


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 25/10/2010



***



N° de MINUTE :



N° RG : 09/08181

Jugement (N° 08/1569) rendu le 15 Octobre 2009

par le Tribunal de Grande Instance d'ARRAS



REF : JMP/VR





APPELANTE



Madame [G] [D]

née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 11] - Algérie

demeurant [Adresse 8]

[Localité 7]



représentée par la SCP COCHEME-LABADIE-COQUERELLE, avoués à la Cour

assistée de

Maître Vincent DEBLIQUIS, avocat au barreau d'ARRAS

Bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/002/09/12778 du 22/12/2009 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI





INTIMÉE



L...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 25/10/2010

***

N° de MINUTE :

N° RG : 09/08181

Jugement (N° 08/1569) rendu le 15 Octobre 2009

par le Tribunal de Grande Instance d'ARRAS

REF : JMP/VR

APPELANTE

Madame [G] [D]

née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 11] - Algérie

demeurant [Adresse 8]

[Localité 7]

représentée par la SCP COCHEME-LABADIE-COQUERELLE, avoués à la Cour

assistée de Maître Vincent DEBLIQUIS, avocat au barreau d'ARRAS

Bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/002/09/12778 du 22/12/2009 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI

INTIMÉE

La CANSSM - Caisse Autonome Nationale de Sécurité Sociale dans les Mines

ayant son siège social [Adresse 10]

[Localité 9]

représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour

assistée de Maître CONTRAFATTO substituant Maître Didier ROBIQUET, avocat au barreau d'ARRAS

DÉBATS à l'audience publique du 09 Septembre 2010 tenue par Jean-Marc PARICHET magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nicole HERMANT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Evelyne MERFELD, Président de chambre

Jean-Marc PARICHET, Conseiller

Pascale METTEAU, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président et Nicole HERMANT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

OBSERVATIONS ÉCRITES DU MINISTÈRE PUBLIC : 24 Juin 2010

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 26 Juillet 2010

***

[G] [V] et [L] [N] se sont mariés le [Date mariage 3] 1992 à [Localité 12]. [L] [N] est décédé le [Date décès 5] 2006.

Le 23 février 2006, Madame [G] [V] a déposé une requête auprès de la Caisse Autonome Nationale de Sécurité Sociale dans les Mines - CANSSM - afin d'obtenir en qualité de veuve une pension de réversion.

Ladite requête a été rejetée par un courrier du 19 juillet 2007 au motif de l'existence d'un mariage antérieur de Monsieur [L] [N] célébré le [Date mariage 6] 1958 en Algérie puis dissout mais postérieurement à l'union de l'intéressé avec [G] [V].

La CANSSM a assigné Madame [V] devant le Tribunal de Grande Instance d'ARRAS en vue d'obtenir l'annulation de son mariage avec Monsieur [N] sur le fondement des articles 147 et 180 du code civil.

Aux termes d'un jugement en date du 15 octobre 2009, le Tribunal de Grande Instance d'ARRAS a prononcé l'annulation du mariage d'[G] [V] et [L] [N] et a dit que le mariage ainsi annulé était de nul effet.

Le 18 novembre 2009, Madame [G] [V] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses écritures déposées le 18 mars 2010, Madame [G] [V] a conclu à la réformation en toutes ses dispositions du jugement frappé d'appel. Elle demande à la Cour de dire que le mariage a été consenti par elle de bonne foi dans l'ignorance de la situation de bigamie dans laquelle son mari se trouvait et sollicite la condamnation de la caisse au paiement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de sa position, elle fait valoir que la bonne foi est présumée ; qu'elle doit être appréciée au jour de la célébration du mariage et qu'elle a vécu dans l'ignorance de la bigamie depuis son mariage célébré en 1972 jusqu'au divorce prononcé entre son mari et sa première épouse avec laquelle il s'était marié en 1958 ; elle fait valoir que l'officier d'état civil n'aurait certainement pas procédé à la célébration du mariage s'il avait eu connaissance d'une première union ; que le Tribunal dans son jugement a indiqué que l'absence de mention du célibat de l'époux constituait la preuve de l'existence d'un premier mariage et a ainsi renversé la charge de la preuve et présumé sans en établir la réalité qu'elle savait son mari bigame le jour de la célébration de son mariage ce qu'elle conteste. Elle estime donc que si le Tribunal pouvait effectivement ordonner la nullité du mariage en revanche cette nullité ne pouvait avoir qu'un effet relatif et ne pouvait lui être opposable.

Par écritures déposées au greffe 12 mai 2010, la CANSSM conclut à la confirmation du jugement entrepris, et à l'annulation du mariage, demande à la Cour de constater la mauvaise foi persistante de Madame [G] [V] et sollicite sa condamnation au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que Monsieur [N] et Madame [V] se sont mariés le [Date mariage 2] 1972 ; que le premier mariage de Monsieur [N] contracté en 1958 n'est dissout que par jugement du 11 octobre 1987 et qu'il est d'ailleurs constant que le second mariage ayant été contracté avant la dissolution du premier, le de cujus était bigame.

La caisse rappelle que l'état de polygamie est contraire à l'ordre public français et constitue une cause de nullité absolue de la seconde union, qui entraîne l'annulation de cette union dès son origine sans possibilité de régularisation a posteriori par un divorce prononcé postérieurement à la seconde union ce qui est très précisément le cas en l'espèce.

Elle souligne qu'elle a intérêt à agir et a sollicité le prononcé de la nullité du mariage du fait de la demande de Madame [G] [V] tendant à obtenir le versement d'une pension de réversion fondée précisément sur l'existence du mariage contesté.

Elle conteste la position de Madame [G] [V] qui arguant de sa bonne foi sollicite l'application à son égard du bénéfice du mariage putatif alors que sa mauvaise foi est établie par les éléments du dossier puisque contrairement à ce qu'elle prétend, elle connaissait l'existence du premier mariage de son époux depuis longtemps et bien avant la dissolution de celui-ci par le jugement de divorce.

La caisse fait valoir que Madame [G] [V] avait connaissance du précédant mariage de Monsieur [N] dès qu'elle a fréquenté celui-ci et que de son propre aveu elle a reconnu avoir été informée avant 1987 et après sa première union de 1972 de la situation de bigamie qu'elle ne peut maintenant prétendre avoir ignorée et qu'en outre bien qu'ayant appelé l'attention du garde des sceaux sur sa situation en 1999, lequel lui a répondu que son mariage était entaché de nullité absolue, elle-même et son mari se sont gardés de suivre le conseil qui leur avait alors été donné de régulariser leur situation matrimoniale en obtenant eux mêmes l'annulation du mariage puis en contractant une nouvelle union.

Par écritures du 24 juin 2010, le Ministère Public a conclu à la confirmation du jugement entrepris ayant constaté la nullité du mariage, Monsieur [N] étant encore lors de la célébration de celui-ci, tenu dans des liens du précédent mariage. Il s'en est rapporté à Justice quant aux effets du mariage putatif. Cet avis a été porté à la connaissance des parties le 25 juin 2010.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'annulation du mariage de Madame [G] [V] et de Monsieur [L] [N]

L'article 147 du code civil dispose que l'on ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier.

Il résulte des pièces produites que Monsieur [L] [N] s'est marié le [Date naissance 4] 1958 en Algérie avec Madame [Z] [K]. Cette union ayant été célébrée antérieurement à l'indépendance de l'Algérie, le mariage a été transcrit au registre de l'état civil français. La dissolution de cette union est intervenue suivant jugement du Tribunal d'AZZABA en date du 11 octobre 1987.

Il résulte également des pièces versées aux débats que Monsieur [N] avait acquis la nationalité française en 1964 soit antérieurement à son mariage avec Madame [V] célébré le [Date mariage 3] 1972 à [Localité 12].

Etant français le jour de son mariage avec Madame [V] et étant déjà marié, il était donc soumis aux dispositions de l'article 147 du code civil qui édicte un empêchement absolu à un second mariage avant la dissolution du premier.

L'état de bigamie de Monsieur [L] [N] étant donc ainsi caractérisé, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris qui a prononcé la nullité du mariage de Monsieur [N] et de Madame [V].

Sur les conséquences de l'annulation du mariage

L'article 201 du code civil dispose que 'le mariage qui a été déclaré nul produit néanmoins ses effets à l'égard des époux lorsqu'il a été contracté de bonne foi. Et si la bonne foi n'existe que de la part de l'un des époux, le mariage ne produit ses effets qu'en faveur de cet époux'.

La bonne foi est toujours présumée et elle doit être appréciée au jour de l'union.

En l'espèce, la bonne foi de Monsieur [L] [N] qui se savait encore dans les liens d'un premier mariage non dissout est exclue.

Le Tribunal dans le jugement entrepris a écarté la présomption de bonne foi au bénéfice de Madame [V] d'abord parce qu'elle ne produisait aucune pièce, ensuite parce qu'il résultait de son propre aveu qu'elle avait appris l'existence du premier mariage de son époux avant la dissolution de celui-ci, puisqu'informée par courrier de la garde des sceaux en date du 23 février 1999 que son union était nulle, elle n'avait rien fait pour l'annuler puis contracter un nouveau mariage et régulariser sa situation matrimoniale, enfin parce qu'à la date du second mariage le premier figurait aux actes de l'état civil qui ont été nécessairement sollicités pour y procéder régulièrement et que l'exigence des actes de naissance avec les mentions marginales pour procéder à un mariage civil constitue la preuve contraire de nature à combattre la présomption de bonne foi.

Or contrairement à ce qu'a décidé le premier juge, l'aveu de Madame [V] ne saurait être retenu contre elle dans la mesure où elle se limite à écrire, avoir appris après son union avec Monsieur [L] [N] que le premier mariage en Algérie n'avait pas été dissout ce qui n'implique donc pas nécessairement qu'elle en ait eu connaissance au moment de la célébration.

Outre, la lettre qui a été adressée au garde des sceaux, Madame [V] verse également aux débats un courrier au Président de la République dans lequel elle indique le 20 janvier 2007 n'avoir appris qu'après la célébration du mariage que la première union en Algérie n'avait pas été dissoute.

Par ailleurs, il ne saurait être affirmé ainsi que le fait la décision entreprise, qu'à la date du mariage Madame [V] a nécessairement été informée par l'officier de l'état civil de l'existence d'une mention marginale portant mariage de son futur époux. Il peut à l'inverse être considéré que face à une telle situation, l'officier d'état civil aurait pu ne pas procéder au mariage ou aurait pu aviser le Procureur de la République qui aurait pu former une opposition à mariage s'agissant d'un cas où il pouvait en demander la nullité.

Enfin Madame [V] produit plusieurs attestations établies par des membres de sa famille ou des amis, dont les termes ne sont pas toujours très précis mais desquelles il apparaît ressortir que lors de la célébration du mariage Madame [V] n'était pas informée avec précision de la situation matrimoniale de son futur conjoint qu'elle croyait divorcé. Trois de ces attestations précisent qu'à l'époque, compte tenu de la nature des relations avec l'Algérie, il était difficile d'obtenir des documents d'état civil.

Il suit de l'ensemble de ces éléments qu'il n'est pas démontré que Madame [V] avait au jour de son mariage avec Monsieur [N] une parfaite connaissance de la situation matrimoniale de celui-ci ; que la preuve de sa mauvaise foi n'est pas rapportée ; que sa bonne foi reste donc présumée et qu'elle peut en conséquence bénéficier des effets du mariage.

Il convient donc d'infirmer la décision entreprise de ce chef.

Sur le surplus

La CANSSM qui succombe supportera la charge des dépens. Pour ce motif elle ne peut prétendre au bénéfice de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [V] qui bénéficie de l'aide juridictionnelle totale tant en première instance qu'en cause d'appel ne justifie pas avoir conservé la charge de quelconques frais irrépétibles. Elle sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement du Tribunal de Grande Instance d'ARRAS du 15 octobre 2009 en qu'il a annulé le mariage de Monsieur [L] [N] et Madame [G] [V] et ordonné la transcription de cette annulation sur les actes d'état civil ;

INFIRME le jugement en ce qu'il a dit que le mariage ainsi annulé est de nul effet et sur les dépens ;

et statuant à nouveau,

DIT que le mariage annulé est de nul effet à l'égard de Monsieur [L] [N] mais qu'il produit ses effets en faveur de Madame [G] [V] ;

DÉBOUTE les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la CANSSM aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux règles applicables en matière d'aide juridictionnelle.

Le Greffier,Le Président,

Nicole HERMANTEvelyne MERFELD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 09/08181
Date de la décision : 25/10/2010

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°09/08181 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-10-25;09.08181 ?
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