La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/10/2010 | FRANCE | N°09/00240

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 25 octobre 2010, 09/00240


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 25/10/2010



***



N° de MINUTE :



N° RG : 09/00240


Jugement (N° 07/4765) rendu le 05 Décembre 2008


par le Tribunal de Grande Instance de LILLE


Jugement (N° 09/0220) rendu le 13 Mars 2009


par le Tribunal de Grande Instance de LILLE



REF : JMP/VR





APPELANTE



Madame [D] [P]

née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 21]

demeurant [Adresse 9]

[Localité

17]



représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour

assistée de Maître Bérengère LECAILLE, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉS



Madame [J] [P] épouse [Z]

née le [Date naissance 10] 1967 à [Lo...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 25/10/2010

***

N° de MINUTE :

N° RG : 09/00240

Jugement (N° 07/4765) rendu le 05 Décembre 2008

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

Jugement (N° 09/0220) rendu le 13 Mars 2009

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : JMP/VR

APPELANTE

Madame [D] [P]

née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 21]

demeurant [Adresse 9]

[Localité 17]

représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour

assistée de Maître Bérengère LECAILLE, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉS

Madame [J] [P] épouse [Z]

née le [Date naissance 10] 1967 à [Localité 20]

demeurant [Adresse 5]

[Localité 13]

Madame [X] [P] épouse [T]

née le [Date naissance 6] 1965 à [Localité 20]

demeurant [Adresse 12]

[Localité 14]

représentées par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour

assistées de Maître SAURAT substituant Maître Christophe DESURMONT, avocat au barreau de LILLE

Madame [I] [P] épouse [O]

née le [Date naissance 8] 1959 à [Localité 18]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 15]

représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour

assistée de Maître GUEIT substituant Maître François SHAKESHAFT, avocat au barreau de DUNKERQUE

Monsieur [H] [A]

né le [Date naissance 4] 1950 à [Localité 22]

& Madame [F] [B] épouse [A]

née le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 20]

demeurant ensemble [Adresse 11]

[Localité 16]

représentés par la SCP COCHEME-LABADIE-COQUERELLE, avoués à la Cour

assistés de Maître LETOURMY substituant Maître Philippe CHAILLET, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS à l'audience publique du 09 Septembre 2010 tenue par Jean-Marc PARICHET magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nicole HERMANT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Evelyne MERFELD, Président de chambre

Jean-Marc PARICHET, Conseiller

Pascale METTEAU, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président et Nicole HERMANT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 22 Juin 2010

***

Monsieur et Madame [A] se sont portés acquéreurs d'un immeuble situé à [Localité 16] appartenant à l'indivision [P] constituée de [D], [I], [J] et [X] [P].

La vente n'a pu être réalisée, [D] [P] s'y étant opposée.

C'est dans ces conditions que saisi par [J] et [X] [P], le Tribunal de Grande Instance de LILLE, par jugement du 05 décembre 2008 a :

- constaté que la vente était parfaite eu égard à l'accord intervenu sur la chose et sur le prix,

-dit que le jugement valait vente des droits immobiliers de [X], [J], [I] et [D] [P] à [H] [A] et [F] [R] son épouse, de l'immeuble situé [Adresse 7],

- dit que le jugement sera publié à la conservation des hypothèques de [Localité 19],

-condamné [D] [P] à payer aux époux [A], à titre de dommages et intérêts, la somme de 50 400 euros,

-condamné [D] [P] à payer aux époux [A] à [J], [X] et [I] [P] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-ordonné l'exécution provisoire du jugement,

-condamné [D] [P] aux dépens.

Le 14 janvier 2009, [D] [P] a relevé appel de ce jugement.

[J] et [X] [P] ont par ailleurs sollicité la rectification du jugement du 05 décembre 2008 en ce qu'il est affecté d'une erreur matérielle, la décision indiquant que la publication devait se faire à la conservation des hypothèques de [Localité 19] au lieu de celle de [Localité 20]. Par un jugement du 13 mars 2009, le Tribunal de Grande Instance de LILLE s'est déclaré incompétent pour procéder à la rectification en raison de la saisine de la Cour d'appel et a condamné [J] et [X] [P] à payer à [D] [P] une somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

[J] et [X] [P] ont relevé appel de ce jugement le 1er avril 2009.

Par ordonnance du 16 juin 2009, le Conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 04 mai 2010, [D] [P] demande à la Cour d'appel de :

-infirmer le jugement déféré,

-dire que la vente n'est pas parfaite, aucun accord sur le principe de transfert de propriété n'étant intervenu,

-en tout état de cause, constater que s'il existe des promesses, il ne peut s'agir que de promesses unilatérales de vente ;

-dans cette hypothèse, prononcer la nullité des promesses unilatérales de vente pour défaut des conditions de forme fixées à l'article 1589-2 du code civil,

-en tout état de cause, constater l'erreur de droit commise par elle sur la substance et la valeur juridique de la promesse de vente du 29 août 2005 et prononcer la nullité de l'offre de vente du 29 août 2005,

-constater également que l'accord des parties quant au principe et modalités d'une vente était soumis à un certain nombre de conditions non réalisées en l'espèce et de constater la caducité des avans contrats.

Elle sollicite la condamnation in solidum des autres parties au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de préjudice moral, demande une somme de 2 500 euros par mois équivalent au manque à gagner correspondant aux loyers qu'elle aurait pu percevoir si elle avait pu acquérir l'immeuble comme elle le souhaitait et le louer. Elle sollicite également une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir au soutien de sa position que toutes les parties à la procédure sauf elle-même sont d'accord pour considérer que la vente résulterait d'un échange de consentements constitué par une offre du 29 août 2005 émanant de l'indivision [P] puis accepté le 14 septembre 2005 par les époux [A]. Cependant aux termes de cette correspondance du 29 août, l'indivision [P] confirme une possible transaction sur la base d'un million euros sans qu'il y ait accord sur le principe de transfert de propriété de sorte qu'il ne peut être soutenu que ce courrier du 29 août 2005 constitue une offre ferme et définitive de vendre. Elle ajoute que la formation d'un contrat est conditionnée par la rencontre des volontés des parties contractants et qu'en l'espèce il existe un désaccord profond entre les coindivisaires sur le sort de l'immeuble, les trois soeurs de [D] [P] sachant parfaitement qu'elle souhaitait se porter acquéreur de l'immeuble, éventualité qu'elles ont toujours rejetée et que dès lors le principe même de la vente n'était pas décidé par les coindivisaires. Le document du 29 août 2005 n'était donc pas une offre ferme et définitive mais un simple document précontractuel utile à l'estimation approximative de la valeur de l'immeuble puisqu'il est indiqué : 'sur la base d'un million d'euros'.

Elle précise encore qu'elle-même n'avait jamais rencontré les époux [A] avant la signature de ce courrier du 29 août 2005,que dès lors aucune discussion préalable n'avait pu intervenir entre eux, que les époux [A] ayant répondu favorablement à l'offre de prix d'un million d'euros, le 18 décembre 2005, un courrier commun des différentes parties a été établi pour demander aux notaires de se mettre en relation en vue de l'établissement d'un compromis de vente. Cependant, [D] [P] n'a pas été conviée à cette entrevue et n'a pas signé ce courrier du 18 décembre ce qui démontre bien que ses soeurs voulaient lui imposer la vente de l'immeuble à un tiers contre son gré et qu'elle-même n'avait jamais donné son accord sur ladite vente. Elle ajoute que si elle a pris connaissance, en cours de procédure, du courrier du 14 septembre 2005 d'acceptation des consorts [A], elle n'en avait pas été avisée au préalable ce qui démontre effectivement qu'elle a été tenue à l'écart des négociations et qu'il n'existe aucune rencontre de volontés de vendre l'immeuble entre elle et les époux [A].

Elle estime donc qu'il n'existe en réalité en l'espèce qu'une simple promesse unilatérale d'achat des époux [A] et non pas une promesse synallagmatique en l'absence d'un accord de sa part. Elle considère donc qu'aucun des éléments juridiques et factuels de nature à établir l'existence d'une vente parfaite ou d'une promesse synallagmatique de vente ne sont réunis de sorte qu'il y a lieu d'écarter les demandes des époux [A].

Par ailleurs, elle critique le jugement déféré en ce qu'il a considéré que le courrier du 29 août 2005 constituait une offre de vente de l'indivision au profit des époux [A] et que ces derniers avaient accepté cette offre par leur courrier du 14 septembre 2005, que dès lors une promesse de vente synallagmatique était établie entre l'indivision et les époux [A] ce qui avait pour conséquence de rendre la vente parfaite. Elle conteste que le courrier du 29 août 2005 puisse être considéré comme une offre de vente de l'indivision [P] puisqu'en ce qui la concerne elle n'a pu consentir à cette offre de vente dès lors qu'elle projetait elle-même de se porter acquéreur de l'immeuble. Le courrier du 29 août 2005 ne constitue pour elle qu'une proposition se contentant de fixer les principes généraux d'une vente ne constituant pas une offre manifestant une volonté ferme de ses auteurs de s'engager en cas d'acceptation de sorte que le Tribunal en a dénaturé le contenu en le considérant comme une offre de vente de l'indivision au profit des époux [A].

[D] [P] fait encore valoir que si la Cour venait à entériner la position du Tribunal en estimant que ce courrier constitue une offre de vente ferme et définitive elle devrait alors juger que son consentement était vicié en ce qu'elle a commis une erreur sur la portée juridique réelle du document et en ce que l'attitude de ses soeurs à son égard est constitutive d'un dol puisqu'elles lui ont présenté ce document comme une simple base de fixation de la valeur marchande de l'immeuble, document qu'elle a signé en estimant que ses termes ne permettaient pas de l'analyser comme constituant une offre ferme et définitive.

Elle conclut également à la réformation de la décision en ce qu'elle a été condamnée à payer des dommages et intérêts aux époux [A] dans la mesure où elle ne saurait être tenue responsable de promesses pour lesquelles elle ne s'est pas personnellement engagée.

Dans leurs dernières écritures déposées le 19 mai 2010, [J] et [X] [P] concluent à la confirmation du jugement du 05 décembre 2008 en toutes ses dispositions à l'exception de la référence à la publication de la décision à la conservation des hypothèques de [Localité 19] et de dire que la décision à intervenir sera publiée à la conservation des hypothèques de [Localité 20], et statuant sur l'appel interjeté du jugement en rectification d'erreur matérielle du 13 mars 2009, de le réformer en ce qu'il les a condamnées à payer à [D] [P] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tout état de cause, de condamner [D] [P] à leur payer la somme de 3 000 euros sur le même fondement.

Elles font valoir que la vente s'est concrétisée en plusieurs étapes :

-fin août 2005 une proposition orale d'acquisition de l'immeuble a été faite par les époux [A] au prix d'un million d'euros ;

-par courrier du 29 août 2005 les quatre soeurs ont offert de vendre au prix d'un million ;

-cette offre a été acceptée officiellement par les époux [A] par courrier du 14 septembre adressé aux quatre indivisaires ;

-le 18 septembre 2005 les parties ont sollicité Maître [C] afin qu'il établisse un compromis de vente ;

-le 04 octobre 2005 [D] [P] s'est rétractée et a adressé à Maître [C] un courrier précisant que le document qui envisage l'hypothèse d'une éventuelle transaction sur la base d'un million d'euros ne remplit pas les conditions exigées par la loi et par la jurisprudence pour avoir valeur d'engagement ferme.

Elles font valoir que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le courrier adressé par l'indivision [P] le 29 août 2005 valait offre de vente de l'immeuble et que la réponse des époux [A] du 14 septembre 2005 manifestait sans ambiguïté un accord sur la chose et sur le prix et estiment que c'est à tort que [D] [P] soutient que la proposition d'établissement ultérieur d'un compromis était une condition préalable à l'accord ferme et définitif alors qu'elle ne constituait que la manifestation de la volonté de poursuivre les démarches pratiques ultérieures pour concrétiser l'accord déjà intervenu. Elles estiment donc que la vente est parfaite au regard des dispositions de l'article 1583 du code civil dès lors qu'on est convenu de la chose et du prix et qu'il n'y a pas lieu de se référer aux dispositions de l'article 1589 concernant les promesses de vente.

Enfin, elles contestent que [D] [P], préalablement à l'offre de vente du 29 août 2005, ait manifesté auprès des autres membres de l'indivision la volonté d'acquérir l'immeuble, que dès lors elle n'a pu se méprendre sur la portée du courrier qu'elle a signé le 29 août 2005 et qu'en aucune manière il n'y a eu attitude dolosive de leur part. Elles précisent que c'est seulement le 07 novembre 2005 que [D] [P] a manifesté clairement son intention d'acquisition de l'immeuble, soit postérieurement à l'offre de vente et à son acceptation.

Elles précisent encore que [D] [P] est mal fondée à leur reprocher de ne pas avoir avisé les époux [A] de la difficulté alors que dans la mesure ou elle faisait opposition à la vente c'était à elle de les en informer et qu'en toute hypothèse elles mêmes l'ont fait le 23 janvier 2006.

Dans ses écritures en date du 02 mars 2010, [I] [P] conclut à la confirmation du jugement et y ajoutant à la condamnation de [D] [P] à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle reprend dans l'ensemble la même argumentation que ses soeurs [J] et [X]. Elle souligne que le courrier du 29 août 2005 a bien été signé par les quatre soeurs sans que la signature de [D] ait été forcée ou extorquée et que les époux [A] ayant répondu qu'ils étaient d'accord pour l'achat de l'immeuble au prix proposé d'un million d'euros, l'accord sur la chose et le prix est bien intervenu et que la vente est parfaite. Elle affirme que ses soeurs et elle-même n'avaient aucune raison d'imaginer que [D] [P] voulait acheter l'immeuble et qu'elles ne l'ont appris qu'en novembre 2005.

Elle précise que le fait que [D] [P] n'a pas signé la lettre du 18 septembre adressée aux deux études notariales chargées d'authentifier la vente est sans incidence puisqu'elle avait signé la lettre d'engagement du 29 août et aucune des parties n'ayant considéré que la signature d'un compromis serait un élément constitutif du consentement. Elle ajoute qu'il n'est pas sérieux de soutenir que [D] [P] aurait commis une erreur de droit sur la substance et la portée juridique de l'engagement signé le 29 août 2005, la lettre en question portant la référence 'vente immobilière' et ce courrier indiquant que les quatre soeurs donnaient leur accord sur la transaction immobilière pour un prix d'un million d'euros, ce qui établit suffisamment que [D] [P], si elle a changé d'avis par la suite, était parfaitement d'accord pour vendre le 29 août, qu'elle n'a donc commis aucune erreur et que son consentement n'a aucunement été vicié.

Dans leurs dernières écritures déposées le 02 mars 2010, les époux [A] demandent à la Cour de dire l'appel recevable mais mal fondé, de les recevoir en leur appel incident, statuant à nouveau, de déclarer la vente parfaite eu égard à l'accord intervenu sur la chose et le prix, de dire et juger que le jugement à intervenir vaudra vente de droits immobiliers d'[X], [J], [I] et [D] [P] à leur égard, de condamner [D] [P] à leur verser une somme de 27 450 euros montant des loyers versés inutilement pour la location d'un autre immeuble et dans l'attente de la décision à intervenir pour la période du 1er août 2006 au 1er novembre 2007, de condamner [D] [P] au paiement d'une somme complémentaire de 1 950 euros par mois à compter du 1er novembre 2007 et ce jusqu'à la régularisation définitive de la vente de l'immeuble litigieux, outre l'éventuelle majoration de ce loyer mensuel de 1 950 euros et la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de préjudice moral outre celle de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Eux aussi estiment que de matière indiscutable le courrier du 29 août 2005 signé par tous les membres de l'indivision constitue une offre de vente de l'immeuble car il identifie avec précision la chose offerte et indique le prix demandé, que [D] [P] ne peut soutenir qu'elle aurait commis une erreur sur la portée juridique de son engagement tel qu'il en résulte de cette offre et que si une offre peut toujours être librement révoquée jusqu'à son acceptation elle n'est plus révocable une fois l'offre acceptée et que la rétractation de [D] [P] leur ayant été signifiée postérieurement à l'acceptation de l'offre par eux le 14 septembre 2005, cette rétraction est tardive et la vente est devenue parfaite. Ils ajoutent que la référence aux conditions suspensives d'usage sur laquelle s'appuie [D] [P] pour soutenir qu'ils ne s'étaient pas engagés de manière ferme et définitive ne permet pas de contester le caractère parfait de la vente s'agissant de conditions classiques relatives à l'absence de servitudes d'urbanisme ou de renonciation par la mairie à son droit de préemption et étant précisé par ailleurs que la subordination de leur acception à l'obtention d'un prêt quelconque n'a jamais été évoquée. En fait, ils ajoutent que le moyen allégué par [D] [P] tiré de l'absence d'enregistrement de la promesse est inopérant dès lors qu'en l'espèce il y a bien eu une offre de vente suivie d'une acceptation et donc un accord est intervenu en vertu des dispositions de l'article 1583 du code civil ici applicable, les dispositions des articles 1589 et suivants relatives aux promesses unilatérales de vente ne l'étant pas et qu'en tout état de cause même à analyser l'offre comme une promesse unilatérale de vente dès lors que celle-ci a été acceptée et que l'option a été levée l'accord sur la chose et le prix ayant été donné la vente est également devenue parfaite.

Sur l'indemnisation de leur préjudice, ils exposent qu'ils ont cedé leur maison, ont dû prendre un immeuble meublé en location suivant bail du 12 mai 2006 et qu'ils ont donc subi un préjudice constitué par le versement des loyers qu'ils n'auraient pas dû régler s'ils avaient pu prendre possession de leur investissement immobilier. Du 1er août 2006 au 31 juin 2008, ils ont réglé la somme totale de 42 050 euros au titre de loyers.

Ils sollicitent la condamnation de [D] [P] au paiement de la somme de 27 450 euros montant des loyers versés inutilement pendant la période du 1er août 2006 au 1er novembre 2007 et sollicitent sa condamnation au paiement d'une somme complémentaire de 1 950 euros par mois à compter du 1er novembre 2007 jusqu'à régularisation définitive de la vente de l'immeuble litigieux outre une indemnisation au titre du préjudice moral.

Sur le préjudice des époux [A], [D] [P] réplique dans ses écritures susvisées qu'il n'est pas démontré que la cession de l'immeuble des époux [A] soit intervenue en lien avec une éventuelle croyance de leur part quant à l'acquisition de l'immeuble objet du présent litige et qu'en l'absence de démonstration d'un lien de causalité, le préjudice n'est pas justifié.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Des pièces produites, il ressort que le 29 août 2005 les quatre soeurs [P] ont adressé à Monsieur et Madame [A] un courrier ainsi rédigé :

'Suite à la visite de notre résidence, située [Adresse 7] et aux propos que nous avons échangés quant à sa vente, vous nous avez fait part de votre intéressement. Ayant évoqué une possible transaction sur la base d'un million d'euros, nous vous confirmons cette dernière par la présente. Dans l'attente de vous lire au sujet d'un accord éventuel sur cette vente, veuillez accepter...'

La rédaction de ce courrier fait clairement apparaître que des discussions préalables ont eu lieu entre les parties en vue de l'achat de l'immeuble et qu'une offre de vente a été faite sur la base d'un million d'euros.

Monsieur et Madame [A] ont répondu aux soeurs [P] le 14 septembre 2005 dans les termes suivants :

' Nous répondons favorablement à votre offre de vente de la maison située [Adresse 7] pour le prix d'un million d'euros. Nous vous confirmons notre rendez-vous du dimanche 18 septembre afin de fixer les modalités d'un compromis de vente sous les conditions suspensives d'usage.'

Le 18 septembre suivant les soeurs [P] et les époux [A] ont adressé à Maître [C], notaire et à l'étude de notaires TSD, un courrier ainsi rédigé :

'Mesdames [P] demandeurs d'une part et Monsieur et Madame [A], acquéreurs d'autre part, prient l'étude de Maître [C] et l'étude TSD de bien vouloir se mettre en relation dans le but d'établir au plus vite un compromis de vente.'

Toutefois [D] [P] qui était présente lors de cette réunion n'a pas signé cette lettre.

Le 04 octobre 2005, le conseil de Madame [D] [P] écrit à la SCP de notaires [C] pour lui indiquer que le document du 29 août 2005 ne saurait être considéré comme un engagement de vente, ce document envisageant l'hypothèse d'une éventuelle transaction sur la base d'un million d'euros et ne remplissant pas les conditions exigées par la loi et la jurisprudence pour avoir valeur d'engagement ferme. [D] [P] ayant ensuite refusé de confirmer son accord pour la vente de l'immeuble au prix d'un million d'euros aux époux [A], la vente n'est pas intervenue.

Aux termes des dispositions des articles 1582 et 1583 du code civil, la vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose l'autre à la payer. Elle est parfaite entre les parties et la propriété acquise dès qu'on est convenu de la chose et du prix. Il est de principe que le consentement des parties n'est soumis à aucune condition de forme et que la vente est un contrat consensuel qui sauf stipulation contraire opère transfert de propriété dès l'échange des consentements.

Après avoir procédé à l'analyse des pièces susvisées, le Tribunal de Grande Instance de LILLE dans le jugement déféré a constaté que la vente était parfaite et que le jugement valait vente avec les effets de droits.

Il y a lieu d'examiner ici les pièces susvisées afin d'apprécier quelle a été la volonté des parties.

La chose est clairement identifiée : il s'agit d'un immeuble situé [Adresse 7].

En ce qui concerne l'offre de vente et le prix proposé, [D] [P] conteste avoir donné son accord au motif qu'il ressort des termes utilisés : 'possible transaction', 'accord éventuel', 'sur la base d'un million d'euros' et 'intérêt', qu'aucune décision ferme et définitive n'est alors prise à cette date.

Or, même si les termes utilisés peuvent effectivement en première lecture apparaître comme hypothétiques, ce courrier correspond bien à une offre de vente sur la base d'un prix d'un million d'euros et son analyse permet de considérer que l'immeuble a déjà été visité par les acquéreurs potentiels, que des discussions ont eu lieu quant à son prix et que Monsieur et Madame [A] ont déjà fait preuve de leur intérêt pour l'acquisition de la maison à ce prix. Ce courrier du 29 août 2005 est donc bien une offre écrite confirmant les termes des précédentes discussions orales.

Les termes de 'possible transaction' et 'd'accord éventuel sur la vente' n'ont en définitive pas de caractère hypothétique mais sont simplement utilisés dans l'attente de la réponse des acquéreurs.

Cette lettre s'analyse donc comme une offre de vente qui a été acceptée sans ambiguïté par les acquéreurs le 14 septembre, ceux-ci 'répondant favorablement à l'offre de vente de l'immeuble pour le prix d'un million d'euros'.

La circonstance que [D] [P] n'ait pas ensuite signé la lettre du 18 septembre 2005 adressée par les vendeurs et les acquéreurs au notaire afin de parvenir à l'établissement d'un compromis est sans incidence sur l'engagement pris le 29 août 2005 par les quatre soeurs membre de l'indivision [P] de sorte qu'il existe bien en l'espèce une offre de vente suivie de l'acceptation des acquéreurs ce qui caractérise clairement le consentement des parties et la rencontre des volontés.

[D] [P] soutient que ses soeurs connaissaient son intention d'acheter l'immeuble et elle verse aux débats une étude de financement qui a été établie le 25 août. Toutefois, ainsi que l'ont relevé les premiers juges dans leur décision, d'une part ce document n'établit aucunement que ses soeurs avaient connaissance de cette intention et d'autre part il est étonnant que [D] [P] ait alors, quatre jours plus tard, apposé sa signature sur l'offre de vente du 29 août, signature au sujet de laquelle il n'est aucunement prouvé qu'il y ait eu contrainte ou pression. D'ailleurs, il ressort d'une lettre adressée le 04 novembre 2005 par [D] [P] à son avocate qu'elle lui confirmait par la présente sa volonté de racheter l'immeuble en cause en lui demandant d'en informer l'avocat de ses soeurs, le conseil de [D] [P] ayant ensuite transmis cette proposition à l'avocat des soeurs de sa cliente. Il n'est donc en rien démontré qu'avant le 29 août 2005, [D] [P] ait envisagé d'acquérir l'immeuble ou si elle l'avait envisagé qu'elle en ait informé ses soeurs, la seule preuve d'intention d'achat ressortant de la lettre ci-dessus visée adressée le 04 novembre par [D] [P] à son conseil donc plus de deux mois après l'offre de vente.

[D] [P] soutient également qu'il ne peut y avoir de vente en l'absence de compromis. Toutefois, ainsi que le relèvent ses soeurs dans leurs écritures elle ne saurait se prévaloir de l'absence d'un document qu'elle a refusé elle-même de faire établir. En outre, son conseil dans la lettre qu'elle a adressée au notaire le 04 octobre 2005, officialise le refus de [D] [P] de consentir à la vente non pas en raison de l'absence d'un compromis mais parce que selon elle la lettre du 29 août ne serait pas un engagement de vente.

[D] [P] fait encore valoir que la lettre du 29 août ne constitue pas une offre mais une promesse unilatérale qui est nulle aux termes des dispositions de l'article 1589 alinéa 2 du code civil si elle n'a pas été enregistrée dans les 10 jours de son acceptation. Mais, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, ce texte n'a pas vocation à s'appliquer puisque l'offre ayant été acceptée la promesse est devenue synallagmatique précisément de par l'acceptation des acquéreurs.

Enfin, [D] [P] soutient qu'elle a commis une erreur de droit sur la substance et la portée juridique du document qu'elle a signé le 29 août 2005 et que l'intention dolosive de ses trois soeurs vicie le consentement à la vente de l'immeuble.

Or, elle ne met en évidence aucune manoeuvre dolosive de la part de ses soeurs. Elle ne prouve pas davantage qu'elle ait commis une erreur substantielle sur la portée de son engagement et que son consentement ait pu s'en trouver vicié, le courrier du 29 août 2005 étant clairement relatif à la vente d'un immeuble indivis et l'offre étant faite sans erreur possible. Elle fait de nouveau référence à l'étude de financement datée du 25 août 2005 qu'elle aurait reçue quatre jours avant la signature de son engagement dont il faut d'ailleurs relever qu'elle ne lui est pas adressée personnellement mais semble-t-il à 'son ami' mais dont il est acquis qu'elle ne l'a pas évoquée avec ses soeurs. De l'ensemble des éléments qui précèdent, il ressort que si [D] [P] a ultérieurement changé d'avis elle était d'accord pour vendre la propriété le 29 août 2005. Il n'existe donc aucune erreur sur la substance et la portée juridique de son engagement.

Dès lors, il convient de constater que la vente est parfaite et de confirmer le jugement déféré sauf à rectifier l'erreur matérielle figurant dans le dispositif en ce sens que la décision doit être publiée à la conservation des hypothèques de [Localité 20] et non pas de [Localité 19].

En ce qui concerne le préjudice des époux [A], les premiers juges leur ont alloué la somme de 50 400 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au montant d'un loyer de 1 800 euros à compter du 1er août 2006 date à laquelle ils justifient avoir été dans l'obligation de louer un logement et jusqu'au transfert de propriété à la date du jugement. Les époux [A] sollicitent devant la Cour à titre d'indemnité une somme de 27 450 euros montant des loyers versés pour la location d'un autre immeuble, ce pour la période du 1er août 2006 au 1er novembre 2007 et le paiement d'une somme complémentaire de 1 950 euros par mois à compter du 1er novembre 2007 jusqu'à régularisation définitive de la vente de l'immeuble litigieux outre une somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral.

[D] [P] conclut au débouté des ces demandes en faisant valoir qu'il n'est pas démontré que la cession de l'immeuble des époux [A] soit intervenue en lien avec l'acquisition de l'immeuble objet du présent litige et ajoute qu'ils se sont portés acquéreurs d'un immeuble sur [Localité 16] le 1er juillet 2008 dans des conditions qui demeurent inconnues de sorte qu'en toute hypothèse leur préjudice est inexistant. Toutefois, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les époux [A] justifient avoir été dans l'obligation de louer un logement à compter du 1er août 2006. Il est établi par les courriers versés aux débats que les époux [A] ont vendu l'immeuble dont ils étaient propriétaires en juillet 2006 dans la perspective d'habiter l'immeuble objet du litige et qu'ils ont du prendre une location avec un loyer annuel de 21 600 euros soit 1 800 euros par mois. Ils indiquent que le montant du loyer a été porté à 1 950 euros par mois à partir du 1er août 2007 mais n'en justifient pas. Ils précisent qu'ils ont acquis un immeuble qu'ils habitent depuis le 1er juillet 2008. Il y a donc lieu d'arrêter leur préjudice à la somme de 41 400 euros montant de la location du 1er juillet 2006 au 31 juin 2008 et non pas à la somme de 42 050 euros ainsi qu'ils le sollicitent.

Pour le surplus, ils ne démontrent pas en quoi ils subissent un préjudice distinct de celui lié à l'impossibilité de pouvoir jouir du bien immobilier : ils seront donc déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

En revanche, il serait inéquitable de laisser à leur charge les entiers frais irrépétibles : la somme de 2 000 euros leur sera donc allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La même somme sera allouée à [I] [P] et [J] et [X] [P]. [D] [P] qui succombe supportera la charge des dépens d'appel. Succombant à l'instance elle ne peut prétendre bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Ses demandes n'étant pas fondées elle ne peut davantage prétendre à l'allocation de dommages et intérêts pour préjudice moral et ses demandes à ce titre seront rejetées.

*

* * *

Par jugement du 13 mars 2009, le Tribunal de Grande Instance de LILLE a déclaré recevable la demande en rectification d'erreur matérielle présentée par [J] et [X] [P] mais a constaté l'incompétence du Tribunal de Grande Instance pour la rectifier en raison de la saisine de la Cour d'appel et a condamné [J] et [X] [P] à payer à [D] [P] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Ainsi que l'a relevé le Tribunal un jugement argué d'erreur relève de la compétence de la Cour d'appel et ne peut plus être rectifié par le Tribunal qui l'a prononcé.

Ainsi que le font valoir [J] et [X] [P], elles ont sollicité la rectification du jugement par une requête du 24 décembre 2008 et [D] [P] n'a interjeté appel du jugement que postérieurement au dépôt de la requête c'est à dire le 14 janvier 2009.

[X] et [J] [P] font valoir qu'au moment où elles ont déposé leur requête le Tribunal de Grande Instance de LILLE était bien compétent et que ce n'est que par malice que [D] [P] a pris des écritures dans le cadre de cette procédure en rectification d'erreur matérielle de sorte que la condamnation au titre de l'article 700 n'apparaît pas justifiée.

Il convient de constater qu'[X] et [J] [P] ont saisi le Tribunal de Grande Instance de LILLE, antérieurement à l'appel formé par [D] [P], d'une demande de rectification d'erreur matérielle à laquelle la Cour procède par le présent jugement, qui était fondée lors du dépôt de la requête même si le Tribunal n'était plus ensuite compétent pour statuer et qu'il n'y avait pas lieu de mettre à la charge des demanderesses une condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il convient donc d'infirmer le jugement rectificatif du 13 mars 2009 de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de LILLE le 05 décembre 2008 en ce :

-qu'il a dit que la vente était parfaite eu égard à l'accord intervenu sur la chose et le prix,

-qu'il a dit que le jugement valait vente des droits immobiliers de Mesdames [X], [J], [I] et [D] [P] à Monsieur et Madame [H] [A],

LE CONFIRME des chefs des condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamnation aux dépens ;

RECTIFIE le jugement en ce que la publication doit être effectuée à la conservation des hypothèques de [Localité 20] et non pas à celle de [Localité 19] ;

CONSTATE que les époux [A] ont modifié leur demande de dommages et intérêts au titre du préjudice matériel et condamne [D] [P] à leur payer de ce chef la somme de 41 400 euros ;

INFIRME le jugement du 13 mars 2009 en ce qu'il a condamné [J] et [X] [P] à payer à [D] [P] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau,

DEBOUTE [D] [P] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE [D] [P] aux dépens d'appel dont distraction au profit des SCP d'avoués THERY-LAURENT et COCHEME-LABADIE-COQUERELLE conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

LA CONDAMNE à verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel :

-la somme de 2 000 euros à [J], [X] et [I] [P],

-la somme de 2 000 euros à Monsieur et Madame [A].

Le Greffier,Le Président,

Nicole HERMANTEvelyne MERFELD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 09/00240
Date de la décision : 25/10/2010

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°09/00240 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-10-25;09.00240 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award