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06/09/2010 | FRANCE | N°08/08713

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 06 septembre 2010, 08/08713


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 06/09/2010



***



N° de MINUTE :

N° RG : 08/08713



Jugement (N° 05/8877)

rendu le 06 Décembre 2007

par le Tribunal de Grande Instance de [Localité 16]



REF : EM/AMD





APPELANT



Monsieur [A] [M] [X] [E] [P]

né le [Date naissance 10] 1946 à [Localité 19]

demeurant [Adresse 6]

[Localité 19]



Représenté par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour



Assisté de Maître PUNGA, avocat substituant Maître Philippe MEILLIER, avocat au barreau d'ARRAS





INTIMÉS



Monsieur [C] [B] [N] [P]

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 19]

demeurant [Adresse 13]

...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 06/09/2010

***

N° de MINUTE :

N° RG : 08/08713

Jugement (N° 05/8877)

rendu le 06 Décembre 2007

par le Tribunal de Grande Instance de [Localité 16]

REF : EM/AMD

APPELANT

Monsieur [A] [M] [X] [E] [P]

né le [Date naissance 10] 1946 à [Localité 19]

demeurant [Adresse 6]

[Localité 19]

Représenté par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour

Assisté de Maître PUNGA, avocat substituant Maître Philippe MEILLIER, avocat au barreau d'ARRAS

INTIMÉS

Monsieur [C] [B] [N] [P]

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 19]

demeurant [Adresse 13]

[Localité 11]

Représenté par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour

Assisté de Maître Vincent BUE, avocat au barreau de LILLE

Madame [J] [K] [P] épouse [S]

née le [Date naissance 9] 1950 à [Localité 19]

demeurant [Adresse 7]

59118 [Localité 19]

Monsieur [U] [H] [O]

né le [Date naissance 5] 1961 à [Localité 16]

demeurant [Adresse 14]

[Localité 12]

Représentés par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour

Assistés de Maître Manuel DE ABREU, avocat au barreau de VALENCIENNES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Evelyne MERFELD, Président de chambre

Monique MARCHAND, Conseiller

Joëlle DOAT, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nicole HERMANT

DÉBATS à l'audience publique du 17 Mai 2010 après rapport oral de l'affaire par Evelyne MERFELD

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 Septembre 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président, et Nicole HERMANT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 30 mars 2010

***

[G] [D] veuve [O] est décédée le [Date décès 2] 2003 laissant comme héritiers :

- [A] [P], [C] [P] et [J] [P] épouse [S], ses trois enfants nés de son union avec [A] [P], décédé le [Date décès 3] 1954,

- [U] [O], son fils, né de son union avec [A] [O], décédé le [Date décès 8] 1991.

Elle a laissé un testament en date du 6 octobre 1994 par lequel elle déclarait léguer la quotité disponible de ses biens à sa fille [J] et à son fils [C] ainsi que deux codicilles, l'un du 15 novembre 1994 par lequel elle imputait sur la part de son fils [A] dans les biens dépendant de la communauté [O]-[D], la somme due au titre d'un contrat d'avoiement signé le 15 janvier 1983, le second des 19 novembre et 17 décembre 1996 par lequel elle imputait sur la part de son fils [U] les sommes de 70 000 et 144 000 francs qu'elle avait versées pour son compte au Crédit Mutuel.

[C] [P], [J] [P] et [U] [O] ont confié les opérations de liquidation de la succession de [G] [D] à la SCP [R] [F], notaires à [Localité 16]. Un projet de liquidation a été élaboré par Maître [F] le 12 septembre 2003 que [A] [P] a refusé de signer.

Par acte d'huissier du 25 mai 2005 [C] [P], [J] [P] et [U] [O] ont fait assigner [A] [P] devant le Tribunal de Grande Instance de Cambrai afin que soit ordonnée l'ouverture des opérations de compte liquidation partage de la succession de [G] [D] et désigné Maître [F] pour y procéder.

Par jugement du 6 décembre 2007 le Tribunal a :

- ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation partage de la succession de Madame [D] et désigné pour y procéder le Président de la Chambre des Notaires du Nord avec faculté de subdélégation, sauf à Maître [F] et [L], notaires à [Localité 16] et leurs associés,

- désigné le Président du Tribunal pour surveiller les opérations et faire rapport sur l'homologation de la liquidation s'il y a lieu,

- dit qu'[A] [P] doit à la succession la somme de 46 369,20 euros correspondant au solde du prix de vente d'avoiement de ferme du 15 janvier 1983,

- dit que la succession doit à [C] [P] un salaire différé à hauteur de 3 ans, 3 mois et 2 jours,

- dit que la succession doit à [A] [P] un salaire différé à hauteur de 10 ans,

- dit que ces deux créances seront calculées conformément aux dispositions de l'article L 321-13 du code rural par le notaire liquidateur en fonction de la valeur du SMIC à la date la plus proche du partage,

- ordonné l'attribution préférentielle des parcelles cadastrées [Cadastre 21] à [Localité 19], [Cadastre 23], [Cadastre 24] et [Cadastre 25] à [Localité 15] à [A] [P],

- condamné [C] [P] à payer à [A] [P] la somme de 9 927,03 euros en vertu de l'accord du 9 novembre 1982,

- dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage.

[A] [P] a relevé appel de ce jugement le 25 janvier 2008.

Par conclusions du 4 janvier 2010 il demande à la Cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à payer à la succession la somme de 46 369,20 euros correspondant au solde du prix de la vente d'avoiement de ferme du 15 janvier 1983 et de débouter les intimés de cette demande.

Il déclare que l'acte de vente d'avoiement était doublé d'un contrat en date du 15 janvier 1983 qui prévoyait la cession complète de l'exploitation des terres en propriété et location selon vente d'avoiement qui se fera progressivement de façon irrévocable, la somme étant payée au prorata de la surface reprise, la cession complète devant intervenir au plus tard dans dix ans, que la cession de l'ensemble de l'exploitation n'a jamais été réalisée car [C] [P] est intervenu auprès de sa mère afin de récupérer une partie des terres au profit de son épouse et son beau-père, [A] [O], qui avait cessé son activité le 23 septembre 1982 et l'a reprise dès 1983 sur une partie des terres. Il affirme que le prix de vente a été payé en tenant compte des superficies effectivement transférées.

A l'appui de son appel il fait valoir que la cession de l'avoiement de ferme n'a pas été intégralement réalisée, qu'il est donc fondé à se prévaloir de l'exception d'inexécution et qu'il appartient aux intimés de justifier que l'intégralité du matériel a été mis à sa disposition ainsi que l'intégralité des parcelles. Il soutient que

non seulement ils n'apportent pas cette preuve mais qu'en outre ils admettent que les parcelles ont continué à être exploitées pour une grande part par Monsieur [A] [O] puis cédées à Madame [I] épouse d'[C] [P].

Il conclut à la confirmation du jugement pour le surplus et subsidiairement dans l'hypothèse où il serait fait droit à l'argumentation d'[J] [P] et [U] [O] sur sa créance de salaire différé, il demande que le jugement soit infirmé en ce qu'il a reconnu le bénéfice d'une telle créance au profit d'[C] [P].

Il se porte demandeur à l'égard des trois intimés d'une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 4 janvier 2010 [C] [P] demande la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation, partage, dit qu'[A] [P] est redevable à la succession d'une somme de 46 369,20 euros correspondant au solde du prix de la vente d'avoiement de ferme du 15 janvier 1983, et dit que la succession lui doit une créance de salaire différé à hauteur de 3 ans, 3 mois et 2 jours.

Relevant appel incident pour le surplus, il conclut à l'infirmation des autres dispositions et demande à la Cour de débouter [A] [P] de sa demande de salaire différé, de le déclarer irrecevable ou de le débouter de sa demande d'attribution préférentielle, et de le débouter de sa demande d'indemnisation en vertu de l'accord du 9 novembre 1982.

Il se porte demandeur à l'égard d'[A] [P] d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient :

- que son beau-père, [A] [O], avait souhaité prendre sa retraite en bénéficiant de l'indemnité annuelle de départ et de l'indemnité viagère de départ, ce qui supposait qu'[A] [P], repreneur de l'activité, cesse totalement sa profession de cadre de banque au Crédit Mutuel pour se consacre exclusivement à l'exploitation, que refusant de démissionner celui-ci a dû se résoudre à restituer une partie de l'exploitation (25 hectares) à Monsieur et Madame [O] [D], qu'[A] [O] a poursuivi son activité jusqu'à l'âge de 65 ans, que ce n'est qu'en 1988 et non en 1983 que [V] [I], son épouse, a repris une partie des parcelles d'[A] [O], que c'est à bon droit que le Tribunal a jugé que seule la convention de vente d'avoiement de ferme du 15 janvier 1983 a force probante, qu'il n'est pas contesté qu'[A] [P] ne s'est pas acquitté du solde malgré mise en demeure du 11 janvier 1994, qu'il y a lieu de le condamner à payer ce solde à la succession,

- que la convention du 9 novembre 1982 est ambiguë, qu'elle doit donc être écartée des débats, que la cession de l'exploitation n'a pu intervenir du fait d'[A] [P] qui n'a pas démissionné de son poste de cadre au Crédit Mutuel,

- qu'[A] [P] ne peut revendiquer une créance de salaire différé puisqu'il travaillait avant 1970 pour les Etablissements CANIPEL et après 1971 comme employé de banque et résidait à [Localité 18],

- qu'il n'y a pas d'unité économique justifiant l'attribution préférentielle.

[J] [P] épouse [D] et [U] [O] ont relevé appel incident, par conclusions déposées le 1er décembre 2009, des dispositions du jugement refusant de désigner Maître [F] pour procéder aux opérations de liquidation de la succession, accordant une créance de salaire différé à [A] [P] et accueillant sa demande d'attribution préférentielle.

Ils font valoir :

- que l'étude de Maître [F] est en charge des intérêts de la défunte depuis 1945, que conformément au règlement des notaires du Nord - Pas de Calais il appartenait à Maître [F] de rédiger l'acte de liquidation de la succession puisqu'il représentait les 3/4 des intérêts en présence, que le contentieux dont les premiers juges ont fait état pour motiver leur refus de désigner Maître [F] n'existe qu'en raison du comportement d'[A] [P] qui a fait obstruction au règlement amiable du partage et n'a donné aucune réponse aux demandes de rendez-vous du notaire,

- que l'exploitation agricole était au nom d'[A] [O] et qu'[A] [P] qui n'a pas la qualité de descendant d'[A] [O] ne peut prétendre à une créance de salaire différé, qu'en toute hypothèse il ne démontre pas avoir participé directement et effectivement à l'exploitation agricole, que les attestations qu'il produit sont fantaisistes et non conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile,

- qu'[A] [P] ne remplit pas les conditions de l'attribution préférentielle, qu'il ne fait pas la démonstration de l'existence d'une unité économique.

Ils sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu qu'[A] [P] est redevable envers la succession de la somme de 46 369,20 euros au titre du solde de la vente d'avoiement de ferme faisant valoir que la signature apposée sur la convention dont [A] [P] se prévaut n'est pas celle d'[A] [O], que la créance de la succession apparaît sur le plan d'étalement annexé au contrat du 15 janvier 1983 et qu'elle est mentionnée dans l'acte de partage du 25 novembre 1995 de la communauté ayant existé [G] [D] et [A] [O] et de la succession de ce dernier, qu'[A] [P] a laissé sans réponse la lettre de mise en demeure qui lui a été adressée par le notaire le 11 octobre 1994.

Ils se portent demandeurs à l'égard d'[A] [P] d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE :

Attendu que le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation partage de la succession de [G] [D] ; qu'il y a lieu à confirmation.

1°) sur le choix du notaire :

Attendu qu'à défaut d'accord des parties sur le choix du notaire la désignation ressortit des pouvoirs du juge qui ne peuvent être limités ni par les dispositions d'un testament ni par la prétendue volonté du défunt, ni par le règlement de la Chambre des Notaires ;

Attendu que par lettre du 11 octobre 1994 Maître [Y], notaire à [Adresse 17], chargé des opérations de liquidation partage de la communauté [O]-[D] et de la succession d'[A] [O] a adressé à [A] [P] une lettre recommandée lui réclamant, pour le compte de la communauté [O]-[D], la somme de 304 162 francs (46 369,20 euros) restant dû sur la 'vente d'avoiement d'exploitation agricole' ;

que dans la mesure où le paiement de ce solde est l'un des points essentiels du litige qui oppose les parties, c'est à juste titre que le Tribunal a refusé de nommer Maître [F] qui est le successeur de Maître [Y] ;

que l'appel incident formé de ce chef doit être rejeté ;

2°) sur le solde du prix de vente d'avoiement de ferme

Attendu que par acte sous seing privé non daté, intitulé 'vente d'avoiement d'exploitation agricole' conclu entre Monsieur et Madame [A] [O] d'une part et Monsieur [A] [P] d'autre part il a été convenu :

Monsieur et Madame [O] [A] exploitent à [Localité 19], une culture d'une contenance de 59 ha 57 avec le matériel, les stocks et valeurs en terre.

Ils vendent à Monsieur [A] [P] qui accepte, l'ensemble de cet avoiement tel qu'il se comporte sans exception ni réserve, tel qu'il est décrit dans l'inventaire ci-joint.

Cette vente est faite pour le prix de 376 179,05 francs TTC comprenant:

* matériel : 365 629,05 francs dont TVA 25 629,05 francs

* stocks et valeurs en terre : 10 550 francs dont TVA 550 francs.

que l'acte stipule en outre que le solde du prix de vente fera l'objet d'une reconnaissance de dettes suivant plan de financement joint et que l'acquéreur prendra possession des biens vendus à compter du 15 janvier 1983 ;

qu'à cet acte sont joints un inventaire du matériel et des stocks et valeurs en terre (semences d'escourgeon et de blé) et un tableau de remboursements,

Attendu qu'[A] [P] verse aux débats un acte sous seing privé daté du 15 janvier 1983 dans lequel il est mentionné que Monsieur [O] [D] [A] et Madame vendent à Monsieur [P] [A] une exploitation agricole de 59 ha 57 a de terres en location et propriété et du matériel pour le prix de 376 179,05 francs ; que cet acte stipule au paragraphe 'condition' :

Cession complète de l'exploitation des terres en propriété et location selon vente d'avoiement qui se fera progressivement de façon irrévocable, en sachant que la somme à payer se fera au prorata de la surface reprise, la cession complète devant intervenir au plus tard dans les 10 ans

qu'il produit également une attestation en date du 9 novembre 1982 signée par [C] [P] et une attestation en date du 12 novembre 1982 signée par [J] [P], rédigées en des termes globalement identiques selon lesquelles leurs auteurs, copropriétaires de diverses parcelles avec [A] [P], indiquent que ces parcelles seront louées à [A] [P] et s'engagent à ne jamais essayer de revenir sur cette location car [A] [P] est le seul à avoir accepté de reprendre l'exploitation;

Attendu que le Tribunal a accueilli la demande d'[C] et [J] [P] et d'[U] [O] pour des motifs suivants :

la convention de cession d'exploitation produite par [A] [P] n'est signée que par l'un des cessionnaires et non par les deux. Elle prévoit la cession de droit au bail ce qui n'est pas possible en matière agricole, sauf certaines conditions. Les modalités de paiement du solde du prix ne sont pas fixées avec précision. Elle entre en contradiction flagrante avec la convention datée du même jour de cession d'avoiement de ferme, qui prévoit une mise à disposition immédiate de l'ensemble de l'avoiement alors que la convention produite par [A] [P] prévoit une mise à disposition progressive des terres. Elle est rédigée sur un formulaire tout à fait inadéquat à son objet. Dès lors le document produit par [A] [P] dont la validité est extrêmement douteuse, ne doit pas être considéré comme traduisant la réalité des accords contractuels entre les parties.

En l'état des preuves produites devant le Tribunal seule la convention de vente d'avoiement de ferme du 15 janvier 1983 semble avoir force probante.

Il n'est pas contesté qu'[A] [P] ne s'est pas acquitté du solde du prix de l'avoiement...

Mais attendu que contrairement à ce qu'indique le Tribunal l'acte intitulé 'vente d'avoiement d'exploitation agricole' n'est pas daté ; qu'il y est seulement indiqué que l'acquéreur prendra possession des biens vendus à compter du 15 janvier 1983 ;

Attendu qu'[A] et [C] [P] s'accordent sur le fait qu'[A] [P] n'a pas exploité l'ensemble des parcelles qui composaient l'exploitation agricole devant lui être cédée et que [A] [O] a poursuivi l'exploitation d'une partie des terres jusqu'à l'âge de la retraite ; que ces deux parties sont seulement en désaccord sur les raisons qui ont conduit à cette situation ;

qu'[U] [O] lui-même a, en son temps, admis qu'[A] [P] n'exploitait pas les terres qui auraient dû être mises à sa disposition puisque par lettre du 30 janvier 1996 il s'en étonnait auprès de la Mutualité Sociale Agricole et demandait que les terres précédemment exploitées par son père soient mises au nom d'[A] [P] ;

Attendu que dans de telles conditions la thèse soutenue par [A] [P] apparaît crédible ; que contrairement à ce qu'a considéré le Tribunal les deux conventions ne sont pas contradictoires ; que les époux [O] [D] ont eu la volonté de céder l'intégralité de leur exploitation à [A] [P] mais, compte tenu des événements et de la poursuite de l'activité d'[A] [O] jusqu'à sa retraite ils ont ensuite convenu d'un aménagement, prévoyant la libération du prix au fur et à mesure de la prise de possession du matériel et des terres ;

que les deux conventions sont rédigées au nom de Monsieur et Madame [O] mais elles ne comportent l'une et l'autre qu'une seule signature pour les vendeurs qui ont manifestement agi par représentation mutuelle ; que le premier acte est signé de Monsieur [O] et le second de Madame [D] épouse [O] ; que la signature sur le second acte est identique à celle que Madame [O] a apposée lors de la déclaration du décès de son mari qu'elle a faite le [Date décès 8] 1991 devant l'officier d'état civil ;

Attendu qu'il est exact, ainsi que l'a relevé le Tribunal que la cession d'un droit de bail rural est strictement réglementée ; qu'en outre toute perception de fonds en contrepartie d'une telle cession est prohibée par l'article L 411-74 du code rural ; que cependant en produisant l'acte du 15 janvier 1983 [A] [P] ne revendique pas l'exécution d'une telle convention mais s'en prévaut pour faire échec à l'action en paiement exercée pour le compte de la succession de sa mère ;

Attendu qu'en toute hypothèse en application de l'article 1315 du code civil, il incombe à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver ; qu'[C], [J] [P] et [U] [O] qui demandent paiement du solde restant dû en exécution de la première convention, doivent démontrer que la totalité du matériel figurant sur l'inventaire joint en annexe pour un montant de 365 629, 05 francs a été effectivement remise à [A] [P], ce que celui-ci conteste ;

que les intimés qui ont laissé sans réponse les conclusions d'[A] [P] sur ce point n'apportent aucun élément de preuve ; que Madame [D] étant partie à la convention, le codicille qu'elle a établi n'a aucune valeur probante quant à la réalité de la délivrance des biens objets de la convention ; que de même il ne peut être tiré argument de la mention de la créance litigieuse dans l'acte de partage de la communauté [O]-[D] et de la succession d'[A] [O] en date du 25 novembre 1995 puisqu'[A] [P] n'est pas partie à cet acte ;

qu'il convient donc de débouter [C] [P], [J] [P] et [U] [O] de leur demande au titre du solde du prix de vente de l'avoiement de ferme ; que le jugement sera infirmé de ce chef ;

3°) sur l'indemnité allouée à [A] [P] en vertu de l'accord du 9 novembre 1982

Attendu que par acte intitulé 'attestation' du 9 novembre 1982 [C] [P] s'est interdit d'exploiter un certain nombre de parcelles dont il était copropriétaire avec son frère [A] et sa soeur [J], lesquelles devaient être données à bail à [A] ; que l'acte stipule à titre de sanction du non respect de cet engagement le versement à [A] [P] d'une indemnité pour préjudice moral égale à dix remboursements forfaitaires à l'hectare de l'année correspondante pour un hectare mis en cause ;

Attendu que le Tribunal a relevé que par courrier du 15 avril 1995 [A] [P] a écrit à [V] [I], épouse d'[C] [P], pour lui reprocher d'exploiter plusieurs parcelles qui devaient lui revenir et de servir de prête nom à son mari, fonctionnaire de police et qu'il la sommait de laisser ces parcelles libres d'occupation ; que le Tribunal a accueilli la demande d'[A] [P] qui soutenait qu'en violation de l'engagement du 9 novembre 1982 [C] [P] a pris possession d'une partie des terres qui devaient lui être louées (pour une superficie de 25 ha 20 a) et les a exploitées avec son épouse ; qu'il a condamné [C] [P] à verser à son frère [A] une indemnité de 9 927,03 euros en vertu de l'engagement du 9 novembre 1982 ;

Attendu qu'[C] [P] conteste la date d'envoi de la lettre à son épouse et soutient que ce n'est qu'à l'occasion de la présente procédure qu'elle lui a été adressée ; qu'il ajoute qu'[A] [P] qui n'a pas repris l'intégralité de l'exploitation de son beau-père afin de ne pas être contraint de quitter son emploi de cadre au Crédit Mutuel, ne peut se prévaloir de ses abstentions pour tenter d'obtenir une indemnisation alors qu'il est à l'origine de la poursuite d'activité de son beau père ;

Attendu qu'[A] [P] ne peut justifier de la date d'envoi de sa lettre à Madame [I] épouse [P] ;

que les circonstances de la reprise de l'exploitation des époux [O]-[D] par [U] [P] sont contestées et demeurent obscures ; que les pièces versées aux débats ne permettent pas à la Cour de déterminer la raison pour laquelle cette reprise n'a été que partielle ; qu'il n'est donc pas possible d'en imputer la responsabilité à [C] [P] et qu'en conséquence [A] [P] sera débouté de sa demande d'indemnisation ; que le jugement doit être infirmé de ce chef ;

4°) sur les créances de salaire différé

a) sur la demande d'[A] [P]

Attendu que selon l'article L 321-13 du code rural les descendants d'un exploitant agricole qui, âgés de plus de dix huit ans, participent directement et effectivement à l'exploitation, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d'un contrat de travail à salaire différé ;

Attendu qu'il revient à celui qui invoque une créance de salaire différé d'établir qu'il remplit les conditions légales pour y prétendre ; que cette preuve peut être apportée par tous moyens ;

Attendu qu'[A] [P] né le [Date naissance 10] 1946, justifie par cinq attestations d'habitants de [Localité 19] 'qu'il a travaillé de façon régulière, permanente et journalière pour tous les travaux de la ferme (tant pour les labours, semis, récoltes, soins aux animaux) sur l'exploitation de ses parents, Monsieur et Madame [O] [D] [A] demeurant [Adresse 4] jusqu'en 1982, ce depuis juin 1966, en dehors de la période de son service militaire' ; que deux témoins précisent que cette activité était exercée sans participation aux bénéfices ni aux pertes ;

qu'[J] [P] et [U] [O] qualifient ces attestations de 'fantaisistes' au motif que leur contenu est identique ; que cependant dans la mesure où les faits sur lesquels le témoignage a été requis sont précis, il n'y a rien d'étonnant à ce que les termes employés soient les mêmes ;

que les attestations, pour certaines dactylographiées et non accompagnées d'une pièce d'identité, ne sont certes pas conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ; que toutefois ces dispositions ne sont pas prescrites à peine de nullité et [J] [P] et [U] [O] ne justifient pas en quoi les irrégularités leur font grief ; que les attestations sont toutes établies par des personnes domiciliées à proximité de l'exploitation, nées entre 1929 et 1948, c'est à dire ayant un âge qui leur a permis de constater personnellement les faits rapportés ; qu'elles présentent donc des garanties suffisantes pour être retenues ;

Attendu qu'[A] [P] exerçait une activité professionnelle du 6 janvier au 5 juillet 1969 pour les Etablissements CANIPEL, à [Localité 20] dans l'Aisne puis a travaillé à partir du 3 août 1971 en qualité de cadre pour l'agence du Crédit Mutuel de [Localité 16], située à une dizaine de kilomètres de [Localité 19] ;

Attendu que le bénéfice du salaire différé ne suppose pas une participation à temps plein ; qu'une activité partielle peut constituer une participation directe et effective lorsqu'elle n'est pas occasionnelle, ce qui est le cas en l'espèce puisque les auteurs des attestations certifient qu'[A] [P] travaillait de façon régulière et journalière sur l'exploitation,

que cependant le fait que la participation du descendant soit seulement partielle le prive d'une créance à salaire différé à taux plein ; que la rémunération accordée par la loi doit être modulée en fonction de la participation réellement fournie par le descendant ;

que les pièces produites (déclarations d'impôts, actes d'état civil, relevés bancaires, avis d'échéances de primes d'assurance) permettent à [A] [P] de justifier que durant la période litigieuse (juin 1966 à mars 1982) il était domicilié au siège de l'exploitation et non à [Localité 18] comme il l'est soutenu ;

que dans ces conditions il convient de fixer la créance de salaire différée sur la base de la moitié du taux annuel prévu par l'article L 321-13 du code rural et ce sur une durée de dix ans, le jugement étant donc réformé en ce qu'il a accordé un taux plein ;

Attendu que le document intitulé 'vente d'avoiement d'exploitation agricole' sur lequel les intimés se sont fondés pour demander la condamnation d'[A] [P] à rapporter à la succession de leur mère le solde du prix de vente établit que l'exploitation était commune à [A] [O] et [G] [D] puisqu'il y est indiqué que Monsieur et Madame [O] [A] exploitent à [Localité 19] une culture de 59 ha 57 a... ; que dès lors le moyen opposé par [J] [P] et [U] [O] qui soutiennent que l'exploitant était [A] [P] et non son épouse est inopérant ; que s'agissant d'une co-exploitation la qualité d'exploitant est reconnue aux deux époux ; que la demande de salaire différé à l'égard de la succession de [G] [D] veuve [O] est donc recevable ;

b) sur la demande d'[C] [P]

Attendu que les dispositions du jugement sur la créance de salaire différé d'[C] [P] ne sont pas contestées ; qu'il y a lieu à confirmation ;

5°) sur l'attribution préférentielle

Attendu que le Tribunal a accordé à [A] [P] l'attribution préférentielle des parcelles cadastrées [Cadastre 21] à [Localité 19], [Cadastre 23], [Cadastre 24] et [Cadastre 25] à [Localité 15] au motif qu'elles forment une unité économique avec sa propre exploitation;

Attendu qu'[C] [P], [J] [P] et [U] [O] soutiennent qu'[A] [P] ne démontre pas l'existence d'une unité économique ;

qu'[C] [P] ajoute que la parcelle [Cadastre 25] est inexistante et que son frère [A] est déjà propriétaire de la parcelle [Cadastre 23] anciennement [Cadastre 22] qui lui a été attribuée par l'acte de partage de la succession de son père en date du 30 mai 1994 ;

a) sur la parcelle [Cadastre 23] située à [Localité 15]

Attendu que la parcelle [Cadastre 23] à [Localité 15] ne fait pas partie de la succession de Madame [G] [D] ; que la demande d'attribution préférentielle est sans objet ;

b) sur la parcelle [Cadastre 25] située à [Localité 15]

Attendu qu'[A] [P] qui n'a pas répondu aux observations de son frère [C] n'apporte pas la preuve que la parcelle [Cadastre 25] à [Localité 15] fait partie de la succession de sa mère ; que cette parcelle ne figure pas dans le projet d'état liquidatif qui avait été établi par Maître [F] ;

qu'il convient d'infirmer le jugement et de le débouter de sa demande d'attribution préférentielle de cette parcelle ;

c) sur les parcelles [Cadastre 21] à [Localité 19] et [Cadastre 24] à [Localité 15]

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 832 du code civil en leur rédaction antérieure à la loi du 28 juin 2006 puisque l'instance a été introduite avant le 1er janvier 2007 que l'exploitation agricole, objet de la demande d'attribution préférentielle, doit constituer une unité économique ;

Attendu qu'[C] [P] soutient que les deux parcelles [Cadastre 21] à [Localité 19] et [Cadastre 24] à [Localité 15] n'ont aucune cohérence au niveau de l'exploitation, ni du point de vue de leur fonctionnement, ni du point de vue de leur productivité et que l'exploitation d'[A] [P] d'une surface de plus de cent hectares ne sera pas perturbée si l'attribution préférentielle lui est refusée ; qu'il en déduit que la cohérence de l'exploitation de ces parcelles au regard de la composante immobilière de l'exploitation sociétaire d'[A] [P] n'est pas constituée ;

Attendu qu'[A] [P] réplique que la notion d'unité économique s'apprécie non seulement au regard des parcelles objet de la demande mais également de celles dont le demandeur est propriétaire et qu'il résulte des plans versés aux débats et de son relevé d'exploitation que la perte de certaines des parcelles objets de l'attribution préférentielle provoquerait le démembrement de blocs de cultures et donc le démembrement de l'unité économique constituée par son exploitation ;

Attendu que les pièces produites par [A] [P] (extrait du plan cadastral informatisé de la commune [Localité 15] pièce 23 et relevé parcellaire de L'EARL [P] du 1er janvier 2000 pièce 47) ne justifient en rien ses affirmations ;

Qu'aux termes de l'article 9 du code de procédure civile il incombe à chaque partie de prouver, conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention ;

Que la Cour ne trouve pas les pièces qui lui sont soumises et dans les conclusions d'[A] [P] les renseignements lui permettant de vérifier la cohésion économique des éléments sur lesquels porte la demande d'attribution ; qu'[A] [P] n'ayant pas apporté la preuve de l'existence d'une unité économique, condition à laquelle l'attribution préférentielle est subordonnée, il convient de le débouter de cette demande ; que le jugement sera infirmé de ce chef ;

*

**

Attendu que les dépens d'appel, comme ceux de première instance, seront employés en frais privilégiés de partage ;

que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'il en sera de même devant la Cour ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant contradictoirement,

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation partage de la succession de [G] [D], désigné pour y procéder le Président de la Chambre des Notaires du Nord avec faculté de délégation sauf à Maître [F] et [L], notaires à [Localité 16] et leurs associés et désigné le Président du Tribunal pour surveiller les opérations,

- dit que la succession de [G] [D] doit à [C] [P] un salaire différé à hauteur de 3 ans, 3 mois et 2 jours et dit que cette créance sera calculée conformément aux dispositions de l'article L 321-13 du code rural par le notaire liquidateur en fonction de la valeur du SMIC à la date la plus proche du partage,

- dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage,

Infirme le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :

Déboute [C] [P], [J] [P] épouse [S] et [U] [O] de leur demande au titre du solde du prix de vente d'avoiement de ferme,

Déboute [A] [P] de sa demande à l'égard d'[C] [P] au titre de l'acte du 9 novembre 1982,

Dit que la succession de [G] [D] doit à [A] [P] un salaire différé à hauteur de 10 ans, sur la base de la moitié du taux annuel prévu par l'article L 321-13 du code rural, qui sera calculé par le notaire liquidateur en fonction de la valeur du SMIC à la date la plus proche du partage,

Constate que la demande d'attribution préférentielle présentée par [A] [P] sur la parcelle [Cadastre 23] située à [Localité 15] est sans objet,

Le déboute de ses demandes d'attribution préférentielle sur les parcelles [Cadastre 25] et [Cadastre 24] à [Localité 15] et [Cadastre 21] à [Localité 19],

Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage avec droit de recouvrement direct au profit des avoués,

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Le Greffier,Le Président,

N. HERMANT.E. MERFELD.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 08/08713
Date de la décision : 06/09/2010

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°08/08713 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-09-06;08.08713 ?
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