COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 14/06/2010
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N° de MINUTE :
N° RG : 09/03077
Jugement (N° 09-001141) rendu le 05 Mars 2009
par le Tribunal d'Instance de ROUBAIX
REF : EM/VR
APPELANTE
Madame [M] [N]
née le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour
ayant pour conseil Maître Jacques-Yves DELOBEL, avocat au barreau de LILLE
Bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/002/09/08052 du 27/10/2009 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI
INTIMÉE
SAS ABRIVAL
ayant son siège social [Adresse 6]
[Localité 4]
représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour
assistée de Maître BADDAERT substituant Maître Laurent HIETTER, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS à l'audience publique du 26 Avril 2010 tenue par Evelyne MERFELD magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nicole HERMANT
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Evelyne MERFELD, Président de chambre
Pascale METTEAU, Conseiller
Joëlle DOAT, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président et Nicole HERMANT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 Avril 2010
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Le 10 avril 2008, Madame [M] [N] a donné à la SAS ABRIVAL, agent immobilier, mandat de mener à bien la transaction sur l'immeuble situé [Adresse 5] au prix maximum de 73 000 euros. Il était prévu dans cet acte qu'en cas de réalisation, la rémunération du mandataire sera de 5 000 euros à la charge du vendeur.
Le même jour Monsieur [O] [H], vendeur et Madame [N], acquéreur ont signé un compromis de vente de cet immeuble, avec le concours de la SAS ABRIVAL, sous la condition suspensive de l'obtention, par Madame [N], d'un prêt d'un montant de 73 000 euros dans un délai de 60 jours.
Par acte d'huissier du 03 novembre 2008, la société ABRIVAL a fait assigner Madame [N] devant le Tribunal d'Instance de ROUBAIX aux fins de la voir condamner, au visa des articles 1134, 1178, et 1147 du code civil, au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, exposant que la réitération de la vente en la forme authentique n'a pu avoir lieu du fait du non respect par Madame [N] de ses obligations contractuelles, ce qui lui a causé un dommage car sa rémunération de mandataire à hauteur de 5 000 euros, ne lui a pas été versée.
Madame [N] ne s'est pas présentée devant le premier juge.
Par jugement réputé contradictoire du 05 mars 2009, le Tribunal d'Instance de ROUBAIX l'a condamnée à verser à la société ABRIVAL la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame [N] a relevé appel de ce jugement le 28 avril 2009.
Par conclusions du 05 janvier 2010, elle demande à la Cour de réformer le jugement, de débouter la société ABRIVAL de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts.
Elle verse aux débats une attestation de la Banque Populaire du Nord en date du 15 mai 2008 qui indique ne pas avoir pu donner une suite favorable à sa demande de prêt et en déduit que la condition suspensive ne s'étant pas réalisée l'agent immobilier ne peut prétendre à sa commission.
Par conclusions du 24 mars 2010, la société ABRIVAL demande à la Cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner Madame [N] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle invoque les dispositions du compromis de vente selon lesquelles dans le cas de non réitération de la vente par le fait du vendeur ou dans le cas de non réalisation d'une des conditions suspensives qui serait du fait de l'acquéreur, les honoraires du mandataire seraient dus par la partie défaillante.
Elle fait valoir que malgré plusieurs demandes de sa part et du notaire chargé de la vente Madame [N] n'a pas justifié de ses démarches en vue de l'obtention du prêt, qu'il est établi qu'elle n'a déposé aucun dossier de crédit auprès des trois banques mentionnées dans le compromis (CIC, Crédit Mutuel, Caisse d'Epargne), que l'attestation de la Banque Populaire du Nord est vraisemblablement de pure complaisance et qu'en toute hypothèse il n'est pas précisé les caractéristiques du prêt sollicité.
Elle estime que Madame [N] n'ayant pas fait les démarches nécessaires auprès des établissements bancaires elle doit être considérée comme ayant empêché la réalisation de la condition suspensive et qu'en conséquence c'est à bon droit que le Tribunal, faisant application d'une part des dispositions du compromis de vente, d'autre part de la jurisprudence de la Cour de cassation, l'a condamnée à lui verser des dommages et intérêts d'un montant équivalent à la commission dont elle a été privée.
SUR CE
Attendu qu'aux termes de l'article 6 alinéa 3 de la loi du 2 janvier 1970 aucune commission n'est due à l'agent immobilier avant qu'une des opérations visées à l'article 1 de la loi ait été effectivement conclue ; que selon l'article 74 du décret du 20 juillet 1972 lorsque l'engagement des parties contient une condition suspensive l'opération ne peut être regardée comme effectivement conclue tant que la condition suspensive n'est pas réalisée ; que Madame [N] n'ayant pas obtenu le prêt de 73 000 euros lui permettant d'acquérir l'immeuble la condition suspensive ne s'est pas réalisée et la société ABRIVAL ne peut exiger le paiement de sa commission ;
qu'elle présente une demande de dommages et intérêts à l'égard de Madame [N] soutenant que par sa faute elle a subi un préjudice d'un montant équivalent à la commission dont elle a été privée ;
Attendu que dans son assignation elle fondait cette demande sur les articles 1134 et 1147 du code civil ;
que le mandat signé par Madame [N] prévoit que la commission du mandataire est à la charge du vendeur ;
que le compromis conclu par Madame [N] et Monsieur [H] stipule certes qu'en cas de non réalisation d'une des conditions suspensives du fait de l'acquéreur les honoraires du mandataire seront dus par l'acquéreur ; que cependant la société ABRIVAL n'étant pas partie au compromis elle ne peut agir en responsabilité contre Madame [N] sur le fondement contractuel ;
Attendu qu'elle doit donc rechercher sa responsabilité délictuelle en démontrant, en application des articles 1382 et 1383 du code civil, que Madame [N] a commis une faute qui est à l'origine de la non obtention du prêt et donc de l'absence de commission ;
qu'il ne suffit pas qu'elle établisse que Madame [N] n'a pas déposé les demandes de prêt dans le délai imparti par le compromis ou n'a pas consulté toutes les banques qu'y sont mentionnées ; qu'elle doit apporter la preuve d'une faute en lien avec la défaillance de la condition suspensive, c'est-à-dire que la banque aurait consenti à Madame [N] un prêt de 73 000 euros au taux d'intérêt maximum de 5,5 % l'an si elle en avait fait la demande ;
que Madame [N] verser aux débats une attestation de la Banque Populaire du Nord en date du 15 mai 2008 qui certifie ne pas lui avoir accordé de prêt immobilier de 73 000 euros dans le cadre de l'acquisition de l'immeuble [Adresse 5] ;
que la société ABRIVAL soutient qu'il s'agit d'une attestation de complaisance et qu'elle ne porte pas mention des raisons pour lesquelles le prêt n'a pas été accordé ; que cependant, alors que la charge de la preuve lui incombe elle n'est pas en mesure de contredire les déclarations de son ancien négociateur, Monsieur [W] [G] qui, par attestation du 22 décembre 2009, explique que le prêt a été refusé car Madame [N] avait déjà acquis deux immeubles et que la banque avait considéré que 'sa limite de prêt avait été atteinte' ; que Madame [N] justifie par l'attestation de la SCP [V], notaire à [Localité 3], qu'elle a acquis le 23 août 2007, deux maisons à usage d'habitation à [Adresse 7] ; que l'organisme financier peut donc effectivement avoir considéré qu'une troisième acquisition, moins d'un an après, conduirait à un endettement excessif ;
que la société ABRIVAL n'a effectué aucune démarche en vue de l'obtention du prêt par Madame [N] alors qu'elle y était autorisée par le compromis dans lequel il était indiqué que pour le cas où ses propres démarches n'aboutiraient pas et pour s'assurer une possibilité supplémentaire de crédit, l'acquéreur mandate dès aujourd'hui le rédacteur des présentes afin de solliciter en son nom et aux mêmes conditions un ou plusieurs prêts d'un montant identique ;
Attendu que faute pour l'agence immobilière d'apporter la preuve que la non obtention du prêt est due à une faute de Madame [N] plutôt qu'à sa situation économique, il convient de la débouter de sa demande de dommages et intérêts, le jugement étant infirmé ;
Attendu que Madame [N] n'allègue aucun préjudice à l'appui de sa demande de dommages et intérêts qui sera rejetée ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant contradictoirement,
INFIRME le jugement et statuant à nouveau,
DÉBOUTE la société ABRIVAL de ses demandes ;
DÉBOUTE Madame [N] de sa demande de dommages et intérêts ;
CONDAMNE la société ABRIVAL aux dépens de première instance et d'appel ;
DIT que les dépens d'appel seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.
Le Greffier,Le Président,
Nicole HERMANTEvelyne MERFELD