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07/06/2010 | FRANCE | N°08/02523

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 07 juin 2010, 08/02523


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 07/06/2010



***



N° de MINUTE :

N° RG : 08/02523



Jugement (N° 07-005169)

rendu le 10 Mars 2008

par le Tribunal d'Instance de LILLE



REF : MM/AMD





APPELANT



Monsieur [X] [T]

né le [Date naissance 2] 1979 à [Localité 8]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 5]



Représenté par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour

Assisté de Maître Jean Marc PONELLE, avo

cat au barreau de PARIS





INTIMÉS



S.A.S. CALAIRE CHIMIE

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 6]



Représentée par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour

Assistée de Maître Fabien REMBO...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 07/06/2010

***

N° de MINUTE :

N° RG : 08/02523

Jugement (N° 07-005169)

rendu le 10 Mars 2008

par le Tribunal d'Instance de LILLE

REF : MM/AMD

APPELANT

Monsieur [X] [T]

né le [Date naissance 2] 1979 à [Localité 8]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour

Assisté de Maître Jean Marc PONELLE, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS

S.A.S. CALAIRE CHIMIE

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour

Assistée de Maître Fabien REMBOTTE, avocat au barreau de BOULOGNE SUR MER

Monsieur [M] [T]

demeurant [Adresse 4]

[Localité 7]

Assigné et réassigné à sa personne - N'ayant pas constitué avoué

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Evelyne MERFELD, Président de chambre

Monique MARCHAND, Conseiller

Pascale METTEAU, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nicole HERMANT

DÉBATS à l'audience publique du 19 Avril 2010 après rapport oral de l'affaire par Evelyne MERFELD

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 07 Juin 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président, et Nicole HERMANT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 02 mars 2010

*****

Monsieur [M] [T] exerçait les fonctions de comptable au sein de la SAS CALAIRE CHIMIE.

Le 27 décembre 2002, il a fait l'objet d'un licenciement pour faute lourde.

Par jugement du tribunal correctionnel de Boulogne sur Mer en date du 30 octobre 2003, Monsieur [M] [T] a été déclaré coupable de faits d'abus de confiance, faux, altération frauduleuse de la vérité dans un écrit, contrefaçon ou falsification de chèques et usage de chèques contrefaits ou falsifiés, commis au préjudice de son employeur.

Par jugement du 11 octobre 2005, le tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer a notamment, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, condamné Monsieur [M] [T] à payer à la SAS CALAIRE CHIMIE la somme totale de 451.976,38 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2003 et ordonné la capitalisation des intérêts par année civile entière.

Par exploit d'huissier du 12 décembre 2007, la SAS CALAIRE CHIMIE a fait assigner Monsieur [X] [T], fils de son ancien salarié, ainsi que Monsieur [M] [T], devant le tribunal d'instance de Lille, afin d'obtenir la condamnation de Monsieur [X] [T], sur le fondement des articles 1235 alinéa 1, 1376 et 1378 du code civil, à lui payer la somme de 4.693,74 euros en principal.

Au soutien de ses prétentions, elle exposait qu'une partie des chèques falsifiés par Monsieur [M] [T] avait été établie à l'ordre de Monsieur [X] [T].

Par jugement du 10 mars 2008, le tribunal a :

- déclaré recevable l'action de la SAS CALAIRE CHIMIE ;

- condamné Monsieur [X] [T] à lui payer la somme de 4.693,74 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2007 sur la somme de 4.153,25 euros ;

- ordonné la capitalisation annuelle des intérêts ;

- dit que Monsieur [X] [T] pourrait s'acquitter de sa dette en 23 versements de 200 euros suivis d'un dernier versement comprenant le solde de la dette ;

- dit que le premier versement devrait intervenir dans le mois suivant le prononcé du jugement et les suivants, chaque mois avant la date anniversaire du premier versement ;

- dit qu'à défaut d'un seul versement à la date prévue, Monsieur [X] [T] perdrait immédiatement le bénéfice de cet échéancier, le solde de la dette redevenant immédiatement exigible ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné Monsieur [X] [T] à payer à la SAS CALAIRE CHIMIE la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Monsieur [X] [T] aux dépens ;

- dit le jugement opposable à Monsieur [M] [T].

Par déclaration du 11 avril 2008, Monsieur [X] [T] a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt en date du 28 septembre 2009, la cour a, avant dire droit :

- fait injonction à Monsieur [X] [T] de communiquer à la SAS CALAIRE CHIMIE, dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision, ses relevés de compte bancaire pour la période comprise entre le1er janvier 1999 et le 31 décembre 2002 et ce, sous astreinte provisoire de 30 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois ;

- invité par ailleurs Monsieur [X] [T] à remettre à la cour les pièces numérotées 1, 2 et 5 dans le bordereau de communication de pièces annexé à ses conclusions déposées le 26 novembre 2008 ;

- ordonné le renvoi de l'affaire à la conférence de mise en état ;

- réservé les dépens.

Par conclusions déposées le 25 février 2010, Monsieur [X] [T] demande à la cour :

vu les articles 1235, 1376, 1378, 1382 du code civil et 457 du code de procédure civile,

- de réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

- de débouter la SAS CALAIRE CHIMIE de l'ensemble de ses demandes ;

- de la condamner à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;

- de la condamner à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de la condamner aux dépens.

Il expose que la SAS CALAIRE CHIMIE cherche, au visa des articles 1235 et 1376 du code civil relatifs à la répétition de l'indu, à obtenir le paiement d'une somme de 4.153,25 euros faisant partie de la somme totale de 570.752,25 euros détournée par Monsieur [M] [T] pour laquelle celui-ci a déjà été condamné par jugement rendu le 11 octobre 2005 par le tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer et qui a déjà été pratiquement remboursée en principal.

Il fait valoir :

- qu'une action en répétition de l'indu introduite sur le fondement de l'article 1235 du code civil ne peut prospérer que si un paiement volontaire a été effectué, à la suite d'une erreur, par le solvens au profit de l'accipiens ;

- qu'en l'espèce, Monsieur [M] [T] a détourné des fonds appartenant à son employeur en émettant des chèques tirés sur le compte de la SAS CALAIRE CHIMIE et en imitant la signature des responsables de cette société, de sorte que cette dernière n'a rien payé, volontairement et par erreur à son salarié ou au concluant ;

- que l'intimée ne peut davantage agir sur le fondement de la théorie de l'enrichissement sans cause, laquelle ne peut être invoquée, à titre subsidiaire, que lorsque aucune action n'est ouverte à l'appauvri ; qu'en l'espèce, une action fondée sur l'article 1382 du code civil est ouverte à l'encontre de Monsieur [M] [T] et que l'enrichissement a bien une cause, à savoir, la faute délictuelle commise par ce dernier.

Il soutient par ailleurs :

- que 'l'application des principes de la restitution de l'indu ou de l'enrichissement sans cause aboutirait à un résultat incohérent au regard des décisions de justice déjà rendues' ;

- que Monsieur [M] [T] a été judiciairement et définitivement reconnu comme étant le seul bénéficiaire de l'indu ou de l'enrichissement sans cause et a déjà été condamné en conséquence à rembourser la totalité de l'indu ou de l'enrichissement comprenant déjà la somme de 4.153,25 euros visée dans l'acte introductif d'instance ;

- que la SAS CALAIRE CHIMIE ne peut - sous prétexte qu'elle n'est plus satisfaite de l'accord de paiement conclu avec Monsieur [M] [T] dans le cadre d'une procédure de saisie des rémunérations - chercher un autre responsable qu'elle entend qualifier de bénéficiaire du même indu ou du même enrichissement sans cause et ne pas respecter la force probante du jugement pénal et du jugement civil rendus par le tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer ; que ces décisions de justice définitives, qui bénéficient aujourd'hui de l'autorité de la chose jugée, ont en effet retenu que Monsieur [M] [T] avait été le seul bénéficiaire de la totalité des sommes détournées et que sa faute était à l'origine exclusive des préjudices subis par l'intimée.

Il prétend ensuite :

- qu'il n'a jamais endossé les chèques émis par son père, qui précise au demeurant avoir lui même endossé les chèques émis sur le compte de la SAS CALAIRE CHIMIE et déposés sur le compte du concluant ;

- qu'il ne pouvait savoir, en l'absence d'identification du tireur sur le relevé de compte, que son père ne déposait pas un chèque personnel mais un chèque émis sur le compte de la SAS CALAIRE CHIMIE, les versements effectués directement par des parents sur le compte bancaire de leur fils de 23 ans n'étant pas en eux-mêmes anormaux ;

- qu'en admettant qu'il ait bien reçu une partie des sommes détournées par son père, ce simple fait, en l'absence de faute pénale ou civile démontrée à son encontre et de l'existence d'un lien de causalité entre cette faute et les détournements effectués par son père, ne l'oblige pas à restituer les fonds reçus de ce dernier

Il allègue enfin que la procédure engagée par la SAS CALAIRE CHIMIE est abusive et qu'elle revêt le caractère d'un harcèlement procédural à l'encontre de la famille de Monsieur [M] [T].

Par conclusions déposées le 22 janvier 2010, la SAS CALAIRE CHIMIE demande à la cour :

* de confirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise ;

* à titre subsidiaire, de désigner un expert avec la mission de dresser un état chiffré, poste par poste, des sommes indûment perçues par Monsieur [X] [T] et de donner tous éléments de nature à éclairer la cour sur l'évaluation du préjudice subi par la concluante ;

* en tout état de cause,

- de lui donner acte de ce qu'elle renonce à son appel incident qui tendait à la réformation du jugement déféré en ce qu'il accordait des délais de paiement à l'appelant ;

- de débouter Monsieur [X] [T] pour le surplus de l'ensemble de ses demandes ;

- de déclarer opposable à Monsieur [M] [T] l'arrêt à intervenir ;

- de condamner Monsieur [X] [T] à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de le condamner aux dépens d'appel.

Elle expose en premier lieu :

- que bien que n'ayant pas interjeté appel du jugement du 11 octobre 2005, aujourd'hui définitif, Monsieur [M] [T] ne l'a exécuté que partiellement puisqu'il reste redevable d'une somme de 96.714,18 euros, suivant décompte arrêté provisoirement à la date du 24 septembre 2007 ;

- qu'il est démontré par le rapport établi à sa demande par la société KPMG que Monsieur [X] [T] a perçu une somme totale de 4.153,25 euros par chèques libellés à son ordre ;

- qu'il ressort de l'examen des relevés de compte, produits par l'appelant en exécution de l'arrêt avant dire droit, que les sommes détournées ont bien été déposées sur son compte bancaire ;

- que Monsieur [X] [T] lui est par conséquent redevable de 4.693,74 euros, correspondant à la somme susmentionnée, majorée des intérêts au taux légal selon décompte arrêté au 30 septembre 2007.

Elle précise qu'elle fonde son action sur les dispositions des articles 1235 alinéa 1, 1376 et 1378 du code civil.

Elle soutient qu'il est indéniable que Monsieur [X] [T] a reçu de mauvaise foi les sommes détournées par son père ; que dès lors qu'il a endossé les chèques litigieux avant de les déposer sur son compte, l'appelant connaissait leur origine frauduleuse ; qu'à défaut, il n'aurait pas manqué de s'interroger sur le point de savoir pourquoi des sommes lui étaient réglées par la concluante, avec laquelle il n'avait aucune relation.

S'agissant de la recevabilité de son action, elle fait valoir :

- qu'elle justifie d'un intérêt à agir sans qu'on puisse lui opposer l'autorité de la chose jugée dans la mesure où Monsieur [M] [T], qui n'a exécuté que partiellement le jugement du 11 octobre 2005, demeure redevable d'une somme de 96.714,18 euros suivant décompte arrêté au 20 septembre 2007 et que le préjudice subi par la concluante n'a donc pas été intégralement réparé ; que Monsieur [X] [T] n'était pas partie aux procédures antérieures  et que la responsabilité de l'appelant (quasi contractuelle), n'est pas de même nature que celle de son père (pénale et civile délictuelle) ;

- que le fait que Monsieur [X] [T] n'ait pas été poursuivi pénalement pour recel ne constitue pas un obstacle à la présente action, dès lors qu'il s'agit d'une circonstance particulière non envisagée par le juge pénal, à l'égard de laquelle le juge civil dispose de toute sa liberté d'action ;

- que la circonstance que le tribunal, statuant en matière civile, ait constaté que la faute de Monsieur [M] [T] était à l'origine exclusive des préjudices subis par la concluante n'interdit pas à celle-ci d'agir en paiement de l'indu à l'encontre de Monsieur [X] [T] qui n'était pas partie à la procédure ; que l'autorité de la chose jugée peut d'autant moins lui être opposée qu'il n'y a ni identité de parties, ni identité d'objet, ni identité de cause ;

- que l'existence d'un procès-verbal de conciliation signé avec Monsieur [M] [T] dans le cadre d'une procédure de saisie arrêt des rémunérations n'interdit pas au créancier d'engager des procédures au fond contre d'autres débiteurs.

La SAS CALAIRE CHIMIE prétend ensuite :

- que le fait que les paiements litigieux n'aient pas été effectués par elle de manière volontaire n'est pas de nature à faire échec à l'action en répétition de l'indu ;

- que Monsieur [X] [T] reconnaît que les règlements dont il a profité n'ont pas été opérés de manière librement consentie par la concluante et que ces règlements ne lui étaient pas dus ;

- que dès lors qu'est établie l'inexistence d'une dette, les paiements effectués sont dépourvus de cause et celui qui a payé n'a pas à prouver son erreur ;

- que la bonne foi alléguée par Monsieur [X] [T] est inopérante dès lors qu'à la supposer établie, elle n'exclut pas le remboursement des sommes indûment perçues ;

- qu'à supposer en effet que les chèques aient été endossés et déposés par Monsieur [M] [T] sur le compte de l'appelant à l'aide d'une procuration, ce dernier n'en demeure pas moins bénéficiaire de règlements indus ;

- qu'ainsi que l'a souligné le premier juge, la mise en cause de Monsieur [M] [T] dans la présente procédure a pour finalité de lui rendre opposable le « jugement » à intervenir et de permettre un décompte de sommes remboursées, évitant tout double paiement au profit de la concluante.

Elle fait valoir en outre :

- que le chèque est un instrument de paiement ;

- que l'origine de la créance d'indu étant le fait juridique du paiement, la créance d'indu contre le bénéficiaire d'un chèque trouve son origine non dans l'émission du chèque, mais dans son encaissement ;

- qu'en conséquence, le fait que les fonds aient été remis à Monsieur [X] [T] par son père est indifférent, dès lors qu'il n'est ni contestable, ni même contesté, que les chèques qui les « véhiculaient », libellés à l'ordre de l'appelant, ont été encaissés sur son compte bancaire, sans transiter par celui de Monsieur [M] [T] ;

- que les fraudes commises par ce dernier et sa condamnation pénale subséquente, ne permettent pas de paralyser l'action en répétition de l'indu dirigée contre Monsieur [X] [T] ;

- que le seul critère de restitution est l'inexistence de la dette au jour du paiement ou au jour où le juge statue ; que peu importe la nature du vice (erreur, contrainte ou fraude) ayant altéré la volonté du solvens ;

- que l'action fondée sur les articles 1235 alinéa 1 et 1376 du code civil, n'a aucun caractère subsidiaire ; qu'aucune disposition légale ne subordonne en effet l'action en répétition de l'indu à l'absence de toute autre action ouverte au demandeur.

Monsieur [M] [T] a été assigné le 3 décembre 2008 en l'étude de l'huissier de justice dans les formes de l'article 656 du code de procédure civile, à la requête de Monsieur [X] [T].

Assigné à personne le 3 février 2009 et le 3 février 2010 par la SAS CALAIRE CHIMIE, il n'a pas constitué avoué.

MOTIFS :

1) sur la recevabilité de l'action de la SAS CALAIRE CHIMIE

En soutenant que « l'application des principes de la restitution de l'indu ou de l'enrichissement sans cause aboutirait à un résultat incohérent au regard des décisions de justice déjà rendues », Monsieur [X] [T] soulève implicitement deux fins de non-recevoir tirées d'une part du défaut d'intérêt à agir et d'autre part de l'autorité de la chose jugée.

Il est constant :

- que Monsieur [M] [T] a détourné une somme de 570.752,25 euros au préjudice de son employeur ;

- qu'après la découverte de ses agissements par la SAS CALAIRE CHIMIE, il a remboursé spontanément la somme de 158.000 euros, de sorte que restait due la somme de 412.752,25 euros ;

- que l'intéressé a été condamné par le tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer, statuant en matière civile, à payer à la SAS CALAIRE CHIMIE la somme de 451.976,38 euros en principal, se décomposant comme suit : 412.752,25 euros au titre du solde des sommes détournées et 39.224,13 euros correspondant aux dépenses d'investigations engagées par l'intimée pour déterminer l'importance des détournements ;

- qu'aux termes d'un procès-verbal de conciliation en date du 15 juin 2006, établi dans le cadre d'une procédure de saisie des rémunérations, Monsieur [M] [T] s'est engagé à verser mensuellement la somme de 300 euros, le 15 de chaque mois, à compter du 15 juillet 2006.

Il ressort du décompte non contesté établi par un huissier de justice chargé par la SAS CALAIRE CHIMIE du recouvrement des sommes dues, qu'à la date du 20 septembre 2007, Monsieur [M] [T] avait versé une somme totale de 385.468,18 euros en exécution de la décision de justice susmentionnée.

Au jour de la délivrance de l'assignation de l'appelant devant le tribunal d'instance, soit le 12 décembre 2007, Monsieur [M] [T] avait donc versé une somme totale de 386.068,18 euros (soit 385.468,18 euros auxquels s'ajoutent 600 euros correspondant aux mensualités d'octobre et novembre 2007).

Il s'en déduit qu'à cette date, l'intéressé restait redevable, au titre des sommes détournées, de 26.684,07 euros, et ce, indépendamment des sommes dues au titre des dépenses d'investigations, intérêts moratoires et frais de procédure.

Il s'infère de ce qui précède que la SAS CALAIRE CHIMIE avait un intérêt à agir à l'encontre de Monsieur [X] [T] en vue d'obtenir le complet remboursement des fonds détournés par son ancien salarié.

****

Par ailleurs, contrairement aux allégations de Monsieur [X] [T] le jugement rendu le 30 octobre 2003 par lequel le tribunal correctionnel de Boulogne sur Mer est entré en voie de condamnation à l'encontre de Monsieur [M] [T], ne contient, ni dans ses motifs, ni dans son dispositif, une quelconque mention selon laquelle ce dernier aurait été le seul bénéficiaire de la totalité des sommes détournées et sa faute à l'origine exclusive des préjudices subis par la SAS CALAIRE CHIMIE.

Aucune autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ne peut donc être utilement invoquée en l'espèce.

En outre, ainsi que le souligne à juste titre l'intimée, conformément aux dispositions de l'article 1351 du code civil, l'autorité de la chose jugée par une juridiction civile n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties, et formées par elles et contre elles en la même qualité.

En l'espèce, Monsieur [X] [T] n'était pas partie au jugement rendu le 11 octobre 2005 par le tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer, de sorte qu'il ne peut être fait application au présent litige de ces dispositions légales.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les fins de non recevoir soulevées par Monsieur [X] [T].

2) sur la demande en paiement présentée par la SAS CALAIRE CHIMIE

L'action fondée sur les articles 1235 alinéa 1 et 1376 du code civil, n'a pas un caractère subsidiaire. Aucune disposition légale ne subordonne en effet l'action en répétition de l'indu à l'absence de toute autre action ouverte au demandeur.

Ladite action est ouverte à celui qui s'est appauvri. Elle est dirigée contre le bénéficiaire du paiement indu.

L'origine de la créance d'indu étant le fait juridique du paiement, la créance d'indu contre le bénéficiaire d'un chèque trouve son origine dans l'encaissement de celui-ci.

Il appartient à la SAS CALAIRE CHIMIE, demanderesse à l'action, de rapporter la preuve de l'existence du paiement effectué et de son caractère indu, étant précisé que les dispositions légales susmentionnées ne font pas de la constatation de l'erreur une condition nécessaire à la répétition de l'indu dans le cas où le paiement se trouve dépourvu de cause en raison de l'inexistence de la dette.

En outre, la circonstance que les paiements litigieux n'aient pas été effectués par la personne appauvrie de manière volontaire n'est pas de nature à faire échec à l'action en répétition de l'indu.

Il est constant que Monsieur [M] [T] a détourné des fonds appartenant à son employeur en émettant des chèques tirés sur le compte bancaire de la SAS CALAIRE CHIMIE.

Il ressort de l'examen comparatif des photocopies de chèques annexées au rapport de la société KPMG et des relevés de compte bancaire produits par Monsieur [X] [T] en exécution de l'arrêt avant dire droit, qu'entre 1999 et 2002, six formules de chèques libellées par Monsieur [M] [T] à l'ordre de l'appelant et dont le montant total s'élève à 4.153,25 euros, ont été déposées sur un compte ouvert au nom de ce dernier, à savoir :

- dépôt entre le 12 et le 14 octobre 1999 (date partiellement illisible) d'un chèque de 5.990 francs (913,17euros)

- dépôt le 4 novembre 1999 d'un chèque de 3.000 francs (457,35 euros)

- dépôt le 11 avril 2001 d'un chèque de 2.500 francs (381,12 euros)

- dépôt le 23 mai 2001 d'un chèque de 5.000 francs (762,25 euros)

- dépôt le 27 juillet 2001 d'un chèque de 7.500 francs (1.143,37 euros)

- dépôt le 1er octobre 2002 d'un chèque de 496 euros.

Il est acquis aux débats que les paiements dont la répétition est demandée par la SAS CALAIRE CHIMIE ont été effectués à l'insu de celle-ci, avec des fonds lui appartenant.

Le caractère indu de ces versements n'est pas contesté par Monsieur [X] [T].

Il convient dès lors de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné Monsieur l'appelant à restituer la somme de 4.153,25 euros qu'il a indûment perçue.

Par ailleurs, aux termes de l'article 1378 du code civil, s'il y a eu mauvaise foi de la part de celui qui a reçu, il est tenu de restituer, tant le capital que les intérêts ou les fruits, du jour du payement.

Il appartient à la SAS CALAIRE CHIMIE de rapporter la preuve de la mauvaise foi de Monsieur [X] [T].

Aucune pièce du dossier ne permet d'établir de façon formelle que l'intéressé aurait endossé et déposé lui-même les chèques litigieux sur son compte bancaire.

L'appelant était âgé de 20 ans au jour du premier versement et de 23 ans à la date du dernier encaissement de chèque. Il avait à cette époque le statut d'étudiant.

Ainsi que le souligne à juste titre l'intéressé, celui-ci ne pouvait savoir, en l'absence de tout élément d'information à cet égard sur ses relevés bancaires, que les chèques litigieux étaient tirés sur le compte de la SAS CALAIRE CHIMIE, étant observé que les versements effectués directement par un père sur le compte bancaire de son fils ne présentent pas en eux-mêmes un caractère anormal.

La mauvaise foi de l'appelant n'étant pas établie, il en résulte que les intérêts moratoires sur la somme de 4.153,25 euros ne peuvent, par application de l'article 1153 du code civil, commencer à courir qu'à compter du 12 décembre 2007, date de l'assignation, laquelle constitue le premier acte duquel il résulte une interpellation suffisante du débiteur.

La décision entreprise sera par conséquent réformée de ce chef.

C'est en revanche par une juste application des dispositions de l'article 1154 du code civil que la capitalisation desdits intérêts, dus pour au moins une année entière, a été ordonnée par le premier juge, conformément à la demande qui lui en était faite par la SAS CALAIRE CHIMIE.

Enfin, la cour n'étant saisie d'aucune critique des dispositions du jugement par lesquelles des délais de paiement ont été accordés à Monsieur [X] [T], la décision entreprise sera confirmée de ce chef.

3) sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire présentée par Monsieur [X] [T]

Monsieur [X] [T], qui succombe en la majeure partie de ses prétentions, ne rapporte pas la preuve du caractère abusif et vexatoire de l'action introduite à son encontre par la SAS CALAIRE CHIMIE.

La demande de dommages et intérêts présentée à ce titre par l'appelant sera par conséquent rejetée.

4) sur la demande de la SAS CALAIRE CHIMIE tendant à ce que soit déclaré opposable à Monsieur [M] [T] l'arrêt à intervenir

Conformément à la demande qui en est faite par la SAS CALAIRE CHIMIE, le présent arrêt sera déclaré opposable à Monsieur [M] [T]

5) sur les dépens et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

Monsieur [X] [T] sera par ailleurs condamné aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la SAS CALAIRE CHIMIE la somme de 1.500 euros à titre d'indemnisation des frais, non compris dans les dépens, que celle-ci a exposés devant la cour.

L'appelant sera débouté de sa demande présentée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire,

Confirme le jugement dans ses dispositions non contraires au présent arrêt ;

L'infirme en ce qu'il a fixé le quantum de la condamnation prononcée à l'encontre de Monsieur [X] [T] à la somme de 4.693,74 euros, avec

intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2007 sur la somme de 4.153,25 euros ;

Et, statuant à nouveau de ce seul chef,

Fixe le quantum de la condamnation prononcée en principal à l'encontre de Monsieur [X] [T] à la somme de 4.153,25 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2007 ; 

Y ajoutant,

Déboute Monsieur [X] [T] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;

Déclare le présent arrêt opposable à Monsieur [M] [T] ;

Condamne Monsieur [X] [T] aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués ;

Le condamne à payer à la SAS CALAIRE CHIMIE la somme de 1.500 euros à titre d'indemnisation des frais, non compris dans les dépens, que celle-ci a exposés devant la cour ;

Déboute Monsieur [X] [T] de sa demande présentée sur le même fondement.

Le Greffier,Le Président,

N. HERMANT.E. MERFELD.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 08/02523
Date de la décision : 07/06/2010

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°08/02523 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-07;08.02523 ?
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