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04/01/2010 | FRANCE | N°08/09047

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 04 janvier 2010, 08/09047


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 04/01/2010



***



N° de MINUTE :



N° RG : 08/09047

Jugement (N° 07/05665) rendu le 03 Novembre 2008

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE



REF : EM/VR





APPELANTS



Monsieur [E] [B] [M]

né le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 6] ([Localité 6])

et Madame [J] [S] [L] épouse [M]

née le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 8] ([Localité 8])

demeurant ensemble [Adresse

5]

[Localité 7]



représentés par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour

ayant pour conseil Maître Didier BASILIOS, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE



La Direction Régionale des Finances...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 04/01/2010

***

N° de MINUTE :

N° RG : 08/09047

Jugement (N° 07/05665) rendu le 03 Novembre 2008

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : EM/VR

APPELANTS

Monsieur [E] [B] [M]

né le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 6] ([Localité 6])

et Madame [J] [S] [L] épouse [M]

née le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 8] ([Localité 8])

demeurant ensemble [Adresse 5]

[Localité 7]

représentés par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour

ayant pour conseil Maître Didier BASILIOS, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE

La Direction Régionale des Finances Publiques du Nord-pas de Calais et du Département du Nord

représentée par l'Administrateur Général des Finances Publiques, Directeur du Pôle de Gestion Fiscale

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 10]

représentée par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour

DÉBATS à l'audience publique du 02 Novembre 2009 tenue par Evelyne MERFELD magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nicole HERMANT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Evelyne MERFELD, Président de chambre

Pascale METTEAU, Conseiller

Joëlle DOAT, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 Janvier 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président et Nicole HERMANT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 20 Octobre 2009

*****

Monsieur [E] [M] et Madame [J] [L] se sont mariés le [Date mariage 4] 1989 sous le régime de la séparation de biens.

Durant leur mariage les époux [M] ont acquis divers biens en indivision chacun pour moitié :

le 21 mai 1999 un appartement [Adresse 11] pour le prix de 2 640 000 francs ;

le 23 juin 1999 un box dans un ensemble immobilier [Adresse 9] pour le prix de 122 000 francs,

le 14 octobre 1999 un appartement [Adresse 12] pour le prix de 2 545 000 francs ;

le 20 janvier 2001 une villa au TOUQUET PARIS PLAGE pour le prix de 2 650 000 francs.

Ces acquisitions ont été financées par des fonds appartenant à Monsieur [M].

Le 09 juin 1999, Madame [M] a ouvert un compte PEA sur lequel elle a placé une somme de 600 000 francs provenant de son époux.

Le 08 décembre 2000, Madame [M] a effectué une donation partage au profit de ses deux enfants d'un montant global de 500 044,62 francs prélevés sur un compte titre ouvert au seul nom de son mari.

Le 07 février 2002, elle a versé à la PREFON, caisse nationale de prévoyance de la fonction publique, une somme de 65 144,52 euros provenant de son mari.

La Direction Générale des Impôts, brigade de contrôle des revenus et du patrimoine, a notifié aux époux [M], le 13 juin 2003, une proposition de rectification, l'ensemble des opérations citées ayant été analysé comme des donations indirectes faites par Monsieur [M] au profit de son épouse et donc passibles de droits d'enregistrement.

Les contestations émises par les époux [M] ont été écartées par l'administration fiscale qui leur a notifié, le 14 décembre 2003, trois avis de mise en recouvrement pour un montant total de 200 521 euros dont 158 433 euros de droits et 42 088 euros d'intérêts de retard.

La réclamation présentée par les époux [M] a fait l'objet d'un rejet par l'administration fiscale le 09 février 2007.

Par assignation délivrée le 27 juin 2007 au Directeur des Services Fiscaux du Nord LILLE en application de l'article L199 du code de procédure fiscale, les époux [M] ont porté leur contestation devant le Tribunal de Grande Instance de LILLE lui demandant de prononcer le dégrèvement de l'ensemble des droits d'enregistrement mis à leur charge.

Le Tribunal les a déboutés de leur demande par jugement du 03 novembre 2008 dont ils ont relevé appel le 03 décembre 2008.

Dans leurs conclusions du 20 février 2009, ils demandent à la Cour d'infirmer le jugement et de prononcer le dégrèvement.

Ils contestent toute intention libérale et soutiennent que l'administration fiscale n'apporte pas la preuve dont elle a la charge à ce titre. Ils ajoutent qu'il résulte d'une doctrine unanime que pour qu'il y ait donation il faut nécessairement un dessaisissement irrévocable du donateur, qui n'existe pas en l'espèce puisque Monsieur [M] pourra toujours réclamer à son épouse la contre partie de ses avances de fonds qui feront l'objet d'un décompte au jour du décès de l'un des époux ou en cas de liquidation de leur régime matrimonial.

Ils invoquent également l'existence d'une prestation rémunératoire des services rendus par Madame [M] qui a abandonné toute activité professionnelle pour se consacrer totalement à son foyer, en raison de l'activité professionnelle intense de son mari, directeur financier au journal 'La Voix du Nord'.

Le Directeur des Services Fiscaux du Nord [Localité 10] a conclu le 16 juin 2009 à la confirmation du jugement.

Il réplique que le comportement de Monsieur [M] qui a financé seul les acquisitions de quatre biens immobiliers à hauteur d'une somme globale de huit millions de francs et qui a mis à la disposition de son épouse des fonds lui appartenant pour des placements à des fins personnelles, sans reconnaissance de dette, est révélateur d'une intention libérale. Il ajoute que les appelants n'apportent aucune preuve du caractère rémunératoire de la donation et notamment que Madame [M] aurait apporté à son mari une aide qui serait allée au-delà de l'obligation de contribuer aux charges du mariage.

Le 27 novembre 2009, l'intimé a notifié sa nouvelle dénomination constituée comme suit 'Direction Régionale des Finances Publiques du Nord - Pas-de-Calais et du Département du Nord, représentée par l'Administrateur général des Finances Publiques, Directeur du Pôle de gestion Fiscale'.

SUR CE

Attendu que l'administration fiscale soutient que les versements effectués par Monsieur [M] pour le compte de son épouse lors de l'acquisition des différents biens immobiliers, de la constitution d'un PEA, de la remise des SICAV et actions dont elle a disposé et du placement à la PREFON, doivent être regardés comme des donations indirectes, et en conséquences être soumis au droit d'enregistrement prévu par les articles 777, 779 et 784 du code général des impôts ;

Attendu qu'il appartient à celui qui invoque une donation indirecte d'apporter la preuve de l'intention libérale laquelle ne se présume pas ;

Attendu que les époux [M] sont mariés sous le régime de la séparation de biens ; que Monsieur [M] a financé seul l'acquisition des quatre immeubles par les deux époux, chacun par moitié, sans que les actes de vente ne portent mention de l'origine des fonds ; que Madame [M] s'est dont retrouvée propriétaire indivis de la moitié des quatre immeubles sans avoir participé à leur financement ; que par ailleurs elle a reçu de son époux d'importantes sommes d'argent qu'elle a placées à son nom ou dont elle a disposé pour son compte personnel, sans établissement corrélative d'une quelconque reconnaissance de dette ;

que l'intention de Monsieur [M] de se déposséder irrévocablement, sans contrepartie, en faveur de son épouse de la moitié de la valeur des immeubles et de la totalité des sommes qu'il lui a remises, résulte de l'absence de tout document constatant ces financements et remises, qui lui aurait permis d'agir en restitution ;

Attendu que les appelants font valoir à bon droit que la simple possibilité que les versements puissent s'expliquer par d'autres raisons que l'intention libérale suffit à écarter la qualification de donation ; que toutefois le Tribunal a relevé avec pertinence qu'aucune des explications données par les époux [M] n'apparaît vraisemblable ;

que Monsieur et Madame [M] soutiennent d'une part qu'ils ont procédé à des avances entre époux régies par les articles 1469, 1479 et 1543 du code civil et d'autre part que les versements s'analysent en des prestations rémunératoires ;

que la qualification d'avances de fonds (dont il n'est d'ailleurs pas précisé le montant) ne peut être soutenue dans la mesure où les opérations portent sur des sommes importantes que Madame [M], sans profession, n'aura pas les moyens de rembourser dans le cadre d'un régime de séparation de biens, alors même qu'elle a déjà disposé de partie de ces fonds au profit de ses deux enfants ;

que la qualification de donations (ou prestations) rémunératoires ne nécessite certes pas la preuve d'une équivalence entre la valeur des biens donnés et la somme correspondant aux services rémunérés ; que toutefois s'agissant de prestations rémunératoires entre époux il est indispensable d'établir que la contribution aux charges du mariage de l'époux créancier excède les limites qui lui incombent ;

qu'il résulte de l'attestation de Monsieur [R] que Madame [J] [L] était employée (depuis une date non précisée) par la SA INTER 59, éditrice de journaux gratuits et qu'elle a démissionné le 31 décembre 1987 'en raison des obligations professionnelles trop prenantes de Monsieur [M] au sein de La Voix du Nord', pour se consacrer à son foyer ;

que cependant ce n'est que plus d'un an après (le 25 février 1989) que Monsieur [M] et Madame [L] se marieront ; qu'aucun enfant n'est né de leur union ; que Madame [L] avait deux enfants d'un premier lit, [Z] [C], majeur lors du mariage et [F] [C], âgée de 14 ans ; que Monsieur [M] adoptera les deux enfants de son épouse par jugement du 02 décembre 1999, alors que ceux-ci étaient majeurs ;

que Madame [M] n'a pas collaboré à l'activité professionnelle de son mari ;

que femme au foyer elle a géré la vie domestique et ménagère familiale mais cette activité n'excède pas la contribution aux charges du mariage lui incombant en application de l'article 214 du code civil ; que dans de telles circonstances la notion de prestations rémunératoires ne peut être admise ;

Attendu que les opérations litigieuses qui ne s'expliquent que par l'intention libérale de Monsieur [M] constituent donc des donations indirectes ; que s'agissant de donations entre vifs elle sont taxables dès qu'elles sont constitutées ;

qu'il convient de confirmer le jugement.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement,

CONFIRME le jugement,

CONDAMNE Monsieur et Madame [M] aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP COCHEME KRAUT LABADIE, avoués.

Le Greffier,Le Président,

Nicole HERMANTEvelyne MERFELD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 08/09047
Date de la décision : 04/01/2010

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°08/09047 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-01-04;08.09047 ?
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