COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 14/09/2009
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N° de MINUTE :
N° RG : 07/01858
Jugement (N° 05/1967)
rendu le 06 Février 2007
par le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER
REF : BM/AMD
APPELANTS
Madame [L] [U] épouse [Y]
née le [Date naissance 5] 1932 à [Localité 14]
demeurant [Adresse 6]
[Localité 10]
Monsieur [F] [Y]
né le [Date naissance 4] 1962 à [Localité 9]
demeurant [Adresse 3]
[Localité 9]
Représentés par Maître QUIGNON, avoué à la Cour
Assisté de Maître Olivier BERNE, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉS
SCI [Adresse 12]
ayant son siège social [Adresse 7]
[Localité 9]
représentée par son gérant
Monsieur [P] [C]
né le [Date naissance 1] 1931 à [Localité 13]
demeurant [Adresse 7]
[Localité 9]
Madame [A] [C] veuve [H]
demeurant [Adresse 8]
[Localité 9]
Madame [W] [Z] épouse [C]
demeurant [Adresse 7]
[Localité 9]
Représentés par la SCP CONGOS-VANDENDAELE, avoués associés à la Cour
Ayant pour conseil Maître Stéphane WABLE, avocat au barreau de BOULOGNE SUR MER
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Monsieur MERICQ, Président de chambre
Madame METTEAU, Conseiller
Madame MARCHAND, Conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame HERMANT
DÉBATS à l'audience publique du 15 Juin 2009, après rapport oral de l'affaire par Monsieur MERICQ
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 Septembre 2009 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur MERICQ, Président, et Madame HERMANT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 25 mai 2009
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LA COUR,
FAITS ET PROCÉDURE :
1. La cour d'appel de Douai est saisie d'un litige relatif à un immeuble sis [Adresse 12], soumis au statut de la copropriété.
Cet immeuble fait l'objet d'un règlement de copropriété reçu par acte notarié du 5 mai 1971.
Par le même acte, le propriétaire d'origine, [E] [K], a vendu :
+ à [P] [C] les lots 1, 5, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 16, 18 et 20 représentant 701 millièmes de l'immeuble,
+ à [O] [Y] les lots 2, 3, 4, 9, 14, 15, 17 et 19 représentant 299 millièmes.
L'acte de vente comporte une clause (pacte de préférence ou droit de préemption), reproduite in extenso aux conclusions [Y] p. 5.
Avant le présent procès, les lots [C] appartenaient aux époux [P] [C] - [W] [Z] ; les lots [Y] appartenaient en usufruit à [L] [U] veuve [O] [Y] et en nue propriété à [F] [Y].
2. Selon acte du 27 octobre 2004, les époux [C] ont vendu leurs lots à la société civile immobilière (SCI) [Adresse 12].
Selon acte du 1er août 2005, la SCI [Adresse 12] a vendu le lot 5 à [A] [C] veuve [V] [H].
3. Selon jugement rendu le 6 février 2007, auquel il est entièrement fait référence pour l'exposé des données de base du procès et des prétentions et moyens des parties, le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-mer a pour l'essentiel :
- dit la clause portant pacte de préférence ayant caractère intuitu personae entre ses auteurs,
- débouté les consorts [Y] de leurs demandes de substitution d'une part à la SCI [Adresse 12] d'autre part à [A] [H]-[C],
- débouté les consorts [Y] de leur demande en nullité de la vente du 1er août 2005,
- dit cette vente inopposable aux consorts [Y],
- statué sur les dépens.
4. Appel de ce jugement a été relevé par les consorts [Y].
PRÉTENTIONS ET MOYENS ACTUELS DES PARTIES :
1. [F] [Y] (qui vient aux droits des consorts [Y] en ce qu'il est désormais plein et entier propriétaire des lots [Y]), à fins d'infirmation du jugement déféré, reprend et précise ses moyens et prétentions de première instance afin de, par application du pacte de préférence (une fois celui-ci correctement interprété) :
* d'une part voir opérer substitution dans les droits de la SCI [Adresse 12] en tant qu'acquéreur du 27 octobre 2004,
* d'autre part voir opérer substitution dans les droits de [A] [H]-[C] en tant qu'acquéreur du 1er août 2005,
* subsidiairement voir annuler pour fraude la vente du 1er août 2005.
2. La SCI [Adresse 12], les époux [C]-[Z] et [A] [H]-[C], à fins de confirmation pour l'essentiel, reprennent leurs moyens de défense de première instance pour voir dire le pacte de préférence soit nul comme inclus dans un règlement de copropriété soit sans portée car ayant été conclu intuitu personae (sachant qu'[O] [Y] est décédé) soit respecté en ce que les époux [C] ont vendu la totalité de leurs lots.
Quant à la vente du 1er août 2005, ils contestent la fraude prétendue en sorte que la nullité ou l'inopposabilité doivent être écartées.
3. L'exposé et l'analyse plus amples des moyens et des prétentions des parties seront effectués à l'occasion de la réponse qui sera apportée à leurs écritures opérantes.
* * *
DISCUSSION :
1. Il convient de prendre acte de ce que, depuis un acte du 5 mai 2008, [F] [Y] est seul titulaire des lots 2, 3, 4, 9, 14, 15, 17 et 19 représentant 299 millièmes ayant appartenu en pleine propriété à [O] [Y] puis ayant appartenu en usufruit à sa mère [L] [Y]-[U].
Celle-ci n'a désormais plus d'intérêt au présent litige.
2. Quant à la vente du 27 octobre 2004 opérée par les époux [C] en faveur de la SCI [Adresse 12], il convient de dire que le pacte de préférence tel que stipulé à l'acte du 5 mai 1971, qui s'analyse comme une 'promesse unilatérale conditionnelle' non soumise à publicité foncière (Cass. 3ème civ. 16 mars 1994 - Bull. 1994 n° 58), ne constitue pas une restriction pour l'un ou l'autre des copropriétaires au droit de librement disposer de son lot qui aurait été en contradiction avec les prescriptions de l'article 8 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965.
En toute hypothèse, ce pacte se justifie en l'espèce par les caractéristiques de l'immeuble (essentiellement une division en deux parties assez distinctes appartenant plutôt l'une aux ayants droit [Y] l'autre aux ayants droit [C], combinée à une imbrication particulière caractérisée par un seul passage commun pour accès et une cour commune plus ou moins attribuée outre deux circonstances spécifiques : alors que la copropriété est plutôt organisée en volumes, la façade reste apparemment partie commune ; également, alors que le bâtiment avant appartient aux ayants droit [C], un lot, n° 9, appartient à [F] [Y]).
Il ne peut être considéré que ce pacte aurait été convenu intuitu personae entre les seuls [P] [C] et [O] [Y], le seul fait que leur nom ait été mentionné dans la mention manuscrite portant la clause étant un indice insuffisant.
3. Il reste que la clause a été stipulée au cas où l'un des copropriétaires vendrait 'une partie' de ses lots dans des conditions impliquant, dans la copropriété, 'la présence de plus de trois copropriétaires'.
Or la vente par les époux [C] à la SCI [Adresse 12] a porté sur la totalité de leurs lots et n'a pas introduit de troisième copropriétaire.
Également, cette vente de tous les lots appartenant aux époux [C]-[Z] en faveur d'une SCI purement familiale n'a pas été contraire à la finalité de la clause (elle ne l'a notamment pas plus méconnue que le premier acte translatif de propriété relatif à des lots de l'immeuble en question, qui remonte à la donation-partage opérée le 10 septembre 1993 par les époux [Y]-[U] à leurs enfants y compris les lots de copropriété donnés par [O] [Y] sous réserve d'usufruit à [F] [Y]).
4. La demande de [F] [Y] pour être substitué à la SCI [Adresse 12] en tant qu'acquéreur des lots 1, 5, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 16, 18 et 20 représentant 701 millièmes de l'immeuble doit ainsi être rejetée.
À ce titre, le jugement sera confirmé.
5. La vente du 1er août 2005 opérée par la SCI [Adresse 12] en faveur de [A] [H]-[C], a quant à elle été directement contraire à la clause en ce qu'elle a porté sur une partie des biens [C] (le seul lot de copropriété 5) et qu'elle a introduit dans la copropriété un troisième copropriétaire ([A] [H]-[C]).
Cela étant, la sanction de la violation d'un pacte de préférence en tant qu'analysé comme une promesse unilatérale de vente ne peut être trouvée que dans les règles de la responsabilité de droit commun (c'est à dire par l'octroi de dommages-intérêts), la substitution -telle que sollicitée par [F] [Y] à la place de [A] [H]-[C] en tant qu'acquéreur- dans les droits du tiers acquéreur qui aurait méconnu le pacte ne pouvant être envisagée que si ce dernier a connu, lorsqu'il a contracté, et le dit pacte et l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir : or rien ne permet de considérer que les consorts [Y] se seraient prévalus du pacte au moment de la vente à [A] [H]-[C] (d'autant que le dossier révèle que, par le passé, un projet de vente de lots par [P] [C] aux consorts [Y] avait déjà été envisagé : un compromis avait même été préparé, demeuré sans suite sans que la responsabilité de cet échec de l'opération puisse être imputée à l'une ou l'autre des parties).
La demande de [F] [Y] pour être substitué à [A] [H]-[C] en tant qu'acquéreur du lot 5 doit ainsi être rejetée.
Il reste que la vente a été opérée en méconnaissance de la clause de préférence et dans le seul but de faire échec frauduleusement aux droits de copropriétaire de [F] [Y], la vente à [A] [H]-[C] ne répondant à aucun objectif économique clair et ne visant qu'à faire intervenir au syndicat de copropriété une troisième copropriétaire qui est tenue par les intérêts de la SCI [Adresse 12].
La nullité s'impose.
6. Il n'est pas caractérisé de procédure ou de résistance abusives qui pourraient être imputées à l'une ou l'autre des parties au présent appel.
Compte tenu de la situation particulière de l'immeuble en cause et du règlement de copropriété qui lie les parties, il n'est pas inéquitable que [F] [Y] supporte la charge de ses frais irrépétibles d'appel.
* * *
PAR CES MOTIFS :
- constate que [L] [Y]-[U] n'a désormais plus d'intérêt au présent litige, seul [F] [Y] étant désormais demandeur au présent procès ;
- confirme, sauf quant à la vente du 1er août 2005, le jugement déféré ;
L'ÉMENDANT DANS LA MESURE UTILE :
- dit nulle et de nul effet la vente, publiée à la conservation des hypothèques de Boulogne-sur-mer le 12 septembre 2005 volume 2005P n° 5468, consentie le 1er août 2005, selon acte reçu par Me [I] [N], notaire associé à [Localité 9], par la SCI [Adresse 12] à [A], [B], [T] [C] veuve [V] [H], du lot n° 5 garage, situé au rez-de-chaussée et les 14/1000èmes des parties communes générales de l'immeuble sis à [Adresse 12], le dit immeuble cadastré section AW n° [Cadastre 2], ayant fait l'objet d'un règlement de copropriété avec état descriptif de division par Me [G] [M], notaire à [Localité 11], le 5 mai 1971, acte publié à la conservation des hypothèques de Boulogne-sur-mer le 25 mai 1971 volume 3092 numéro 17 ;
- rejette toutes autres prétentions plus amples ou contraires ;
- condamne la SCI [Adresse 12], les époux [C]-[Z] et [A] [H]-[C] aux entiers dépens de la première instance et de l'instance d'appel, avec pour ces derniers faculté de recouvrement direct en application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la Me Quignon, avoué.
Le Greffier,Le Président,
N. HERMANT.B. MERICQ.