COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 08/06/2009
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N° de MINUTE : /09
N° RG : 07/07529
Jugement (N° 07/04171)
rendu le 24 Octobre 2007
par le Tribunal de Grande Instance de LILLE
REF : PM/AMD
APPELANT
MINISTERE PUBLIC
représenté par Monsieur D. TAILHARDAT, Substitut Général, en ses observations écrites et orales
INTIMÉ
Monsieur [H] [G]
né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par la SELARL ERIC LAFORCE, avoués à la Cour
Ayant pour conseil Maître Corinne ALSAC, avocat au barreau de LILLE
bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/002/08/4601 du 20/05/2008 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI
DÉBATS à l'audience publique du 02 Avril 2009, tenue par Madame METTEAU magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame HERMANT
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Madame ROUSSEL, Président de chambre
Madame METTEAU, Conseiller
Madame MARCHAND, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2009 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame ROUSSEL, Président et Madame HERMANT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 02 mars 2009
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Par jugement rendu le 24 octobre 2007, le Tribunal de Grande Instance de LILLE a :
constaté que le récépissé prévu à l'article 1043 du Code de Procédure Civile a été délivré,
déclaré Monsieur [H] [G], né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 5] (Algérie), de nationalité française comme étant né sur le territoire des départements français d'Algérie avant le 3 juillet 1962 d'un père français,,
ordonné la mention prévue à l'article 28 du Code Civil,
laissé les dépens à la charge du Trésor Public.
Monsieur le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de LILLE a interjeté appel de cette décision le 26 novembre 2007.
Il sera fait référence pour l'exposé des moyens et prétentions des parties à leurs dernières écritures déposées le :
2 février 2009 pour Monsieur [H] [G]
10 décembre 2007 pour Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel de DOUAI
RAPPEL DES DONNEES UTILES DU LITIGE :
Monsieur [H] [G], est né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 5]
(Algérie). Un certificat de nationalité française lui a été délivré par le Tribunal d'Instance de ROUBAIX, le 31 juillet 2002.
Par acte d'huissier en date du 23 janvier 2007, Monsieur le Procureur de la République du Tribunal de Grande Instance de LILLE a fait assigner Monsieur [H] [G] devant le Tribunal de Grande Instance de LILLE aux fins de voir constater son extranéité et ordonner la mention prévue à l'article 28 du Code Civil.
La décision déférée a retenu que Monsieur [G] établissait sa filiation à l'égard de Monsieur [O] [G], citoyen français et l'a déclaré français.
Monsieur le Procureur Général demande à la Cour de :
constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du Code de Procédure Civile a été délivré,
infirmer le jugement et constater l'extranéité de l'intéressé,
ordonner la mention prévue par l'article 28 du Code Civil.
Il constate que Monsieur [H] [G] serait français pour être né en France (en Algérie, territoire sous souveraineté française) et aurait conservé cette nationalité lors de l'indépendance de l'Algérie en sa qualité de descendant d'une personne admise à la qualité de citoyen de droit commun.
Or, s'il reconnaît que Monsieur [O] [G] a été admis à la qualité de citoyen français par jugement rendu le 19 juin 1929 par le tribunal civil de Tizi Ouzou, renonçant à son statut de droit local, il estime que Monsieur [H] [G] n'établit pas qu'il s'est vu transmettre ce statut par ce dernier.
En effet, il constate que la filiation de Monsieur [H] [G] à l'égard de Monsieur [O] [G] doit être établie selon les règles édictées par le droit civil alors que tous les actes produits sont des actes de droit local. De surplus, le mariage contracté par Monsieur [O] était un mariage religieux ne permettant pas d'établir une filiation au regard des règles de droit civil à l'égard de Monsieur [H] [G].
Monsieur [H] [G] sollicite la confirmation du jugement et le rejet des prétentions de Monsieur le Procureur Général.
Il confirme que son père a été admis par jugement du 19 juin 1929 à la qualité de citoyen français, renonçant à son statut de droit local.
Il soutient que la mention en marge de son acte de naissance confirme qu'il s'agit bien d'un acte d'état civil européen. Il constate que son père a donc déclaré la naissance de ses deux enfants sur les registres européens. Par ailleurs, il relève que le mariage de ses parents a été transcrit sur les registres de l'état civil le 24 février 1999, lui conférant une valeur légale. Il précise en tout état de cause que ce mariage était un mariage civil et non religieux.
MOTIFS DE LA DECISION
Il y a lieu de constater que les formalités prévues par l'article 1043 du
Code de Procédure Civile ont été accomplies.
Les effets sur la nationalité française de l'accession à l'indépendance des départements algériens (le 3 juillet 1962) sont régis par l'ordonnance du 21 juillet 1962 et par la loi du 20 décembre 1966 et actuellement par les dispositions de l'article 32-1 du Code Civil. Il résulte de ces dispositions que les originaires d'Algérie possédant le statut civil de droit commun ont conservé de plein droit la nationalité française lors de l'indépendance alors que ceux soumis au statut de droit local ont dû, pour ce faire, effectuer une reconnaissance.
Il appartient à Monsieur le Procureur Général de rapporter la preuve de ce que Monsieur [H] [G] n'est pas français alors que ce dernier soutient que son père, [O] [G] a obtenu la citoyenneté française par jugement avant l'indépendance, qu'il lui a donc transmis la nationalité française de part son lien de filiation, et qu'il a pu conserver cette nationalité lors de l'indépendance.
Il n'est pas contesté qu'en effet Monsieur [O] [G] a obtenu la citoyenneté française, renonçant au statut de droit local pour le statut de droit commun, par jugement du 19 juin 1929 rendu par le tribunal civil de Tizi Ouzou.
Le lien de filiation entre Monsieur [H] [G] et Monsieur [O] [G] qui était soumis au statut de droit commun, doit être établi selon les règles de droit civil.
Il est produit aux débats :
deux actes de naissance en copie intégrale qui font mention d'une transcription le 19 mars 1949 « sur le registre européen ». Cependant, il y a lieu de constater que d'une part ces deux copies dont l'une est précisée comme étant intégrale ne contiennent pas les mêmes indications (ainsi la copie intégrale ' pièce de Monsieur le Procureur Général- ne précise pas les dates et lieux de naissance des parents, alors que ces mentions figurent sur la pièce 6 produite par Monsieur [G]). Ces différences impliquent un doute quant à la régularité des ces copies censées être intégrales. D'autre part, le déclarant est uniquement indiqué comme étant « le père » sans mention de son identité. Ces pièces ne sont donc pas probantes au sens de l'article 47 du Code Civil.
Un jugement du 17 novembre 1998 ordonnant l'inscription du mariage traditionnel célébré en 1940 entre Monsieur [O] [G] et Madame [E] [F]. Cette transcription a été faite en 1999 sur les registres d'état civil de la ville de AIT KHELILI. Il en résulte que ce mariage religieux n'a pas pu produire d'effet, faute de mariage civil (Monsieur [G] n'apportant aucun élément pouvant laisser penser que ce mariage était civil et non coutumier tel qu'indiqué dans le jugement ordonnant la transcription) et conférer à Monsieur [H] [G] la qualité d'enfant légitime du couple. De plus, la seule indication du nom du père sur l'acte de naissance de Monsieur [H] [G] ne peut valoir reconnaissance par celui-ci. La filiation entre Monsieur [O] [G] et Monsieur [H] [G] n'est donc pas établie au regard des règles du droit civil.
Monsieur le Procureur Général justifie donc de l'absence de lien de filiation établie entre Monsieur [H] [G] et Monsieur [O] [G].
Dans ces conditions, le jugement déféré doit être infirmé et l'extranéité de Monsieur [G] constatée.
Les dépens seront laissés à la charge du Trésor.
PAR CES MOTIFS
Constate l'accomplissement des formalités prévues par l'article 1043 du Code de Procédure Civile ;
Infirme le jugement ;
Statuant à nouveau :
Constate l'extranéité de Monsieur [H] [G], né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 5] (Algérie) ;
Ordonne la mention prévue par l'article 28 du Code Civil ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor.
Le Greffier,Le Président,
N. HERMANT.B. ROUSSEL.