ARRET DU
27 Juin 2008
N° 273 / 08ss
RG 06 / 00607
Réouverture des débats
03. 12. 08
JUGEMENT
Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LILLE
EN DATE DU
28 Février 2006
NOTIFICATION
à parties
Copies avocats
le 27 / 06 / 08
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Sécurité Sociale
APPELANTE :
SAS ARCELOR MITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE
venant aux droits de la SA SOLLAC ATLANTIQUE
1 / 5 rue Luigi Cherubini
93200 ST DENIS
Représentant : Me PLICHON (avocat au barreau de PARIS) substitué par Me MOUKANAS.
INTIMES :
M. Serge Z...
...
58340 CERCY LA TOUR
Représentant : Me Patrick LEDIEU (avocat au barreau de CAMBRAI)
CPAMTS DE DUNKERQUE
Rue de la Batellerie
59386 DUNKERQUE CEDEX 1
Représentée par M. X..., agent de la caisse, régulièrement mandaté
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE
C. CHAILLET
: PRESIDENT DE CHAMBRE
P. NOUBEL
: CONSEILLER
R. DELOFFRE
: CONSEILLER
GREFFIER lors des débats : S. BLASSEL
DEBATS : à l'audience publique du 07 Mai 2008
ARRET : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Juin 2008, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par C. CHAILLET, Président, et par A. GATNER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur Serge Z..., né en 1951, a travaillé pour le compte de la Société SOLLAC ATLANTIQUE, sur le site de DUNKERQUE, de 1972 à 1988 en qualité successivement d'ouvrier maintenance, de contremaître mécanicien et d'opérateur.
Le 18 octobre 2002, il régularisait une déclaration de maladie professionnelle sur la base d'un certificat médical initial du 4 septembre 2002 faisant état d'épaississements pleuraux.
La Caisse Primaire reconnaissait le caractère professionnel de cette maladie le 31 mars 2003 et lui allouait un taux d'IPP de 5 %.
Son agent assermenté a auditionné l'assuré et deux témoins de l'assuré le 20 décembre 2002 et le 02 janvier 2003.
Par courrier en date du 18 décembre 2002, l'inspection du travail a indiqué à la CPAM de DUNKERQUE qu'aucun doute n'était possible quant à la réalité de l'exposition de Monsieur Z... au risque de fibres d'amiante.
Le 16 décembre 2002, le médecin conseil a émis un avis favorable sur la prise en charge de la maladie selon la législation professionnelle.
Le 25 février 2003, la société ARCELOR MITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE a communiqué à la Caisse les conditions d'emploi de Monsieur Z....
Le 07 mars 2003, la Caisse a invité la société ARCELOR MITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE à venir consulter les pièces du dossier de Monsieur Z....
Par décision du 31 mars 2003, la CPAMTS de DUNKERQUE a reconnu le caractère professionnel de la maladie.
Par notification en date du 2 juin 2003, elle a reconnu à Monsieur Z... un taux d'incapacité de 5 % avec attribution d'un capital de 1 628, 31 €.
Par lettre du 3 septembre 2003, Monsieur Serge Z... a engagé la procédure en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et sollicité la réunion des parties en vue de la tentative de conciliation légale.
Un procès-verbal prenant acte de l'impossibilité de parvenir à un accord a été établi le 15 décembre 2003.
Le 15 avril 2004, Monsieur Serge Z... a alors saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LILLE pour voir reconnaître la faute inexcusable de l'employeur.
Par jugement en date du 28 février 2006, le Tribunal a décidé ce qui suit :
Déclare opposable à la Société SOLLAC ATLANTIQUE aux droits de laquelle vient la Société ARCELOR ATLANTIQUE ET LORRAINE, la décision de la CPAMTS de DUNKERQUE de reconnaître le caractère professionnel de la maladie déclarée par Monsieur Serge Z... le 18 octobre 2002.
Déclare recevable la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur introduite par Monsieur Serge Z....
Dit que la maladie professionnelle dont Monsieur Serge Z... est atteint est la conséquence d'une faute inexcusable de son employeur, la Société SOLLAC ATLANTIQUE.
Fixe au maximum la majoration de la rente servie à Monsieur Serge Z... et dit qu'elle suivra l'évolution de son taux d'IPP.
Dit que la réparation des préjudices sera prise en charge par la CPAMTS de DUNKERQUE pour le compte de l'employeur qui devra relever et garantir la Caisse de toutes les conséquences financières de la faute inexcusable.
Avant-dire droit sur l'indemnisation du préjudice subi par Monsieur Serge Z...,
Ordonne une expertise médicale qui devra être diligentée dans le respect des règles du contradictoire édictées par le Nouveau Code de Procédure Civile et commet pour y procéder Monsieur le Professeur André C..., Chef du Service de Pneumologie et Immuno- allergologie, CHRU de LILLE, Hôpital Albert Calmette, 59037 LILLE CEDEX.
Donne mission à l'expert, après avoir convoqué et entendu les parties en leurs observations, pris connaissance de l'entier dossier médical et examiné Monsieur Serge Z..., de décrire l'état de santé actuel de celui- ci, d'indiquer le taux d'IPP dont il reste atteint, et d'évaluer son préjudice personnel (souffrances physiques et morales, préjudice esthétique, préjudice d'agrément).
Dit que l'expert devra adresser son rapport en trois exemplaires au Secrétariat de ce Tribunal avant le 29 MAI 2006, lequel en transmettra copie au service du contrôle médical de la CPAMTS de DUNKERQUE et aux parties.
Renvoie l'affaire à l'audience du 04 JUILLET 2006 à 14 heures afin qu'il soit statué au fond, au vu du rapport d'expertise.
Dit que la notification du présent jugement vaut convocation à l'audience du 04 JUILLET 2006 à 14 heures au Palais de Justice de LILLE, Avenue du Peuple Belge.
Accorde à Monsieur Serge Z... une provision d'attente de 5 000 euros
Sursoit à statuer sur la demande présentée au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Dit que le présent jugement sera notifié à chacune des parties dans les formes et délais prescrits par l'article R. 142-27 du Code de la Sécurité Sociale par le Secrétaire du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale désigné conformément à l'article R. 142-15 du même Code.
Ce jugement a été notifié à la société SAS ARCELOR MITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE en date du 14 mars 2006.
La SAS ARCELOR MITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE en a interjeté appel général par courrier recommandé avec accusé de réception expédié au greffe le 17 mars 2006.
Elle demande à la Cour de :
- Dire et juger la Société ARCELOR MITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE recevable et bien fondée en son appel.
- Infirmer le jugement entrepris.
- Dire et juger qu'elle n'a pas commis de faute inexcusable.
Subsidiairement,
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné une mesure d'expertise afin d'évaluer les préjudices personnels prévus à l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale.
- Dire et juger que faute pour la caisse primaire de produire aux débats les pièces médicales soumises à l'examen de son médecin conseil, l'employeur n'a pas été en mesure de discuter utilement les preuves de la maladie déclarée et de son origine professionnelle, d'une part, et d'autre part, de la créance alléguée par la Caisse primaire.
- Dire et juger que la réticence de la Caisse Primaire constitue une infraction aux dispositions de l'article 6 de la CEDH.
En conséquence,
- Dire et juger que lui est inopposable la décision de prise en charge de la maladie déclarée par Monsieur Serge Z....
Subsidiairement,
- Enjoindre à la CPAM de produire aux débats sous astreinte définitive de 500 € par jour de retard, à compter de l'arrêt à intervenir, les examens radiologiques et tomodensitométriques soumis au médecin conseil de la Caisse et, plus généralement, toute pièce médicale ayant permis à celui- ci d'émettre un avis sur l'origine professionnelle de la maladie.
Plus subsidiairement,
- Commettre tel Médecin Expert choisi sur la liste nationale des Experts, avec mission de se faire remettre le dossier hospitalier de Monsieur Z..., et de déterminer la maladie dont celui- ci est atteint et ses causes médicales possibles ; du tout dresser un rapport qui sera déposé au Greffe de la Cour pour être statué ce que de droit.
Elle fait valoir en substance que :
En ce qui concerne la faute inexcusable qui lui est reprochée :
il résulte de l'arrêt du 14 juin 2007 de la Cour de justice des Communautés Européennes qu'il n'existe aucune obligation de sécurité de résultat à la charge des employeurs.
- Il appartient donc aux salariés de prouver la faute de ces derniers.
- Avant 1977 il n'existait aucune réglementation spécifique à l'amiante.
- Aucun procès- verbal n'a été dressé contre elle au titre des normes prévues depuis 1977.
- Aucune faute n'est donc prouvée à son encontre.
- Compte tenu de sa qualité de simple utilisatrice d'amiante, il n'est aucunement démontré qu'elle ait eu connaissance du risque auquel Monsieur Z... était exposé.
En ce qui concerne l'action récursoire de la CPAM.
- Aucune enquête administrative au sens de l'article D. 461-9 du Code de la sécurité sociale n'a été mise en oeuvre par la caisse.
- La CPAM s'est contentée d'adresser un questionnaire à l'employeur.
- L'avis du médecin conseil ne peut être rendu qu'une fois l'enquête administrative clôturée.
- Le document du 24 juin 2003 rendu en l'absence d'enquête n'est donc pas un avis du médecin conseil.
- Il est indispensable de pouvoir vérifier que le médecin conseil a effectué les examens prescrits par le tableau 30.
- Le refus de la CPAM de communiquer ces pièces médicales ne permet pas cette vérification et est en outre contraire à l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'homme.
La CPAM de DUNKERQUE demande à la Cour de :
- Confirmer la décision du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LILLE.
- Déterminer selon la jurisprudence habituelle de la Cour les préjudices extrapatrimoniaux de Monsieur Z....
- Dire que l'employeur condamné sera tenu de garantir les conséquences financières de sa faute inexcusable et que la décision lui sera opposable.
- Rejeter la demande tendant à dire que les sommes dues porteront intérêt à compter de la demande en faute inexcusable de l'employeur en vertu de l'article 1153-1 du code civil.
- Rejeter la demande visant à la condamnation de la CPAM sous astreinte à 500 euros par jour de retard des examens radiologiques et tomodensitométriques soumis au médecin conseil.
- Rejeter la demande d'expertise médicale formulée par l'employeur quant à la mise en oeuvre d'une expertise visant à déterminer la maladie dont l'assuré est atteint et ses causes médicales possibles.
Elle fait en substance valoir que :
- elle a prévenu l'employeur de toutes les étapes de la procédure et de tous les éléments susceptibles de lui faire grief.
- les scanners et examens densitométriques, dont il est évident qu'ils ont été fournis au médecin conseil, sont entourés par le secret médical.
- il résulte de la jurisprudence de la Cour de Cassation que l'envoi par la CPAM d'un questionnaire à l'employeur peut constituer une modalité d'enquête.
- en l'espèce, un déplacement dans l'usine aurait d'ailleurs été inutile puisqu'il n'y a plus d'amiante dans les locaux.
MOTIFS DE L'ARRET
SUR LA DEMANDE EN CONSTATATION DE LA FAUTE INEXCUSABLE DE L'EMPLOYEUR.
Attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui- ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise et que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Attendu qu'il résulte des explications des parties et des pièces versées aux débats que Monsieur Serge Z... a travaillé pour le compte de la Société SOLLAC sur le site de l'usine sidérurgique de DUNKERQUE, en qualité de mécanicien au service " SEM TCC " puis au service " SEM Aciérie ", puis en qualité de contremaître au service affinage et enfin d'opérateur conversion dans ce même service.
Attendu que dans sa lettre à la CPAMTS de DUNKERQUE du 25 février 2003, la Société SOLLAC ATLANTIQUE écrit :
" A notre connaissance et de par ses fonctions, Monsieur Z... a pu être exposé à l'inhalation de poussières d'amiante de 1972 à 1986 au sein de notre établissement, sans qu'il soit toutefois possible de préciser les modalités et la fréquence de cette exposition ".
Que les témoignages recueillis au cours de l'enquête de la CPAMTS (audition de Messieurs Daniel D... et Jean- Claude E... confirment l'exposition prolongée de Monsieur Z... aux poussières d'amiante sur le site de DUNKERQUE.
Que les attestations de collègues de travail produites aux débats, notamment celles de Messieurs Alain F..., Matéo G..., Claude H..., Jacques I..., René J..., Jean- Michel K..., Daniel L..., Joseph M..., Michel B..., confirment que Monsieur Z... a subi un contact régulier, voire permanent, avec l'amiante sous différentes formes, sans qu'aucune protection ni collective ni individuelle soit mise en oeuvre.
Qu'il résulte de tout ce qui précède que Monsieur Z... a été exposé aux poussières d'amiante de 1972 à 1986 alors qu'il était salarié de la société SOLLAC.
Attendu qu'en France la fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation de poussières d'amiante a dès 1945 été inscrite dans le tableau n° 25 consacré aux maladies professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières siliceuses et amiantifères (ordonnance du 2 août 1945 faisant référence au cardage, à la filature et au tissage de l'amiante).
Que par la suite, le décret du 31 août 1950 a instauré le tableau n° 30 des maladies professionnelles consacré à l'asbestose, lequel contenait une liste simplement indicative des travaux susceptibles de provoquer cette maladie et ne fixait par ailleurs aucun seuil d'exposition, en deçà duquel le risque n'existait pas.
Que le fait que le tableau n° 30 des affections respiratoires liées à l'amiante ait été créé dès 1945 et qu'il ait été complété à plusieurs reprises a eu pour conséquence que, quelle que fût la pathologie concernée et les incertitudes scientifiques de l'époque, tout entrepreneur avisé était dès cette époque tenu à une attitude de vigilance et de prudence dans l'usage, alors encore licite, de cette fibre.
Que ces dispositions réglementaires étaient à l'époque la concrétisation des observations internationales ainsi que des travaux de scientifiques français comme ceux des Professeurs DHERS et DESOILLE (1930) et la publication de tels documents dans les revues spécialisées traitant de la médecine du travail.
Que dès 1955 l'enquête de Richard DOLL sur les maladies professionnelles des travailleurs de l'amiante en Grande- Bretagne confirma l'existence d'un risque de cancer du poumon.
Qu'en 1964 fut organisé à CAEN un Congrès International sur l'asbestose, auquel assistaient les médecins du travail des principales entreprises françaises utilisant de l'amiante et la majorité des professeurs de médecine directement concernés par les problèmes de santé au travail.
Qu'au cours de ce congrès, le Professeur WAGNER a exposé les résultats d'études menées en Afrique du Sud sur la relation entre l'exposition à l'amiante et le mésothéliome, travaux formalisés depuis 1960.
Que le premier cas de mésothéliome en France fut décrit lors de la séance de l'académie de Médecine du 9 février 1965 par le Professeur TURIAF.
Qu'en 1967, une note de l'Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS), rappelant le retard pris par la France dans le domaine de l'exposition à l'amiante, dressait un état des lieux des mesures déjà prises dans d'autres pays.
Qu'en 1973, le Bureau International du Travail (BIT) soulignait, au sujet du risque du cancer broncho-pulmonaire, qu'il n'existait aucun seuil d'exposition minimal de protection.
Que toujours à propos de ce risque cancérigène, une note de l'INRS de 1976 établissait une revue bibliographique sur le pouvoir cancérigène des amiantes et des matériaux fibreux et débutant par l'observation suivante :
« Depuis 15 ans environ, l'attention a été attirée sur l'amiante, déjà connu pour ses propriétés fibrosantes (asbestose), comme agent étiologique des cancers humains : carcinome bronchique, mésothéliome pleural, péritonéal et peut- être certains cancers du tractus gastro- intestinal. »
Que dans son rapport sur la gestion du risque et des problèmes de santé publique posés par l'amiante en France (1998), le Professeur GOT s'est exprimé de la façon suivante :
« Dès le début du siècle et les premiers développements de l'usage industriel de l'amiante, le risque d'asbestose a été identifié en France par AURIBAULT en 1906. Il y a là, à mes yeux, une évidence. Les moyens de prévention qui sont relativement simples ont été constamment sous- développés depuis. Lutter contre l'empoussièrement a un coût, mais c'est techniquement réalisable avec des méthodes qui étaient disponibles il y a cinquante ans, au moment où de nombreuses victimes actuelles de l'amiante débutaient leur exposition à des niveaux d'empoussièrement dangereux souvent dès l'âge de 14 ans. Le risque de développer un cancer, en particulier pleural, est bien identifié depuis une quarantaine d'années (DOLL en 1933 pour le cancer broncho- pulmonaire, WAGNER en 1960 pour le mésothéliome). En France, les écrits de TURIAF (1963) n'ont pas été des textes de diffusion réduite. Les revues où il les publiait étaient les plus diffusées de la presse médicale. »
Que par conséquent, l'employeur ne pouvait donc pas ne pas avoir conscience du danger que représentait l'inhalation de poussière d'amiante par ses salariés qui, comme Monsieur Serge Z..., étaient quotidiennement exposés à ce matériau, cette connaissance des risques devant s'apprécier objectivement par rapport à ce que doit connaître un employeur dans son secteur d'activité.
Attendu que pendant la période d'emploi de Monsieur Serge Z... étaient applicables un certain nombre de textes légaux et réglementaires qui avaient pour objet de prévenir les dangers consécutifs à l'inhalation de poussières en général, parmi lesquelles figuraient naturellement les poussières d'amiante :
- la loi du 12 juin 1893 concernant l'hygiène et la sécurité des travailleurs dans les établissements industriels (article 2).
- le décret du 10 juillet 1913 modifié le 13 décembre 1948, le 6 mars 1961 puis le 15 novembre 1973 par décrets d'administration publique pris pour l'exécution des dispositions du Livre II du Code du travail en ce qui concerne les mesures générales de protection et de salubrité applicables à tous les établissements assujettis (article 6).
- le décret du 13 décembre 1948 qui prescrivait, en cas d'impossibilité de mise en place des équipements de protection collectifs, le port de masques et de dispositifs individuels appropriés.
Que le décret du 17 août 1977 est venu compléter le dispositif existant en fixant des seuils de concentration moyenne en fibres d'amiante (à l'origine 2 fibres par cm cube) dans les établissements où le personnel était exposé à l'action des poussières d'amiante et en prévoyant un dispositif de contrôle de l'atmosphère et de protection des salariés (protections collectives ou individuelles).
Que les dispositions de ce décret étaient applicables aux établissements soumis aux dispositions de l'article L. 231-1 du Code du travail, c'est- à- dire aux établissements industriels, commerciaux et agricoles et leurs dépendances, de quelque nature que ce soit, publics ou privés, « pour les parties des locaux et chantiers où le personnel est exposé à l'inhalation de poussières d'amiante à l'état libre dans l'atmosphère, notamment dans les travaux de transport, de manipulation, de traitement, de transformation, d'application et à l'inhalation de poussières d'amiante à l'état libre dans l'atmosphère, notamment dans les travaux de transport, de manipulation, de traitement, de transformation, d'application et d'élimination de l'amiante et de tout produit ou objet susceptible d'être à l'origine de l'émission de fibres d'amiante » (article 1er).
Que cette réglementation était donc applicable à la société SOLLAC ATLANTIQUE.
Attendu qu'il résulte des attestations produites aux débats par Monsieur Z... que l'employeur n'a mis en oeuvre aucune des mesures de protection prévues par les textes qui viennent d'être énumérés.
Que cette carence a un lien direct avec la maladie professionnelle contractée par Monsieur Z....
Qu'en conséquence de tout ce qui précède il s'ensuit que la société SOLLAC ATLANTIQUE, aux droits de laquelle vient la SAS ARCELOR MITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE, n'a pas respecté l'obligation de sécurité de résultat dont elle était tenu à l'égard de Monsieur Z... et qu'elle a donc commis au détriment de ce dernier un manquement caractérisant sa faute inexcusable.
Qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ses dispositions décidant que la maladie professionnelle affectant Monsieur Z... est la conséquence de la faute inexcusable de la SAS ARCELOR MITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE venant aux droits de la SA SOLLAC ATLANTIQUE.
SUR LA DEMANDE EN MAJORATION DU CAPITAL REVENANT A MONSIEUR Z....
Attendu qu'aux termes des deux premiers alinéa de l'article L. 452-2 du Code de la sécurité sociale en cas de faute inexcusable de l'employeur, la victime qui s'est vu accorder une indemnité en capital reçoit une majoration ne pouvant excéder le montant de ladite indemnité et celle ayant obtenu le bénéfice d'une rente reçoit une rente majorée ne pouvant excéder soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale.
Qu'il résulte du texte précité que la majoration de la rente et du capital alloué à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle consécutif à une faute inexcusable de l'employeur est calculée en fonction de la réduction de la capacité dont celle- ci reste atteinte et que dès lors la majoration doit suivre l'évolution du taux d'incapacité de la victime.
Qu'il résulte également de la combinaison du texte précité et des articles L. 434-2 et L. 453-1 du code de la sécurité sociale que seule la faute inexcusable du salarié est de nature à limiter la majoration de la rente à laquelle il est en droit de prétendre en raison de la faute inexcusable de son employeur ;
Attendu qu'en l'espèce le salarié n'a commis aucune faute.
Qu'il convient donc de confirmer les dispositions du jugement fixant au maximum la majoration du capital accordée au titre de l'article L. 452-2 du Code de la sécurité sociale.
Qu'il convient également, réformant partiellement le jugement du chef de l'incidence du taux d'évolution de l'IPP de la victime, de dire que la majoration de l'indemnité en capital revenant à la victime sera révalorisée en fonction de l'évolution de son taux d'incapacité permanente partielle.
SUR LES INDEMNITES REVENANT A MONSIEUR Z....
Attendu qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, la victime d'une maladie professionnelle due à la faute inexcusable de l'employeur a le droit de demander à celui- ci, indépendamment de la majoration de rente qu'elle perçoit en vertu de l'alinéa précédent, la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétique et d'agrément ainsi que du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.
Attendu que Monsieur Z... est atteint de la maladie professionnelle prévue au tableau n° 30 et consistant dans des épaississements pleuraux bilatéraux.
Que la CPAM lui a reconnu de ce chef une incapacité de 5 %.
Que la Cour dispose de suffisamment d'éléments pour fixer son préjudice sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une mesure d'expertise.
Qu'il convient en conséquence de réformer le jugement en ses dispositions ordonnant une mesure d'instruction confiée au Professeur C... et d'ordonner la réouverture des débats selon les modalités prévues au dispositif du présent arrêt, de manière à permettre à Monsieur Z... de présenter ses demandes indemnitaires.
SUR L'ACTION RECURSOIRE DE LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE DUNKERQUE.
Attendu qu'aux termes de l'article R. 441-11 paragraphe 2 du Code de la sécurité sociale :
En cas de réserves de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la CPAM, hors le cas de l'enquête prévue à l'article L. 442-1, envoie avant décision à l'employeur et à la victime un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés.
Qu'il résulte de ce texte et de l'article D. 461-9 du Code précité que la CPAM n'est pas tenue de procéder à une enquête administrative mais que l'envoi à l'employeur d'un questionnaire peut constituer une modalité de l'enquête.
Qu'il résulte également des textes précités et de l'article R. 442-5 alors applicable que l'avis du médecin- conseil de la caisse est indépendant de la procédure d'enquête administrative et qu'il peut être émis avant la clôture de cette dernière.
Attendu qu'en l'espèce la CPAM a adressé un questionnaire à l'employeur et ne peut donc se voir reprocher de ne pas avoir diligenté d'enquête administrative.
Que de surcroît, une enquête a bien été diligentée par la caisse puisque cette dernière a auditionné tant Monsieur Z... que deux de ses collègues de travail.
Que la SAS ARCELOR MITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE reconnaît d'ailleurs que cette enquête a bien été effectuée puisqu'elle écrit en page 6 de ses conclusions soutenues à l'audience que Monsieur Z... a été entendu dans le cadre de l'enquête administrative.
Qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'absence d'enquête administrative et développé par la SAS ARCELOR MITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE au soutien de sa demande d'inopposabilité de la décision de la CPAM manque à la fois en droit et en fait.
Attendu enfin qu'aux termes de l'article R. 441-13 du Code de la sécurité sociale :
« Le dossier constitué par la CPAM primaire doit comprendre :
1° la déclaration d'accident et l'attestation de salaire.
2° les divers certificats médicaux.
3° les constats faits par la CPAM.
4° les informations parvenues à la CPAM de chacune des parties.
5° les éléments communiqués par la CPAM régionale.
6° éventuellement le rapport de l'expert technique.
Il peut à leur demande être communiqué à l'assuré, à ses ayants droit et à l'employeur et à leurs mandataires.
Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l'autorité judiciaire ».
Qu'il résulte de ce texte que la teneur de l'examen densitométrique mentionné au tableau n° 30 B des maladies professionnelles et celle des clichés radiologiques, qui constituent un élément du diagnostic, n'a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs de la caisse.
Que le moyen en sens contraire soutenu par la société SAS ARCELOR MITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE ne peut donc également qu'être rejeté.
Qu'en conséquence de tout ce qui précède, il convient de dire que la société SAS ARCELOR MITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE ne fait valoir aucun moyen de nature à justifier l'inopposabilité à son encontre de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de Monsieur Z....
Qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ses dispositions déclarant opposable à l'employeur la décision de la CPAMTS de DUNKERQUE de reconnaître le caractère professionnel de la maladie professionnelle affectant Monsieur Z... et décidant que la SAS ARCELOR MITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE devra garantir la CPAM des sommes mises à la charge de cette dernière.
SUR LES DEMANDES SUBSIDIAIRES DE LA SAS ARCELOR MITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE EN PRODUCTION SOUS ASTREINTE DES PIECES MEDICALES SOUMISES AU MEDECIN DE LA CPAM ET EN DESIGNATION D'EXPERT.
Attendu qu'il vient d'être jugé qu'était opposable à la SAS ARCELOR MITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE la décision de prise en charge par la CPAM de la maladie professionnelle de Monsieur Z....
Qu'il s'ensuit que les demandes en production de pièces et en mesure d'instruction présentées respectivement à titre subsidiaire et encore plus subsidiaire par la SAS ARCELOR MITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE sont dépourvues de tout objet.
Qu'il convient donc de débouter cette dernière de ces demandes.
SUR LES FRAIS IRREPETIBLES
Attendu qu'il convient de réserver les frais irrépétibles jusqu'à la solution de l'entier litige.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à :
- réformer partiellement le jugement du chef de l'incidence du taux d'évolution de l'IPP de la victime et, statuant à nouveau de ce chef, dire que la majoration de l'indemnité revenant à la victime au titre de l'article L. 452-2 du Code de la sécurité sociale sera revalorisée en fonction de l'évolution de son taux d'incapacité permanente partielle.
- réformer le jugement en ses dispositions ordonnant une expertise médicale de Monsieur Z... confiée au Professeur André C... et, statuant à nouveau de ce chef, dire n'y avoir lieu à mesure d'instruction.
Et en ce qui concerne l'indemnisation devant revenir à Monsieur Serge Z... en application de l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale,
Ordonne la réouverture des débats à l'audience du MERCREDI 3 DECEMBRE 2008 à 9h, salle 1, à laquelle Monsieur Z... est invité à faire connaître ses prétentions à ce titre.
Dit que la notification du présent arrêt vaudra convocation des parties à l'audience du 3 décembre 2008.
Réserve les frais irrépétibles.