COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 19/06/2008
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N° RG : 06/06062
Jugement (N° 04/00025)rendu le 02 Octobre 2006par le Tribunal de Grande Instance de LILLE
APPELANTE
S.C.I. 12 RUE DE BETHUNEprise en la personne de ses représentants légauxAyant son siège social 60 avenue Foch59700 MARCQ EN BAROEUL
Représentée par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la CourAssistée de Me Philippe TALLEUX, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE
S.A.S. CAMAIEU INTERNATIONALprise en la personne de ses représentants légauxAyant son siège social 211 avenue Brame59054 ROUBAIX CEDEX I
Représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la CourAssistée de Me Françoise AUQUE, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉMonsieur FOSSIER, Président de chambreMadame NEVE DE MEVERGNIES, ConseillerMonsieur CAGNARD, Conseiller---------------------GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame NOLIN
DÉBATS à l'audience publique du 24 Avril 2008,Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 Juin 2008 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur FOSSIER, Président, et Madame NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 20/12/08
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Par acte sous seing privé du 17 juillet 1992, la SCI 12 RUE DE BÉTHUNE a donné à bail à la SAS CAMAÏEU INTERNATIONAL des locaux à usage commercial situés à LILLE, 12 rue de Béthune et 1 et 3 rue des Fossés, pour une durée de neuf années ayant commencé à courir le 17 juillet 1992 pour se terminer le 17 avril 2001, moyennant un loyer annuel de 700 000 F HT ayant atteint 125 357,16 € en 2004 par le jeu des indexations. Par acte du 18 mars 2003, la SCI 12 RUE DE BÉTHUNE a fait délivrer à la SAS CAMAÏEU INTERNATIONAL un congé avec offre de renouvellement moyennant un loyer annuel porté à 230 000 €. La SAS CAMAÏEU INTERNATIONAL a accepté le principe du renouvellement, mais non pas l'augmentation du loyer. La Commission départementale a été saisie, et a rendu le 8 avril 2004 un avis en faveur d'un déplafonnement, mais sans proposer pour autant de nouveau montant de loyer, estimant n'avoir pas les éléments pour ce faire.
Après avoir ordonné un expertise dont le rapport a été déposé le 24 octobre 2005, le Juge des Loyers Commerciaux du Tribunal de Grande Instance de LILLE a, par jugement du 2 octobre 2006, notamment considéré qu'il n'y avait pas de modification notable des caractéristiques du local ni encore des facteurs locaux de commercialité, et dit en conséquence qu'il n'y avait pas lieu à déplafonnement du loyer, enfin que le loyer du bail renouvelé serait calculé selon les modalités de l'article L. 145-34 du code de commerce.
Par déclaration au Greffe en date du 23 octobre 2006, la SCI 12 RUE DE BÉTHUNE a interjeté appel de cette décision. Dans ses dernières conclusions déposées le 2 mai 2007, elle demande la réformation du jugement et la fixation du nouveau loyer à compter du 1er octobre 2003 à la somme de 230 000 € HT par an.
Elle demande encore condamnation de la SAS CAMAÏEU INTERNATIONAL à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
A l'appui de sa demande, elle soutient que les locaux ont fait l'objet d'une évolution notable en ce qui concerne tant les caractéristiques des lieux loués essentiellement par la réalisation de travaux, notamment de percement de murs mitoyens et d'ouverture complète de locaux sur la rue, que les facteurs locaux de commercialité.
La SAS CAMAÏEU INTERNATIONAL, dans ses dernières conclusions déposées le 29 août 2007, demande la confirmation du jugement déféré en faisant valoir qu'il n'y a pas eu, ainsi que le premier Juge l'a considéré, d'évolution notable ni des caractéristiques du local, ni des facteurs locaux de commercialité. Subsidiairement, elle demande que le loyer du bai renouvelé soit fixé, selon la valeur locative, à 152 508 € HT par an.
Elle demande enfin condamnation de la SCI 12 RUE DE BÉTHUNE à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l'article L. 145-34 du code de commerce, "à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction (...)". Il en résulte que, si la condition relative à la durée du bail (soit neuf années au plus) est remplie, le montant du loyer, au moment de son renouvellement, est égal au loyer initial le cas échéant avec le jeu de l'indexation, sauf s'il s'est produit, au cours du bail, une évolution des facteurs que sont notamment les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, et les facteurs locaux de commercialité.
En l'espèce, la SCI 12 RUE DE BÉTHUNE demande la fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative, en invoquant une modification des caractéristiques des locaux objets du bail d'une part, et des facteurs locaux de commercialité d'autre part.
Sur les éléments relatifs aux caractéristiques du local
La SCI 12 RUE DE BÉTHUNE évoque tout d'abord, à cet égard, des travaux qui ont été effectués dès l'entrée dans les lieux en 1992 et pour lesquels autorisation avait été donnée au preneur dans les termes-mêmes du bail. D'après ce qu'elle en écrit dans ses conclusions (page 11, alinéa 4 du paragraphe "j"), il s'est agi du percement d'un mur entre deux immeubles contigus situés 12 et 14-16 rue de Béthune d'une part et 1 et 3 rue des Fossés d'autre part. Les pièces versées au dossier, ainsi que l'a relevé le premier juge, ne révèlent pas, pour cette période du bail, la réalisation d'autres travaux, le rapport d'expertise de Monsieur
Z...
, architecte, en date du 6 novembre 2002, décrivant uniquement l'état des immeubles avant la réalisation des travaux sans décrire en rien la consistance de ces travaux, et évoquant un protocole d'accord qui n'est pas annexé audit rapport et dont on ignore donc le contenu.
Il est constant que la réalisation de ces travaux n'a pas eu pour effet, notamment, d'augmenter la surface des lieux loués. L'article 23-1 du décret du 30 septembre 1953 précise quels sont les éléments qui doivent être pris en compte pour l'appréciation d'une modification notable des "caractéristiques propres au local" visées à l'article L. 145-33 déjà cité, telle qu'elle est susceptible d'entraîner une dérogation à la règle du plafonnement. Ce texte énumère ainsi les points suivants :
* la situation du local dans l'immeuble où il est situé, sa surface et son volume : aucun de ces points n'est affecté par le percement du mur en l'espèce. La commodité de l'accès au local pour le public ne l'est pas davantage, le percement du mur ayant simplement entraîné une amélioration de la circulation à l'intérieur des lieux loués (communication entre locaux contigus) et non pas de l'accès-même entre le local, considéré dans sa globalité, et l'extérieur,
* l'importance des surfaces respectivement affectées aux divers aspects de l'activité commerciale n'a pas été non plus modifiée par le percement du mur,
* les rapports entre les différentes dimensions du local et les caractéristiques de chaque partie quant à la forme d'activité qui y est exercée n'ont en rien été affectés par le percement du mur,
* l'état d'entretien des locaux, de même que les éléments d'équipement et moyens d'exploitation n'ont subi aucune modification de par le percement de ce mur,
* enfin la création de cet accès entre des éléments existants est sans rapport avec des éléments extrinsèques constitués par des locaux accessoires loués par le même bailleur, ou encore avec une partie affectée à l'habitation, laquelle est inexistante en l'espèce.
Il en résulte qu'aucune des caractéristiques évoquées par ce texte ne se rencontre en l'espèce quant aux travaux de percement du mur en 1992. Dès lors, ces travaux ne relèvent pas de l'article 23-1 du Décret, mais de l'article 23-3 du même décret, qui concerne les travaux d'amélioration non pris en charge par le bailleur (ce dernier point n'étant pas contesté en l'espèce) qui ne peuvent être pris en considération, pour une éventuelle augmentation du loyer, que lors du second renouvellement du bail après leur réalisation, ce qui n'est donc pas le cas en l'espèce puisqu'il s'agit du premier renouvellement.
S'agissant des travaux réalisés en 2000, leur consistance est décrite dans les pièces numérotées 10 (protocole d'accord en date du 29 février 2000) et 17 (plan) de la SCI. Il s'agit, au vu de ces documents, de travaux de façades (dont menuiseries, pose d'enseignes), d'aménagements intérieurs (rénovation des murs, sols et plafonds, électricité - enseigne, vitrines - , équipements de sécurité - extincteurs), de peintures extérieures et intérieures, de pose de volets roulants. La SCI n'allègue, et a fortiori ne démontre, la réalisation d'aucun autre travaux que ceux décrits dans le protocole et les devis annexés, et rappelés ci-dessus. Là encore, il apparaît qu'aucun de ces travaux ne concerne les différents points énumérés à l'article 23-1 du décret du 30 septembre 1953, comme susceptibles d'entraîner une dérogation à la règle du plafonnement. Par ailleurs, il est expressément mentionné dans le protocole d'accord (auquel étaient parties notamment la SAS CAMAÏEU INTERNATIONAL et la SCI 12 RUE DE BÉTHUNE) que le coût des travaux en question serait exclusivement à la charge de la SAS CAMAÏEU INTERNATIONAL, et ce point n'est, là encore, contesté aujourd'hui par aucune des parties. Dans ces conditions, il s'agit, là aussi, de travaux d'amélioration, non-pris en charge par le bailleur, et qui ne peuvent donc être pris en considération pour une éventuelle augmentation du loyer qu'au moment du second renouvellement après leur réalisation, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
C'est donc à bon droit que le premier juge a écarté ce moyen comme pouvant justifier une fixation du loyer du bail renouvelé en fonction de la valeur locative, et le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.
Sur la modification des facteurs locaux de commercialité
Aux termes de l'article 23-4 du décret du 30 septembre 1953, "les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des différentes activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire". En conséquence pour que les facteurs locaux de commercialité entraînent une dérogation à la règle du déplafonnement, il faut que les éléments ainsi énumérés aient connu une évolution notable au cours du bail, et que cette évolution ait eu une influence directe sur l'activité exploitée dans les locaux loués.
La SCI 12 RUE DE BÉTHUNE commence par invoquer une augmentation du chiffre d'affaires global du "Groupe CAMAÏEU", tout en précisant qu'elle est "générée par l'ouverture continuelle et régulière de nouveaux magasins" ; or, il ne s'agit pas d'apprécier l'augmentation des résultats du Groupe, mais l'évolution de la situation de la société d'exploitation en cause, eu égard aux circonstances propres aux locaux donnés à bail en l'espèce, ce qui exclut la prise en considération de l'ouverture de nouveaux points de vente s'ils ne sont pas exploités par elle.
Par ailleurs, la considération selon laquelle la rue de Béthune, dans laquelle sont situés une partie des locaux loués, bénéficie d'une commercialité exceptionnelle pour toutes les activités et pour l'équipement de la personne en particulier, soulignée par l'expert et retenue par le premier juge, n'est pas en soi significative, dès lors qu'elle préexistait au bail initial ; ainsi la proximité de grandes enseignes attractives était déjà une réalité en 1992 (cf lettre d'une agence immobilière du 21 août 1991 pièce n° 8 de la SAS CAMAÏEU INTERNATIONAL), de même que la fréquentation de cinémas et de cafés-brasseries très proches, la présence de parkings à proximité, l'existence d'un réseau de transports en commun et la proximité de la gare, un aménagement piétonnier en faisaient déjà "la première rue piétonne et commerçante à LILLE" ainsi qu'il résulte de cette même lettre, dont le contenu n'est pas critiqué par la SCI. La mise en valeur de cet aspect et sa confirmation par voie de presse ne sont donc pas, en soi, des éléments révélateurs, à cet égard, d'une évolution significative.
Il convient d'examiner maintenant les différents éléments nouveaux que la SCI 12 RUE DE BÉTHUNE invoque comme ayant eu, selon elle, un effet positif sur la chalandise et les résultats d'exploitation de la SAS CAMAÏEU INTERNATIONAL.
# ouverture de la Galerie de la Voix du Nord, et installation de la FNAC fin 1992
L'expert n'a donné aucun avis personnel circonstancié sur ces points. La SCI 12 RUE DE BÉTHUNE, qui invoque ce moyen, ne fournit aucun document pour établir que la Galerie commerciale de la Voix du Nord se soit ouverte dans la proximité immédiate de la rue de Béthune, ni a fortiori que l'ouverture de ce nouveau centre commercial et la nature des activités qui y sont exercées, aient réellement bénéficié à la SAS CAMAÏEU INTERNATIONAL en amenant, au magasin de vente de cette dernière, de nouveaux clients potentiels.
S'agissant de l'installation du magasin à l'enseigne "FNAC", là encore la SCI 12 RUE DE BÉTHUNE ne fournit aucun document de nature à étayer sa position. La SAS CAMAÏEU INTERNATIONAL, quant à elle, explique qu'un magasin à l'enseigne "FNAC" existait précédemment et qu'il s'est simplement produit un déplacement du point de vente. La SCI n'a pas contredit ce point, ni fourni de document justificatif de ce que l'installation de cette activité commerciale dans ses locaux actuels ait apporté un quelconque bénéfice à l'exploitation de la SAS CAMAÏEU INTERNATIONAL.
Ces éléments ne sont donc pas de nature à démontrer une modification des facteurs locaux de commercialité en faveur de l'activité de la SAS CAMAÏEU INTERNATIONAL au cours du bail.
# inauguration de la Galerie EURALILLE
La SCI 12 RUE DE BÉTHUNE se contente de faire valoir que l'ouverture de cette grande galerie commerciale a attiré sur LILLE des nouveaux chalands qui n'ont pu que bénéficier à "l'ensemble des commerces lillois". Cette remarque, particulièrement générale, n'est pas de nature à constituer la preuve d'un effet réel de l'ouverture de ce centre commercial sur l'activité du commerce exploité par la SAS CAMAÏEU INTERNATIONAL ; elle n'est, là encore, étayée par aucun élément précis, ni a fortiori de justificatif d'une incidence effective. En outre, comme le fait remarquer la SAS CAMAÏEU INTERNATIONAL sans être contredite, la Galerie EURALILLE est située loin de l'hyper centre de la ville - où se trouvent les locaux en cause - et ce centre commercial accueille, lui aussi, un magasin à l'enseigne "CAMAÏEU". On voit mal, dès lors, comment cet élément peut être constitutif d'un avantage nouveau pour l'activité à l'enseigne "CAMAÏEU" exploitée rue de Béthune.
# ouverture de la gare de LILLE-EUROPE et développement des infrastructures ferroviaires
La SCI 12 RUE DE BÉTHUNE, là encore, affirme que l'ouverture de cette gare a amélioré les accès au centre de LILLE et attiré de nouveaux consommateurs étrangers notamment de Belgique et de Grande-Bretagne. Mais, là aussi, elle n'étaie cette affirmation d'aucune pièce. Elle se fonde par ailleurs sur un document d'enquête (sa pièce numérotée 39) relatif, d'après elle, à "l'impact du développement des infrastructures ferroviaires sur la fréquentation touristique à LILLE" ; en réalité, le document qu'elle produit porte sur l'interaction entre les deux principaux pôles commerciaux du centre-ville que sont l'hyper centre et le centre EURALILLE ; or, de cette étude, il ne ressort pas d'amélioration évidente de la fréquentation de l'hyper-centre en faveur des commerces d'équipement de la personne, au cours de la période considérée ; à l'inverse, on y trouve des éléments qui révèlent plutôt une évolution défavorable, et contraire à celle que la SCI invoque dans ses conclusions ; ainsi :
- le tableau 4.1 page 4 montre une diminution proportionnelle des chalands extérieurs à l'arrondissement de LILLE entre 1995 et 1997 et, corrélativement, une augmentation du pourcentage des chalands originaires de LILLE ; il n'y a donc pas eu d'augmentation de touristes étrangers, ou tout au moins de personnes d'autres pays faisant des achats en centre ville,
- le tableau n° 2 page 6 révèle que parmi les chalands interrogés, seuls 0,98 % viennent d'un autre pays que la France,
- le second tableau de la page 10 montre qu'il s'est produit une diminution de 8,3 % entre 1995 et 1997 des achats d'équipement de la personne effectués en centre ville alors que, pour la même période, ceux de la même catégorie effectués à EURALILLE ont augmenté de 44,8 %.
La SCI se base ensuite sur un tableau relatif à l'augmentation du nombre de voyageurs par le train entre LILLE et BRUXELLES et LILLE et LONDRES (tableau reproduit en page 10 de ses conclusions) ; or, d'une part, on ignore l'origine des chiffres ainsi annoncées, qui ne figurent pas, parmi les pièces qu'elle produit, sur un quelconque document officiel. Ensuite, cette évolution de la fréquentation peut concerner tout aussi bien des personnes se déplaçant pour des raisons professionnelles ou purement touristiques, à visée culturelle ou de loisir et non pas pour effectuer des achats ; les personnes ainsi concernée, notamment celles se déplaçant pour des raisons professionnelles, effectuaient probablement ces trajets déjà auparavant, mais par un autre moyen de transport ; ces chiffres ne signifient donc pas, à eux seuls, un réel impact sur la commercialité de l'activité exercée par la SAS CAMAÏEU INTERNATIONAL dans les locaux loués.
Enfin, il n'est pas davantage démontré que l'existence d'un nouveau parking à proximité de la Gare de LILLE-EUROPE bénéficie effectivement au commerce exploité dans les lieux loués, dès lors que ce parking, proche de la gare en question et du centre commercial EURALILLE, dessert essentiellement ces deux destinations, et n'a donc pas, a priori, d'impact direct sur les activités commerciales exercées dans un autre quartier.
# l'extension des cinémas et la réouverture du Palais des Beaux-Arts
Là encore, la SCI 12 RUE DE BÉTHUNE se contente d'une affirmation générale sur une nécessaire évolution favorable, pour le commerce considéré, consécutive à l'augmentation de la fréquentation des cinémas proches. Mais elle n'étaie son propos d'aucun élément chiffré ni vérifié. Or, les clients d'un cinéma, de par l'horaire et le type de cette activité, ne vont pas forcément accompagner leur sortie culturelle ou de loisir de la réalisation d'achats de vêtements, fut-ce dans le même quartier. Ainsi, la jurisprudence citée par la SCI n'est pas significative dès lors qu'elle concernait, entre autres, un commerce d'un autre type puisqu'il s'agissait d'un bar-restaurant-café-brasserie.
Il en est de même pour le Palais des Beaux Arts, dont la fréquentation apparaît, a priori, sans lien avec une possible augmentation de la chalandise pour les magasins de vêtements ; en effet, les personnes qui programment une visite culturelle ne vont pas forcément, dans le même "mouvement" et le même laps de temps, effectivement pénétrer dans des magasins de prêt-à-porter pour y effectuer des achats ; il s'agit de démarches a priori différentes, et qui ne sont associées que pour des motifs plutôt exceptionnels ; dès lors, il ne se produit pas véritablement de synergie entre une activité envers l'autre. La SAS CAMAÏEU INTERNATIONAL confirme ce point de vue en produisant ses chiffre d'affaires pour les journées du mardi, qui correspond au jour de fermeture du musée, et qui ne révèlent pas de baisse significative des ventes pour ce jour de la semaine, en comparaison avec les autres (sa pièce n° 6). L'expert a donné un avis dans le sens d'une absence d'incidence positive de ce facteur, au vu de l'ensemble des points qui viennent d'être évoqués.
# aménagement d'un parking au sein de l'îlot des Tanneurs
La SCI 12 RUE DE BÉTHUNE verse aux débats, sur ce point, les documents de convocation à une assemblée générale de copropriétaires, dont il résulte que des emplacements de stationnement privés vont être isolés (sur un seul niveau) d'emplacements publics. Il n'en résulte pas une augmentation de la capacité de ces derniers, ni donc une amélioration quelconque en faveur des personnes souhaitant se garer en centre ville. Aucun autre document n'est produit sur ce point. L'argument ainsi invoqué est donc injustifié.
# spécialisation de la rue de Béthune
Il est constant qu'au cours de la période considérée, la rue de Béthune a poursuivi sa spécialisation dans le commerce de milieu de gamme orienté vers l'équipement de la personne (prêt-à-porter, parfumerie, chaussures). Cette spécialisation a pu, certes, constituer un atout pour la chalandise du magasin à l'enseigne "CAMAÏEU" exploité dans les locaux loués situés dans cette rue. Néanmoins, cet aspect favorable est nécessairement atténué par la conséquence logique qui est la présence, à proximité immédiate, de nombreux autres commerces de même catégorie, s'adressant au même type de clientèle et augmentant donc la concurrence dans la même zone. L'impact réel et significatif de ce facteur sur le commerce considéré n'est pas, par ailleurs, démontré par quelque chiffre que ce soit.
# évolution réelle des résultats de l'activité exercée dans les locaux considérés
Pour illustrer qu'aucun facteur n'a contribué à améliorer, pour elle, la commercialité au cours de la période considérée, la SAS CAMAÏEU INTERNATIONAL a produit ses chiffre d'affaires de 1993 à 2003 qui montrent une absence d'augmentation significative pour cette période. En effet, au contraire, le chiffre d'affaires de 1993 n'a jamais été retrouvé, le chiffre d'affaires a diminué fortement entre 1993 et 1996 (-35 % environ) ; il a ensuite augmenté légèrement puis stagné jusqu'en 1999, puis diminué en 2000, année au cours de laquelle des travaux de rénovation ont été réalisés ; il a augmenté en 2001, corrélativement à la réalisation de ces travaux, puis a stagné à nouveau jusqu'en 2003.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il n'est pas démontré que l'activité commerciale exploitée dans les lieux loués a effectivement, au cours de la période du bail expiré; bénéficié d'une évolution favorable, sur ses conditions d'exploitation, des facteurs locaux de commercialité.
C'est donc à bon droit que le premier juge a décidé que le loyer du bail renouvelé devait être fixé selon les modalités de l'article L. 145-34 du code de commerce, c'est-à-dire au montant fixé dans le bail avec le jeu de l'indexation. Le jugement déféré sera donc confirmé dans son intégralité.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SAS CAMAÏEU INTERNATIONAL tout ou partie des frais exposés dans le cadre de la présente et non compris dans les dépens ; il y a donc lieu de lui allouer la somme de 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La SCI 12 RUE DE BÉTHUNE, qui succombe en son appel, devra supporter les dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile. Pour les mêmes motifs, aucune considération d'équité ne conduit à faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile en sa faveur.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au Greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Y ajoutant,
CONDAMNE la SCI 12 RUE DE BÉTHUNE à payer à la SAS CAMAÏEU INTERNATIONAL la somme de 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
REJETTE toutes les autres demandes.
CONDAMNE la SCI 12 RUE DE BÉTHUNE aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.