La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/06/2008 | FRANCE | N°08/00627

France | France, Cour d'appel de Douai, Ct0094, 05 juin 2008, 08/00627


COUR D'APPEL DE DOUAI
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 05/06/2008
** *

N° RG : 08/00627Offre FIVAdu 03 Décembre 2007
DEMANDEURMonsieur René

X...

né le 02 Mai 1933 à CALAIS (62100)Demeurant

...

59180 CAPPELLE LA GRANDE
représenté par Me HAAS de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

DÉFENDEURFONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTEAyant son siège socialTour Galliéni II - 36 Avenue du Général de Gaulle93175 BAGNOLET CEDEX
représenté par Me Mario CALIFANO, avocat au barreau de LILLE

COMPOSI

TION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉMadame MERFELD, Présidente de chambreMonsieur KLAAS, ConseillerMadame ALVARAD...

COUR D'APPEL DE DOUAI
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 05/06/2008
** *

N° RG : 08/00627Offre FIVAdu 03 Décembre 2007
DEMANDEURMonsieur René

X...

né le 02 Mai 1933 à CALAIS (62100)Demeurant

...

59180 CAPPELLE LA GRANDE
représenté par Me HAAS de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

DÉFENDEURFONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTEAyant son siège socialTour Galliéni II - 36 Avenue du Général de Gaulle93175 BAGNOLET CEDEX
représenté par Me Mario CALIFANO, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉMadame MERFELD, Présidente de chambreMonsieur KLAAS, ConseillerMadame ALVARADE, Conseillère---------------------GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame AMBROZIEWICZ
DÉBATS à l'audience publique du 23 Avril 2008,Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 05 Juin 2008 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame MERFELD, Présidente, et Madame AMBROZIEWICZ, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur René

X...
, né le 2 mai 1933, a exercé son activité professionnelle au Port de DUNKERQUE de décembre 1951 au 14 juillet 1987 en qualité de docker.
Il est porteur de plaques pleurales qui ont été diagnostiquées le 14 avril 2006.
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de DUNKERQUE a reconnu le caractère professionnel de sa maladie et lui a attribué un taux d'incapacité de 5 %.
Monsieur

X...
a saisi le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante (FIVA) qui, le 3 décembre 2007, lui a notifié une offre d'indemnisation de son préjudice se décomposant comme suit : - préjudice patrimonialsur la base d'un taux d'incapacité de 5 % et d'une rente annuelle de 429 € * arriérés de la rentedu 15 avril 2006 au 31 décembre 2006429 € x 261 / 365 306,76 € du 1er janvier au 30 septembre 2007429 € x 3/4 321,75 € * capitalisation de la rente au 1er octobre 2007429 € x 9,189 3.942,08 €
Total 4.570,59 € à déduire : capital versé par l'organisme social - 1.745,28 €
Solde 2.825,31 €
- préjudice extra-patrimonialsouffrances physiques 300 € préjudice moral 9.900 € préjudice d'agrément néant
Monsieur

X...
a contesté cette offre par lettre recommandée reçue au greffe de la Cour le 29 janvier 2008.
Par conclusions déposées le 16 avril 2008 et reprises oralement à l'audience, il demande à la Cour d'évaluer son préjudice lié à l'incapacité fonctionnelle sur la base d'une rente annuelle de 858 € et en conséquence de lui attribuer, à ce titre, une somme de 10.569,79 € établie comme suit :* arriérés de la rentedu 15 avril 2006 au 31 décembre 2006 858 € x 261 / 365 613,53 € du 1er janvier au 30 septembre 2007858 € x 3/4 643,50 € * capitalisation de la rente au 1er octobre 2007858 € x 10,854 9.312,73 €
Total 10.569,76 €
Il soutient que la somme versée par l'organisme social au titre de la capitalisation de la rente accident du travail présente, compte tenu de ses critères d'attribution et de calcul, un caractère professionnel et ne doit pas venir en déduction de l'indemnité allouée en réparation de l'incapacité fonctionnelle qui est un préjudice personnel. Il invoque notamment l'avis rendu le 29 octobre 2007 par la Cour de Cassation sur l'application de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006, duquel il résulte que la rente versée par l'organisme social en application de l'article L 434-2 du code de la sécurité sociale, à la victime d'un accident du travail, doit s'imputer sur les pertes de gains professionnels et sur la part d'indemnité réparant l'incidence professionnelle et l'arrêt du Conseil d'Etat du 5 mars 2008 par lequel il a été jugé que l'objet exclusif de la rente accident du travail est de contribuer à la réparation du préjudice subi par l'intéressé dans sa vie professionnelle du fait du handicap.
A titre subsidiaire pour le cas où la Cour considérerait que la rente versée par la CPAM au titre de la maladie professionnelle doit venir en déduction de l'indemnité réparant le déficit fonctionnel il se porte demandeur de la somme de 8.824,48 €.
Pour la capitalisation il propose de retenir la table de mortalité 2002-2004 qui est la table la plus récente publiée par l'INSEE, avec un taux d'intérêt de 2,5 %.
Plus subsidiairement, et dans l'hypothèse où la Cour ne devrait pas retenir le barème de capitalisation proposé, il sollicite l'application du barème de capitalisation adopté par le FIVA. Dans cette hypothèse le montant de la rente capitalisée s'élèverait à la somme de 7.884,16 € et il resterait devoir selon lui par le FIVA la somme de 9.141,19 € (arriérés : 1.257,03 € + capital : 7.884,16 €) dont à déduire le capital de 1.745,28 € versé par l'organisme social, soit un solde de 7.395,91 €.
Il conteste également l'évaluation de son préjudice moral et l'absence d'indemnisation au titre du préjudice d'agrément et sollicite à ce titre les sommes de :- préjudice moral : 30.000 € - préjudice d'agrément : 5.000 €
Il ne remet pas en cause l'offre du FIVA au titre du préjudice physique.
Il se porte en outre demandeur d'une somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses écritures déposées le 21 avril 2008 et reprises oralement à l'audience, le FIVA conclut à la confirmation de son offre d'indemnisation et au rejet de la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il conteste notamment le principe de la linéarité appliqué par Monsieur

X...
pour déterminer la valeur du point d'incapacité soutenant que ce principe n'est pas adapté car il n'existe aucune proportionnalité de gravité, eu égard au taux d'incapacité, entre une maladie bénigne et une maladie maligne. Il ajoute que le barème que lui-même propose forme un ensemble cohérent de sorte que l'on ne peut en retenir certains éléments et en écarter d'autres sans aboutir à une grave dénaturation ayant pour effet de générer une double indemnisation et une inégalité entre les victimes.
Il considère que les dispositions du IV de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 imposent de déduire, pour le calcul de la rente, les indemnités de toute nature qui ont été versées à la victime et en particulier les indemnités servies par l'organisme social.
Il rappelle l'interdiction des doubles indemnisations et des enrichissements sans cause et invoque le caractère historiquement mixte de la rente d'invalidité qui a vocation à la fois à indemniser le déficit fonctionnel et à fournir un revenu de remplacement.
Il ajoute qu'il n'incombe pas au FIVA d'établir que la prestation versée par l'organisme de sécurité sociale indemnise l'incapacité fonctionnelle mais que conformément au droit commun, c'est au demandeur de démontrer qu'il conserve un préjudice non indemnisé par la sécurité sociale.
Il fait valoir que le préjudice moral de Monsieur

X...
est faible et lié à la seule connaissance d'avoir été exposé à l'amiante et que sa renonciation au activités de loisir est toute relative.

SUR CE :
Sur le déficit fonctionnel
Attendu que des plaques pleurales ont été diagnostiquées le 14 avril 2006 alors que Monsieur

X...
était âgé de 72 ans ;
Que le FIVA a reconnu un taux d'incapacité de 5 % ;
Attendu que les parties s'accordent sur le taux d'incapacité de 5 % ; qu'elles sont en désaccord sur la valeur du point d'incapacité ;
Attendu que la présente action n'a pas pour objet d'apprécier la pertinence du barème auquel le FIVA se réfère mais seulement de rechercher si, dans le cas d'espèce, l'offre du fonds répond concrètement à l'objectif de réparation intégrale ;
Que la Cour considère que la proposition du FIVA, soit une somme de 429 € par an est insuffisante à réparer le déficit fonctionnel dont Monsieur

X...
est atteint du fait des plaques pleurales bilatérales, certaines calcifiées avec une prédominance dans les régions antéro-latérales de la gouttière costo-vertébrale droite, dont il est porteur, telles que décrites dans le compte rendu de scanner thoracique du 14 avril 2006 et qu'afin d'assurer une juste et totale indemnisation, il y a lieu de porter l'indemnité à 858 € par an ;
Attendu que les parties sont également en désaccord sur le barème à appliquer pour la capitalisation de la rente ;
Que la table de capitalisation retenue par Monsieur

X...
intègre un taux d'intérêt de 2,5 % qui apparaît sous-évalué compte tenu des taux de rendement financiers actuels ;
Que le barème de capitalisation adopté par le FIVA résulte des préconisations du rapport de l'Inspection Générale des Affaires Sociales dit rapport YAHIEL ; qu'il est fondé sur une table de mortalité établie selon les projections démographiques de l'INSEE en 2002 et sur un taux d'intérêt de 3,5 % conforme aux données économiques actuelles ; que ce barème sera retenu ;
Attendu qu'il est donc dû par le FIVA : - 15 avril 2006 au 31 décembre 2006 (261 jours)858 € x 261 / 365 613,53 € - du 1er janvier au 30 septembre 2007 (3 trimestres)858 € x 3/4 643,50 €

- capitalisation de la rente au 1er octobre 2007, Monsieur

X...
étant âgé de 74 ans,858 € x 9,189 7.884,16 €
Total 9.141,19 €
Attendu que Monsieur

X...
conteste la déduction opérée par le FIVA de l'indemnité en capital versée par la CPAM en application des articles L 434-1 et suivants du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'il résulte des dispositions du IV de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 que dans son offre d'indemnisation présentée au demandeur, le FIVA doit indiquer "l'évaluation retenue pour chaque chef de préjudice, ainsi que le montant des indemnités qui lui reviennent compte tenu des prestations énumérées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation et des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice" ;
Attendu que selon l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 venu modifier l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale et l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 les recours subrogatoires des caisses de sécurité sociale s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu'elles ont pris en charge à l'exclusion des préjudices à caractère personnel ; que cependant si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice ;
Attendu que l'indemnité offerte par le FIVA au titre de l'incapacité fonctionnelle répare, selon la définition adoptée dans son barème indicatif, "la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant d'une atteinte à l'intégrité corporelle d'une personne" ; qu'il s'agit donc de l'indemnisation d'un chef de préjudice personnel et non d'un préjudice patrimonial, le FIVA indemnisant distinctement la perte de gains et le préjudice économique ;
Attendu que le capital ou la rente versé en application des articles L 434-1 et suivants du code de la sécurité sociale à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle indemnise notamment les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l'incapacité ; qu'il doit en conséquence s'imputer sur les pertes de gains professionnels et sur la part d'indemnité réparant l'incidence professionnelle ;
Que si le FIVA souhaite l'imputer sur un poste de préjudice personnel, il lui appartient d'établir qu'une part de cette prestation a effectivement et préalablement indemnisé la victime, de manière incontestable, pour un tel poste de préjudice personnel ;
Que le FIVA qui n'apporte pas la preuve dont il a la charge ne peut opérer la déduction du capital versé par la caisse de sécurité sociale ;
Attendu qu'en conséquence l'indemnité revenant à Monsieur

X...
au titre du déficit fonctionnel s'élève à 9.141,19 € ;

Sur le préjudice physique
Attendu que Monsieur

X...
ne conteste pas l'offre du FIVA au titre du préjudice physique ;

Sur le préjudice moral
Attendu que Monsieur

X...
justifie d'un préjudice moral certain caractérisé par l'angoisse d'être atteint par une maladie évolutive liée à l'amiante ; que ses proches témoignent du changement de son caractère depuis l'annonce de sa maladie, Monsieur
X...
devenant irritable et agressif ; que toutefois l'offre du FIVA de 9.900 € constitue une juste réparation du préjudice ainsi caractérisé compte tenu de l'âge de Monsieur
X...
; qu'elle sera confirmée ;

Sur le préjudice d'agrément
Attendu qu'en raison de sa maladie, Monsieur

X...
a dû cesser ou restreindre certaines activités de loisir ; que ses proches attestent qu'étant très vite essoufflé, même lors d'efforts légers, il a de plus en plus de mal à faire des promenades à pied ou à bicyclette et que certaines tâches, comme le jardinage, lui sont devenues impossibles ; qu'en réparation de ce préjudice il lui sera alloué une somme de 1.000 € ;
***
Attendu qu'en application de l'article 31 du décret du 23 octobre 2001 les dépens sont à la charge du FIVA qui versera en outre à Monsieur

X...
une somme de 550 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant en audience publique et contradictoirement,
Alloue à Monsieur René

X...
la somme de 9.141,19 Euros au titre du déficit fonctionnel et celle de 1.000 Euros au titre du préjudice d'agrément, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Dit que ces sommes lui seront versées par le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante sous déduction des provisions éventuellement déjà réglées,
Confirme l'offre du FIVA au titre du préjudice moral,
Constate que l'offre au titre des souffrances physiques n'est pas contestée,

Met les dépens à la charge du FIVA,
Dit qu'il devra verser à Monsieur

X...
une somme de 550 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Ct0094
Numéro d'arrêt : 08/00627
Date de la décision : 05/06/2008

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2008-06-05;08.00627 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award