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30/05/2008 | FRANCE | N°07/00922

France | France, Cour d'appel de Douai, 30 mai 2008, 07/00922


ARRET DU
30 Mai 2008

N° 971 / 08



RG 07 / 00922







article 37 de la loi du 10 juillet 1991



JUGEMENT
Conseil de Prud'hommes de LILLE
EN DATE DU
14 Septembre 2005







NOTIFICATION



à parties



le 30 / 05 / 08



Copies avocats



le 30 / 05 / 08



COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale



-Prud'hommes-



APPELANTE :



Mme Aïcha

X...




...
>

Présente et assistée de Me Julie PENET (avocat au barreau de PARIS)



INTIMES :



M. Christian

E...




...



Représenté par Me MILLOT substituant Me Jérôme LESTOILLE (avocat au barreau de LILLE)



SAS SERGIC
225 rue de Lille
59130 LAMBERSART
SYNDIC...

ARRET DU
30 Mai 2008

N° 971 / 08

RG 07 / 00922

article 37 de la loi du 10 juillet 1991

JUGEMENT
Conseil de Prud'hommes de LILLE
EN DATE DU
14 Septembre 2005

NOTIFICATION

à parties

le 30 / 05 / 08

Copies avocats

le 30 / 05 / 08

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale

-Prud'hommes-

APPELANTE :

Mme Aïcha

X...

...

Présente et assistée de Me Julie PENET (avocat au barreau de PARIS)

INTIMES :

M. Christian

E...

...

Représenté par Me MILLOT substituant Me Jérôme LESTOILLE (avocat au barreau de LILLE)

SAS SERGIC
225 rue de Lille
59130 LAMBERSART
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE DU PARC
28 / 44 Rue des Arts-59000 LILLE
Représentés par Me Paule WELTER (avocat au barreau de LILLE)

CABINET SIGLA
177 Rue Nationale-59000 LILLE
Non comparant-non représenté-AR de convocation signé le 23 avril 2007

DEBATS : à l'audience publique du 04 Avril 2008

Tenue par F. MARQUANT
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : N. BERLY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE

M. ZAVARO : PRESIDENT DE CHAMBRE

F. MARQUANT : CONSEILLER

A. ROGER MINNE : CONSEILLER

ARRET : Réputé contradictoire à l'égard du cabinet SIGLA, contradictoire à l'égard des autres parties
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Mai 2008,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par M. ZAVARO, Président et par M. BURGEAT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 13 novembre 1980 Aïcha

X...

a été embauchée à temps plein pour 39 heures hebdomadaires en contrat à durée indéterminée par le syndicat des copropriétaires de la Résidence du Parc en qualité d'employée d'immeuble affectée au bâtiment B de la résidence, la Convention Collective applicable étant celle des gardiens, concierges et employés d'immeubles ;

Aïcha

X...

a été en relation de travail avec plusieurs syndics successifs, la SERGIC jusqu'en 2000, la GFF FLANDRES en 2000 et 2001, la SNFI de mai 2001 à septembre 2001, la SIGLA de septembre 2001 à juin 2007, et enfin à nouveau la SERGIC depuis le 10 juin 2007 ;

En 1995 Christian

E...

a été embauché en qualité de concierge de la résidence et des difficultés relationnelles sont apparues entre celui-ci et Aïcha

X...

;

Une plainte déposée le 29 juin 1998 par Aïcha

X...

contre Gilbert

C...

Président du conseil syndical jusqu'en 2005 pour harcèlement sexuel, a été classée sans suite par le parquet de LILLE le 16 juillet 1999 ;

Le 1e septembre 1998 Aïcha

X...

a été affectée au bâtiment A ;

Par un écrit du 16 septembre 1998, le régisseur de l'immeuble Christian

E...

a rappelé le planning des tâches à effectuer à Aïcha

X...

;

Par courrier du 12 octobre 1998 celle-ci a fait part au syndic LA SERGIC du comportement de Christian

E...

qui la « pousse à bout » et de la surcharge de travail ;

Par courrier du 27 octobre 1998, Aïcha

X...

a demandé à LA SERGIC un planning précis des tâches qu'elle devait effectuer en y joignant un récapitulatif personnel de son travail ;

Le 2 novembre 1998, Christian

E...

a été désigné par le syndic LA SERGIC pour répartir l'organisation des tâches de la copropriété et est devenu le supérieur hiérarchique direct de Aïcha

X...

;

En octobre 2000 Christian

E...

lui a notifié un nouveau planning des tâches de travail à accomplir dans le bâtiment A ;

Par courrier du 26 octobre 2000, Aïcha

X...

s'est plainte auprès de son employeur de l'alourdissement de ses tâches ;

Quatre entretiens ont été organisés entre mai 1999 et 2002 par la direction à la demande d'Aïcha

X...

avec Christian

E...

;

Le 21 septembre 2002 Aïcha

X...

a été en arrêt maladie et n'a pas repris le travail par la suite ;

Le 30 septembre 2002, cette salariée a saisi l'inspection du travail et la médecine du travail à propos de ses horaires ;

Par courriers des 7 octobre et 18 novembre 2002, le syndic a répondu à l'inspection du travail et au médecin du travail en les informant qu'il avait proposé à Aïcha

X...

de reprendre ses anciens horaires pour lui permettre de revenir déjeuner chez elle et qu'il avait demandé à Christian

E...

de ne plus lui donner d'instructions ;

C'est dans ces conditions qu'Aïcha

X...

a saisi le Conseil de Prud'hommes de LILLE le 8 décembre 2003, pour harcèlement moral puis le 11 mai 2005 pour voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur pour ces faits, obtenir de ce dernier qu'il prenne des mesures utiles vis-à-vis de Christian

E...

, et voir condamner solidairement le syndicat des copropriétaires et Christian

E...

au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

Par avis du 4 juillet 2005, le médecin du travail a estimé qu'une inaptitude au poste d'Aïcha

X...

était à prévoir et à confirmer. A revoir le 18 juillet 2005 ;

Par une deuxième visite du 18 juillet 2005, dans le cadre de l'article R 241-51-1, le médecin du travail a confirmé l'avis d'inaptitude du 4 juillet 2005, l'a déclarée inapte au poste proposé avec possibilité de reclassement à un poste similaire dans un autre environnement ;

Par courrier recommandé du 4 août 2005, Aïcha

X...

a été convoquée par le syndic de copropriété SIGLA à un entretien préalable de licenciement, fixé au 16 août 2005 ;

Par lettre recommandée avec avis de réception du 29 août 2005, Aïcha

X...

a été licenciée pour inaptitude physique ;

Par jugement en date du 14 septembre 2005, le Conseil de Prud'hommes de LILLE a :

Dit qu'il n'y avait pas eu de harcèlement moral,
Dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail,
Déclaré irrecevable et mal fondées les demandes, fins et conclusions d'Aïcha

X...

envers Christian

E...

,
Déclaré irrecevable et mal fondée les demandes reconventionnelles de Christian

E...

,
Pris acte que le syndicat des copropriétaires de la Résidence du Parc reconnaît devoir la somme de 349, 00 € au titre de rappel de salaire,
Débouté Aïcha

X...

du surplus de ses demandes,
Débouté le syndicat des copropriétaires de la Résidence du Parc de sa demande reconventionnelle,
Laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Aïcha

X...

a régulièrement interjeté appel de cette décision le 3 octobre 2005 ;

Par conclusions contradictoirement échangées, visées par le greffier le 4 avril 2008 et soutenues oralement à l'audience du même jour Aïcha

X...

demande de :

Constater, dire et juger que le harcèlement moral qu'elle a subi est établi, et qu'en toute hypothèse, l'employeur a manqué à ses obligations tirées de l'article L 230-2 du code du travail,
Condamner solidairement le syndicat des copropriétaires de la Résidence du Parc et Christian

E...

au paiement d'une somme de 15 000, 00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,
Prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail,
A défaut, constater, dire et juger que son licenciement est dénué de toute cause réelle et sérieuse,
Condamner en conséquence, le syndicat des copropriétaires de la Résidence du Parc au paiement des sommes suivantes :
-2 632, 64 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-263, 26 € au titre des congés payés y afférents,
-31 591, 68 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Lui donner acte de ce que le syndicat des copropriétaires de la Résidence du Parc reconnaît devoir ces sommes,
Débouter le syndicat des copropriétaires de la Résidence du Parc de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Condamner le syndicat des copropriétaires de la Résidence du Parc au paiement de la somme de 1 500, 00 € sur le fondement de l'article 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991,

Par conclusions contradictoirement échangées, visées par le greffier le 4 avril 2008 et soutenues oralement à l'audience du même jour, le syndicat des copropriétaires de la Résidence du Parc et le syndic LA SERGIC demandent de :

Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de LILLE du 14 septembre 2005 et de :
- lui donner acte de ce qu'il reconnaît rester devoir à Aïcha

X...

la somme de 349, 00 € à titre de rappel de salaire,
- débouter Aïcha

X...

de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
Dire et juger qu'Aïcha

X...

n'a pas fait l'objet de harcèlement moral de sa part et de la part de Christian

E...

,
Dire et juger qu'il n'a pas manqué à ses obligations contractuelles,
Débouter Aïcha

X...

de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur,
Dire que le licenciement pour inaptitude physique d'Aïcha

X...

est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
Débouter Aïcha

X...

de l'ensemble de ses demandes à ce titre,
Débouter Aïcha

X...

de sa demande de 39, 90 € au titre des congés payés afférents à la prime,
Condamner Aïcha

X...

à lui payer la somme de 1 525, 00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire, si la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur était prononcée,

Débouter Aïcha

X...

de ses demandes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents,
Réduire le montant des dommages et intérêts au préjudice réellement subi,
Condamner Aïcha

X...

à lui restituer le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement qu'elle a perçue ;

Par conclusions contradictoirement échangées, visées par le greffier le 4 avril 2008 et soutenues oralement à l'audience du même jour, Christian

E...

demande de :

Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de LILLE en toutes ses dispositions,
Ordonner à Aïcha

X...

de retirer l'insertion selon laquelle Monsieur

D...

a toutefois pu être témoin de ce qu'il était quelqu'un d'indigne et de raciste dans le cadre de ses dernières écritures,
Condamner Aïcha

X...

à lui régler la somme de 5000, 00 € sur le fondement de l'article 1382 du code civil ainsi qu'aux entiers frais et dépens de la procédure,
Condamner Aïcha

X...

à lui régler la somme de 2 000, 00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

En l'absence du Cabinet SIGLA, précédent syndic, dûment convoqué et signataire de l'avis de réception de cette convocation, il y a lieu de statuer à son égard par décision réputée contradictoire ;

SUR CE, LA COUR

Sur la compétence de la juridiction sociale :

Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article L 511-1 du code du travail la mission de la juridiction sociale s'applique également aux différents nés entre salariés à l'occasion du travail ;

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L 230-3 du code du travail, que le salarié qui fait subir intentionnellement des agissements répétés de harcèlement moral engage sa responsabilité personnelle à l'égard de ses subordonnés ;

Attendu que l'action formée par Aïcha

X...

à l'égard de Christian

E...

est ainsi recevable dans le présent litige ;

Sur le harcèlement moral :

Attendu qu'Aïcha

X...

invoque le harcèlement moral de Christian

E...

sans que l'employeur n'estime devoir réagir à ses doléances et sollicite la condamnation solidaire de Christian

E...

et du syndicat des copropriétaires de la Résidence du Parc à des dommages et intérêts pour préjudice moral et à titre subsidiaire, soulève la responsabilité de son employeur pour non-respect de son obligation de prévention sur le fondement des articles L 122-51 et L 230-2 du code du travail, demande de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

Attendu que par application des dispositions de l'article L 122-49 du code du travail « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » ;

Attendu que par application des dispositions de l'article L 122-51 du code du travail, il appartient au chef d'entreprise de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements visés à l'article L 122-49.

Attendu que s'agissant de faits de harcèlement invoqués, antérieurs à la loi FILLION du 3 janvier 2003, il convient d'examiner les deux régimes de preuve applicables antérieurement aux dispositions légales actuelles ;

Attendu qu'antérieurement à la loi de modernisation sociale n° 2002-73 du 17 janvier 2002, les dispositions de droit commun de l'article 1134 du code civil concernant l'exécution de bonne foi des conventions, étaient applicables ; qu'il appartenait donc à la salariée dans le cadre des dispositions de droit commun des contrats, d'établir les manquements de l'employeur à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail ;

Attendu qu'à partir de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, la salariée qui s'estimait victime de harcèlement moral devait présenter des éléments de fait laissant supposer un harcèlement ; que c'était donc à la partie défenderesse qu'il incombait de prouver que les agissements incriminés n'étaient pas constitutifs d'un tel harcèlement et qu'ils étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu que pour justifier du harcèlement moral puis à partir du 17 janvier 2002 pour présenter les éléments de fait laissant supposer un harcèlement de son supérieur hiérarchique Christian

E...

et la responsabilité de son employeur tenu d'une obligation de sécurité de résultat, Aïcha

X...

invoque :

Les propos de Christian

E...

: par courrier de la salariée du 11 décembre 2001 « tu me dis s'il te plat chef et merci chef » et du 1er février 2002 : le ton verbal violent, brutal et humiliant : « viens ici ! » « j'appelle le chef si tu ne le fais pas avant 15 h », ses reproches non justifiés, ses insultes, ses hurlements et ses familiarités, il ne se contente pas de faire son travail, il la rabaisse sans cesse, il y prend un réel plaisir ; par courrier du 26 août 2002 ;
La modification incessante des plannings par la direction d'une part et par Christian

E...

qui en change le contenu à tout moment : courrier de la salariée du 19 juillet 2002 : Christian

E...

ordonne de ne pas nettoyer les boites aux lettres en décembre 2001 alors que le planning le prévoit et de ne pas effectuer le nettoyage des caves et des garages à vélos depuis deux mois, alors que le planning le prévoit une fois par mois, elle allègue une absence de pause, la réclamation fréquente de détergent et de gants,
Le courrier du 26 août 2002 : mentionnant « ce programme est remis en cause journellement par Monsieur

E...

,
Le courrier du 18 septembre 2002 : indiquant « il m'a demandé de ne pas exécuter votre planning, mais de faire ce que lui me dit de faire », « il joue un rôle de dictateur envers ma personne uniquement »,
L'augmentation de ses tâches par rapport à son contrat de travail originel : courrier du 19 juillet 2002 : nettoyage des sous sols notamment, temps imparti pour nettoyer deux cages d'escaliers, les entrées, vitres, boites aux lettres, cuivres et poussières est insuffisant,

Attendu qu'Aïcha

X...

verse aux débats :

une quinzaine de courriers écrits avec l'aide de sa fille depuis le 19 mars 1999 et adressés au syndic représentant la copropriété, son employeur, faisant état de mésententes avec Christian

E...

, des remarques de ce dernier, de la surcharge de travail qui ne fait qu'augmenter chaque jour, des mauvaises attitudes de celui-ci, de son souhait de ne pas adresser ses demandes de congés directement à celui-ci mais au syndic, de son refus d'être remise en cause sur la qualité de son travail qu'elle exerce depuis 20 ans, de la demande de celui-ci de nettoyer les parties communes sans détergent (courrier de septembre 2002), des menaces de licenciement de Christian

E...

le 10 août 2001 mentionnant que « si les tâches de la journée n'étaient pas effectuées, il règlerai cela à la rentrée », d'être traitée comme une esclave, ce dernier abusant de son titre en ces termes « tu dois obéir car je suis ton chef »,
un courrier du 30 avril 2002 d'Aïcha

X...

au syndic concernant l'achat par ses soins de gants de ménage et deux tickets de caisse du 28 février 2002 et du 16 mars 2002,
une attestation de Monsieur

D...

, non datée, un des copropriétaires de l'immeuble, indiquant que personne n'a à se plaindre d'Aïcha

X...

, femme courageuse et serviable, propre et digne dans son travail, qui est surtout brimée par une personne indigne et raciste,
de nombreuses attestations de copropriétaires, de son ancien responsable hiérarchique Denis

F...

, de la salariée remplacée madame

G...

, témoignant de la ponctualité et de la gentillesse et de la qualité du travail d'Aïcha

X...

,
un certificat médical du docteur

H...

du 27 février 2003 puis du 7 novembre 2003, indiquant que cette salariée est en arrêt de travail prolongé depuis le 23 septembre 2002, pour dépression réactionnelle à des problèmes relationnels professionnels,
une attestation de prise en charge psychothérapique d'Aïcha

X...

du 10 février 2004 et du 12 décembre 2007 pour état dépressif aigu,
une main courante du 22 août 2002 pour « autres différends » et du 25 septembre 2002, pour harcèlement ;

Attendu que la salariée présente ainsi des éléments de fait laissant supposer un harcèlement pour les faits postérieurs au 17 janvier 2002 ;

Attendu que si la salariée ne justifie pas du comportement déloyal de son employeur avant janvier 2002 par ses seuls courriers versés aux débats, il n'en demeure pas moins pour les faits postérieurs au 14 janvier 2002, que le syndicat de copropriétaires de la Résidence du Parc et le syndic LA SERGIC se doivent de rapporter la preuve que les agissements incriminés sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu que ceux-ci font valoir que les faits invoqués par la salariée relèvent du pouvoir de direction, d'une déformation de la réalité par la salariée dont les difficultés de langage peuvent provoquer des incompréhensions et qui supporte mal l'autorité de sa hiérarchie en raison de son ancienneté, d'une mésentente entre Aïcha

X...

et Christian

E...

, d'une mauvaise exécution du travail de la salariée ;

Attendu qu'en ce qui concerne les propos injurieux et les insultes de Christian

E...

, allégués par la salariée, le syndicat des copropriétaires fait observer qu'ils ne sont étayés par aucun élément, et qu'il résulte par ailleurs d'un courrier du syndic du 24 septembre 1999 que lors d'un entretien avec monsieur

E...

, celle-ci avait eu des propos injurieux à l'égard de ce dernier ;

Attendu que les deux déclarations de main courante du 22 août et du 25 septembre 2002 ne mentionnent pas l'auteur présumé des faits reprochés ;

Attendu que Christian

E...

qui affirme qu'Aïcha

X...

doit prouver les faits de harcèlement alors qu'elle ne justifie que de ses propres courriers, verse aux débats de nombreuses attestations de résidents et de tiers travaillant avec la copropriété faisant état de sa politesse de son honnêteté et du respect des autres et d'un courrier de Madame

D...

, après la mort de son mari le 25 mars 2003 indiquant qu'ils n'avaient jamais entendu Monsieur

E...

tenir des propos racistes et injurieux envers Aïcha

X...

;

Attendu qu'en ce qui concerne les plannings des tâches et la surcharge de travail, l'employeur verse aux débats les différents plannings du syndic notifiés chaque année à la salariée et fait valoir qu'Aïcha

X...

, conformément à son courrier du 19 juillet 2002, entend se référer au seul planning résultant de son contrat de travail établi à son embauche en 1981 et propose même un planning de travail à son employeur par courrier du 1e octobre 2002 ; que sur les modifications de planning exigées par Monsieur

E...

, la surchargeant de travail selon la salariée, il fait valoir que ce comportement résulte d'une exigence de qualité du travail de ce salarié ; que l'employeur verse aux débats :
les attestations de remplaçants pendant les congés et du salarié actuel qui a repris le poste de travail d'Aïcha

X...

réalisant le même planning que celle-ci de façon satisfaisante,
l'attestation de Monsieur

I...

du 30 novembre 1998, se plaignant de lacune dans le nettoyage des parties communes et de l'entrée,
les 5 rapports de Christian

E...

, sur les imperfections du nettoyage des vitres, du dessus des lampes d'ascenseurs non nettoyés, et les cuivres non faits de février à septembre 2002 ;
un rappel à l'ordre adressé à Aïcha

X...

daté du 10 octobre 2002 du syndic sur le nettoyage des cuivres de l'immeuble,
de nombreuses attestations de copropriétaires de l'immeuble sur les compétences professionnelles et la courtoisie de Monsieur

E...

affirmant pour certains d'entre eux notamment Martine

J...

ne jamais avoir entendu celui-ci proférer des injures ou impolitesses et sur le caractère lunatique d'Aïcha

X...

, d'anciens salariés de la résidence et de remplaçants affirmant n'avoir jamais fait l'objet de harcèlement de la part de Monsieur

E...

et avoir toujours obtenu les produits d'entretien nécessaires ;

Attendu que sur le respect de son obligation de prévention, celui-ci soutient qu'il a organisé quatre réunions à la demande de la salariée : le 29 septembre 1998, le 7 mai 1999, le 14 septembre 1999, le 5 décembre 2001 pour mettre un terme aux difficultés de compréhension entre la salariée et Monsieur

E...

; qu'il a proposé en vain un aménagement du travail à la suite de l'intervention de la médecine du travail, la salariée ayant refusé cette offre ;

Attendu qu'il résulte du courrier de l'employeur au médecin du travail du 7 octobre 2002 que la salariée s'est vu modifier ses horaires de travail que l'employeur propose à l'inspection du travail de revenir aux horaires précédents pour permettre à Aïcha

X...

de bénéficier une coupure le midi lui permettant de rentrer chez elle ;

Attendu qu'Aïcha

X...

fait état de propos désobligeants d'insultes et de réactions violentes ; que celle-ci verse aux débats une attestation non datée de Monsieur

D...

ne mentionnant aucune identité de l'auteur des propos racistes ; que l'employeur et Christian

E...

versent aux débats des attestations de copropriétaires témoignant qu'ils n'ont jamais entendu Christian

E...

proférer des injures ou s'emporter ; que ces allégations sont ainsi démenties par les témoignages divergents précités ;

Attendu que la salariée invoque des changements incessants de plannings dont Christian

E...

modifie à tout moment le contenu, faisant preuve d'un abus d'autorité ; que force est de constater que la modification de plannings a pour origine un rappel de tâches effectué par Christian

E...

suivi d'un courrier immédiat du 27 octobre 1998 de la salariée sollicitant un récapitulatif précis des tâches à effectuer chaque jour ; qu'un planning a ainsi été notifié à la salariée tous les ans à compter de cette date ;

Attendu que les modifications incessantes par Christian

E...

de ces plannings trouvent leur explication objective dans les 5 rapports qu'il a rédigés en 2002 et qu'il a communiqué au syndic précisant que le travail n'était pas toujours terminé ou parfois mal exécuté et qu'il lui appartenait de remédier à ces lacunes ; que le rappel à l'ordre du 15 mai 2001 de l'employeur confirme certaines négligences de la salariée dans ce domaine ; que s'il résulte de ces rapports que ce régisseur pouvait être un interlocuteur exigeant et pointilleux, il est également établi par les témoignages d'anciens salariés ou remplaçants que celui-ci ne manifestait pas d'abus d'autorité et se montait disponible notamment pour la distribution de produits d'entretien ; que le courrier de la salariée du 20 octobre 2000 dément ses propos suivant lesquels Christian

E...

refusait de lui donner des produits détergents puisqu'il mentionne que celui-ci recommandait de nettoyer les paliers avec de l'eau et du shampoing et les escaliers avec du désinfectant ;

Attendu qu'il est établi par un courrier de la salariée du 19 juillet 2002 qu'Aïcha

X...

estimait à tort que le planning de référence restait celui de son contrat de travail de 1981 alors que le changement de planning constitue une modification des conditions de travail d'ailleurs acceptée par elle en juin 1984 ; que le caractère irréalisable des plannings annuels et la surcharge de travail sont démentis par le courrier de la salariée du 19 juillet 2002 qui y joint un projet de planning correspondant aux tâches précédemment exécutées dans le cadre de l'horaire contractuel ;

Attendu ainsi que les faits invoqués par la salariée ne sont pas constitutifs de harcèlement moral

Attendu que la décision dont appel doit être confirmée de ce chef ;

Sur l'obligation de prévention de l'employeur :

Attendu qu'Aïcha

X...

invoque également les dispositions de l'article L 230-2 II g du code du travail aux termes desquelles, le chef d'entreprise est tenu de prendre les mesures nécessaires à la prévention des risques professionnels liés au harcèlement moral ;

Attendu cependant que le harcèlement moral de Christian

E...

n'étant pas établi, l'employeur ne peut se voir reprocher une obligation de prévention de ce chef après avoir cherché et provoqué plusieurs entretiens à cet effet et avoir finalement proposé une modification des horaires de travail et de faire en sorte que Christian

E...

ne lui donne plus d'instructions ;

Attendu que la décision déférée doit être confirmée de ce chef ;

Sur la résiliation judiciaire :

Attendu qu'en l'absence de harcèlement moral caractérisé de Christian

E...

et de manquement de l'employeur à son obligation contractuelle, il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail d'Aïcha

X...

;

Sur les demandes de Christian

E...

:

Attendu que Christian

E...

sollicite le retrait dans les écritures de la salariée de l'insertion selon laquelle Monsieur

D...

aurait caractérisé celui-ci d'indigne et de raciste et des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil résultant de l'attitude de la salariée et des justifications qu'il a du donner aux copropriétaires ;

Attendu qu'il résulte de la motivation précitée que les propos de Monsieur

D...

n'étant pas circonstanciés quant à son auteur, et les conclusions de la salariée, imprécises sur la nature des allusions de celui-ci, la demande de Christian

E...

est injustifiée ;

Attendu que la demande reconventionnelle en dommages et intérêts de Christian

E...

sur le fondement de l'article 1382 du code civil est irrecevable devant la juridiction prud'homale sur le fondement de l'article L 511-1 du code du travail ;

Attendu que succombant il n'y a pas lieu d'allouer à Christian

E...

une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que la décision déférée doit être confirmée de ce chef

Sur le licenciement pour inaptitude :

Attendu qu'en l'espèce, la lettre de licenciement du 29 août 2005 qui fixe le litige est motivée en ces termes :

« le médecin du travail vous a déclarée inapte à l'issue des deux examens de reprise réglementaires, à occuper l'emploi de femme d'entretien auprès du syndicat des copropriétaires du Parc de LAMBERSART.

Nous sommes malheureusement dans l'impossibilité de vous reclasser car il n'y a pas au sein du syndicat des copropriétaires d'emplois disponibles dans un autre environnement-pour reprendre les termes du médecin du travail puisque l'ensemble des postes existant dans la copropriété sont exercés sous la supervision du concierge, Monsieur

E...

, et qu'il n'existe par ailleurs qu'un seul corps de bâtiment au sein de la copropriété.
Nous sommes par conséquent dans l'obligation de vous notifier par la présente lettre, votre licenciement pour inaptitude physique. »

Attendu que la lettre se poursuit par l'exécution du préavis et le droit individuel de formation ;
Attendu qu'aux termes de l'article L 122-24-4 du code du travail, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou à un accident, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations ou transformations de poste de travail ; qu'il appartient donc à l'employeur dont le salarié conteste le bien fondé de son licenciement pour inaptitude physique, de démontrer qu'il a bien rempli son obligation de recherche de reclassement ;

Attendu qu'Aïcha

X...

fait valoir que son licenciement a été prononcé sur la base d'une visite médicale qui n'est pas une visite de reprise ;

Attendu que par avis du 4 juillet 2005 apposant la mention « autre visite », le médecin du travail a déclaré Aïcha

X...

« inapte au poste à prévoir et à confirmer-à revoir le 18 juillet (article R 241-51-1) ;

Attendu que par avis du 18 juillet 2005 le médecin du travail a précisé « 2e visite dans le cadre de l'article R 241-51-1, confirmation de l'avis d'inaptitude du 4 juillet 2005 – inapte au poste proposé-possibilité de reclassement à un poste similaire dans un autre environnement » ;

Attendu que la mention erronée de la case « autre visite » dans l'avis du 4 juillet 2005 est rectifiée sans ambiguïté par la mention article R 241-51-1 et par celle de la 2e visite dans le cadre de ce même article dans l'avis du 18 juillet 2005 ;

Attendu que l'employeur invoque une impossibilité de reclassement ; qu'il ne justifie néanmoins d'aucune démarche de reclassement étant observé qu'il était admis par l'employeur que la salariée pouvait ne pas travailler sous les ordres directs de Monsieur

E...

ce qu'il avait proposé à l'Inspection du travail ; que l'organisation de travail à l'intérieur de la résidence qui comporte deux immeubles pouvait donc être transformée ; qu'il n'a pas ainsi respecté son obligation de reclassement ;

Attendu que le licenciement d'Aïcha

X...

est donc abusif ;

Evaluation du préjudice :

Attendu que compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, de son ancienneté dans l'entreprise et de l'effectif de celle-ci, la Cour estime que le préjudice subi doit être fixé à la somme de 30 000, 00 € en application des dispositions de l'article L 122-14-5 du code du travail la salariée ne justifiant pas d'un préjudice supérieur ;

Sur les autres demandes :

Attendu qu'il est dû à la salariée l'indemnité compensatrice de préavis pour la somme de 2 632, 64 € augmentée des congés payés y afférents soit la somme de 263, 26 € ;

Attendu que l'employeur se reconnaît débiteur de la somme de 349, 00 € au titre de la prime de transport et de la prime exceptionnelle ;

Sur les intérêts au taux légal :

Attendu que conformément aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du code civil, les condamnations prononcées porteront intérêts au taux légal :
- à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour l'indemnité compensatrice de préavis, de licenciement, le salaire et ses accessoires et d'une façon générale pour toute somme de nature salariale.
- à compter de la présente décision pour les sommes de nature indemnitaire ;

Sur la demande d'indemnité au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimée, l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer pour faire valoir ses droits ; que cette dernière étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, il y a lieu de lui allouer, comme elle en a fait la demande, la somme de 1 500, 00 € sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, étant rappelé que son conseil pourra renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par la Cour ;

Attendu que succombant, le syndicat des copropriétaires de la Résidence du Parc supportera les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision attaquée, sauf en ce qui concerne l'irrecevabilité les demandes d'Aicha

X...

envers monsieur

E...

,

Statuant de nouveau de ce chef et y ajoutant,

Déclare la juridiction prud'homale compétente pour connaître des demandes d'Aicha

X...

à l'égard de Christian

E...

,

Dit le licenciement du 29 août 2005 abusif à défaut de reclassement ;

Condamne le syndicat des copropriétaires de la Résidence du Parc à payer à Aicha

X...

les sommes suivantes :
-30 000, 00 € (trente mille euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
-2 632, 64 € (deux mille six cent trente deux euros soixante quatre centimes) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-263, 26 € (deux cent soixante trois euros vingt six centimes) au titre des congés payés y afférents,
-1 500, 00 € (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

Dit que les condamnations prononcées porteront intérêts au taux légal :
- à compter du 17 décembre 2003 pour toutes les sommes de nature salariale.
- à compter de la présente décision pour les sommes de nature indemnitaire ;

Déclare irrecevable Christian

E...

en sa demande en dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil,

Déboute Christian

E...

de sa demande de retrait de l'insertion concernant Monsieur

D...

et de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute Aicha

X...

pour le surplus de ses demandes fins et conclusions,

Condamne le syndicat des copropriétaires de la Résidence du Parc aux dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 07/00922
Date de la décision : 30/05/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Lille


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-05-30;07.00922 ?
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