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15/05/2008 | FRANCE | N°05/06781

France | France, Cour d'appel de Douai, Ct0035, 15 mai 2008, 05/06781


COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 15 / 05 / 2008

* * *

N° RG : 05 / 06781

Jugement (N° 2003 / 299) rendu le 10 Octobre 2005 par le Tribunal de Commerce de LILLE

INTERDICTION DE GERER 15 ANS (pour
X...
) Et 10 ANS (pour

Y...
)- COMBLEMENT DE PASSIF (confirmation du jugement) APPELANT

Monsieur Emmanuel
X...

ès qualités d'ancien gérant de de la S. A. R. L. METROPOLE. P. V. C. né le 22 Mai 1972 à MULHOUSE (68100) Demeurant

...

59810 LESQUIN

Représenté par Me QUIGN

ON, avoué à la Cour Assisté de Me LACROIX, avocat au barreau de DOUAI

INTIMÉS

Maître Yvon
Z...

es qualités de liquidateur judiciaire d...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 15 / 05 / 2008

* * *

N° RG : 05 / 06781

Jugement (N° 2003 / 299) rendu le 10 Octobre 2005 par le Tribunal de Commerce de LILLE

INTERDICTION DE GERER 15 ANS (pour
X...
) Et 10 ANS (pour

Y...
)- COMBLEMENT DE PASSIF (confirmation du jugement) APPELANT

Monsieur Emmanuel
X...

ès qualités d'ancien gérant de de la S. A. R. L. METROPOLE. P. V. C. né le 22 Mai 1972 à MULHOUSE (68100) Demeurant

...

59810 LESQUIN

Représenté par Me QUIGNON, avoué à la Cour Assisté de Me LACROIX, avocat au barreau de DOUAI

INTIMÉS

Maître Yvon
Z...

es qualités de liquidateur judiciaire de la S. A. R. L. METROPOLE P. V. C. Demeurant

...

59800 LILLE

Représenté par la SELARL ERIC LAFORCE, avoués à la Cour Assisté de Me BOUCHART substituant Me DELBE avocats au barreau de LILLE

Monsieur Bertrand
Y...

pris en sa qualité d'ancien gérant de la S. A. R. L. METROPOLE PVC né le 03 Octobre 1961 à HAZEBROUCK (59190) Demeurant

...

59251 ALLENNES LES MARAIS

Représenté par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour

MONSIEUR LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE PRES LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LILLE REPRESENTE PAR MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CEANS Avenue du Peuple Belge 59034 LILLE CEDEX

DÉBATS à l'audience publique du 27 Février 2008, tenue par Monsieur DELENEUVILLE magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme J. DORGUIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ Mme GEERSSEN, Président de chambre Monsieur DELENEUVILLE, Conseiller Monsieur CAGNARD, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2008, après prorogation du délibéré du 23 Avril 2008 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Mme GEERSSEN, Président, et Mme J. DORGUIN, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

OBSERVATIONS ÉCRITES DU MINISTÈRE PUBLIC : Cf réquisitions du 27 / 11 / 07

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 19 / 12 / 07

*****

Vu le jugement contradictoire du 10 octobre 2005 du tribunal de commerce de Lille qui a condamné, avec exécution provisoire, MM Bertrand
Y...
et Emmanuel
X...
à une mesure d'interdiction de gérer, diriger, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale, artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ayant une activité économique, pour une durée de 10 années pour le premier et de 15 ans pour le second, ainsi que M. Emmanuel
X...
à supporter partie de l'insuffisance d'actif de la SARL METROPOLE PVC à hauteur de 100 000 €, et a débouté Me
Z...
du surplus de ses demandes ;

Vu l'appel interjeté le 24 novembre 2005 par M. Emmanuel
X...
;

Vu les conclusions déposées le 30 novembre 2007 pour ce dernier ;

Vu les conclusions déposées le 29 novembre 2007 pour M. Bertrand
Y...
;

Vu les conclusions déposées le 24 mai 2007 pour Maître Yvon
Z...
en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL METROPOLE PVC nommé à ces fonctions le 24 juillet 2003 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 19 décembre 2007 ;

Vu la communication du dossier au Ministère public le 13 novembre 2007 et ses conclusions de confirmation de la décision entreprise en date du 27 novembre 2007 ;

Vu le report de cette affaire de l'audience du 19 décembre 2007 à celle du 27 février 2008, à la demande de l'avoué de Me
Z...
en raison d'un mouvement de grève des avocats ;

**

Attendu que M.
X...
a interjeté appel aux fins d'infirmation en ce que le jugement entrepris l'a condamné à supporter partie de l'insuffisance d'actif de la société METROPOLE PVC et de réformation en ce qui concerne l'interdiction de gérer qui devra être réduite ;

Attendu que M.
Y...
, faisant appel incident, sollicite l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de Me
Z...
, ès qualités, à lui payer 2 000 € HT au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que Me
Z...
sollicite la confirmation du jugement déféré et la condamnation de MM
Y...
et
X...
à lui payer, chacun, 1 500 € pour la couverture de ses frais irrépétibles ;

SUR CE :

Attendu que la SARL METROPOLE PVC, au capital de 7 622, 45 € avec pour objet la vente et la pose de tous produits de menuiseries PVC en aluminium, vérandas, a été constituée le 1er avril 1999 par MM
Y...
et
D...
, porteurs chacun de 249 parts, M. Pierre-Yves
E...
détenant les deux dernières parts, qu'elle avait son siège 102, rue Destailleurs à Lille et un établissement secondaire, 106 avenue de la République à Seclin ; que M.
X...
a racheté les parts de M.
D...
le 1er octobre 1999 ; que le premier gérant, M.
Y...
, ayant cédé ses 249 parts à M.
X...
le 1er octobre 2002 à leur valeur nominale, un accord entre les associés a prévu le remboursement du compte courant d'associé de ce dernier par remise d'un véhicule Volkswagen PASSAT immatriculé 8158 ZD 59 estimé 10 000 € appartenant à la société, le solde de 36 405, 11 € lui étant payé immédiatement à hauteur de 12 135, 04 € et le surplus en quinze mensualités de 1 618, 01 € à compter du 30 janvier 2003, outre versement d'une indemnité compensatrice de 12 000 € payable par 1 / 3 les 30 octobre, 30 novembre et 31 décembre 2002 ; que M.
X...
a été désigné gérant le 1er octobre 2002 ; que le président du tribunal de commerce de Lille a ordonné une enquête d'office sur la situation économique de la société METROPOLE PVC le 3 février 2003, laquelle a été déclarée en liquidation judiciaire immédiate le 24 juillet 2003 sur sa déclaration de cessation des paiements régularisée au greffe le 15 juillet précédent ; que son liquidateur judiciaire, Me
Z...
, a, par actes des 23 et 26 avril 2004, assigné MM
Y...
et
X...
en vue de les faire condamner à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif de sa liquidée et leur infliger une mesure de faillite personnelle ; que le tribunal a rendu le jugement entrepris ;

Sur l'insuffisance d'actif social

Sur le passif

Attendu que Me
Z...
indique produire " l'état des créances définitif signé par le juge-commissaire et le certificat d'insertion au BODACC de l'état des créances " ;

Attendu que sa pièce no 25 est la copie conforme de la liste des créances (constituant sa pièce no 16 versée aux débats, improprement appelée état des créances sur son bordereau de communication de pièces) reprenant ses " propositions d'admissions, de rejet et renvois " éditée le 2 février 2004 et déposée au greffe le 12 février 2004, que le juge-commissaire y a apposé sa signature en dernière page, dès le 5 février 2004, qu'elle serait ainsi étrangement devenue l'état des créances dès avant son dépôt au greffe ; qu'y figure une somme de 429 556, 99 € représentant l'ensemble des créances déclarées à titre provisionnel, dont 419 623 € à raison d'un rappel de TVA né d'un contrôle fiscal ayant porté sur la période 1er avril 1999 au 24 juillet 2003 ; que la demande d'admission à titre définitif de cette créance de TVA a été reçue par Me
Z...
le 5 février 2004, que toutefois rien ne démontre que le juge-commissaire a rendu une ordonnance à ce sujet ; qu'une décision en ce sens n'est d'ailleurs pas mentionnée en marge de cet état des créances, en méconnaissance des dispositions de l'article 74 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 applicable en la cause ;

Attendu que sa pièce n° 26 ne constitue nullement, ainsi qu'il l'affirme, le certificat d'insertion au BODACC de l'état des créances, s'agissant du " certificat de dépôt de l'état des créances " par lequel le greffier du tribunal de commerce de Lille atteste que " l'état des créances a été déposé au greffe de ce tribunal le 12 février 2004 concernant la procédure de liquidation judiciaire de la SARL METROPOLE PVC prononcée par ledit tribunal de commerce le 24 JUILLET 2003 " ;

Attendu que, faute d'avoir fait l'objet d'une publication au BODACC par application des dispositions de l'article 83 du décret du 27 décembre 1985 précité, l'état des créances n'est pas opposable aux tiers ; que cependant le fait qu'il ait été visé dans les conclusions de Me
Z...
, produit aux débats devant la Cour et non critiqué par MM
Y...
et
X...
(ce dernier ayant en sa qualité de gérant, au surplus, été appelé en son temps à examiner les créances déclarées avant qu'elles ne soient couchées sur la liste des créances et n'en a contesté aucune comme l'indique l'absence de toute mention en ce sens sur cette liste des créances, y compris la créance déclarée par M.
Y...
pour 181 555, 85 €), le rend opposable tant à M.
X...
qu'à M.
Y...
;

Attendu qu'il s'ensuit que le passif, dont il est démontré qu'il a été définitivement admis, doit être ramené de 1 100 220, 99 € à 670 664 € (537 026, 45 € à titre chirographaire et 133 637, 55 € à titre privilégié) après neutralisation de sa fraction provisionnelle (429 556, 99 €) ;

Sur l'actif

Attendu que Me
Z...
justifie l'actif recouvré par la production d'un extrait exhaustif de sa comptabilité afférente à la liquidation judiciaire de la société METROPOLE PVC, qu'y figurent effectivement en recettes le solde des comptes ouverts à la CAIXA BANK, 10, 35 €, et au CREDIT AGRICOLE, 414, 46 €, les recouvrement de créances pour un total de 2 989, 26 € étant impossibles à individualiser ; que la Cour relève également un encaissement de 5 285, 26 € intitulé " Vente mobilière " en provenance de "
A...
ET Cie ", tiers aisément identifiable comme étant un commissaire priseur qui avait selon toute vraisemblance été chargé de la réalisation des biens de la société liquidée ; qu'il s'ensuit que l'actif est de 8 699, 33 € et l'insuffisance d'actif de 661 964, 67 € (670 664 – 8 699, 33) ;

Sur les fautes reprochées aux gérants successifs

Attendu que l'article L. 624-3 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 applicable en la cause, permet à la juridiction saisie de condamner tout dirigeant d'une personne morale qui a commis une faute de gestion, à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif ; qu'il s'en déduit que le lien de causalité entre la faute reprochée et l'insuffisance d'actif doit être démontré ;

Sur la comptabilité incomplète et irrégulière

Attendu que la comptabilité sociale n'a pas été présentée à l'inspecteur des Impôts qui a opéré un contrôle de l'activité de la société METROPOLE PVC du 1er avril 1999, date de début de son activité, au jour de sa liquidation judiciaire, qu'un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité a été établi le 23 juin 2003 ;

Attendu que M.
Y...
affirme que la comptabilité a été tenue sous sa gérance par M.
E...
, du cabinet P2J, par ailleurs troisième associé de la société METROPOLE PVC, et que les comptes des exercices clos les 31 mars 2000 et 31 mars 2001 ont été déposés au greffe du tribunal de commerce de Lille ainsi qu'auprès des administrations ; que ses affirmations ne sont cependant pas étayées par la production aux débats des comptes approuvés par l'assemblée des associés dont il avait pourtant la faculté de demander une copie au greffe ;

Attendu qu'il a versé aux débats la copie de la déclaration d'impôt sur les sociétés liquidé au 31 mars 2002, à laquelle était joint un compte de résultat simplifié dépourvu de toute valeur probante faute de visa d'un membre de l'ordre des experts-comptables ou de tout professionnel de la comptabilité, et n'étant au surplus manifestement pas l'émanation d'une comptabilité même embryonnaire, comme le démontre le fait que le cabinet d'expertise comptable REVIGESTION, dans une attestation du 21 mars 2003, évoque l'absence de tout élément exploitable pour l'interprétation des bilans arrêtés le 31 mars 2000 et le 31 mars 2001 sans aborder la comptabilité de l'exercice suivant qu'il ne détenait pas ;

Attendu que M.
X...
établit que la comptabilité des deux premiers exercices, tenue par M.
E...
, n'était pas probante comme en a attesté ce même cabinet d'expertise comptable REVIGESTION dans une lettre du 13 janvier 2003 ; qu'aucune comptabilité n'a plus été tenue par la suite, cet expert-comptable ayant indiqué qu'il lui faudrait plusieurs mois pour remettre en ordre celle qui lui avait été remise et M.
X...
ne justifiant pas l'avoir mandaté à cet effet ;

Attendu qu'il s'ensuit que le grief est fondé pour toute la période d'activité de la société METROPOLE PVC ;

Sur la poursuite d'une activité déficitaire

Attendu que le reproche ne peut prospérer que s'il est établi que le dirigeant savait que l'activité était déficitaire mais a persisté à poursuivre l'exploitation sans modifier ses méthodes de gestion de telle sorte que son obstination a aggravé le passif et le préjudice des créanciers ;

Attendu que le défaut de présentation de toute comptabilité ne permet pas à Me
Z...
de soutenir que les gérants successifs auraient poursuivi une activité déficitaire, faute de démonstration que l'activité générait des déficits ;

Attendu que le récolement des créances déclarées est impropre à faire la preuve exigée, le fait que certaines créances seraient demeurées impayées jusqu'au jour de la cessation des paiements retenue par le tribunal, le 15 juillet 2003, signifiant simplement que la société était à cours de liquidités ; que faute du moindre élément comptable à son dossier, la Cour est dans l'incapacité de vérifier que ce manque de liquidités était imputable à une rentabilité insuffisante, alors qu'il peut aussi s'expliquer, à titre d'exemple, par un crédit clients excessif ;

Attendu qu'il s'en déduit que le reproche ne peut être retenu contre les gérants ;

Sur le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai de quinzaine

Attendu que le tribunal a fixé au 15 juillet 2003 la date de cessation des paiements, soit le jour auquel M.
X...
, gérant de la société METROPOLE PVC, en a effectué la déclaration au greffe ; que la liquidation judiciaire ayant été ouverte le 24 juillet 2003, il s'ensuit que le délai de quinzaine a été observé ;

Attendu que le liquidateur judiciaire ne peut, à partir de l'ancienneté de certaines créances impayées, en déduire que l'état de cessation des paiements était acquis dès le 1er juillet 2002 faute de démontrer que le défaut de paiement était imputable à l'insuffisance d'actif disponible à cette date ;

Attendu que l'absence de toute comptabilité ne permettant pas à la Cour d'envisager de faire cette vérification, ainsi que cela a été exposé au paragraphe précédent, il s'ensuit que ce reproche n'est pas caractérisé ;

Sur les détournements d'actif et l'augmentation frauduleuse du passif

Attendu qu'il est reproché à M.
Y...
d'avoir bénéficié d'un remboursement partiel de son compte courant d'associé, à hauteur de 10 000 €, sous forme de dation en paiement (la remise du véhicule PASSAT appartenant à la société METROPOLE PVC) et en ne remboursant pas le solde du prêt accordé par le Crédit du Nord à cette dernière lors de son acquisition ;

Attendu que le protocole d'accord négocié entre MM
Y...
et
X...
au jour de leur séparation, le 1er octobre 2002, énonce que le prix de 10 000 € " tient compte du kilométrage du véhicule et du remboursement anticipé dont bénéficie la société pour le prêt bancaire contracté en vue de son acquisition " ; qu'il s'en déduit que la valeur marchande du véhicule était supérieure à 10 000 € mais qu'il incombait à M.
Y...
de se rapprocher du Crédit du Nord pour solder le prêt en cours, ce qu'il n'a manifestement pas fait, la déclaration de créance (à titre privilégié le véhicule étant gagé) de la banque pour 7 981, 46 €, non contestée, établissant suffisamment qu'elle n'a pas été remboursée ;

Attendu que le détournement d'actif à concurrence de cette somme, s'il a pris naissance au 1er octobre 2002, s'est perpétué jusqu'au 24 juillet 2003 sous la forme d'une aggravation du passif global à cette date, aggravation dont ont souffert l'ensemble des autres créanciers sociaux entrant en concurrence avec le Crédit du Nord pour la répartition du produit de la réalisation des actifs de la société METROPOLE PVC qui constitue leur gage commun ;

Attendu que M.
Y...
ne conteste pas avoir bénéficié d'une piscine, de la toiture d'une véranda, d'une porte de garage posée à son domicile ainsi que de matériaux divers mis à sa disposition par la société à l'époque où il en était le dirigeant ;

Attendu toutefois que ces appréhensions, à les supposer frauduleuses, sont toutes largement antérieures à la date de cessation des paiements, fixée par le tribunal au 15 juillet 2003 et que Me
Z...
n'est pas parvenu à faire remonter plus avant ; de sorte qu'elles n'ont pu aggraver l'insuffisance d'actif qui n'est apparue qu'à cette date ; qu'il en résulte que les créanciers, représentés par Me
Z...
, ne peuvent prétendre avoir souffert d'une appréhension irrégulière d'actifs sociaux remontant à une époque où la société était encore in bonis ; qu'il s'en déduit que le reproche ne peut être retenu à la charge de l'intéressé ;

Attendu que la captation de clientèle par M.
X...
, à la supposer établie, au profit de la société MANUPLAST, créée le 26 août 2003 et gérée par Mme
X...
, ayant été postérieure à la liquidation judiciaire de la société METROPOLE PVC, n'entre pas dans les prévisions de l'article L. 624-5 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 applicable en la cause, dès lors qu'elle n'a pu aggraver l'insuffisance d'actif au jour du jugement liquidatif ; qu'elle s'analyse comme la dilapidation du gage des créanciers, les actifs sociaux, placé sous la garde du liquidateur ;

Attendu enfin que les éléments tirés de l'enquête de police portant sur les mouvements de fonds observés sur les comptes bancaires personnels de M. et Mme
X...
n'apportent rien aux débats, la démonstration qu'ils proviendraient d'appréhensions abusives d'actifs sociaux postérieures au 15 juillet 2003 n'étant pas faite ;

Sur les demandes de sanction

Attendu que le détournement d'actif de 7 981, 46 € dont s'est rendu coupable M.
Y...
constitue une faute de gestion ; qu'aucune condamnation à paiement de cette somme ne sera prononcée contre ce dernier, Me
Z...
, ès qualités, demandant simplement la confirmation du jugement déféré et le sort de l'appelant ne pouvant être aggravé sur son seul appel ;

Attendu que le défaut de présentation de toute comptabilité force à conclure qu'elle n'était pas tenue, tant sous la gérance de M.
Y...
que sous celle de M.
X...
;

Attendu que l'absence de tenue des comptes sociaux constitue une faute de gestion grave dans la mesure où le chef d'entreprise se prive volontairement du seul moyen lui permettant d'avoir une vue aussi exacte que possible de la situation passée et présente de l'activité ; que démuni du seul instrument fiable de gestion que la loi lui fait obligation de tenir, il est contraint de recourir à des substituts empiriques qui n'offrent aucune garantie de fiabilité ; que c'est ainsi qu'il ne peut ni suivre les échéances ni prévoir d'approvisionner les comptes bancaires à temps ; que les impasses de trésorerie, lorsqu'elles surgissent, atteignent immédiatement une ampleur telle qu'il devient impossible de les résorber ; qu'une procédure de redressement judiciaire ouverte dans ces conditions devient inopérante, que toute poursuite d'activité est dès lors impossible et que la liquidation judiciaire devient la seule option offerte à la juridiction, laissant un passif impayé de grande ampleur ;

Attendu que la cessation des paiements étant apparue sous la gérance de M.
X...
, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné ce dernier à payer 100 000 € à Me
Z...
, ès qualités ;

Attendu que MM
Y...
et
X...
ayant l'un et l'autre failli à leurs obligations de gérant de société en matière de tenue de comptabilité, M.
Y...
s'étant au surplus rendu coupable d'un détournement d'actif, le jugement sera confirmé en ce qu'il les a condamnés tous les deux à une interdiction de gérer de 10 ans et de 15 ans respectivement ; que la Cour saisie d'une demande de confirmation du liquidateur n'a pas compétence pour aggraver les sanctions prononcées ;

Attendu qu'il est équitable de condamner MM
Y...
et
X...
à payer à Me
Z...
, ès qualités, chacun, la somme de 750 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, par arrêt mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Condamne MM Bertrand
Y...
et Emmanuel
X...
, chacun, à payer à Me Yvon
Z...
en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL METROPOLE PVC, la somme de 750 € au titre de ses frais irrépétibles d'appel,

Condamne MM Bertrand
Y...
et Emmanuel
X...
aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés, pour ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Ct0035
Numéro d'arrêt : 05/06781
Date de la décision : 15/05/2008

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Responsabilité - Dirigeant social - Action en comblement - Faute de gestion - Conditions - / JDF

L'article L .624-3 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'espèce, permet à la juridiction saisie de condamner tout dirigeant d'une per- sonne morale qui a commis une faute de gestion, à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif. Il s'en déduit que le lien de causalité entre la faute re- prochée et l'insuffisance d'actif doit être démontrée. Concernant la poursuite d'une activité déficitaire, le reproche ne peut prospérer que s'il est établi que le dirigeant savait que l'activité était déficitaire mais a persisté à poursuivre l'exploitation sans modifier ses méthodes de gestion de telle sorte que son obstination a aggravé le passif et le préjudice des créanciers


Références :

Code de commerce : article L .624-3.

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Lille, 10 octobre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2008-05-15;05.06781 ?
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