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15/05/2008 | FRANCE | N°05/01969

France | France, Cour d'appel de Douai, Ct0035, 15 mai 2008, 05/01969


COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 15 / 05 / 2008

* * *

N° RG : 05 / 01969

Jugement (N° 2003 / 300) rendu le 03 Mars 2005 par le Tribunal de Grande Instance à compétence commerciale d'AVESNES SUR HELPE

FAILLITE PERSONNELLE - 10 ANS (M. Abdeljabbar
X...
) (confirmation) - 5 ANS (Mme
X...
ET + INSUFFISANCE D'ACTIF M.
Y...
) (ramenée à 2 ANS)

APPELANTS

Madame Salleha
X...
épouse
Z...

née le 25 Novembre 1968 à CONDE SUR ESCAUT (59663) Demeurant

...

5965

0 VILLENEUVE D'ASCQ

Représentée par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour Assistée de Me Marc MESSAGER, avocat au barreau de LILLE

APPELA...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 15 / 05 / 2008

* * *

N° RG : 05 / 01969

Jugement (N° 2003 / 300) rendu le 03 Mars 2005 par le Tribunal de Grande Instance à compétence commerciale d'AVESNES SUR HELPE

FAILLITE PERSONNELLE - 10 ANS (M. Abdeljabbar
X...
) (confirmation) - 5 ANS (Mme
X...
ET + INSUFFISANCE D'ACTIF M.
Y...
) (ramenée à 2 ANS)

APPELANTS

Madame Salleha
X...
épouse
Z...

née le 25 Novembre 1968 à CONDE SUR ESCAUT (59663) Demeurant

...

59650 VILLENEUVE D'ASCQ

Représentée par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour Assistée de Me Marc MESSAGER, avocat au barreau de LILLE

APPELANT INCIDENT

Monsieur Abdeljabbar
X...

né le 01 Janvier 1960 à TAROUDANNT / MAROC Demeurant

...

64310 SAINT PEE SUR NIVELLE

Représenté par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour

INTIMÉS

SELARL
B...

représentée par Me Nicolas
B...
, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Groupe

G...

Ayant son siège social
...

59440 AVESNES SUR HELPE

Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour Ayant pour avocat Me MAZE-VILLESECHE du barreau D'AVESNES-SUR-HELPE

ASSIGNE EN APPEL PROVOQUE

Monsieur Dany
Y...

né le 17 novembre 1968 à MAUBEUGE Demeurant

...

59600 MAUBEUGE

Représenté par Me QUIGNON, avoué à la Cour Assisté de Me Jérôme GUILLEMINOT, avocat au barreau de VALENCIENNES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ Mme GEERSSEN, Président de chambre Monsieur DELENEUVILLE, Conseiller Monsieur CAGNARD, Conseiller--------------------- GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme J. DORGUIN

DÉBATS à l'audience publique du 13 Mars 2008, Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2008 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Mme GEERSSEN, Président, et Mme J. DORGUIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

OBSERVATIONS ÉCRITES DU MINISTÈRE PUBLIC : Cf réquisitions du 30 / 01 / 08

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 / 02 / 08

*****

Vu le jugement contradictoire du 3 mars 2005 du tribunal de grande instance à compétence commerciale d'Avesnes-sur-Helpe qui a condamné M. Abdeljabar
X...
, Mme Salleha
X...
épouse
Z...
et M. Dany
Y...
à supporter l'insuffisance d'actif de la SARL GROUPE
G...
à concurrence de respectivement 60 %, 25 % et 15 %, prononcé une mesure de faillite personnelle pour 10 ans à l'encontre du premier, pour 5 ans à l'encontre des deux autres, débouté la SELARL
B...
de sa demande d'exécution provisoire et condamné solidairement M.
X...
, Mme
X...
épouse
Z...
et M.
Y...
à payer 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à la Selarl
B...
ès qualités ;

Vu l'appel interjeté le 29 mars 2005 par Mme Salleha
X...
épouse
Z...
;

Vu les conclusions déposées le 27 mars 2007 pour cette dernière ;

Vu l'appel incident de M. Abdeljabar
X...
intervenu par conclusions déposées le 13 septembre 2005 et les assignations en appel incident provoqué délivrées à M. Dany
Y...
le 2 août 2007 et à la SELARL
B...
le 3 août 2007 ;

Vu les conclusions déposées le 27 juillet 2007 pour M. Abdeljabar
X...
;

Vu les conclusions déposées le 22 mai 2007 et les conclusions procédurales déposées le 16 janvier 2008 pour M. Dany
Y...
;

Vu les conclusions déposées le 13 avril 2007 pour la SELARL
B...
, représentée par Me Nicolas
B...
en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL GROUPE
G...
depuis le 18 janvier 2001 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 15 février 2008 ;

Vu la communication du dossier au Ministère public le 30 janvier 2008 et ses réquisitions de confirmation de la décision entreprise du même jour ;

**

Attendu que Mme
Z...
a interjeté appel aux fins d'infirmation, exposant que le report de la date de cessation des paiements demandé par Me
B...
ne peut prospérer faute pour lui d'avoir déterminé l'actif disponible à la date proposée, que le lien de causalité entre les fautes et l'insuffisance d'actif n'est pas établi, sa gérance n'ayant commencé que le 5 septembre 2000, qu'elle n'avait aucune compétence en matière comptable, qu'elle a déposé le bilan dès qu'elle a pris conscience de l'ampleur des difficultés ;

Attendu que Me
B...
soutient que l'appel incident de M.
X...
est irrecevable comme tardif et demande la confirmation du jugement entrepris ainsi que la condamnation solidaire MM
X...
et
Y...
et de Mme
Z...
à lui payer 3 000 € par application l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que M.
X...
, après avoir répondu que son appel incident est recevable, demande le débouté de Me
B...
, exposant qu'il n'a plus dirigé la société GROUPE
G...
après le 25 août 1999, date à laquelle il a connu de graves ennuis de santé ;

Attendu que M.
Y...
soutient que l'appel incident de M.
X...
est irrecevable, que Me
B...
n'est pas recevable en son action en vertu de l'article 192 de la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005, subsidiairement qu'il doit être débouté des demandes formées contre lui dès lors qu'il n'a jamais effectivement dirigé la société GROUPE
G...
;

SUR CE :

Attendu que la SARL GROUPE
G...
, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d'Avesnes-sur-Helpe le 3 juillet 1997, a été constituée entre M. Abdeljabar
X...
et son épouse Mme Isabelle
G...
, chacun étant porteurs de 48 parts sociales sur les 100 composant le capital, Mme Salleha
X...
, épouse
Z...
, sœur de M. Abdeljabar
X...
, détenant 4 parts ; qu'elle avait son siège 11 route nationale à SAINT WAAST LA VALLEE ; que le gérant statutaire était M. Abdeljabar
X...
; que Mme Isabelle
G...
a cédé 4 de ses 48 parts à M.
Y...
le 1er septembre 2000 ; que par délibération des associés du 5 septembre 2000, publiée dans un journal d'annonces légales le 20 octobre 2000 et au Registre du Commerce et des Sociétés le 16 novembre 2000, Mme
Z...
et M.
Y...
ont été nommés cogérants, aux côtés du gérant statutaire M.
X...
, avec effet rétroactif au 25 août 1999 ;

Attendu que la société GROUPE
G...
, par acte sous seing privé du 29 avril 1997, a pris en location-gérance, pour 5 années à compter du 1er mai 1997, le fonds de commerce de fabrication, réparation, recyclage de palettes appartenant à Mme Isabelle
G...
, épouse de M. Abdeljabar
X...
, pour un loyer mensuel de 1 524, 49 €, en location simple les bâtiments abritant son siège social, sis à SAINT WAAST LA VALLEE, et un établissement secondaire, sis
...
, pour un loyer mensuel de 1 524, 49 € pour chacun de ces deux immeubles ;

Attendu que le 28 décembre 2000, Mme
Z...
a déposé au greffe une déclaration de cessation des paiements avant de résilier le contrat de location-gérance le 30 décembre 2000 ; que par jugement du 18 janvier 2001, le tribunal de grande instance à compétence commerciale d'Avesnes-sur-Helpe a prononcé la liquidation judiciaire immédiate de la société GROUPE
G...
, avec date de cessation des paiements provisoirement fixée au jour de sa déclaration au greffe ; que Me
B...
a été désigné liquidateur judiciaire ;

Attendu que, par actes des 18 août et 2 septembre 2003, Me
B...
a fait délivrer assignations à M. Abdeljabar
X...
, Mme
Z...
et M.
Y...
aux fins d'obtenir leur condamnation solidaire au paiement de l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la société GROUPE
G...
, ainsi qu'à une mesure de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer, subsidiairement en vue de faire prononcer à leur encontre une mesure de redressement judiciaire personnel ; qu'après avoir entendu les intéressés le 18 décembre 2003, le tribunal a rendu le jugement entrepris ;

**

Sur la recevabilité de l'appel incident de M. Abdeljabar
X...

Attendu que Me
B...
soutient l'irrecevabilité de l'appel incident de M. Abdeljabar
X...
matérialisé par des conclusions déposées le 13 septembre 2005, dès lors qu'il était irrecevable à relever appel principal, le jugement lui ayant été signifié à mairie le 5 avril 2005 ; que cependant la recevabilité d'un appel incident dépendant de celle de l'appel principal, et la recevabilité de l'appel de Mme
X...
n'étant pas discutée, il s'ensuit que l'appel incident de M. Abdeljabar
X...
doit être déclaré recevable ;

Attendu que M.
Y...
soutient au surplus que M. Abdeljabar
X...
n'est plus domicilié à 64310 SAINT PEE SUR NIVELLE
...
pour en déduire, au visa de l'article 961 du Code de procédure civile, que ses conclusions sont irrecevables, l'article 960 alinéa 2 imposant à l'avoué constitué de notifier aux autres parties, notamment le domicile de la personne physique qu'il représente ; que cependant, selon une jurisprudence constante, les énonciations de l'article 960 ne sont pas prévues pour l'exécution des décisions, que M.
Y...
n'invoquant aucun grief autre que celui susceptible d'apparaître au cas où il serait condamné solidairement avec M. Abdeljabar
X...
, le moyen sera rejeté ;

Sur la recevabilité de l'action engagée contre M.
Y...

Attendu que M.
Y...
soutient que l'action engagée contre lui par Me
B...
est irrecevable faute de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ouverte contre lui au jour de l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005 sur la sauvegarde ; que tel n'est pas le cas, l'action en paiement de l'insuffisance d'actif dégagée à l'occasion d'une procédure ouverte antérieurement au 1er janvier 2006 étant toujours offerte contre le dirigeant de droit ou de fait par l'article L. 651-2 nouveau du Code de commerce, de même que l'action en faillite personnelle par les dispositions combinées des articles L. 652-1, L. 653-1, L. 653-4 et L. 653-5 nouveaux dudit Code ; que le moyen sera rejeté ;

**

Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif social

Sur l'existence d'un passif non couvert par l'actif réalisé

Attendu que, selon l'état des créances visé par le juge-commissaire le 4 février 2002, le passif définitivement admis à titre privilégié est de 152 471, 14 €, de 328 018, 21 € à titre chirographaire et de 114 114 336, 76 € à titre provisionnel ; que Me
B...
fait état, dans ses conclusions, d'un passif de 177 752, 58 € à titre chirographaire sans préciser la raison pour laquelle il n'a pas retenu le montant figurant à l'état des créances ;

Attendu que les créances provisionnelles ne pouvant être prises en compte pour la détermination du passif dès lors qu'elles ont vocation à être admises à titre définitif au vu du titre exécutoire présenté au juge-commissaire ou à s'éteindre à défaut de titre exécutoire émis dans le délai de rigueur, il s'ensuit que le passif à prendre en considération est de 330 223, 72 € (152 471, 14 + 177 752, 58) ce qui, compte tenu d'un actif réalisé pour la somme globale de 11 603 €, conduit à retenir une insuffisance d'actif de 318 620, 72 € ;

Sur les fautes de gestion

Attendu que Me
B...
reproche à la gérance de la société GROUPE
G...
une absence de suivi dans la direction de l'entreprise, d'avoir poursuivi une activité déficitaire dans un intérêt personnel et d'avoir tardé à procéder à la déclaration de l'état de cessation des paiements ;

Sur la poursuite d'une activité déficitaire dans un intérêt personnel

Attendu que si les résultats de la société GROUPE
G...
ont été bénéficiaires de 144 229 F au cours de l'exercice clos le 31 mars 1999 et de 251 137 F au cours de l'exercice suivant (alors qu'une première déclaration envoyée à l'administration des Impôts faisait état d'un bénéfice de 91 542 F, selon les indications de la notification de redressement du 19 juillet 2001, page 4), il apparaît des conclusions d'un contrôle fiscal qu'il était en réalité déficitaire de 23 871 F et de 116 877 F à l'issue des exercices 1998 / 1999 et 1999 / 2000 respectivement et que la dissimulation a été opérée à l'aide d'une augmentation frauduleuse des stocks pour 168 100 F et pour 368 014 F ; qu'une telle manipulation des stocks n'a pu être réalisée qu'avec l'assentiment de la gérance, dans le but d'effacer les mauvais résultats réalisés ; qu'il s'ensuit que la preuve est faite que la gérance, connaissant le caractère déficitaire de l'exploitation pour l'avoir sciemment occulté, a poursuivi l'activité en connaissance de cause pendant environ 15 mois (du 30 septembre 1999, date à laquelle les comptes de l'exercice clos le 31 mars précédent ont été connus, au 30 décembre 2000), que le reproche est fondé ;

Absence de direction et de suivi de l'entreprise

Attendu que Me
B...
indique que le gérant statutaire, M.
X...
, a résidé à Cambo les Bains à la suite d'une incapacité temporaire de travail survenue le 25 août 1999 et qu'il n'est jamais plus venu au siège de l'entreprise ; que si Mme
Z...
, sa sœur, travaillait dans la société depuis sa création, c'était à l'établissement secondaire de Lesquin, et qu'au surplus elle a été en congé de maternité de mars à juillet 2000 ; que M.
Y...
est arrivé le 20 septembre 1999 en qualité de directeur administratif et financier affecté exclusivement à l'établissement de SAINT WAAST LA VALLEE ; qu'il en déduit que l'absence d'une véritable direction à une époque où la situation de la société réclamait la plus extrême vigilance a abouti à des retards dans le dépôt des déclarations fiscales (chiffre d'affaires et impôt sur les sociétés) qui ont entraîné des pénalités de taxation d'office, des majorations pour mauvaise foi ou manœuvres frauduleuses ;

Attendu en effet que constitue une faute de gestion le fait, pour un gérant indisponible pour quelque cause que ce soit, de n'avoir pas pris toutes les dispositions utiles pour pourvoir à son remplacement ; que le grief est fondé dès lors que ce n'est que le 5 septembre 2000 que M.
X...
a été substitué, la circonstance que la nomination de Mme
Z...
et de M.
Y...
aurait été rétroactive au 25 août 1999 étant bien évidemment sans portée au regard de la vacance, au moins partielle, du pouvoir entre ces deux dates ; que les intéressés n'ont jamais disposé des pouvoirs et de l'autonomie souhaitables, chacun ignorant les événements qui se déroulaient dans l'établissement auquel l'autre était affecté, et se voyant ainsi, de fait, incapable d'établir un diagnostic des maux affectant la société afin de prendre les décisions éclairées propres à les réduire ;

Déclaration tardive de l'état de cessation des paiements

Attendu que si le tribunal a fixé au 28 décembre 2000 la date de la cessation des paiements de la société GROUPE
G...
, Me
B...
invoque des déclarations de créances anciennes de nature à lui permettre de la faire remonter au 30 août 1999 ;

Attendu cependant que la cessation des paiements se définissant par l'impossibilité de faire face au passif exigible à l'aide de l'actif disponible, et faute pour Me
B...
de produire aux débats le moindre élément de nature à permettre à la Cour de chiffrer l'actif disponible à la date qu'il retient, le jugement sera infirmé en ce qu'il a cru pouvoir reporter la date de cessation des paiements au 30 août 1999 ;

Sur la faillite personnelle

Sur la tenue d'une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière

Attendu que l'Administration des impôts a, en page 5 de sa notification de redressements du 19 juillet 2001, listé l'ensemble des anomalies dans la tenue de la comptabilité de la société GROUPE
G...
, dont les plus significatives sont les suivantes :

- Absence de livre d'inventaire,- Le grand livre de l'exercice 1998 / 1999 n'a pas été présenté,- Les bordereaux de remises de chèques en banque n'ont pu être présentés pour aucun des 3 exercices vérifiés,- Les indemnités kilométriques versées à M.

X...
pour utilisation de son véhicule personnel à des fins professionnelles (131 990 F en 1997 / 1998, 111 470 F en 1998 / 1999 et 46 424 F en 1999 / 2000) n'ont pas été détaillées, malgré les demandes réitérées du cabinet comptable, et ont été déterminées d'après un kilométrage annuel non justifié,- Les factures rédigées pour le compte de fournisseurs par la société GROUPE

G...
au titre d'achats de palettes ne sont pas contresignées par les intéressés ; au surplus l'enquête administrative a révélé ou que ces derniers ignoraient l'existence de ces factures, ou qu'il n'existait pas d'entreprise commerciale du nom indiqué,- Les factures ne sont pas toujours numérotées dans l'ordre chronologique et un même numéro a parfois été utilisé 2 fois,- Au titre de l'exercice 1997 / 1998, aucun brouillard de caisse n'a été présenté pour les deux établissements de St Waast et de Lesquin et l'inventaire, pourtant chiffré à 124 916 F, n'a pas été produit au vérificateur,- Au titre de l'exercice 1998 / 1999, aucun brouillard de caisse n'a été présenté pour l'établissement de St Waast, aucun compte " Caisse " n'a été tenu alors que de nombreux achats en espèces ont été portés en comptabilité,- Au titre de l'exercice 1999 / 2000, les retraits d'espèces en banque ont été comptabilisés globalement en une seule écriture comme achats de palettes aux particuliers pour la somme de 3 128 018 F, et des recettes par chèques ont été comptabilisées comme des achats en espèces de palettes ;

Attendu que l'expert-comptable avait pourtant, dès le 2 février 1998, attiré l'attention du gérant, M.
X...
, sur l'état lacunaire des documents qui lui étaient transmis, qu'il avait réitéré son avertissement le 20 octobre 1999, que faute d'obtenir plus de rigueur de la part du dirigeant, il avait finalement avisé l'entreprise qu'il renonçait à gérer ses comptes clients et fournisseurs ;

Attendu que le reproche est caractérisé, le fait pour un dirigeant d'entreprise de se priver de l'instrument fiable de gestion que représente la comptabilité constituant une faute grave en ce que, ainsi privé du moyen de piloter au mieux l'exploitation, il n'a plus de vue globale des données essentielles que constituent les achats, les ventes, les soldes de trésorerie et se trouve incapable d'anticiper les impasses financières qui deviennent insurmontables le jour où elles s'imposent à lui ;

Sur l'utilisation de l'actif social à des fins personnelles

Attendu que les distributions de bénéfices occultes, notifiées par l'administration des Impôts, ne constituent rien d'autre que des appréhensions frauduleuses d'actif social ; que M.
X...
se défend en soutenant que les montants auxquels le vérificateur est parvenu, à savoir 174 093, 60 F en 1998, 587 832 F en 1999 et 42 142, 56 F en 2000, ont été déterminés hors sa présence, sans contester toutefois le principe du rappel, à savoir l'évaporation de partie de l'actif social ; que cependant le reproche ne peut être retenu à son encontre dès lors que ces appréhensions ne peuvent avoir contribué à faire naître ou à aggraver l'insuffisance d'actif au 28 décembre 2000, date de la cessation des paiements, la société étant supposée être restée in bonis jusqu'à cette date et avoir été capable de payer ses créanciers nonobstant les ponctions de trésorerie que son gérant lui infligeait ;

Attendu que M.
X...
ne peut contester avoir directement profité de l'indemnité de 415 000 F versée par la compagnie d'assurance à la suite de l'incendie des locaux de SAINT WAAST, qui a été portée à son compte courant d'associé, écriture qui a permis d'occulter le fait que ce compte était débiteur de 314 279 F au 31 mars 1998, de 309 349 F au 31 mars 1999 et de 100 169 F au 31 mars 2000, le fait qu'il a apporté 250 000 F en compte courant en fin d'année 1999 pour faire face aux problèmes de trésorerie que traversait la société à l'époque ne venant pas corriger la nature frauduleuse de l'opération initiale ; que Me
B...
a ainsi pu arrêter à 30 098 F le montant des intérêts dus par M.
X...
à sa liquidée jusqu'à sa cessation d'activité, et à travers celle-ci, aux créanciers sociaux auxquels la société n'a pas été capable de payer leur dû au jour de son arrêt d'activité ; que le grief est fondé ;

Attendu par contre que le paiement par la société GROUPE
G...
de la prime d'assurance d'un véhicule Renault 21 appartenant à M.
X...
et de notes d'honoraires pour un litige concernant son épouse, Mme Isabelle
X...
(10 000 F le 13 février 1998, 1 500 F le 19 février 1998, 2 500 F le 1er mai 1999), ne peut être retenu faute de lien de causalité entre ces débours et le passif impayé, réputé avoir été entièrement dégagé à partir du 28 décembre 2000, date de la cessation des paiements définitivement retenue ; qu'au surplus Mme Isabelle
X...
n'est pas poursuivie personnellement et la preuve n'est pas faite que ces paiements auraient été ordonnés par son époux ;

Sur la poursuite d'une activité déficitaire

Attendu que ce grief ayant été écarté en tant que faute de gestion, il ne peut être repris à l'appui du prononcé d'une mesure de faillite personnelle ;

**

Sur l'imputabilité de ces faits

Attendu que si M.
X...
peut affirmer sans être contredit n'avoir plus perçu ses salaires postérieurement à son indisponibilité, il n'est pas contestable que son épouse a continué à percevoir la redevance de location-gérance, la créance de 20 126, 78 € que M.
X...
affirme avoir été déclarée à ce titre entre les mains de Me
B...
ne figurant pas sur l'état des créances versé au dossier de la Cour ; qu'ils ont l'un et l'autre, au travers des SCI dont ils sont les seuls associés, encaissé les loyers des immeubles loués par la société GROUPE
G...
à Saint Waast et à Lesquin ; que le choix de poursuivre une activité déficitaire apparaît ainsi avoir été dicté dans le but d'en retirer le maximum de profits ;

Attendu que l'Administration des impôts a attribué à M.
X...
partie des appréhensions frauduleuses de bénéfices qu'elle a mises en évidence, y compris pour la période postérieure au 25 août 1999 ; que M.
X...
a en effet toujours disposé des leviers de commande sociaux en sa double qualité de dirigeant de droit et d'associé prépondérant au travers de sa participation personnelle au capital de la société GROUPE
G...
et de celle de son épouse ; qu'il a eu toute latitude pour organiser des circuits parallèles propres à lui permettre d'appréhender partie des recettes en espèces, particulièrement par le biais de factures rédigées fictivement au nom de fournisseurs fantômes ; qu'il n'est pas crédible lorsqu'il soutient qu'il avait cessé de s'occuper de la gestion courante postérieurement au 25 août 1999 alors que si tel avait été le cas, il aurait immédiatement fait désigner son remplaçant ; que la nomination de sa sœur et de M.
Y...
aux fonctions de cogérants le 5 septembre 2000 avec effet rétroactif au premier jour de ses difficultés de santé n'a été qu'un artifice commode tardivement mis en place pour tenter de se disculper aux yeux des tiers ; qu'en toute hypothèse il n'est pas inutile de rappeler que M.
X...
, en soutenant s'être effacé à compter de 25 août 1999, aurait de toute façon commis une faute caractérisée par le fait qu'il aurait volontairement abandonné sa charge ;

Attendu que la circonstance que M.
Y...
a été condamné pour faux par jugement du tribunal correctionnel d'Avesnes-sur-Helpe du 8 septembre 2004 ne fait pas de lui le seul responsable de la déconfiture de la société GROUPE
G...
; qu'il a pris ses fonctions de directeur administratif et financier (en réalité comptable) le 20 septembre 1999, affecté exclusivement à l'établissement de SAINT WAAST LA VALLEE ; que rien ne démontre qu'il a joui de la moindre parcelle d'autonomie dans l'exercice de ses fonctions salariées jusqu'au 5 septembre 2000 ; qu'à cette date il a été désigné cogérant par une assemblée d'associés à laquelle il n'a pas été convoqué alors que selon l'une des délibérations mises aux voix, il avait, aux termes d'un acte sous seing privé dûment enregistré, acquis 4 parts de Mme Isabelle
G...
le 1er septembre 2000 ; que cette date est douteuse, l'acte n'ayant été enregistré effectivement que le 20 octobre 2000 ;

Attendu qu'il n'en demeure pas moins établi que M.
Y...
a été gérant de la société GROUPE
G...
et qu'en cette qualité, jumelée avec celle de comptable, il avait une connaissance, peut-être partielle (les résultats du contrôle fiscal n'étaient alors pas encore connus) mais largement suffisante, de la réalité dégradée des finances sociales ; qu'il lui incombait d'en tirer les conséquences en procédant à la déclaration de cessation des paiements au greffe ; que sa responsabilité est engagée pour ne pas l'avoir fait ;

Attendu que cette démarche a été accomplie par Mme
Z...
seule le 28 décembre 2000 ; qu'elle affirme sans être démentie n'avoir aucune connaissance comptable et avoir fait entière confiance à son frère aîné et à M.
Y...
sur ce plan ; que cependant sa responsabilité est engagée pour n'avoir pas exercé sa fonction en ayant laissé son frère continuer à gérer la société à sa guise ; que la Cour s'interroge aussi sur l'intérêt qu'elle a pu chercher à préserver en résiliant le contrat de location-gérance deux jours après avoir déclaré la cessation des paiements de la société GROUPE
G...
, cet intérêt étant très certainement à rechercher du côté du propriétaire du fonds, Mme
G...
épouse
X...
, qui reprenait ainsi possession d'un actif dont elle ne pouvait soupçonner à cette date, le 30 décembre 2000, qu'il lui serait de toute façon restitué par le simple effet de l'arrêt d'activité consécutif à la liquidation judiciaire du locataire-gérant, prononcée le 20 janvier 2001 ;

Attendu qu'il résulte de cette analyse des responsabilités des uns et des autres que M.
X...
doit supporter la plus grande part du préjudice des créanciers, ses cogérants, M.
Y...
et Mme
Z...
, n'ayant joué qu'un rôle secondaire dans sa réalisation ; que M.
X...
sera condamné à supporter 90 % du passif de la société GROUPE
G...
non couvert par l'actif réalisé par le liquidateur, M.
Y...
et Mme
Z...
étant condamnés à en payer 5 % chacun ; que le jugement sera réformé en ce sens ;

Attendu que le jugement sera confirmé en ce qu'il a infligé à M.
X...
une mesure de faillite personnelle pendant 10 ans, que la durée de cette incapacité sera ramenée à 2 ans concernant M.
Y...
et Mme
Z...
et le jugement réformé en ce sens ;

**

Attendu qu'il est équitable d'allouer à Me
B...
la somme de 2 000 € en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, par arrêt mis à disposition au greffe,

Reçoit M. Abdeljabar
X...
en son appel incident,

Rejette le moyen d'irrecevabilité opposé par M. Dany
Y...
à la SELARL
B...
, représentée par Me Nicolas
B...
en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL GROUPE
G...
, et celui qu'il oppose à M. Abdeljabar
X...
fondé sur l'inexactitude supposée de l'adresse actuelle de ce dernier,

Réforme le jugement entrepris,

Condamne M. Abdeljabar
X...
, Mme Salleha
X...
épouse
Z...
et M. Dany
Y...
à supporter l'insuffisance d'actif de la SARL GROUPE
G...
à concurrence de 90 %, 5 % et 5 % respectivement,

Prononce la faillite personnelle de M. Abdeljabar
X...
, Mme Salleha
X...
épouse
Z...
et M. Dany
Y...
, fixe la durée de la mesure à 10 ans pour M. Abdeljabar
X...
et à 2 ans pour Mme Salleha
X...
épouse
Z...
et M. Dany
Y...
,

Condamne M. Abdeljabar
X...
, Mme Salleha
X...
épouse
Z...
et M. Dany
Y...
, solidairement, à payer à la SELARL
B...
, représentée par Me Nicolas
B...
en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL GROUPE
G...
, la somme de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles d'appel,

Condamne M. Abdeljabar
X...
, Mme Salleha
X...
épouse
Z...
et M. Dany
Y...
, solidairement, aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Ct0035
Numéro d'arrêt : 05/01969
Date de la décision : 15/05/2008

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Responsabilité - Dirigeant social - Action en comblement - Faute de gestion - Conditions - / JDF

Constitue une faute de gestion le fait pour un gérant indisponible pour quelque cause que ce soit, de n'avoir pas pris toutes les dispositions utiles pour pourvoir à son remplacement. En l'espèce, l'absence d'une véritable direction à une époque où la situation de la société réclamait la plus extrême vigilance a abouti à des retards dans le dépôt des déclarations fiscales qui ont entraîné des pénalités de taxation d'office, des majorations pour mauvaise foi ou manoeuvres frauduleuses


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Avesnes-sur-Helpe, 03 mars 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2008-05-15;05.01969 ?
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