La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/05/2008 | FRANCE | N°06/00466

France | France, Cour d'appel de Douai, Ct0039, 06 mai 2008, 06/00466


COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 06/05/2008

** *

N° RG : 06/00466

Jugement rendu le 15 Novembre 2005par le Tribunal de Commerce de VALENCIENNES

APPELANTE

S.A. SOUFFLET ALIMENTAIRE prise en la personne de ses représentants légauxayant son siège social 41 rue du Petit Bruxelles - B.P. 79 - 59300 VALENCIENNES

Représentée par la SELARL ERIC LAFORCE, avoués à la CourAssistée de Me Vincent SPEDER, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉES

S.A. SPANGHERO prise en la personne de ses représentants lég

auxayant son siège social Avenue du Dr Guilhem 11453 CASTELNAUDARY

Représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Co...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 06/05/2008

** *

N° RG : 06/00466

Jugement rendu le 15 Novembre 2005par le Tribunal de Commerce de VALENCIENNES

APPELANTE

S.A. SOUFFLET ALIMENTAIRE prise en la personne de ses représentants légauxayant son siège social 41 rue du Petit Bruxelles - B.P. 79 - 59300 VALENCIENNES

Représentée par la SELARL ERIC LAFORCE, avoués à la CourAssistée de Me Vincent SPEDER, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉES

S.A. SPANGHERO prise en la personne de ses représentants légauxayant son siège social Avenue du Dr Guilhem 11453 CASTELNAUDARY

Représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la CourAssistée de Me Christophe DOUTRIAUX, avocat au barreau de VALENCIENNES

Société CREMER et ASSOCIADOS SA CREMER ALEJANDRO prise en la personne de ses représentants légauxayant son siège social Gral Guemes 275 Acassuso 1640 BUENOS AIRES ARGENTINE

PV DE SIGNIFICATION D'UN ACTE A DESTINATAIRE RESSORTISSANT DE L'UNION EUROPEENNE en date du 12.09.07

DÉBATS à l'audience publique du 04 Mars 2008, tenue par Madame NEVE DE MEVERGNIES magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame NOLIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉMonsieur FOSSIER, Président de chambreMadame NEVE DE MEVERGNIES, ConseillerMonsieur CAGNARD, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2008 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur FOSSIER, Président et Madame NOLIN, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 25 janvier 2008

*****

La SA SPANGHERO, qui fabrique et commercialise des produits finis alimentaires, a passé commande, le 16 juillet 2001, à la SA SOUFFLET ALIMENTAIRE, de haricots lingots blancs en provenance d'Argentine. Ces marchandises, achetées par la SA SOUFFLET à la Société CREMER et ASSOCIADOS SA CREMER ALEJANDRO, ont fait l'objet des factures suivantes :

date facture - numéro de facture - montant TTC4 septembre 200101113239 440,12 €5 septembre 200101113448 288,87 €25 septembre 2001011238821 363,52 €

Les haricots blancs correspondant à ces factures ont été livrés les 6 septembre 2001 pour les deux premières factures, et le 27 septembre 2001 pour la troisième.
Le 28 septembre 2001, la SA SPANGHERO s'est aperçue d'un goût et d'une odeur chimiques douteux sur des produits fabriqués par elle sur la base des haricots vendus par la SA SOUFFLET. Après diverses démarches qui seront détaillées plus loin dans le paragraphe consacré à l'examen du délai pour agir, la SA SPANGHERO a assigné la SA SOUFFLET en référé par acte du 16 avril 2002 et obtenu la désignation d'un expert en la personne du Docteur Christian
A...
, Docteur Vétérinaire, lequel a déposé un rapport de ses opérations le 31 janvier 2003. Il y confirme la présence, dans les produits en cause, de dichlorobenzène, contamination hétérogène retrouvée aussi bien dans des boîtes de produits finis que dans des sacs non ouverts de haricots encore en stocks. Il indique que, selon toute vraisemblance, cette pollution s'est produite au cours de la récolte ou de l'ensachage. Il donne ensuite un avis sur le chiffrage du préjudice de la SA SPANGHERO, ainsi qu'une proposition de compte entre les parties.

Par jugement du 15 novembre 2005, le Tribunal de Commerce de VALENCIENNES a, notamment, écarté le moyen d'irrecevabilité fondé sur le non-respect du bref délai pour agir, et, entérinant pour partie le rapport d'expertise, condamné la SA SOUFFLET à régler à la SA SPANGHERO la somme principale de 37 258 € en réparation de son préjudice outre intérêts judiciaires à compter du jugement, ainsi que celle de 2 500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Le Tribunal a encore fait droit à l'appel en garantie dirigé contre la Société CREMER et ASSOCIADOS, et donc condamné cette dernière à garantir la SA SOUFFLET de toutes condamnations et à lui payer une indemnité de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par déclaration au Greffe en date du 23 janvier 2006, la SA SOUFFLET a interjeté appel de cette décision. Dans ses dernières conclusions déposées le 16 janvier 2007, elle demande au principal à la Cour de réformer le jugement et de dire que l'action est forclose en application de l'article 1648 du Code Civil, enfin de condamner la SA SPANGHERO à lui payer la somme principale de 25 953,89 € qui reste lui être due sur le montant de factures. Subsidiairement, elle demande qu'il soit dit que le préjudice de la SA SOUFFLET ne peut être supérieur à 27 591,48 € et qu'il soit ordonné compensation entre les sommes dues de part et d'autre.

Dans cette hypothèse, elle demande confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la Société CREMER et ASSOCIADOS à la garantir de l'intégralité des sommes qui pourraient être mises à sa charge dans le cadre du litige, et condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle fait valoir pour l'essentiel, à l'appui de sa position, que l'action de la SA SPANGHERO fondée sur les vices cachés serait tardive dès lors que l'assignation en référé est intervenue 7 mois après la découverte du vice, et que plus de 9 mois se sont écoulés entre le dépôt du rapport de l'expert et l'introduction de l'action au fond. Sur le fond, elle détaille sa critique des opérations faites par l'expert sur les comptes entre les parties, selon des moyens pour lesquels il est expressément renvoyé à ses conclusions, et qui seront détaillés dans les motifs de cet arrêt.

La SA SPANGHERO, dans ses dernières conclusions déposées le 25 octobre 2006, demande la confirmation pour l'essentiel du jugement déféré et la condamnation de la SA SOUFFLET à lui payer la somme de 48 955 € en réparation de son préjudice. Sur les demandes reconventionnelles en paiement de la SA SOUFFLET, fondées sur des factures de marchandises non concernées par le litige, elle fait valoir :

- que la facture d'un montant de 4 892,30 € a fait l'objet d'un règlement le 18 décembre 2003 et n'est donc plus due,

- que sur la créance invoquée pour 21 071,59 €, elle reconnaît devoir la somme de 3 343,04 € après compensation avec une somme de 17 728,04 € correspondant au montant des factures de haricots de 9 440,12 € et 8 288,87 € contaminés.

Elle demande enfin condamnation de la SA SOUFFLET à lui payer la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et en réparation de son préjudice causé par le retard, et celle de 5 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et à supporter les dépens comprenant les frais de référé et d'expertise.

La Société CREMER et ASSOCIADOS SA CREMER ALEJANDRO, régulièrement assignée par acte du 12 septembre 2007 respectant le délai de comparution augmenté de deux mois pour les personnes demeurant à l'étranger, n'a pas constitué avoué ; les pièces relatives à sa citation ne permettant pas d'établir qu'elle a bien été touchée à sa personne, le présent arrêt sera rendu par défaut en application de l'article 474 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le délai pour agir

L'action intentée par la SA SPANGHERO en réparation de son préjudice est fondée sur les articles 1641 et suivants du Code Civil. Aux termes de l'article 1648 de ce code dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 17 février 2005 telle qu'elle est applicable au litige, l'action fondée sur les vices cachés "doit être intentée par l'acquéreur dans un bref délai, suivant la nature des vices rédhibitoires, et l'usage du lieu où la vente a été faite". Ce délai doit être apprécié en fonction des circonstances de la cause, et de l'attitude de l'acquéreur entre la découverte du vice et l'introduction de l'action.

Dans le cas présent, il s'est écoulé six mois et vingt jours entre la découverte du vice le 28 septembre 2001 et l'introduction de l'instance en référé le 16 avril 2001. Au cours de ce délai ont pris place les événements suivants que l'expert a consignés en page 1 de son rapport ; cette chronologie, invoquée par la SA SPANGHERO, est pour partie étayée par des documents justificatifs, mais en toute hypothèse n'a fait l'objet d'aucune contestation par la SA SOUFFLET :

- 28 septembre : Constat d'un défaut organoleptique sur deux fabrications : présence d'une odeur et d'un goût chimiques anormaux- du 28 septembre au 10 octobre : Recherche de l'origine de l'anomalie, constatée sur des produits cuisinés, et donc susceptible d'émaner de l'un ou l'autre des ingrédients utilisés- 10 octobre : Au cours d'une fabrication : constat d'une odeur sur les haricots blanchis ; contacts avec la SA SOUFFLET ; envoi de divers échantillons chez SOUFFLET - 17 octobre : Envoi d'un échantillon des haricots objets de la livraison, au laboratoire EUROFINS pour recherche de pesticides, métaux lourds, et acide cyanhydrique- 15 et 22 novembre : Résultats de l'analyse précédente : aucune anomalie mise en évidence- 9 janvier 2002 : Visite chez SPANGHERO d'un responsable de la société SOUFFLET ; mise sous scellés de lots de haricots en stocks par huissier ; dégustation de plusieurs lots- 9 janvier 2002 : Envoi de plusieurs échantillons de haricots secs et de produits finis au laboratoire LARA de Toulouse pour analyse des composés organiques volatiles qui composent la fraction aromatique du produit, par chromatographie phase gazeuse et spectométrie de masse- 24 janvier 2002 : Retour des résultats du laboratoire LARA : mise en évidence du dichlorobenzène- à partir du 24 janvier 2002 : Tentatives pour trouver une solution amiable- 16 avril 2002 : Délivrance de l'assignation en référé

Il ressort de l'énumération de ces événements et du rappel de leurs dates que la SA SPANGHERO a été particulièrement active au cours du temps qui s'est ainsi écoulé, et que ce dernier a été rendu strictement nécessaire par d'une part la recherche de l'origine précise du vice, permettant d'impliquer avec certitude les haricots blancs fournis par la SA SOUFFLET, d'autre part les tentatives normalement mises en oeuvre pour tenter de solutionner amiablement le litige avant d'en saisir la Justice. Dès lors, elle a rempli la condition de bref délai prévue par le texte invoqué, et le délai qui s'est écoulé ensuite, entre le dépôt du rapport de l'expert et l'introduction de l'instance au fond, relève d'une prescription de droit commun.

C'est donc à bon droit que le premier juge a écarté le moyen tiré de la forclusion, et le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

Sur le fond

# sur l'action dirigée contre la SA SOUFFLET

Il doit être constaté que la SA SOUFFLET ne conteste pas devoir réparation, à la SA SPANGHERO, du préjudice résultant de la contamination des aliments vendus qui se sont révélés impropres à la consommation.

Sur le quantum du préjudice, il résulte du rapport d'expertise et ce point n'est contesté par aucune des parties que :

* la SA SPANGHERO a dû bloquer et sortir du circuit de commercialisation 38 880 boîtes de produits élaborés par elle avec des haricots contaminés ; l'expert a estimé, sans être contredit par les parties, que le coût de fabrication des boîtes ainsi bloquées et devenues inutilisables s'est élevé à 37 540,95 €. Il est donc juste, et il a été admis aussi par les deux parties intervenues à l'expertise, que la SA SOUFFLET indemnise la SA SPANGHERO à hauteur de ce prix de revient,

* le coût du stockage des marchandises bloquées, et de leur transport s'est élevé à 340 € + 3 580 € soit au total 3 920 €,

* le coût de la destruction des boîtes de produits contaminés par l'intermédiaire d'une entreprise agréée s'est élevé à 7 495 €.

Le total de ces trois sommes, correspondant au préjudice s'élève à 48 955 €, ainsi que l'a conclu l'expert, et ce que la SA SPANGHERO demande de retenir. Il faut noter, à cet égard, que la SA SPANGHERO a abandonné sa demande initiale relative à 241 329 boîtes de produits commercialisés dans différents circuits, sur lesquelles elle n'a eu, en deux ans après la mise en service, que trois réclamations, le risque étant considéré par l'expert comme ayant aujourd'hui disparu pour les produits correspondants, ce qui est admis par la SA SPANGHERO.

Le Tribunal a, sur cette somme de 48 955 €, opéré une déduction de 11 697 € qui est contestée par la SA SPANGHERO. Sur ce point, le tribunal a retenu que l'expert avait constaté la présence de 10 200 kg de haricots secs en stocks dans les locaux de la SA SPANGHERO, sur les 24 150 kg correspondant à la livraison SOUFFLET du 27 septembre 2001 (livraison de produits contaminés). Il en a déduit à juste titre que la SA SPANGHERO avait "consommé" la différence (24 150 - 10 200) soit 13 950 kg de haricots en les transformant, pour partie dans les 38 880 boîtes bloquées, pour l'autre partie dans les 241 329 boîtes commercialisées. Sur ce point, contrairement à ce que soutient la SA SOUFFLET, il ne ressort d'aucune constatation de l'expert consignée dans son rapport qu'une partie des haricots trouvés en stocks proviendrait d'un autre fournisseur la société OLEGA ; le calcul effectué par la SA SOUFFLET en intégrant ce fait ne peut donc être entériné. Il est par ailleurs constant que le prix des haricots contaminés n'a jamais été réglé par la SA SPANGHERO. Le Tribunal en a justement déduit :- s'agissant des boîtes commercialisées pour lesquelles le préjudice commercial de la SA SPANGHERO est inexistant et le risque de contamination a disparu, le prix des haricots vendus et transformés, à ce jour impayé, est dû par la SA SPANGHERO à la SA SOUFFLET dès lors qu'elle a utilisé et revendu ces matières premières et en a retiré un bénéfice, après en avoir déduit son prix de revient dans lequel elle n'a pas, pour l'instant, supporté le prix des haricots,- s'agissant des boîtes bloquées, leur prix d'achat a nécessairement été inclus dans le "coût de fabrication" entériné par l'expert (soit 37 540,95 € au total) et tel qu'il résulte d'un tableau émanant de la SA SPANGHERO et joint au rapport d'expertise (premier "pavé" du tableau figurant en annexe 19 du rapport d'expertise), l'intégration de ce prix d'achat dans le "coût de fabrication" n'ayant pas fait l'objet d'une dénégation par la SA SPANGHERO ; or, ce prix, inclus dans l'estimation du préjudice, n'a, en l'état, pas été déboursé par la SA SPANGHERO.

Il apparaît donc juste que, ainsi que l'a fait le Tribunal, il soit opéré, sur l'estimation du préjudice à 48 955 €, une déduction à hauteur de 11 697 €, correspondant à la quantité de haricots "consommés" comme repris ci-dessus soit 13 9520 kg multipliée par le prix unitaire d'achat (0,83850 € par Kg) tel qu'il résulte de la facture no 0112388 des haricots litigieux. Cette opération ne consiste pas, contrairement à ce que soutient la SA SPANGHERO devant la présente Cour, à "lui faire payer des livraisons non conformes et atteintes de graves vices" mais à ce qu'elle paie, sur ces livraisons, la partie effectivement transformée puis commercialisée par elle, et que l'on déduise du calcul de son préjudice le prix de l'autre partie, certes non commercialisée puisque bloquée dans ses locaux, mais qu'elle n'a en réalité jamais déboursé.

C'est donc à bon droit que le premier juge a arrêté l'indemnisation du préjudice de la SA SPANGHERO à la somme de 48 955 € - 11 697 € = 37 258 €. Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.

# sur l'action récursoire contre la Société CREMER et ASSOCIADOS

Il est constant et il ressort des éléments du dossier que les haricots contaminés, objets et cause de l'indemnisation du préjudice de la SA SPANGHERO telle qu'elle vient d'être arrêtée, proviennent d'une livraison, à la SA SOUFFLET, par la Société CREMER et ASSOCIADOS SA CREMER ALEJANDRO ; l'expert a encore conclu que la contamination au dichlorobenzène, était contemporaine de la récolte ou de l'ensachage, et antérieure au transport des marchandises. La venderesse initiale de ces dernières, c'est-à-dire la Société CREMER et ASSOCIADOS doit donc, en définitive, supporter la charge de cette indemnisation avec tous ses coûts annexes tels que ceux générés par l'introduction de l'instance et l'expertise puisqu'elle est responsable du vice que présentait le produit vendu dès son origine. C'est donc à bon droit que le premier juge a condamné la Société CREMER et ASSOCIADOS SA CREMER ALEJANDRO à garantir la SA SOUFFLET de toutes condamnations prononcées contre elle dans le cadre dans la procédure de première instance ; il y aura lieu de confirmer cette mesure, de telle manière qu'elle concerne l'ensemble des condamnations de première instance et d'appel.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SA SOUFFLET tout ou partie des frais exposés dans le cadre de la présente et non compris dans les dépens ; il y a donc lieu de condamner la Société CREMER et ASSOCIADOS SA CREMER ALEJANDRO à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile globalement pour l'instance devant le premier juge et la présente.

# sur les demandes reconventionnelles et le compte définitif entre les parties

La SA SOUFFLET invoque une créance portant sur plusieurs factures impayées, qu'il convient d'examiner maintenant.

* facture n° 13237 du 10 octobre 2001 pour 4 892,30 €

Au vu des pièces produites par la SA SPANGHERO, cette facture a fait l'objet d'un règlement le 18 décembre 2003, ainsi qu'il est établi par un relevé de compte d'entreprise de la société Générale (pièce n° 10 de la SA SPANGHERO). La demande de la SA SOUFFLET ainsi fondée ne peut, en conséquence, qu'être écartée.

* facture n° 0119236 du 10 octobre 2001 pour 21 071,59 €

La SA SPANGHERO ne soutient pas avoir procédé au paiement de cette facture. Il est constant qu'il s'agit de produits alimentaires sans aucun rapport avec les haricots contaminés objet du litige. La SA SPANGHERO se reconnaît d'ailleurs, au terme de ses écritures, débitrice, sur le principe, de cette somme (en haut de la page 7 de ses conclusions), pour laquelle elle invoque simplement une compensation qu'il y a lieu d'examiner maintenant.

La SA SPANGHERO demande en effet compensation entre d'une part cette somme de 21 071,59 € qu'elle reconnaît devoir, d'autre part celle de 17 728,55 € qui équivaut au total des deux factures (9 440,12 € et 8 288,87 €) correspondant à la première livraison, en date du 6 septembre 2001, de haricots lingots blancs par la SA SOUFFLET et dont il n'est pas contesté qu'elle a payé le prix. Elle demande donc que ce prix vienne en déduction, dès lors qu'il concerne aussi des produits contaminés. La SA SOUFFLET conteste ce point de vue et soutient que la preuve ne serait pas rapportée de ce que la livraison du 6 septembre 2001 ait, elle aussi, été affectée par le vice, mais que, à l'inverse, l'expert aurait conclu à la présence de dichlorobenzène dans la seule livraison du 27 septembre 2001. Ce dernier point est inexact ; en effet, l'expert a simplement indiqué, dans une note intermédiaire en date du 26 juin 2003, milieu de la seconde page, qu'il pouvait "conclure en la présence de dichlorobenzène dans la livraison du 27/09/2001 et la suspecter seulement pour la livraison du 6/9/2001" ; il indiquait alors aux parties qu'il comptait procéder à la recherche du dichlorobenzène sur des produits finis prélevés contradictoirement, pour mettre en évidence une éventuelle contamination pour les fabrications à partir du lot livré le 6/9/2001. Or, il ne peut qu'être constaté que, à la suite de ces analyses complémentaires qui ont eu lieu en août 2003 (annexe n° 17), dans le corps de son rapport, l'expert ne fait aucune distinction entre les livraisons de haricots du 6 septembre 2001 d'une part, et du 27 septembre 2001 d'autre part. Au bas de la page 4 de son rapport, il évoque ainsi les analyses opérées par l'IEEB, et le fait que trois échantillons contenaient du dichlorobenzène ; il précise, dans une note aux parties en date du 17 septembre 2003 (annexe n° 18) en quoi la non révélation d'une présence de la substance polluante peut n'être pas significative, parce que les dichlorobenzènes sont des composés très instables qui disparaissent avec le temps dans l'environnement. Il indique ensuite, (3e et 4e alinéa page 6 de son rapport) "Les diverses analyses ont effectivement permis de mettre en évidence la présence de dichlorobenzène tant sur les matières premières (haricots secs prélevés dans des sacs étanches) que dans des plats cuisinés. La présence de cet élément dans les produits finis a selon toute vraisemblance pour origine une contamination des haricots livrés par Soufflet Alimentaire le 6 et le 27 septembre 2001.". Enfin, il convient de noter que les fiches de traçabilité des légumes secs utilisés par la SA SPANGHERO dans les produits finis, demandées par l'expert et jointes à son rapport (annexe 12), portent aussi bien sur des haricots livrés le 6 septembre que sur ceux livrés le 27 septembre par la société SOUFFLET, et ces fiches n'ont fait l'objet d'aucune remarque particulière par l'expert. Il n'y a donc aucun motif d'opérer une distinction là où l'homme de l'art n'en a pas fait, les considérations de la SA SOUFFLET sur la réaction ou l'absence de réaction de la SA SPANGHERO sur la livraison du 6 septembre étant sans intérêt compte-tenu de la proximité entre les deux livraisons, et du fait que la présence du produit polluant n'a pu être décelé, au départ, qu'à l'odeur présentée par certains produits en cours de fabrication, et qu'il a fallu du temps pour localiser leur origine dans les haricots vendus par la SA SOUFFLET.

De tout cela, il résulte que le montant des deux factures de la livraison du 6 septembre 2001, soit la somme totale de 17 728,55 €, en ce qu'elles portent bien sur des produits contaminés, doit être remboursée par la SA SOUFFLET à la SA SPANGHERO, et donc venir en compensation des sommes dues par cette dernière. Il reste donc à la SA SPANGHERO à payer à la SA SOUFFLET la somme de 21 071,59 € - 17 728,55 € = 3 343,04 €.

Il en résulte le compte définitif suivant :

- montant du préjudice de la SA SPANGHERO : 37 258 €- somme restant due par la SA SPANGHERO à la SA SOUFFLET : 3 343,04 €- SOLDE en faveur de la SA SPANGHERO : 33 914,96 €

La somme restant due sera assortie d'intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision de première instance en application de l'article 1153-1 du Code Civil.

La réformation partielle du jugement n'étant que le fruit de l'intégration des demandes nouvelles en appel de la SA SOUFFLET, il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SA SPANGHERO tout ou partie des frais exposés dans le cadre de la présente instance et de celle devant le premier juge et en référé, et non compris dans les dépens ; il y a donc lieu de lui allouer la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

En revanche, il n'est pas démontré, à l'appui de la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive, un préjudice distinct du simple retard dans le paiement réparé par les intérêts moratoires, et qui résulterait d'un abus ou d'une mauvaise foi assimilable à un dol ; en conséquence, la réclamation ainsi formée sera rejetée.

La SA SOUFFLET, qui succombe pour l'essentiel en son appel contre la SA SPANGHERO, devra supporter les dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de Procédure Civile. Pour les mêmes motifs, aucune considération d'équité ne conduit à faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile en sa faveur.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt de défaut, mis à disposition au Greffe après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a écarté le moyen tiré de la forclusion, et chiffré le préjudice de la SA SPANGHERO à la somme totale de 37 258 €, enfin condamné la Société CREMER et ASSOCIADOS SA CREMER ALEJANDRO à garantir la SA SOUFFLET ALIMENTAIRE de toutes condamnations.

L'INFIRME pour le surplus et, statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la SA SOUFFLET ALIMENTAIRE à payer à la SA SPANGHERO :

- la somme de 33 914,96 € en réparation de son préjudice, après déduction du solde de factures restant dues, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement de première instance,

- la somme de 3 500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNE la Société CREMER et ASSOCIADOS SA CREMER ALEJANDRO à relever et garantir la SA SOUFFLET ALIMENTAIRE de toutes condamnations prononcées contre elle dans le cadre de la présente et de tous frais annexes à ces condamnations, et à lui payer la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

REJETTE toutes les autres demandes.

CONDAMNE la SA SOUFFLET aux dépens de première instance comprenant de droit les frais d'expertise et auxquels sont joints les dépens de référé, et à ceux d'appel, avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct, au profit de la SCP THÉRY LAURENT, avoués associés selon les dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Ct0039
Numéro d'arrêt : 06/00466
Date de la décision : 06/05/2008

Analyses

VENTE - Garantie - Vices cachés - Action rédhibitoire - Exercice - Délai - / JDF

Le délai de l'article 1648 du Code civil (rédaction antérieure à 2005) doit être apprécié en fonction des circonstances de la cause, et de l'attitude de l'acquéreur entre la découverte du vice et l'introduction de l'action. En l'espèce, dans le délai de six mois et vingt jours qui a séparé la découverte du vice de l'assignation, l'acheteur a opéré divers constats, fait effectuer une recherche des causes du vice, invité un représentant du vendeur à lui rendre visite, saisi un laboratoire d'analyses et tenté une démarche amiable, attitude particulièrement active et nécessaire qui interdit au vendeur d'invoquer l'écoulement du délai légal


Références :

Article 1648 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Valenciennes, 15 novembre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2008-05-06;06.00466 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award