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22/04/2008 | FRANCE | N°06/04340

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre commerciale, 22 avril 2008, 06/04340


COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 22/04/2008
** *

N° RG : 06/04340
Jugement (N° 20052800)rendu le 14 Juin 2006par le Tribunal de Grande Instance de BETHUNEstatuant commercialement

APPELANTE
Société de droit allemand GMBH MULLER ELEKTRONIK prise en la personne de ses représentants légauxayant son siège social 18 Franz Kleine StraBe D 33164 SALZKOTTEN (ALLEMAGNE)
Représentée par la SCP CONGOS-VANDENDAELE, avoués à la CourAssistée de Me BAUN et Associés, Avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
SA AGROTRONIX prise en la personne de s

es représentants légauxayant son siège social ZI Artois Flandres Douvrin 62138 HAISNES
Représentée...

COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 22/04/2008
** *

N° RG : 06/04340
Jugement (N° 20052800)rendu le 14 Juin 2006par le Tribunal de Grande Instance de BETHUNEstatuant commercialement

APPELANTE
Société de droit allemand GMBH MULLER ELEKTRONIK prise en la personne de ses représentants légauxayant son siège social 18 Franz Kleine StraBe D 33164 SALZKOTTEN (ALLEMAGNE)
Représentée par la SCP CONGOS-VANDENDAELE, avoués à la CourAssistée de Me BAUN et Associés, Avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
SA AGROTRONIX prise en la personne de ses représentants légauxayant son siège social ZI Artois Flandres Douvrin 62138 HAISNES
Représentée par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la CourAssistée de Maître COULON, Avocat au barreau de NANTERRE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉMonsieur FOSSIER, Président de chambreMadame NEVE DE MEVERGNIES, ConseillerMonsieur RAUX, Conseiller---------------------GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame NOLIN
DÉBATS à l'audience publique du 28 Février 2008, après rapport oral de l'affaire par Madame NEVE DE MEVERGNIESLes parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 Avril 2008 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur FOSSIER, Président, et Madame NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 octobre 2007
*****

La société MÜLLER ELECTRONIK GmbH est une société de droit allemand ayant pour activité la production et la vente d'instruments et d'équipements électroniques de mesure. La SA AGROTRONIX a quant à elle pour activité l'étude, le développement, la fabrication et la commercialisation d'appareils et de systèmes électroniques pour l'agriculture. Dans ce cadre, elles se sont rapprochées pour envisager la distribution par la SA AGROTRONIX, sur le territoire français, des produits fabriqués par la société MÜLLER. C'est ainsi que, en l'absence de tout contrat écrit, la SA AGROTRONIX a, depuis l'année 1991, acheté en vue de leur revente, sous son nom et pour son propre compte, des produits que la société MÜLLER ELECTRONIK GmbH lui facturait directement, ce sans exclusivité expresse au profit de l'acheteur.
Par lettre du 24 septembre 2002, la société MÜLLER ELECTRONIK GmbH a informé la SA AGROTRONIX qu'elle ne recourrait plus à ses services, à compter du 1er janvier 2003, pour distribuer ses produits auprès de trois importants clients, les sociétés KHUN-NODET, EVRARD et KVERNELAND. Puis, par lettre du 1er avril 2005, la société MÜLLER ELECTRONIK GmbH a décidé de modifier les tarifs qu'elle avait consenti à la SA AGROTRONIX, et d'exiger un paiement préalable à toute livraison, ces nouvelles conditions étant applicables aux commandes en cours.

Par jugement du 14 juin 2006, le Tribunal de Grande Instance de BÉTHUNE statuant en matière commerciale a, notamment, considéré que la société MÜLLER ELECTRONIK GmbH avait rompu brutalement tout d'abord partiellement par la lettre du 24 septembre 2002 puis totalement par la modification de ses conditions de vente, les relations commerciales établies entre les parties, qu'elle n'avait pour ce faire pas respecté un délai suffisant tout en retenant que la SA AGROTRONIX n'était pas en situation de dépendance économique véritable, enfin qu'il n'était démontré aucun manquement grave de la SA AGROTRONIX à ses obligations contractuelles antérieur à la rupture tels qu'ils auraient pu justifier celle-ci. Le Tribunal a en conséquence condamné la société MÜLLER ELECTRONIK GmbH à payer à la SA AGROTRONIX les sommes de 108 736,68 € en principal à titre de dommages-intérêts en réparation de la perte de marge brute commerciale pendant le délai de préavis que la société MÜLLER ELECTRONIK GmbH aurait dû respecter, les autres postes de préjudice n'étant pas, selon le Tribunal, établis. Le premier juge a encore alloué à la SA AGROTRONIX une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par déclaration au Greffe en date du 13 juillet 2006, la société MÜLLER ELECTRONIK GmbH a interjeté appel de cette décision. Dans ses dernières conclusions déposées le 11 mai 2007, elle demande l'infirmation du jugement et le rejet de toutes demandes de la SA AGROTRONIX. Elle fait valoir, à l'appui de sa position, que les relations entre les parties sont régies par le droit allemand, et que la demande fondée sur l'article L. 442-6 du code de commerce français et sur l'article 1382 du Code Civil français est irrecevable et subsidiairement mal fondée. A titres subsidiaire, elle invoque, pour justifier la rupture alléguée des liens commerciaux, l'existence de manquements graves de la SA AGROTRONIX à ses obligations contractuelles consistant dans :
* la mauvaise exécution de ses prestations révélées par plusieurs plaintes de clients insatisfaits,
* des irrégularités dans le paiement des factures,
* le non-respect d'engagements de commandes,
* le développement de technologies concurrentes.
Elle soutient, ainsi, que le délai de trois mois qu'elle a respecté était largement suffisant compte-tenu des manquements de la SA AGROTRONIX, et que le Tribunal n'aurait pas établi de lien de causalité entre sa faute prétendue et le préjudice allégué, l'étendue de ce dernier n'étant pas davantage justifiée par les documents comptables produits qui ne sont pas probants.
Elle demande encore condamnation de la SA AGROTRONIX à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La SA AGROTRONIX, dans ses dernières conclusions déposées le 21 mars 2007, demande la confirmation du jugement déféré en se prévalant du caractère brutal de la rupture des relations commerciales, et en se défendant de tous les griefs invoqués contre elle, qui ne reposent sur aucune réalité. Elle ajoute que son préjudice résultant dans la perte de marge brute au cours du délai de préavis que la société MÜLLER ELECTRONIK GmbH aurait dû respecter, est parfaitement conforme à la jurisprudence en son principe et justifié par les pièces produites quant à son montant.
Elle demande enfin condamnation de la société MÜLLER ELECTRONIK GmbH à lui payer la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la loi applicable
L'action engagée par la SA AGROTRONIX n'est pas de nature contractuelle, dès lors qu'elle ne repose pas sur l'inexécution ou la mauvaise exécution d'une obligation prévue dans un contrat. En effet, les relations entre les parties consistaient en des ventes successives, pour revente à des clients sur le territoire français, sans qu'elles aient défini entre elles de manière expresse les conditions de cette relation, ni convenu d'une durée, et encore moins des modalités d'une possible rupture. L'action est fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce qui précise l'application de l'article 1382 du Code Civil sur la responsabilité délictuelle à la situation de relations commerciales établies auxquelles l'un des partenaires entend mettre fin.
Dès lors, ainsi que l'a retenu le premier juge, la SA AGROTRONIX est fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 5, 3) du Règlement (CE) du Conseil no 44/2001 du 22 décembre 2000 selon lequel, "en matière délictuelle ou quasi délictuelle, une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite, dans un autre Etat membre, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit." Contrairement à ce que soutient la Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH, ce n'est pas, dans l'application de ce critère, le lieu du fait dommageable qui doit nécessairement l'emporter, mais le demandeur qui se prétend victime a le choix, aussi, d'introduire l'instance devant le tribunal du lieu où le préjudice allégué s'est produit ; ce dernier lieu, en l'espèce, est bien le territoire français, lieu d'exercice de l'activité de la SA AGROTRONIX qu'elle considère comme perturbée par les circonstances de la rupture, ainsi que le souligne la Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH dans ses conclusions pages 13, 2. sous l'intitulé "La loi allemande régit, etc.", troisième alinéa ainsi rédigé : "le préjudice allégué par AGROTRONIX a été subi sur le territoire français."
C'est donc à bon droit que le premier juge a retenu l'application, en l'espèce, du droit français et de l'article L. 442-6 du code de commerce, et le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

Sur le fond
# sur la rupture alléguée des relations contractuelles
Aux termes de l'article L. 4462-6 du code de commerce, "engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel (...) 5o de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels".
Il ressort des pièces du dossier et de la description des faits sur laquelle les parties s'accordent qu'elles étaient en relations d'affaires suivies depuis l'année 1991, la SA AGROTRONIX achetant en vue de leur revente, sous son nom et pour son propre compte, sur le territoire français, des produits MÜLLER, ce jusqu'à la fin de l'année 2002. Il s'agissait de relations d'affaires suivies telles que les envisage le texte qui vient d'être cité. Pour autant, il ne s'agissait pas, contrairement à ce que soutient la Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH, d'un contrat de concession exclusive, les parties n'ayant convenu d'aucune exclusivité par écrit et, dans les faits, la Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH continuant, quant à elle, de fournir directement certains clients. Aucun autre élément du dossier ne permet de penser que la SA AGROTRONIX se soit engagée à une quelconque exclusivité vis-à-vis de ce fournisseur.
Par courrier du 24 septembre 2002 (pièce n° 3 de la SA AGROTRONIX) rédigée en langue allemande et traduite en français au milieu de la page 7 des conclusions de la Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH selon une teneur qui n'est pas contestée par son adversaire, la Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH a écrit à la SA AGROTRONIX pour l'informer qu'elle décidait de livrer directement trois sociétés parmi les clients habituels de la SA AGROTRONIX pour la fourniture des produits MÜLLER c'est-à-dire les sociétés KUHN NODET, KVERNELAND GROUP (SICAM) et HARDI-EVRARD. Cette mesure devait prendre effet au 1er janvier 2003 c'est-à-dire trois mois après la date de la lettre. Contrairement à ce que soutient la Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH, il s'agissait bien d'une rupture partielle des relations contractuelles, dès lors que cette modification devait entraîner, dans les faits, une baisse des ventes entre la société MÜLLER et la société AGROTRONIX à hauteur des ventes auparavant réalisées par cette dernière avec des produits MÜLLER pour ces trois clients, représentant 14 % du chiffre d'affaires total de la SA AGROTRONIX alors que la totalité de ses ventes de produits MÜLLER représentait 18 % du même chiffre d'affaires total. La Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH soutient encore, que, "dans les faits, ce préavis aurait été porté de 3 à 6 mois" ce qui tout d'abord n'est pas établi dès lors que la Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH ne produit aucune pièce qui le confirment, ensuite n'aurait en toute hypothèse pas résolu la perturbation qui pouvait en résulter pour la SA AGROTRONIX, obligée de se réorganiser au cours d'une période annoncée comme brève.
Par ailleurs, par courrier du 1er avril 2005, la Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH a informé la SA AGROTRONIX de sa décision unilatérale :
- d'une part de ne plus faire bénéficier cette dernière de tarifs préférentiels,
- d'autre part d'exiger d'elle un paiement préalable à toute livraison,
- ces conditions étant, de par cette décision toujours unilatérale, applicables aux commandes en cours
Ainsi que l'a à juste titre considéré le premier juge, cette décision de modifier aussi fondamentalement ses conditions tarifaires et de paiement par son revendeur doit être considérée comme équivalent à une rupture totale des relations contractuelles, ce même si la SA AGROTRONIX avait, dans le principe, encore la possibilité de procéder à des achats, pour les revendre, de produits MÜLLER ; en effet, cette modification ne pouvait manquer d'entraîner, pour elle, une très importante diminution des ventes de ces produits, puisqu'elles ne comporteraient plus, pour elle, de conditions préférentielles alors que, jusqu'à la rupture partielle de septembre 2002, elles représentaient 18 % de son chiffre d'affaires total. Pour ces modifications, qu'elle a décidées applicables immédiatement, il ne peut qu'être constaté que la Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH n'a respecté aucun préavis à l'égard de sa partenaire économique. C'est ainsi qu'elle allègue, mais sans le démontrer en rien puisqu'elle se contente de l'affirmer, qu'elle aurait averti la SA AGROTRONIX des modifications futures de ses conditions au cours d'un salon SIMA en 2003, ce point étant par ailleurs formellement contesté par la SA AGROTRONIX.
La Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH entend justifier sa position en invoquant divers manquements, par la SA AGROTRONIX, à ses obligations contractuelles, ce qu'il convient d'examiner dans un premier temps.

# sur les manquements allégués
* réclamations de clients
La Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH se plaint de réclamations de la société BLANCHARD ; mais, alors qu'une lettre de cette société en date du 21 novembre 2005 est annoncée dans son bordereau de communication de pièces, ce document n'est pas joint à son dossier. En toute hypothèse, ainsi que l'a relevé le premier juge, cette lettre est largement postérieure à l'époque des faits en litige (fin de l'année 2002, début de l'année 2003).
S'agissant de la société HARDI-EVRARD, il ressort des attestations d'employés de cette société qu'elle a rencontré des difficultés pour une assistance technique sur le développement d'un produit spécifique (essieu d'une remorque de pulvérisation couplé électroniquement avec l'essieu du tracteur) à laquelle la SA AGROTRONIX n'a pas pu apporter de réponse. Il ressort de la lecture de ces documents qu'il s'est agi d'un problème spécifique sur le développement d'un produit, ce type de projet induisant quasiment systématiquement des difficultés de cet ordre, ainsi que l'indique d'ailleurs Monsieur

B...
de la société HARDI-EVRARD, à propos du secteur "Recherche et Développement" de son entreprise, en ces termes "comme tout nouveau produit, un certain nombre de difficultés techniques ont été rencontrées, et des mises au point nécessaires" ; dans ces conditions, le fait pour la SA AGROTRONIX de n'avoir pas apporté de réponse technique ni d'assistance utile peut relever d'une insuffisante technicité par rapport aux performances de certains produits MÜLLER qu'elle commercialisait, sans pour autant constituer, en soi, une faute grave, a fortiori répétée puisque cet incident apparaît isolé. Par ailleurs, l'affirmation de Monsieur
C...
, responsable du département "Recherche et Développement" de HARDI-EVRARD, selon lequel la société AGROTRONIX aurait fait preuve de "mauvaise volonté" pour une assistance technique toujours lors du développement du même produit est trop vague pour pouvoir être prise en compte, à défaut de précision sur ce qui aurait caractérisé cette mauvaise volonté.
Il n'est, parmi les pièces produites, justifié d'aucun autre grief de client, l'«échange de courriels entre MÜLLER et les clients» annoncé en pièce no 17 n'ayant davantage pu être retrouvé dans le dossier déposé par la société MÜLLER devant cette Cour.
Il en résulte que, ainsi que l'a considéré à bon droit le Tribunal, il n'est pas rapporté la preuve, à cet égard, d'une faute grave de la société AGROTRONIX de nature à justifier la rupture brutale des relations commerciales.

* irrégularités dans le règlement des factures
Sur ce point, ainsi que l'a relevé le premier juge, la Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH produit une lettre écrite par elle-même, en date du 16 janvier 2004 (sa pièce no 4) qui fait état de faits relativement peu anciens (remontant à fin 2003) alors que la rupture en litige se situe environ un an auparavant (lettre de MÜLLER du 24 septembre 2002). Ces faits ne peuvent donc être allégués utilement pour justifier cette rupture.

* non respect des engagements de commande
Le Tribunal retient à juste titre, à ce sujet, que la Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH ne verse au dossier que deux courriers écrits par elle-même en dates des 28 février et 5 juillet 2000, sans justifier des commandes et engagements qui auraient, selon elle, été pris par la SA AGROTRONIX. La Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH n'a produit aucune pièce complémentaire pour en justifier en cause d'appel. Dès lors, les manquements reprochés à cet égard à cette dernière ne sont pas établis.

* développement de technologies concurrentes
La Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH reproche à la SA AGROTRONIX d'avoir proposé à des clients des produits mis au point par elle avant de leur proposer les produits MÜLLER. Or, il convient de rappeler qu'il n'a jamais existé aucun contrat écrit entre les parties ; il n'est en rien justifié de l'acceptation de conditions particulières à leurs relations commerciales par un autre mode, aucune pièce n'étant produite en ce sens. Enfin, la Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH n'allègue ni a fortiori ne démontre, que la SA AGROTRONIX était débitrice à son égard d'une exclusivité qui l'aurait empêchée de distribuer des produits mis au point par elle-même ou par d'autres entreprises concurrentes. Dès lors, le simple fait de développer et de proposer des produits équivalents émanant d'autres fournisseurs ne peut être qualifiée de déloyauté dans les relations contractuelles, ce fait ainsi que le développement de nouveaux produits chez AGROTRONIX par le biais d'un bureau d'études relevant des lois de la libre concurrence sans qu'il soit établi que, en cela, elle ait trahi la confiance de la société MÜLLER dont elle vendait les produits parmi d'autres.

* délai avec lequel l'action est intentée
La Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH ne précise pas en quoi le temps écoulé constitue un obstacle à l'action de la SA AGROTRONIX, aucune prescription n'ayant joué en l'espèce et ce temps écoulé ne faisant en rien disparaître les conditions de la rupture en ses aspects qui peuvent la faire considérer comme fautive.

Enfin, la Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH là encore, se contente d'affirmer de manière lapidaire que la situation de la SA AGROTRONIX aurait été "irrémédiablement compromise" en citant des décisions de jurisprudence qui ont pu considérer une telle situation comme justificative d'une rupture de relations ; encore faut-il que cette situation soit, en l'espèce, démontrée, ce qui n'est en rien le cas, la SA AGROTRONIX ayant poursuivi et ayant toujours à ce jour une activité commerciale abstraction faite des perturbations qui ont pu résulter pour elle des ruptures de relations qui sont l'objet de la présente instance.

Ainsi que l'a conclu à bon droit le Tribunal, il résulte de l'étude qui vient d'être faite qu'aucun manquement de la SA AGROTRONIX à ses obligations contractuelles n'est démontrée par la Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH, telle qu'elle pourrait justifier la rupture des relations contractuelles établies sans préavis.

# sur le caractère brutal de la rupture et le préjudice
Il en résulte que la Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH, en rompant partiellement une première fois les relations en septembre 2002 avec un préavis de trois mois, puis en opérant une modification unilatérale des conditions tarifaires en avril 2005 sans aucun préavis, a causé un préjudice à la SA AGROTRONIX consistant dans la perte de marge brute au cours du délai de préavis qui aurait dû être respecté pour permettre au distributeur de se réorganiser en se diversifiant et en privilégiant la diffusion de produits d'autres marques. En cela, elle a commis une faute qui ouvre droit à réparation pour son ancienne partenaire, en application des dispositions des articles 1382 du Code Civil et L. 442-6, 5°, du code de commerce.
En l'espèce, compte tenu de l'ancienneté des relations commerciales entre les parties qui dépassait les onze années au moment de la rupture partielle intervenue en septembre 2002, il peut être considéré que la Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH aurait dû respecter un préavis de dix mois ; dès lors, en ne prévoyant qu'un délai de trois mois, elle doit indemniser la SA AGROTRONIX de la perte de marge sur les sept mois subsistants. Pour la rupture totale en avril 2005, ce préavis peut être estimé à une durée plus réduite de six mois, ainsi que l'a estimé le premier juge, dès lors que les conséquences ont été moindres que pour la première rupture puisque précisément une première réduction des ventes était résultée de ce précédent épisode.
La SA AGROTRONIX verse au dossier un tableau récapitulatif de ses chiffres d'affaires avec les produits MÜLLER au cours de l'exercice concerné par la première rupture et les exercices précédents, qu'elle étaye par des comptes de résultats pour les trois années précédentes, documents comptables dont rien ne permet de remette en cause la véracité. Il en ressort les éléments suivants :
1/ le pourcentage de ses ventes aux sociétés KHUN, EVRARD et KVERNELAND sur le total de ses ventes de produits MÜLLER ont été de 86 % pour l'exercice 1999/2000, 84 % pour l'exercice suivant, 85 % pour l'exercice suivant, enfin 91 % pour le dernier exercice avant la rupture partielle : ces chiffres confirment que le pourcentage de 80 % du chiffre d'affaires total des produits MÜLLER pour la rupture partielle de septembre 2002, tel qu'il a été retenu par le premier juge, est parfaitement justifié et apparaît même en-dessous de la réalité ; ils illustrent ensuite la réduction effective de ces ventes à la suite de la première rupture puisque ce pourcentage est passé à 21 % pour l'exercice 2003-2004,
2/ pour les mêmes exercices, ses chiffres d'affaires de produits MÜLLER ont été les suivants :* 500 482 e pour l'exercice 2002/2003,* 442 292 € pour l'exercice 2001/2002,* 332 672 € pour l'exercice 2000/2001,* 495 000 € pour l'exercice 1999/2000,et ses marges commerciales, pour les mêmes périodes, ont oscillé entre 17,13 % et 22,31 % ce qui, là encore, a permis à juste titre au premier juge d'entériner la marge brute moyenne mensuelle sur les quatre derniers exercices avant la rupture partielle alléguée par la SA AGROTRONIX soit 6 970,77 € par mois.
Le compte des marges perdues au cours de la durée le préavis qui n'a pas été respectée est donc de :1/ pour la rupture partielle de 2002 :6 970,77 € x 80 % x 7 mois = 39 036,31 €
2/ pour la rupture totale de 2005 :6 970,77 € x 20 % x 6 mois = 8 364,92 €.
Le préjudice de perte de marge subi par la SA AGROTRONIX et que la Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH doit indemniser est donc du total de ces deux chiffres soit 47 401,23 €.
La SA AGROTRONIX ne se prévaut plus d'un préjudice complémentaire pour des licenciements, du stock invendu, ou une perte d'image de marque qu'elle avait invoqué en première instance et qui avait été écarté à défaut de justificatif.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SA AGROTRONIX tout ou partie des frais exposés dans le cadre de la présente et non compris dans les dépens ; il y a donc lieu de lui allouer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, en sus de celle déjà allouée par le premier juge à ce titre, qui sera confirmée.
La Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH, qui succombe principalement en son appel, devra supporter les dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de Procédure Civile. Pour les mêmes motifs, aucune considération d'équité ne conduit à faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile en sa faveur.

PAR CES MOTIFSLa Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement déféré d'une part en ce qu'il a considéré comme fautive la rupture par la Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH de ses relations commerciales établies avec la SA AGROTRONIX, de façon partielle en septembre 2002 et totale en avril 2005, d'autre part en ses dispositions relatives à l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens.

L'INFIRME pour le surplus et, statuant à nouveau,

DIT que la loi française est applicable au présent litige et déclare l'action recevable.

CONDAMNE la Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH à payer à la SA AGROTRONIX :
- la somme de 47 401,23 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice,
- la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

REJETTE toutes les autres demandes.

CONDAMNE la Société MÜLLER ELECTRONIQUE GmbH aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, au profit de la SCP COCHEMÉ-KRAUT-LABADIE, avoués associés, selon les dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 06/04340
Date de la décision : 22/04/2008
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONFLIT DE JURIDICTION - Compétence internationale - Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 - Article 5 § 3 - Compétence spéciale en matière délictuelle ou quasi délictuelle - Tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit - Applications diverses - / JDF

Selon l'article 5, 3), du règlement CE du Conseil nº44/2001 du 22 décembre 2000 «en matière délictuelle ou quasi délictuelle, une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite, dans un autre Etat membre, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit». Ce n'est pas dans l'application de ce critère, le lieu du fait dommageable qui doit nécessairement l'emporter, mais le demandeur qui se prétend victime a le choix, aussi, d'introduire l'instance devant le tribunal du lieu où le préjudice allégué s'est produit


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Béthune, 14 juin 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2008-04-22;06.04340 ?
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