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28/03/2008 | FRANCE | N°07/00678

France | France, Cour d'appel de Douai, 28 mars 2008, 07/00678


ARRET DU
28 Mars 2008 N 455 / 08

RG 07 / 00678





JUGEMENT DU
Conseil de Prud' hommes de BOULOGNE SUR MER
EN DATE DU
28 Février 2007





COUR D' APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale



- Prud' Hommes-



APPELANTE :

S. A. CONTINENTALE NUTRITION
19 Rue Saint Vincent de Paul
BP 169
62203 BOULOGNE SUR MER CEDEX
Représentant : Me Marylène ALOYAU (avocat au barreau de LILLE)



INTIMEE :

Mme Marie- Andrée Y... épouse Z...


...


...

Com

parante en personne assistée de Me Frédéric BRUN (avocat au barreau de BOULOGNE SUR MER)

DEBATS : à l' audience publique du 29 Janvier 2008

Tenue par N. OLIVIER et A. THIEFFRY
magistrats c...

ARRET DU
28 Mars 2008 N 455 / 08

RG 07 / 00678

JUGEMENT DU
Conseil de Prud' hommes de BOULOGNE SUR MER
EN DATE DU
28 Février 2007

COUR D' APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale

- Prud' Hommes-

APPELANTE :

S. A. CONTINENTALE NUTRITION
19 Rue Saint Vincent de Paul
BP 169
62203 BOULOGNE SUR MER CEDEX
Représentant : Me Marylène ALOYAU (avocat au barreau de LILLE)

INTIMEE :

Mme Marie- Andrée Y... épouse Z...

...

...

Comparante en personne assistée de Me Frédéric BRUN (avocat au barreau de BOULOGNE SUR MER)

DEBATS : à l' audience publique du 29 Janvier 2008

Tenue par N. OLIVIER et A. THIEFFRY
magistrats chargés d' instruire l' affaire qui ont entendu les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s' y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré,
les parties ayant été avisées à l' issue des débats que l' arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : V. GAMEZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE

N. OLIVIER
: PRESIDENT DE CHAMBRE

T. VERHEYDE
: CONSEILLER

A. THIEFFRY
: CONSEILLER

ARRET : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Mars 2008,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l' article 450 du code de procédure civile, signé par N. OLIVIER, Président et par S. LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 20 novembre 1995, Mme Marie Z... a été engagée en qualité d' infirmière diplômée d' Etat par la société CONTINENTALE NUTRITION dans le cadre d' un contrat à durée indéterminée.

Du 12 décembre 2003 au 21 mars 2005, Mme Marie Z... s' est trouvée en arrêt de travail, en raison d' un syndrome dépressif.

Celle- ci a alors entamé une procédure de reconnaissance de maladie professionnelle qui a abouti, le 9 mars 2005, à un avis favorable du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles.

Le 21 mars 2005 puis le 7 avril 2005, le médecin du travail, le Docteur B..., a considéré que Mme Marie Z... était apte à reprendre son poste d' infirmière, dans un autre environnement professionnel.

Afin de répondre à son obligation de reclassement, la société CONTINENTALE NUTRITION a proposé à Mme Marie Z..., par lettre du 24 mai 2005, un poste d' employée administrative sur le site de WIMILLE.

Le 6 juin 2005, Mme Marie Z... a refusé cette proposition.

Convoquée à un entretien préalable le 24 juin 2005, Mme Marie Z... a reçu notification de son licenciement par lettre recommandée du 29 juin 2005 ainsi motivée :

Nous faisons suite à l' entretien préalable du 24 juin 2005 auquel vous ne vous êtes pas présentée.

Nous vous notifions votre licenciement pour cause réelle et sérieuse fondé sur les faits suivants :

- Vous avez été absente pour maladie reconnue en maladie professionnelle du 12 décembre 2003 au 20 mars 2005.

- Conformément à la législation, nous organisons une première visite de reprise le 21 mars 2005 devant le médecin du travail, le Dr B..., qui concluait alors à votre inaptitude à l' emploi, en précisant en renseignements complémentaires : " Apte à son poste d' infirmière dans un autre environnement. A revoir dans 15 jours ".

- La deuxième visite obligatoire dans le cadre d' une recherche de reclassement fut donc fixée au 7 avril 2005 et le diagnostic du médecin confirmera le premier : " Inapte à son poste d' infirmière au sein de Continentale Nutrition ".

- Dans le cadre de cette recherche de solutions de reclassement pouvant éviter la rupture de votre contrat de travail, nous avons sollicité le concours du Dr B..., qui nous confirmait alors en date du 29 avril 2005, que vous êtes seulement " inapte à l' environnement ", en l' occurence hors de l' entreprise Continentale Nutrition de Boulogne ".

- C' est pourquoi, nous vous faisions une proposition de reclassement en date du 24 mai 2005 conforme à nos obligations c' est- à- dire hors de l' environnement de Boulogne, sur la fonction d' Employée administrative au sein de la Plate- forme logistique de Wimille ; nous vous laissions le temps de la réflexion et nous vous demandions de bien vouloir nous informer de votre décision pour le 13 juin 2005, en vous précisant qu' en cas de refus, nous serions amenés à envisager la rupture de votre contrat de travail.

- En date du 06 juin 2005, vous nous informiez par courrier de votre décision de refuser notre proposition de reclassement.

Ce refus de votre part nous met dans l' impossiblité de vous reclasser, et les explications recueillies auprès du représentant du personnel ne sont pas de nature à modifier notre appréciation.

C' est pourquoi, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse suite au refus de proposition de reclassement. "

Par jugement du 28 février 2007, le conseil de prud' hommes de BOULOGNE SUR MER a :
- dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse
- condamné la société CONTINENTALE NUTRITION à payer à Mme Marie Z... les sommes suivantes :
* 12. 406 euros à titre d' indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 4. 103, 63 euros à titre d' indemnité spéciale de licenciement
* 1. 426, 12 euros au titre de rappel de salaire
* 850 euros au titre de l' article 700 du Nouveau code de procédure civile
- débouté Mme Marie Z... de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral
- débouté la société CONTINENTALE NUTRITION de l' ensemble de ses demandes
- ordonné le remboursement par la société CONTINENTALE NUTRITION à l' Assedic du Pas de Calais des indemnités de chômage versées à Mme Marie Z... entre son licenciement et ce jour, dans la limite de trois mois
- condamné la société CONTINENTALE NUTRITION aux dépens.

La société CONTINENTALE NUTRITION a interjeté appel de la décision le 14 mars 2007. Par conclusions visées par le greffier le 19 novembre 2007, elle demande à la Cour d' infirmer le jugement en ce qu' il a considéré le licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu' il l' a condamnée à verser à Mme Marie Z... la somme de 4. 103, 63 euros à titre d' indemnité spéciale de licenciement. La société CONTINENTALE NUTRITION sollicite la confirmation du jugement, s' agissant du rejet de la demande formée au titre du harcèlement moral.

Elle soutient que Mme Marie Z... a été licenciée en raison d' une inaptitude médicalement constatée par le médecin du travail et de l' impossibilité de procéder à un reclassement au sein de la société.

Concernant l' indemnité spéciale de licenciement pour inaptitude, la société CONTINENTALE NUTRITION fait valoir qu' elle a déjà été perçue par Mme Marie Z....

Enfin, s' agissant du harcèlement moral invoqué par Mme Marie Z..., la société CONTINENTALE NUTRITION considère n' avoir fait qu' exercer, en sa qualité d' employeur, son pouvoir disciplinaire et de direction.

De son côté, Mme Marie Z..., par conclusions visées par le greffier le 23 janvier 2008, demande à la Cour :

- de confirmer le jugement frappé d' appel en ce qu' il a considéré le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société CONTINENTALE NUTRITION à lui payer la somme de 12. 406 euros à titre d' indemnité de licenciement, la somme de 4. 103, 63 euros à titre d' indemnité spéciale de licenciement, la somme de 1. 426, 12 euros au titre de rappel de salaire et la somme de 850 euros au titre de l' article 700 du Nouveau code de procédure civile

- de fixer le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 17. 000 euros

- de constater le harcèlement moral et de condamner la société CONTINENTALE NUTRITION à lui payer la somme de 10. 000 euros à titre de dommages et intérêts

- de condamner la société CONTINENTALE NUTRITION au paiement de la somme de 3. 000 euros sur le fondement de l' article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Elle soutient que le licenciement est motivé exclusivement par le refus de reclassement et que ce refus était légitime, le poste proposé n' étant pas aussi comparable que possible à l' emploi précédemment occupé.

Elle considère que c' est à bon droit que le Conseil de Prud' hommes a accueilli sa demande en paiement de l' indemnité spéciale de licenciement, la convention collective boulonnaise de conserve prévoyant une indemnité de licenciement égale à 1 / 5ème de mois par année d' ancienneté et l' indemnité spéciale correspondant, en matière de licenciement pour inaptitude, au double de l' indemnité de licenciement.

Enfin, elle estime que les éléments constitutifs du harcèlement moral sont, en l' espèce, réunis.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse

En vertu de l' article L122- 32- 5 du code du travail, " si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre, à l' issue des périodes de suspension, l' emploi qu' il occupait précédemment, l' employeur est tenu de proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu' il formule sur l' aptitude du salarié à exercer l' une des tâches existant dans l' entreprise et après avis des délégués du personnel, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l' emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. (...) L' employeur peut prononcer le licenciement que s' il justifie soit de l' impossibilité où il se trouve de proposer un emploi dans les conditions prévues ci- dessus, soit du refus par le salarié de l' emploi proposé dans ces conditions ".

En l' espèce, Mme Marie Z... a été reconnue par le médecin du travail inapte à reprendre son poste d' infirmière au sein de la société CONTINENTALE NUTRITION, par certificats des 21 mars et 7 avril 2005.

Par courrier du 29 avril 2005, le médecin a précisé que la proposition de reclassement devait se faire hors de l' entreprise CONTINENTALE NUTRITION de BOULOGNE SUR MER.

Une proposition de reclassement a été faite à Mme Marie Z..., en qualité d' " employée administrative- Plate- forme Logistique Wimille ", proposition refusée par l' intéressée.

Mme Marie Z... s' est alors vue notifier sa lettre de licenciement.

La société CONTINENTALE NUTRITION soutient que le licenciement trouve sa cause réelle et sérieuse dans l' impossibilité de reclassement.

Mais force est de constater que la lettre de licenciement, laquelle fixe le cadre du litige, mentionne l' objet suivant : " notification de licenciement pour cause réelle et sérieuse suite au refus de proposition de reclassement ".

Puis, dans le corps de cette lettre, l' employeur précise : « nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse suite au refus de proposition de reclassement ».

La société CONTINENTALE NUTRITION a donc notifié à sa salariée un licenciement non pas pour impossibilité de reclassement mais bien pour refus de l' emploi proposé.

Or, si le refus par le salarié de l' emploi proposé peut justifier un licenciement, au sens de l' article L122- 32- 5 du code du travail, encore faut- il que le poste offert soit approprié aux capacités du salarié et aussi comparable que possible à l' emploi précédemment occupé.

Tel n' est pas le cas lorsque la proposition de reclassement entraîne pour le salarié une modification de son contrat de travail.

Il convient de rappeler que Mme Marie Z... exerçait depuis environ dix ans la fonction d' infirmière diplômée d' Etat au sein de la société CONTINENTALE NUTRITION.

La proposition de reclassement consistait en un emploi administratif, comportant la gestion des rendez- vous, l' affrètement, la pré- facturation et la gestion des palettes sur le site de WIMILLE.

Certes, la proposition répondait stricto sensu à un des critères posés par le médecin du travail consistant en un poste hors du site de BOULOGNE SUR MER.

Par ailleurs, il doit être relevé que les délégués du personnel ont été consultés et ont émis un avis favorable sur la proposition le 24 mai 2005.

Mis à part ces aspects, l' offre de reclassement portait sur un poste très éloigné du profil et des compétences professionnelles de Mme Marie Z....

Par ailleurs, ce poste conférait à Mme Marie Z... un statut d' employé administratif alors qu' en sa qualité d' infirmière, elle bénéficiait du statut de " technicien agent de maîtrise supérieur ", ainsi qu' il ressort du tableau listant les différents emplois au sein de la société CONTINENTALE NUTRITION, pièce produite par cette dernière.

Il lui était également imposé de travailler le mercredi toute la journée alors que dans le cadre de son poste d' infirmière, elle disposait de son mercredi après- midi.

Enfin, il n' est pas contesté par la société CONTINENTALE NUTRITION que le poste d' employé administratif offrait une rémunération moindre que celle dont disposait Mme Marie Z... en sa qualité d' infirmière.

En conséquence, la société CONTINENTALE NUTRITION n' a pas proposé à Mme Marie Z... un poste approprié aux capacités du salarié et aussi comparable que possible à l' emploi précédemment occupé.

Le refus opposé par la salariée à cette proposition de reclassement ne saurait donc constituer une cause réelle et sérieuse de son licenciement.

C' est donc à bon droit que le Conseil de Prud' hommes de BOULOGNE SUR MER a considéré le licenciement de Mme Marie Z... comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur l' indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

En vertu de l' article L122- 14- 4 du code du travail, le tribunal, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, octroie au salarié une indemnité, " qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ".

Il ressort de l' attestation ASSEDIC que Mme Marie Z... a, au cours des six derniers mois travaillés, perçu un revenu global brut de 12. 376, 11 euros.

Celle- ci a été licenciée alors qu' elle avait dix ans d' ancienneté dans l' entreprise.

Licenciée en juin 2005, elle n' a, un an après, toujours pas retrouvé de travail (relevé ASSEDIC du 9 juin 2006).

Compte tenu de ces éléments, l' indemnité de licenciement a été sous- évaluée par le Conseil de Prud' hommes de BOULOGNE SUR MER, laquelle sera plus justement fixée à la somme réclamée de 17. 000 euros.

Il convient d' infirmer le jugement sur ce point.

Sur l' indemnité spéciale de licenciement pour inaptitude physique

L' article L122- 32- 6 du code du travail, " la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au quatrième alinéa de l' article L122- 32- 5 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d' un montant égal à celui de l' indemnité prévue à l' article L122- 8 ainsi qu' à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l' indemnité prévue par l' article L122- 9 ".

Mme Marie Z... était soumise à la convention collective boulonnaise de conserve qui prévoit, au bénéfice des salariés ayant au moins cinq années d' ancienneté, une indemnité de licenciement égale à 1 / 5ème de mois par année d' ancienneté.

La somme de 4. 103, 63 euros, qui a été versée par la société CONTINENTALE NUTRITION, correspond à cette indemnité de licenciement.

Or, Mme Marie Z..., compte tenu de son licenciement pour inaptitude, avait droit à une indemnité spéciale de licenciement, correspondant au double de l' indemnité prévue par l' article L122- 9.

Dans ces conditions, c' est à juste titre que le conseil de prud' hommes de Boulogne sur Mer a condamné la société CONTINENTALE NUTRITION à payer à Mme Marie Z... la somme de 4. 103, 63 euros au titre de l' indemnité spéciale de licenciement.

Sur le rappel de salaire

Les dispositions relatives au rappel de salaire n' étant pas autrement discutées, le jugement sera confirmé en ce qu' il a condamné la société CONTINENTALE NUTRITION à payer à Mme Marie Z... la somme de 1. 426, 12 euros.

Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral

L' article L122- 49 du code du travail dispose qu' " aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d' altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".

L' article L122- 52 du même code ajoute que " dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l' existence d' un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d' un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ".

En vertu de ces dispositions, qui édictent au bénéfice du salarié un régime probatoire assoupli, il appartient au salarié de rapporter la preuve d' un faisceau d' éléments susceptibles de faire présumer l' existence d' agissements répétés de harcèlement moral tel que défini à l' article L122- 49. Une fois cette preuve rapportée et à cette condition, il revient à l' employeur de s' expliquer sur les agissements qui lui sont reprochés.

Il convient au cas d' espèce de voir si Mme Marie Z... justifie de suffisamment d' éléments de nature à faire penser qu' elle a fait l' objet de harcèlement moral au sein de la société CONTINENTALE NUTRITION.

La salariée soutient avoir été l' objet de harcèlement moral de la part de Mme C..., directrice des ressources humaines dans l' entreprise depuis novembre 2001.

De 1995 à fin 2001, Mme Marie Z... a travaillé au sein de la société CONTINENTALE NUTRITION, sans qu' il ne soit fait état de difficultés particulières.

Par ailleurs, il ressort de l' étude opérée par la CPAM de Boulogne Sur Mer qu' avant l' épisode dépressif à l' origine de l' inaptitude, Mme Marie Z... n' avait connu aucun antécédent particulier.

De ces éléments, il peut être déduit que Mme Marie Z..., avant l' arrivée de Mme C... dans la société, ne rencontrait pas de difficultés notables dans l' entreprise et donnait satisfaction à son employeur.

Or, c' est environ un an après l' embauche de Mme C... en qualité de directrice des ressources humaines que Mme Marie Z... a sombré dans la dépression, aboutissant à un arrêt de travail d' un an et demi puis à son licenciement.

Cette dépression a été reconnue le 9 mars 2005 comme maladie professionnelle par le Comité Régional.

Les messages électroniques échangés entre Mme Marie Z... et Mme C... ainsi que le procès- verbal de la réunion du comité d' entreprise de Boulogne Sur Mer du 23 avril 2003 permettent de comprendre que des relations conflictuelles opposaient la directrice des ressources humaines au médecin du travail, le Dr B....

Le dit procès- verbal souligne en particulier que " la direction refuse que l' infirmière de Continentale assiste le médecin du travail en qualité de secrétaire médicale " et que " l' infirmière vit très mal cette situation ".

Dans ce contexte, il a été adressé, sous forme de courriels, différentes remontrances à Mme Marie Z... tenant à l' organisation de son travail.

Or, force est de constater que la teneur des messages envoyés par Mme C... révèle un ton souvent moqueur et ironique (" nous sommes désolés que vous ayez appris accidentellement les entrées et que vous ne vous êtes pas blessée ").

Dans un des messages, Mme C... reconnaît d' ailleurs sa rudesse puisqu' elle dit : " effectivement, vous êtes mon infirmière préférée même si parfois, il vous semble que je sois dure... ".

Il doit également être relevé que dans le cadre de la première procédure de licenciement initiée début novembre 2003, Mme Marie Z... a été laissée un mois dans l' ignorance de son sort puisque ce n' est que le 11 décembre 2003 qu' elle a appris qu' elle ne faisait l' objet que d' un avertissement pour insubordination.

Mme Marie Z... rapporte bien la preuve d' un faisceau d' éléments susceptibles de faire présumer l' existence d' agissements répétés de harcèlement moral tel que défini à l' article L122- 49.

La société CONTINENTALE NUTRITION considère que l' employeur n' a fait qu' exercer son pouvoir disciplinaire et de direction.

Cependant, pour étayer son argumentation, elle se fonde exclusivement sur les messages électroniques échangés, dont il a été considéré qu' ils étaient des éléments faisant présumer un harcèlement moral.

Elle ne produit aucune autre pièce, qui aurait permis le cas échéant de retenir une défaillance de Mme Marie Z... dans l' exercice de ses missions et par voie de conséquence, la nécessité de plusieurs rappels à l' ordre.

Au contraire, il ressort du procès- verbal de réunion du comité d' entreprise du 23 avril 2003 que « les membres du comité d' entreprise ainsi que l' ensemble du personnel soutiennent et reconnaissent le sérieux et la rigueur du travail de l' infirmière ».

Faute pour la société CONTINENTALE NUTRITION de rapporter la preuve contraire, il convient de considérer que Mme Marie Z... justifie suffisamment avoir été victime de harcèlement moral au sein de la société CONTINENTALE NUTRITION.

Le jugement rendu par le Conseil des Prud' hommes sera infirmé de ce chef.

Mme Marie Z... est donc fondée en sa demande d' indemnisation.

Compte tenu du préjudice subi, il lui sera alloué la somme de 6. 000 euros.

Sur les dépens et l' article 700 du Nouveau code de procédure civile

Compte tenu de la solution du litige, il convient de condamner la société CONTINENTALE NUTRITION à supporter les dépens et à payer à Mme Marie Z... la somme de 1. 000 euros sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement frappé d' appel en ce qu' il a

* dit que le licenciement de Mme Marie Z... ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse

* condamné la société CONTINENTALE NUTRITION à payer à Mme Marie Z... les sommes suivantes :

4. 103, 63 euros (quatre mille cent trois euros et soixante trois centimes) à titre d' indemnité spéciale de licenciement
1. 426, 12 euros (mille quatre cent vingt six euros et douze centimes) au titre du rappel de salaire
850 euros (huit cent cinquante euros) sur le fondement de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau :

*condamne la société CONTINENTALE NUTRITION à payer à Mme Marie Z... :
- la somme de 17. 000 euros (dix- sept mille euros) à titre d' indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
- la somme de 6. 000 euros (six mille euros) à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

CONDAMNE la société CONTINENTALE NUTRITION à payer à Mme Marie Z... la somme de 1. 000 euros (mille euros) sur le fondement de l' article 700 du Code de Procédure Civile

CONDAMNE la société CONTINENTALE NUTRITION aux dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 07/00678
Date de la décision : 28/03/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Boulogne-sur-Mer


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-03-28;07.00678 ?
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