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28/03/2008 | FRANCE | N°07/00508

France | France, Cour d'appel de Douai, 28 mars 2008, 07/00508


ARRET DU
28 Mars 2008

N 452- 08

RG 07 / 00508





JUGT
Conseil de Prud' hommes de BETHUNE
EN DATE DU
16 Février 2007





COUR D' APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale



- Prud' Hommes-



APPELANT :



SA PROWELL
ZI Artois Flandres- Zone E- Secteur Ouest
BP 26
62138 DOUVRIN
Représentée par Me Laurent CALONNE (avocat au barreau de LILLE)
En présence de M. Stéphane X..., responsable de site de SA PROWELL à Douvrin

INTIME :



M. Daniel Y... r>

...


...

Présent et assisté de M. Alain Z... (Délégué syndical CGT)
Régulièrement mandaté

DEBATS : à l' audience publique du 29 Janvier 2008


Tenue par N. OLIVIER et A. THIEFFRY...

ARRET DU
28 Mars 2008

N 452- 08

RG 07 / 00508

JUGT
Conseil de Prud' hommes de BETHUNE
EN DATE DU
16 Février 2007

COUR D' APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale

- Prud' Hommes-

APPELANT :

SA PROWELL
ZI Artois Flandres- Zone E- Secteur Ouest
BP 26
62138 DOUVRIN
Représentée par Me Laurent CALONNE (avocat au barreau de LILLE)
En présence de M. Stéphane X..., responsable de site de SA PROWELL à Douvrin

INTIME :

M. Daniel Y...

...

...

Présent et assisté de M. Alain Z... (Délégué syndical CGT)
Régulièrement mandaté

DEBATS : à l' audience publique du 29 Janvier 2008

Tenue par N. OLIVIER et A. THIEFFRY
magistrats chargés d' instruire l' affaire qui ont entendu seuls les plaidoiries, les représentants ne s' y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré,
les conseils des parties ayant été avisées à l' issue des débats que l' arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : V. GAMEZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE

N. OLIVIER
: PRESIDENT DE CHAMBRE

T. VERHEYDE
: CONSEILLER

A. THIEFFRY
: CONSEILLER

ARRET : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Mars 2008,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l' article 450 du code de procédure civile, signé par N. OLIVIER, Président et par S. LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement rendu le 16 février 2007 par le Conseil de Prud' hommes de Béthune, statuant sur les réclamations de Monsieur Daniel Y... à l' encontre de la SA PROWELL, qui a :

- dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- condamné la SA PROWELL à payer à Monsieur Daniel Y... les sommes de :

- 2240, 00 € au titre de paiement de la mise à pied ;
- 224, 00 € au titre des congés payés sur la mise à pied ;
- 11 010, 00 € à titre de préavis ;
- 1 101, 00 € au titre des congés payés sur préavis ;
- 550, 00 € au titre du solde de l' indemnité compensatrice de congés payés ;
- 17 892, 00 € au titre de l' indemnité de licenciement ;
- 22 020, 00 € au titre de dommages- intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 800, 00 € au titre de l' article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- débouté Monsieur Daniel Y... de ses autres demandes ;
- débouté la SA PROWELL de sa demande au titre de l' article 700 du NOUVEAU CODE DE PROCÉDURE CIVILE ;
- rappelé l' exécution provisoire de droit sur les salaires et accessoires de salaire ;
- dit que les sommes allouées au titre de salaires et accessoires porteront intérêt légal à compter de la demande ;
- mis les frais et dépens à la charge de la SA PROWELL ;

Vu l' appel régulièrement interjeté par la SA PROWELL le 23 février 2007 ;

Vu les conclusions visées par le greffier le 18 janvier 2008 et soutenues oralement à l' audience par lesquelles la SA PROWELL demande à la Cour de :

- réformer le jugement rendu le 16 février 2007 par le Conseil des Prud' hommes de Béthune ;
- dire et juger parfaitement fondé sur une faute grave le licenciement de Monsieur Y... ;
- débouter Monsieur Y... de toutes ses demandes fins et conclusions relatives à un licenciement abusif, à savoir dommages intérêts, paiement de la mise à pied, du préavis, des congés payés afférents, de l' indemnité de licenciement ;
- de le condamner à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l' article 700 du nouveau code de procédure civile ;

en soutenant pour l' essentiel que le salarié a outrepassé ses fonctions et la délégation de pouvoirs, dont il était investi, en signant des contrats préjudiciables à la société ; qu' il n' a pas respecté la procédure d' accord préalable pour la passation de commandes en dépit des consignes de la direction et d' une formation sur ce point ; que les commandes litigieuses ne présentaient pas d' intérêt pour la société ; qu' il a fait usage à des fins personnelles du matériel de la société ; qu' en outre, le salarié n' est pas fondé dans sa demande de rappel de salaires au titre d' heures supplémentaires ; qu' il n' est pas davantage fondé dans sa demande tendant à contester le calcul de l' indemnité compensatrice de congés payés ;

Vu les conclusions visées par le greffier le 06 septembre 2007 et soutenues oralement à l' audience par lesquelles Monsieur Daniel Y... demande à la Cour de dire et juger son licenciement abusif et condamner la SA PROWEL à lui payer les sommes suivantes :

- 47712 € à titre de dommages et intérêts en application de l' article L. 122- 14- 4 du Code du travail ;
- 2240 € brut à titre de paiement de la mise à pied ;
- 224 € à titre de congés payés sur la mise à pied ;
- 11928 € brut à titre de préavis ;
- 1193 € brut à titre de congés payés sur préavis ;
- 17892 € d' indemnité de licenciement ;
- 47712 € d' heures supplémentaires ;
- 4771 € de congés payés sur les heures supplémentaires ;
- 1396 € de solde de congés payés ;
- 3000 € au titre de l' article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

en exposant qu' il n' était tenu par aucune restriction concernant le passage des commandes ; que la formation sur la passation des commandes a été dispensée en Allemagne et exclusivement en langue allemande ; que faute de maîtriser cette langue, il n' a pu en assimiler le contenu ; qu' il n' est pas sorti de ses attributions contractuelles ; que certaines dépenses litigieuses figuraient au budget 2005 ; que d' autres se justifiaient par des impératifs de sécurité ; que le grief tiré d' un usage à des fins personnelles du matériel de la société n' est pas fondé ; qu' enfin il n' a pas été rempli de ses droits au titre des heures supplémentaires et des congés payés ;

SUR CE, LA COUR

Attendu que Monsieur Daniel Y... a été engagé à compter du 22 juillet 1996 par la SA PROWELL en qualité d' opérateur de production par contrat à durée indéterminée en date du 19 juillet 1996 ;

Que par avenant au contrat de travail du 1er novembre 1999, il a été nommé cadre et affecté aux fonctions de responsable de production et maintenance ;

Qu' un avenant du 1er octobre 2000 a précisé les attributions du salarié et l' a investi d' une délégation de pouvoirs " pour prendre toutes mesures et toutes décisions en vue d' appliquer ou de faire appliquer les réglementations en vigueur mettant en cause la responsabilité du chef d' entreprise dans tous les domaines et plus particulièrement la réglementation du travail et de la main d' oeuvre et la Convention collective applicable et les prescriptions d' hygiène et de sécurité prévues par les lois et règlements en vigueur " ;

Que le salarié s' est trouvé en arrêt maladie du 23 mai 2005 au 04 juillet 2005 ;

Que par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 juin 2005, l' employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable le 07 juillet 2005 en vue d' une mesure de licenciement pour fautes ;

Que par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 juillet 2005, l' employeur l' a licencié ;

Que la lettre de licenciement est ainsi rédigée :

" Monsieur,

Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs de fautes graves.
Nous vous rappelons ce que nous vous avons exposé au cours de notre entretien du 7 juillet dernier.
Vous avez entravé le bon fonctionnement de l' entreprise et lui avez causé un préjudice financier important en outrepassant largement vos fonctions et délégations et en engageant la société dans des contrats qui sont à déplorer économiquement.
De plus, malgré les responsabilités que vous exerciez depuis plusieurs années et les formations dont vous avez bénéficié, vous vous êtes délibérément abstenu de respecter les procédures internes d' achat, et pour cause, il vous fallait certainement cacher les engagements disproportionnés que vous preniez pour le compte de la société.
Votre poste de Responsable de Production et Technique vous permettait d' engager ou de passer des commandes sans visa de votre supérieur hiérarchique à hauteur de 1. 250, 00 €. Je vous rappelle qu' entre 1. 250, 00 € et 5. 000, 00 €, l' accord du Responsable de Site devait être obligatoirement sollicité. Au- delà, ce sont uniquement les dirigeants de la société en Allemagne qui devaient donner expressément leur accord.
Je vous rappelle également que le 9 mars dernier, vous avez encore suivi une formation de remise à niveau sur le système S. A. P., à savoir notre logiciel habituel d' achat et de gestion des pièces et stocks concernant la procédure à suivre pour les commandes.
Avec ce programme, chaque offre commerciale, quelque soit son montant, doit être préalablement rentrée informatiquement afin de permettre aux dirigeants de superviser l' ensemble des achats du groupe et de donner leur accord ou de s' opposer sur chaque commande éventuelle.
A ce jour, et sur une période d' un mois, nous avons découvert une multitude d' anomalies graves dont vous êtes seul responsable portant préjudice à la société.
En effet, pour vous citer quelques exemples parmi d' autres, premièrement, vous avez commandé le 18 / 03 / 05 auprès du Groupe Chimie Marketing, société avec laquelle nous travaillons depuis plusieurs années, 360 litres de RFX20 en 4 livraisons de 90 litres. Nous n' avons pris connaissance de cette commande que le 17 juin 2005 après la reprise de vos dossiers consécutivement à votre arrêt maladie.
Le montant de cette commande atteint la somme de 5. 619 €. D' une part, vous n' étiez absolument pas autorisé à engager la société PROWELL pour un tel montant ; d' autre part, la société n' utilise absolument pas une telle quantité de produit. En effet, en 2001, vous avez commandé 30 litres, en 2002 : 30 litres, en 2003 : 90 litres, en 2004 : 210 litres, en 2005 ; 300 litres ! Notre stock de produit de dégraissant industriel dilué atteint aujourd' hui 7. 000 litres ! Enfin, la procédure SAP n' a pas été appliquée.
Vous n' avez fourni aucune explication quant à l' augmentation injustifiée de vos commandes alors que les produits sont stockés puisqu' ils ne sont pas utilisés.
Nous n' avons pas pu obtenir l' annulation de cette facture, juste un rééchelonnement de la livraison dans le temps. Le préjudice s' élève à ce jour à la somme de 5. 619 €
Deuxièmement, il en a été de même concernant des packs savon gel ultra concentré RFX 35. Nous venons de découvrir que vous en avez commandé 180 litres représentant un montant de 2. 989, 80 € HT, soit une fois de plus un montant largement supérieur à votre autorisation, sans respecter les procédures d' entente préalable à toute commande, à savoir l' enregistrement dans le système SAP, et sans que la société ait besoin de ces fournitures.
Troisièmement, en sus des commandes que vous avez passées sans aucune autorisation et pour des montants bien plus importants que ceux donnés dans vos délégations, nous avons eu la surprise de recevoir, de la société Monsieur B... :
- des panneaux de douche et autres matériaux suite à un devis du 29 / 03 / 05 que vous avez accepté le 03 / 05 / 05 dont la désignation est la réfection et réaménagement du local « douche chauffeurs » ; la facture s' élève à la somme de 6. 289, 76 € TTC.

- 60 vestiaires (30 blocs de 2 cases) et 30 socles bancs concernant un devis du 03 / 05 / 05 que vous avez accepté le 04 / 05 / 05 ; le montant de la facture initiale s' élevait à la somme de 12. 035, 35 €

Nous avons tenté, en vain, d' annuler ces commandes pour lesquelles vous aviez eu uniquement l' autorisation de solliciter des devis mais un refus d' achat pour le montant indiqué dans lesdits devis que vous avez accepté sans tenir compte de l' opposition de votre direction. La seule chose que nous ayons réussi à faire est de ramener le coût des vestiaires à la somme de 8. 831, 26 € au lieu des 12. 035, 35 € initialement facturés.
Si vous aviez respecté les procédures d' achat, la société PROWELL n' aurait pas eu à faire face au paiement de ces factures, et ne serait pas contrainte d' accepter après coup des aménagements dont les montants n' ont été ni négociés ni avalisés.
Il en a été de même concernant la remise en état des bardages blancs. Vous aviez eu l' autorisation de solliciter un devis, ce que vous avez fait auprès d' EDP, Entreprise de Propreté. Vous avez alors donné votre accord sur le montant proposé sans en référer à votre Direction qui était surprise de voir intervenir cette entreprise pendant votre arrêt maladie alors même que les travaux n' avaient pas été acceptés.
Une fois de plus, pour chacune de vos commandes, vous vous êtes délibérément abstenu d' utiliser les procédures en place dans la société, en outrepassant largement vos délégations et en mettant en péril l' équilibre financier du site.
D' ailleurs, vous en étiez parfaitement conscient, et c' est la raison pour laquelle vous avez travaillé en catimini en signant simplement chaque devis que vous sollicitiez avec un « bon pour accord » et en cachant délibérément ces devis dans votre bureau.
Vous avez commandé des matériaux et fournitures totalement superfétatoires et avez engendré un préjudice financier conséquent pour la société.
Vos actes sont totalement incohérents et nous amènent à penser que vous aviez peut être un intérêt personnel en engageant financièrement la société. De plus vous n' avez jamais mis plusieurs sociétés en concurrence lorsque vous sollicitiez des devis pour quelque raison que ce soit alors qu' il paraît évident qu' il faut au moins se renseigner auprès de deux sociétés distinctes avant toute intervention. A défaut, il est manifeste que votre attitude était destinée à nuire à l' entreprise.
Quatrièmement, non satisfait de jeter l' argent de la société par les fenêtres, vous avez signé des contrats engageant la société PROWELL dans le temps pour des montants considérables et bien entendu toujours sans aucune autorisation.
Par exemple, avec tous les produits d' entretien (dégraissant et savons) que vous avez commandé auprès de GROUPE CHIMIE MARKETING, vous avez sollicité parallèlement de la société EDP, entreprise de propreté, un devis de mise en propreté des locaux. Ce devis vous a été adressé le 12 mai 2005 pour une tarification mensuelle de 5. 350, 00 € HT.
Puis, alors que vous êtes en arrêt maladie depuis le 23 mai 2005, nous avons eu la stupéfaction de découvrir que vous avez signé le contrat au 1 « juin 2005 ! Ce contrat prévoit la fourniture des produits d' entretien et de fournitures sanitaires y compris le savon ! La durée dudit contrat est fixé à 5 ans à compter de la date de signature !
Cinquièmement, le 2 juin 2005, nous recevons six conventions signées de votre main avec la société INITIAL SECURFLAM concernant l' entretien semestriel des organes de sécurité de la société, soit les extincteurs, robinets d' incendie armés, exutoires, blocs autonomes, détection incendie, masques à cartouche et poteaux incendie, le tout pour un montant total de 17. 958, 70 €. Or, le plus irrationnel, c' est que les conventions d' entretien précédentes avec cette même société étaient valables jusqu' en 2007 et représentaient un coût de 10. 494, 02 €, ce qui représente un nouveau dommage financier pour la société de plus de 7. 000, 00 € ! ce surcoût étant lui aussi totalement injustifié puisqu' il ne correspond même pas à des prestations supplémentaires justifiées.
Enfin, vous n' avez pas hésité un seul instant à utiliser le matériel de la société à des fins strictement personnelles, engendrant par la même occasion des frais supplémentaires pour la société, notamment en ce qui concerne l' utilisation du téléphone mobile de l' entreprise qui était mis à votre disposition dans le cadre de vos attributions professionnelles.
Votre conduite a mis en cause la quiétude du site et a atteint la sérénité économique de la société, d' autant que nous découvrons tous les jours de nouveaux problèmes plus aberrants les uns que les autres, de sortes que nous craignons même chaque jour d' être livré de nous ne savons quoi, et d' avoir à payer des conséquences de vos actes inqualifiables.
Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 7 juillet 2005 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet.
En conséquence, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour fautes graves.
Par ailleurs, nous venons de nous apercevoir que, malgré votre arrêt maladie et votre mise à pied, vous continuez à venir régulièrement sur le site sans autorisation, notamment le samedi soir vers 23 heures.
Le choix de la date et l' heure n' est pas anodin puisque vous savez pertinemment que l' effectif est restreint le samedi soir, ce qui vous permettait de vaquer à vos occupations en toute quiétude.
Dernièrement, vous avez été vu en train de charger le coffre arrière de votre véhicule, derrière les palettes.
Une enquête est en cours pour voir ce que vous avez pu subtiliser à l' entreprise.
Je vous informe que nous nous réservons le droit de vous poursuivre pénalement sur l' ensemble de vos actes répréhensibles que nous découvrons chaque jour.
Compte tenu de la gravité de celles ci, votre maintien dans l' entreprise s' avère impossible. Votre licenciement prend donc effet immédiatement à la date de première présentation de cette lettre, sans indemnité de préavis ni de licenciement.
La période non travaillée du 27 juin 2005 à la date de présentation de la présente lettre, nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement ne sera pas rémunérée.
Vous pourrez vous rapprocher le même jour du service du personnel pour percevoir les sommes vous restant dues au titre de salaire et indemnité de congés payés, et recevoir votre certificat de travail et attestation ASSEDIC. " ;

Que c' est dans ces conditions que le salarié a saisi le Conseil de Prud' hommes de Béthune le 19 octobre 2005 d' une demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de diverses sommes ;

Que le 16 février 2007, le Conseil de Prud' hommes a rendu la décision dont appel ;

Sur le licenciement

Attendu qu' aux termes des dispositions de l' article L. 122- 14- 2 du Code du travail, l' employeur est tenu d' énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre prévue à l' article L. 122- 14- 1 du Code du travail ;

Que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d' autres griefs que ceux énoncés dans celle- ci, peu important les motifs allégués antérieurement ou en cours de procédure ;

Attendu que la faute grave résulte d' un fait ou d' un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d' une importance telle qu' elle rend impossible le maintien du salarié dans l' entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts de l' employeur ;

Qu' il appartient à l' employeur et à lui seul d' en rapporter la preuve ;

Attendu qu' il résulte de la lettre de licenciement, sus reprise, que l' employeur reproche au salarié d' avoir outrepassé ses fonctions et délégations de pouvoirs, engagé la société dans des contrats préjudiciables et méconnu la procédure de passation des commandes ; qu' il lui reproche également d' avoir utilisé le matériel de la société à des fins personnelles ;

Sur l' utilisation du matériel à des fins personnelles

Attendu que l' employeur ne produit aucune pièce établissant l' utilisation du matériel par le salarié à des fins personnelles ;

Qu' il y a lieu en conséquence de dire ce grief non établi ;

Sur la méconnaissance de la procédure de passation des commandes excédant les attributions du salarié et préjudiciable à la société

Attendu que l' employeur verse aux débats un courriel du 15 septembre 2003, dont le salarié a été destinataire ;

Que dans ce courriel, non contesté par le salarié, l' employeur indiquait avoir décidé " à la suite du non respect des consignes mis en place pour les commandes et les réparations " d' interdire " toutes commandes sans accords préalables de Monsieur C... ou Monsieur D... " ; qu' il imposait au salarié de faxer les demandes et justificatifs ; qu' enfin, il précisait que " cette réglementation extraordinaire prenait effet à partir du 15 septembre 2003 et aurait validité jusqu' à ce qu' elle soit révoquée par Monsieur C... " ;

Que l' employeur se prévaut en outre d' une formation de remise à niveau sur le logiciel de gestion des commandes, dit système S. A. P., dont le salarié a bénéficié le 9 mars 2005 ; qu' il précise qu' à l' issue de cette formation, un classeur complet d' explications en français lui a été remis ;

Qu' il produit divers courriels adressés par le salarié à Monsieur Jean- Michel D... ; qu' il ressort de ces courriels, non contestés par le salarié, que ce dernier a suivi la procédure d' entente préalable à toute commande jusqu' en décembre 2004 ;

Que l' employeur produit également divers devis, postérieurs à décembre 2004 ; qu' il est constant que ces devis, signés et non contestés par le salarié, n' ont pas fait l' objet d' un accord préalable de l' employeur ;

Attendu que l' employeur soutient encore que les engagements litigieux, contractés par le salarié sans accord préalable, étaient inutiles et excédaient les besoins de la société ; qu' il verse aux débats l' attestation de Monsieur E... Frédéric, responsable maintenance et production, qui déclare " avoir en stock 360 litres de RFX20 pur représentant environ 7200 litres de produits dégraissant dilué dont la société a très peu d' utilité " ; qu' il ajoute avoir un " stock RFX30 de 39 bidons de 5 kg qui ne sert strictement à rien. Soit 3000 euros de gachis " ; que ces déclarations ne sont pas contestées par le salarié ; que ce dernier ne conteste pas davantage l' affirmation de l' employeur selon laquelle il n' avait pas eu connaissance de la commande ;

Que l' employeur reproche également au salarié d' avoir conclu des contrats relatifs à l' entretien semestriel des organes de sécurité de la société pour un montant de 17 958, 70 euros, dans le courant de l' année 2005, alors que les contrats d' entretien en cours expiraient dans le courant de l' année 2007 ; que les contrats litigieux produits et non contestés par le salarié en attestent ;

Que l' employeur indique enfin que le salarié a passé commande de travaux avec des sociétés prestataires de services pour des montants excédant les sommes autorisées dans les budgets ; qu' il verse aux débats le budget des dépenses pour l' année 2005, prévoyant notamment la réfection de vestiaires pour un montant de 7500 euros ; qu' il produit également le devis afférent à cette dépense ; que ce devis, non contesté par le salarié et revêtu de sa seule signature pour accord, se chiffrait à la somme de 12 035, 35 euros ;

Attendu que pour justifier les engagements contractés en méconnaissance de la procédure d' accord préalable imposée par l' employeur, le salarié se prévaut en premier lieu de la délégation de pouvoir dont il était titulaire ;

Attendu cependant que l' avenant au contrat de travail du 1er octobre 2000, instituant au profit du salarié une délégation de pouvoir, en précisait clairement l' objet ; qu' il en résultait que le salarié avait " tout pouvoir pour prendre toutes mesures et toutes décisions en vue d' appliquer ou de faire appliquer les réglementations en vigueur mettant en cause la responsabilité du chef d' entreprise dans tous les domaines et plus particulièrement quant à la réglementation du travail et de la main d' oeuvre, la convention collective nationale applicable et les prescriptions d' hygiène et de sécurité prévues par les lois et les règlements en vigueur " ;

Qu' il est constant que la décision, prise par l' employeur, d' interdire la passation de commandes sans accord préalable, n' entrait pas dans le champ de la délégation ; qu' elle relevait de l' exercice par l' employeur de son pouvoir de direction ; que dès lors, le salarié ne saurait utilement se prévaloir de l' existence de ladite délégation pour justifier de la méconnaissance de la procédure litigieuse ; qu' il convient en conséquence de déclarer inopérant le moyen tiré de l' existence d' une délégation ;

Attendu que le salarié expose encore que la formation de remise à niveau sur le logiciel S. A. P. du 9 mars 2005 a eu lieu en Allemagne et a été dispensée en allemand, sans aucun traducteur ; que faute pour lui de maîtriser cette langue, il n' a pu en assimiler le contenu ; qu' il a contesté oralement à l' audience avoir reçu un classeur traduisant la procédure en français ;

Attendu cependant que l' employeur verse aux débats les attestations respectives de Monsieur D... Jean- Michel et Madame F... Adrienne ; que Monsieur D... atteste avoir participé à la formation SAP du 09 mars 2005 et fait " en collaboration avec Madame F..., la traduction pour Mr Y... et lui avoir transmis un classeur avec les procédures traduites en Français " ; que Madame F... atteste " avoir effectué la traduction à Mr Y... lors de sa formation SAP avec l' aide de Mr. D... J. Michel " ; qu' elle précise encore que " Mr Y... a reçu un classeur complet d' explications en français sur SAF à la suite de sa formation " ;

Que de surcroît, le salarié n' explique pas en quoi cette formation de remise à niveau du 9 mars 2005 le dispensait de suivre les consignes de l' employeur dont il a eu connaissance par courriel du 15 mars 2003 ; qu' il ressort des courriels produits aux débats et non contestés par le salarié, que ce dernier a suivi la procédure d' accord préalable jusqu' en décembre 2004 ; qu' il ne s' explique pas davantage sur le dépassement, sans autorisation, du montant des dépenses inscrites au budget 2005 ;

Qu' il ressort des pièces versées aux débats et non contestées par le salarié que l' employeur n' a pu obtenir l' annulation des commandes litigieuses ; qu' il n' a pu obtenir qu' un aménagement des dates de livraison initialement prévues ;

Attendu que pour justifier les contrats d' entretien sécurité, conclus en 2005, alors même que les contrats en cours expiraient courant 2007, le salarié argue de la nécessité qu' il a eu de modifier la périodicité des visites de contrôle ;

Que cependant il ressort des conventions versées aux débats et non contestées par le salarié, que ces périodicités n' ont pas fait l' objet de modification ; que dès lors ce moyen doit être déclaré inopérant ;

Attendu qu' il résulte de l' ensemble des éléments analysés ci- dessus que le grief tiré de la méconnaissance par le salarié des consignes de l' employeur est établi ; que son comportement, préjudiciable à la société, rendait impossible son maintien dans l' entreprise ; que le licenciement pour faute grave de Monsieur Y... Daniel est ainsi justifié ;

Qu' il convient de réformer la décision déférée sur ce point ;

Sur les heures supplémentaires

Attendu que, selon l' article L. 212- 1- 1 du Code du travail, en cas de litige relatif à l' existence ou au nombre d' heures de travail effectuées, l' employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l' appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d' instruction qu' il estime utiles ;

Qu' il résulte de ce texte que la preuve des heures de travail effectuées n' incombe spécialement à aucune des parties et que le juge ne peut, pour rejeter une demande d' heures supplémentaires, se fonder sur l' insuffisance des preuves apportées par le salarié ; qu' il doit examiner les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et que l' employeur est tenu de lui fournir ;

Attendu qu' aux termes de l' accord collectif sur l' aménagement et la réduction du temps de travail de la société PROWELL applicable en l' espèce, " qu' en toute hypothèse, le nombre de jours travaillés annuellement ne pourra être supérieur à 217 jours... L' amplitude des journées de travail sera en toutes circonstances plafonnée à 13 heures et le repos minimal hebdomadaire ne saurait être inférieur à 35 heures ", étant ici précisé que Monsieur Y... était rémunéré selon un forfait cadre autonome 217 puis 218 jours à compter du 1- 1- 2005 ; qu' il disposait d' une grande indépendance dans l' organisation de son travail et que selon son contrat de travail, sa rémunération n' était liée ni à l' horaire de travail de l' entreprise, ni à la durée effective de son travail personnel ;

Attendu que le salarié réclame la somme de 47 712 euros au titre d' heures supplémentaires en soutenant qu' il travaillait plus de 12 heures par jour et 16 heures le samedi et le dimanche ;

Qu' au soutien de ses prétentions, il produit plusieurs attestations ainsi que des relevés d' entrées et sorties opérés par une société de gardiennage et télésurveillance ;

Que Madame Y... Joëlle atteste que son " mari Y... Daniel (...) partait à 6 h 30- 7 h 00 et rentrait vers 21 h 00 voire 22 h 00 " ;

Que selon l' attestation de Monsieur H... David " Monsieur Y... faisait bien des heures et qu' il travaillait du lundi au dimanche inclus " ; que de même, Monsieur Christian I... atteste que le salarié " faisait énormément d' heures dans l' entreprise Prowel du lundi au dimanche inclus " ; que Monsieur J... Fréderic déclare avoir " constaté que Mr Y... Daniel travaillait du lundi matin au samedi soir et plusieurs dimanches soir pour le démarrage de l' usine " ; que Monsieur K... Patrick atteste que Monsieur Y... " faisait un grand nombre d' heures chaque jour (...) du démarrage du dimanche soir jusqu' à très tard la nuit et cela chaque jour de la semaine (...) de 8 heures à 9 heures le matin jusqu' à 19 h voire 20 heures " ; que Monsieur L... Thierry, fournisseur pour des travaux de maintenance, précise que " Monsieur Y... était présent à chaque intervention, que ce soit en semaine ou le week- end " ;

Attendu toutefois que ces attestations rédigées de manière générale ne sauraient établir le dépassement du forfait jours de Monsieur Y..., ni davantage d' un dépassement de l' amplitude journalière non compensé par un repos compensateur ; qu' il en est de même des relevés d' entrée et de sortie produits par le salarié ;

Que la présence du salarié certains week- end ne saurait à elle seule faire présumer de l' exécution systématique par lui de journées de travail excédant 12 heures voire 16 heures de travail et a fortiori de plus de 217 jours de travail annuellement ;

Attendu que de son côté, l' employeur produit les relevés d' entrées et sorties pour les périodes, d' une part, du 21 octobre 2004 au 22 novembre 2004 et, d' autre part, du 16 avril 2005 au 26 juin 2005 ; que ces relevés ne sont pas contestés par le salarié ; qu' il ressort des relevés couvrant la période du 21 octobre au 22 novembre 2004 que le salarié n' effectuait pas des journées de travail de 12 à 16 heures ; que sa présence les samedi et dimanche n' était pas systématique ; que ces constatations sont corroborées par les attestations respectives de Mme M... Caroline et de Mr N... Jeremy versées aux débats ;

Attendu qu' au vu de ces éléments, il y a lieu de considérer qu' il n' est pas établi que le salarié accomplissait chaque jour de la semaine 12 à 16 heures de travail pour la période du 1er novembre 1999 au 13 juillet 2005 et que le nombre de jours travaillés annuellement excédait pour cette période 217 jours jusqu' en 2004 et 218 jours au- delà ;

Qu' en conséquence il y a lieu de débouter Monsieur Y... Daniel de sa demande formulée au titre des heures supplémentaires ;

Qu' il convient de confirmer la décision déférée sur ce point ;

Sur les congés payés

Attendu qu' en application des dispositions de l' article L. 223- 11 du Code du travail, l' indemnité de congés payés est égale au dixième de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence ; que cette indemnité ne peut cependant être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler ;

Que la rémunération s' entend d' une rémunération brute ; qu' elle comprend en premier lieu le salaire, contrepartie immédiate de la relation de travail, y compris la rétribution majorée des heures supplémentaires et la majoration de la rémunération liée à des conditions particulières d' emploi ;

Que doivent être exclues les sommes qui n' ont pas le caractère de salaire ainsi que celles qui sont destinées à compenser une absence non assimilée à un travail effectif au regard de la législation sur les congés payés ; que dès lors que les périodes d' absences pour maladie n' entrent pas dans les périodes assimilées à un temps de travail effectif par l' article L. 223- 4 du Code du travail, ni les indemnités journalières versées par la sécurité sociale, ni les indemnités complémentaires versées par l' employeur ne doivent être prise en compte pour le calcul de l' indemnité de congés payés ;

Que pour qu' une prime ou une gratification entre dans l' assiette de l' indemnité de congés payés, il faut qu' elle constitue un élément de rémunération correspondant à un droit pour le salarié susceptible d' être juridiquement sanctionné, qu' elle ne soit pas la compensation d' un risque exceptionnel et qu' elle soit affectée dans son mode de calcul par la prise de congé ;

Attendu que les primes versées à Monsieur Y... Daniel ne remplissaient pas cette triple condition ; qu' elles doivent dès lors être exclues de l' assiette de calcul ;

Qu' au vu des bulletins de paie couvrant la période du 01 juin 2004 au 31 mai 2005, la rémunération brute à prendre en considération pour le calcul de l' indemnité de congés payés est de 44040 euros ; que le salarié pouvait ainsi prétendre à une indemnité de congés payés égale à 4404 euros ; qu' il ressort du bulletin de paie de juillet 2005 que le salarié a reçu une indemnité de congés payés égale à ce montant ; que le salarié ne conteste pas avoir perçu cette somme ;

Qu' il y a lieu en conséquence de dire que Monsieur Y... Daniel a été rempli de ses droits au titre des congés payés et de le débouter de sa demande formulée de ce chef ;

Qu' il convient de réformer la décision sur ce point ;

Sur les demandes formées par les parties au titre de l' article 700 du code de procédure civile

Attendu qu' il paraît équitable de laisser à la charge de la SA Prowel les frais exposés par elle et non compris dans les dépens, compte tenu de la situation économique de la partie condamnée aux dépens ;

Qu' il convient de débouter la partie appelante de sa demande formulée au titre de l' article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que Monsieur Y... Daniel succombe dans ses prétentions et est condamné aux entiers dépens ;

Qu' il convient donc de rejeter sa demande au titre de l' article 700 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par dispositions nouvelles, tant confirmatives que réformatives et supplétives ;

Dit le licenciement de Monsieur Y... Daniel fondé pour faute grave ;
Le déboute de toutes ses demandes
Déboute la SA Prowell de sa demande d' indemnité au titre de l' article 700 du Code de procédure civile pour l' ensemble de la procédure ;

Condamne la partie intimée aux dépens de première instance et d' appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 07/00508
Date de la décision : 28/03/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Béthune


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-03-28;07.00508 ?
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