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28/03/2008 | FRANCE | N°07/00283

France | France, Cour d'appel de Douai, 28 mars 2008, 07/00283


ARRET DU
28 Mars 2008

N SS47 / 08

RG 07 / 00283





Jugement du
Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LILLE
en date du
19 Décembre 2006





COUR D' APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale



- Sécurité Sociale-



APPELANT :

- SOCIETE ASCOMETAL
Immeuble Le Colisée, 10 avenue de l' Arche Faubourg de l' Arche
92419 COURBEVOIE CEDEX
Représentant : Me Philippe PLICHON (avocat au barreau de PARIS) substitué par Me MOUKANAS, avocat,

- Société ASCOMETAL
Usine des

Dunes, BP 129- 59943 DUNKERQUE
Représentant : Me Philippe PLICHON (avocat au barreau de PARIS) substitué par Me MOUKANAS, avocat,

INTIME :

- CPAM DUNKERQUE
2 Rue d...

ARRET DU
28 Mars 2008

N SS47 / 08

RG 07 / 00283

Jugement du
Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LILLE
en date du
19 Décembre 2006

COUR D' APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale

- Sécurité Sociale-

APPELANT :

- SOCIETE ASCOMETAL
Immeuble Le Colisée, 10 avenue de l' Arche Faubourg de l' Arche
92419 COURBEVOIE CEDEX
Représentant : Me Philippe PLICHON (avocat au barreau de PARIS) substitué par Me MOUKANAS, avocat,

- Société ASCOMETAL
Usine des Dunes, BP 129- 59943 DUNKERQUE
Représentant : Me Philippe PLICHON (avocat au barreau de PARIS) substitué par Me MOUKANAS, avocat,

INTIME :

- CPAM DUNKERQUE
2 Rue de la Batellerie, BP 4523- 59386 DUNKERQUE CEDEX 1
Représentant : Mme Z..., régulièrement mandatée,

- M. Jean- Marie A...

...

...

Représentant : Me Jean- Paul TEISSONNIERE (avocat au barreau de PARIS) substitué par Me LASOUDRIS, avocat,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

N. OLIVIER
: PRESIDENT DE CHAMBRE

T. VERHEYDE
: CONSEILLER

A. THIEFFRY
: CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : N. BERLY

DEBATS : à l' audience publique du 05 Février 2008

ARRET : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Mars 2008,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l' article 450 du code de procédure civile, signé par N. OLIVIER, Président et par S. LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. Jean- Marie A... a été salarié de la société ASCOMETAL à l' usine des Dunes sur divers postes de production de 1974 à 1988, période au cours de laquelle il a été exposé au risque d' inhalation de fibres d' amiante.

Sur la base d' un certificat médical du 2 mars 2004 ayant diagnostiqué des plaques pleurales calcifiées, M. Jean- Marie A... a fait une déclaration de maladie professionnelle le 18 mai 2004. La CPAM de Dunkerque a reconnu le caractère professionnel de la maladie le 4 août 2004.

Le 15 octobre 2004, la CPAM de Dunkerque a fixé le taux d' incapacité permanente partielle de M. Jean- Marie A... à 5 % et a décidé de lui verser une indemnité en capital.

M. Jean- Marie A... a engagé une procédure en reconnaissance de faute inexcusable à l' encontre de la société ASCOMETAL.

Saisi par M. Jean- Marie A..., le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille, par jugement en date du 19 décembre 2006, auquel il y a lieu de se reporter pour l' exposé des faits et des prétentions et moyens antérieurs des parties, a :

- dit que la maladie professionnelle dont M. Jean- Marie A... était atteint était due à une faute inexcusable de la société ASCOMETAL ;

- déclaré opposable à l' employeur de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par le salarié ;

- dit que la réparation des préjudices serait versée directement par la CPAM de Dunkerque au bénéficiaire et que l' employeur devrait la garantir des sommes versées à ce titre ;

- fixé au maximum la majoration du capital ou de la rente prévue servie à M. Jean- Marie A... par la CPAM de Dunkerque et dit que cette majoration suivrait le taux d' I. P. P. en cas d' aggravation ;

- avant dire droit, sur la réparation des préjudices extrapatrimoniaux, ordonné une expertise médicale, confiée au Professeur D....

La société ASCOMETAL a fait appel le 2 février 2007 de ce jugement, qui lui avait été notifié le 30 janvier 2007.

La société ASCOMETAL demande à la Cour :

- d' infirmer le jugement en ce qu' il a dit qu' elle avait commis une faute inexcusable et lui a déclaré opposable la décision par laquelle la CPAM de Dunkerque a pris en charge la maladie déclarée par M. Jean- Marie A... et, en conséquence, de dire la CPAM de Dunkerque non fondée en son action récursoire à son encontre ;

- subsidiairement, de confirmer le jugement en ce qu' il a ordonné l' expertise médicale et M. Jean- Marie A... et de réduire dans de très fortes proportions les montants des préjudices complémentaires sollicités par ce dernier.

La société ASCOMETAL conteste avoir commis une faute inexcusable aux motifs qu' elle ne saurait être tenue d' une obligation de sécurité de résultat contenue dans le contrat de travail, qu' elle ne participait pas au processus de fabrication ou de transformation de l' amiante, qu' elle n' utilisait ce matériau que pour protéger ses salariés de la chaleur et qu' elle ne pouvait pas avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié. Elle fait valoir par ailleurs que la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle par la CPAM de Dunkerque lui est inopposable aux motifs que la Caisse n' a pas diligenté une véritable enquête administrative, que le médecin conseil a été désigné par la Caisse et n' est donc pas indépendant, que seul l' avis intermédiaire de ce médecin, et non pas l' avis définitif lui a été communiqué, et qu' elle n' a pas eu connaissance des clichés radiologiques et des examens tomodensitométriques sur la base desquels ce médecin s' est déterminé.

Pour sa part, M. Jean- Marie A... demande à la Cour :

• de confirmer le jugement frappé d' appel en ce qu' il a :

- dit que la maladie professionnelle dont il est atteint est due à une faute inexcusable de la société ASCOMETAL ;

- fixé au maximum la majoration du capital qui lui est servi et dit que cette majoration suivrait le taux d' I. P. P. en cas d' aggravation ;

• d' infirmer le jugement en ce qu' il a ordonné une expertise médicale et, statuant à nouveau, de :

- fixer l' indemnisation de ses préjudices complémentaires comme suit :

* souffrance physique : 16. 000 €
* souffrance morale : 25. 000 €
* préjudice d' agrément : 16. 000 €

- condamner la société ASCOMETAL à lui payer la somme de 1. 600 € par application de l' article 700 du Code de procédure civile.

M. Jean- Marie A... considère que sa maladie professionnelle est due à la faute inexcusable commise par son employeur, qui avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé du fait de l' inhalation de poussières d' amiante. Il ajoute que son préjudice extrapatrimonial peut être liquidé sans qu' il soit nécessaire de recourir à une expertise médicale.

De son côté, la CPAM de Dunkerque demande à la Cour de confirmer le jugement frappé d' appel et de dire que la société ASCOMETAL sera tenue de la garantir des conséquences financières de sa faute inexcusable.

La CPAM de Dunkerque considère que sa décision de prise en charge de la maladie professionnelle de M. Jean- Marie A... est opposable à son employeur. Elle fait valoir qu' elle a respecté toutes ses obligations légales à l' égard de ce dernier dans le déroulement de la procédure ayant abouti à cette prise en charge.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la faute inexcusable

Les motifs par lesquels les premiers juges ont estimé que la maladie professionnelle dont est atteint M. Jean- Marie A... sont due à la faute inexcusable commise par la société ASCOMETAL et qu' il y a lieu par conséquent de fixer au maximum légal le montant de l' indemnité en capital servie à M. Jean- Marie A... sont pertinents et la Cour les adopte.

Sur l' opposabilité à l' employeur de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle

En application de l' article R. 441- 13 du Code de la sécurité sociale, le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre :
1 º) la déclaration d' accident et l' attestation de salaire ;
2 º) les divers certificats médicaux ;
3 º) les constats faits par la caisse primaire ;
4 º) les informations parvenues à la caisse de chacune des parties ;
5 º) les éléments communiqués par la caisse régionale ;
6 º) éventuellement, le rapport de l' expert technique.

Il résulte par ailleurs de l' article R. 441- 11 du Code de la sécurité sociale que la caisse primaire d' assurance maladie, avant de se prononcer sur le caractère professionnel d' un accident ou d' une maladie, doit informer l' employeur de la fin de la procédure d' instruction, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision.

Par courrier recommandé daté du 19 juillet 2004, reçu le 20, la CPAM de Dunkerque a adressé à la société ASCOMETAL la copie des pièces constitutives du dossier, l' a invitée à lui faire part de ses observations éventuelles, et l' a informée qu' elle rendrait sa décision sur le caractère professionnel de la maladie à partir du 4 août 2004.

Les pièces du dossier visées dans ce courrier de clôture de l' instruction sont les suivantes :

- déclaration de la maladie professionnelle ;
- certificat médical initial ;
- enquête administrative ;
- lettre inspection du travail ;
- avis intermédiaire du Service Médical.

La CPAM de Dunkerque a produit aux débats les pièces correspondantes.

Au titre de l' enquête administrative, les pièces produites sont les suivantes :

- les déclarations de Jean- Marie A... et de deux témoins, Messieurs. Michel E... et Germain G..., anciens collègues de travail de Jean- Marie A..., relatives à l' exposition au risque de ce dernier ;
- la réponse de l' employeur à un questionnaire envoyé par la Caisse donnant les informations demandées sur les postes successivement occupés par le salarié ;
- l' avis de l' inspecteur du travail.

Contrairement à ce qu' allègue la société ASCOMETAL, ces diligences sont suffisantes pour considérer que la Caisse a rempli ses obligations en matière d' enquête, l' envoi d' un questionnaire à l' employeur pouvant constituer une modalité de celle- ci.

Parmi les pièces du dossier figure également l' avis du médecin- conseil, contenu dans un document intitulé " avis intermédiaire du médecin conseil (dossier en attente d' enquête administrative ", dans lequel ce médecin a émis un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par Jean- Marie A... au titre du tableau no 30 des maladies professionnelles.

Contrairement à ce qu' allègue la société ASCOMETAL, le médecin- conseil n' est nullement dépendant des services administratifs de la Caisse compétents pour instruire les demandes de reconnaissance de maladies professionnelles et la Caisse est, en application des articles D. 461- 1 et suivants du Code de la sécurité sociale, légalement tenue de s' adresser à ce médecin- conseil, dont l' avis est nécessaire pour pouvoir reconnaître, le cas échéant, le caractère professionnel de la maladie. En application de l' article D. 461- 8 al. 2 du Code de la sécurité sociale, seul le médecin- conseil est habilité à solliciter, s' il l' estime nécessaire, l' avis d' un médecin spécialiste ou compétent en pneumologie ou en médecine du travail possédant les connaissances particulières dans le domaine des pneumocomioses.

La société ASCOMETAL n' est pas davantage fondée à estimer que cet avis, qualifié d' " intermédiaire ", ne serait pas suffisant. En effet, aucun autre élément du dossier n' a été recueilli postérieurement à la date de cet avis et, en toute hypothèse, l' avis du médecin- conseil porte sur la nature de la maladie déclarée par le salarié, et non pas sur les conditions de travail de celui- ci.

Par ailleurs, la société ASCOMETAL n' allègue pas que la CPAM de Dunkerque aurait pris sa décision au vu d' autres documents médicaux que ceux inclus dans le dossier dont l' employeur a eu connaissance, notamment des clichés radiologiques et / ou des examens tomodensitométriques qui ne lui auraient pas été communiqués.

De plus, la société ASCOMETAL n' a jamais émis aucune réserve spécifique, en cours d' instruction de la demande de reconnaissance de la maladie professionnelle, ni même à la fin de cette instruction, sur l' existence de ces clichés radiologiques et / ou de ces examens tomodensitométriques. Il lui appartenait, si elle estimait que ces documents médicaux étaient indispensables pour établir l' existence de la maladie professionnelle, d' en demander à ce moment la production auprès de la CPAM de Dunkerque, ce qui aurait permis à cette dernière, au besoin, soit d' inviter Jean- Marie A... à compléter son dossier médical, soit de mettre en oeuvre une expertise technique concernant l' existence et la nature de la maladie en application de l' article D. 461- 20 du Code de la sécurité sociale.

En toute hypothèse, l' existence de la maladie est suffisamment établie en l' espèce par les documents médicaux produits aux débats par la CPAM de Dunkerque et par Jean- Marie A..., notamment le certificat médical initial joint à la déclaration de maladie professionnelle, si bien qu' une expertise judiciaire est parfaitement inutile pour établir cette existence.

La CPAM de Dunkerque a donc respecté les obligations légales pesant sur elle en ce qui concerne l' instruction de la demande de reconnaissance de la maladie déclarée par Jean- Marie A....

Par conséquent, il y a lieu de dire la décision de reconnaissance de maladie professionnelle opposable à la société ASCOMETAL et, par suite, de condamner celle- ci à rembourser à la CPAM de Dunkerque les sommes dont cette dernière est tenue de faire l' avance à Jean- Marie A... du fait de la reconnaissance de la faute inexcusable commise par la société ASCOMETAL : le jugement frappé d' appel sera donc confirmé sur ce point.

Sur l' indemnisation du préjudice extrapatrimonial subi par M. Jean- Marie A...

Les pièces produites aux débats par M. Jean- Marie A... sont suffisantes pour permettre à la Cour de liquider son préjudice extrapatrimonial sans ordonner au préalable une mesure d' expertise médicale : le jugement frappé d' appel sera donc infirmé sur ce point.

Au vu des documents médicaux (notamment le certificat médical du Docteur F... du 2 mars 2004), ainsi que des attestations des membres de la famille et des proches de M. Jean- Marie A... produits aux débats, compte- tenu également de l' âge de M. Jean- Marie A... (né en 1954), de la nature de sa maladie professionnelle (plaques pleurales calcifiées bilatérales) et du taux d' incapacité qui lui a été reconnu (5 %), l' indemnisation de son préjudice personnel doit être évaluée comme suit :

* souffrances physiques : 5. 000 € ;
* préjudice moral : 16. 000 € ;
* préjudice d' agrément : 5. 000 €.

Sur les autres demandes

Enfin, il y a lieu de condamner la société ASCOMETAL, partie tenue aux dépens, à payer à M. Jean- Marie A..., qui a exposé des frais non compris dans les dépens, notamment des honoraires d' avocat, la somme de 1. 000 € par application de l' article 700 du Code de procédure civile.

DÉCISION DE LA COUR :

• Confirme le jugement frappé d' appel en ce qu' il a :

- dit que la maladie professionnelle dont est atteint M. Jean- Marie A... est due à une faute inexcusable commise par la société ASCOMETAL ;

- fixé au maximum la majoration de l' indemnité en capital servie par la CPAM de Dunkerque à M. Jean- Marie A... et dit que cette majoration suivrait le taux d' I. P. P. en cas d' aggravation ;

- déclaré opposable à la société ASCOMETAL la décision par laquelle la CPAM de Dunkerque a reconnu le caractère professionnel de la maladie déclarée par Jean- Marie A... et dit que la CPAM de Dunkerque pourra récupérer sur la société ASCOMETAL le montant des sommes dont elle est tenue de faire l' avance à Jean- Marie A... du fait de la faute inexcusable commise par la société ASCOMETAL ;

• L' infirme pour le surplus et, statuant à nouveau :

- dit n' y avoir lieu à ordonner l' expertise médicale de M. Jean- Marie A... ;

- fixe l' indemnisation du préjudice extrapatrimonial subi par M. Jean- Marie A... aux sommes suivantes :

* souffrances physiques : 5. 000 €
(Cinq mille euros)
* préjudice moral : 16. 000 €
(Seize mille euros)
* préjudice d' agrément : 5. 000 €
(Cinq mille euros)

- condamne la société ASCOMETAL à payer à M. Jean- Marie A... la somme de 1. 000 € (mille euros) par application de l' article 700 du Code de procédure civile ;


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 07/00283
Date de la décision : 28/03/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-03-28;07.00283 ?
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