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28/03/2008 | FRANCE | N°06/02772

France | France, Cour d'appel de Douai, 28 mars 2008, 06/02772


ARRET DU
28 Mars 2008 N 414- 08

RG 06 / 02772





JUGEMENT DU
Conseil de Prud' hommes de BETHUNE
EN DATE DU
06 Octobre 2006





COUR D' APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale



- Prud' Hommes-



APPELANT :

M. Laurent X...


...


...

Comparant et assisté de Me Jean- François PAMBO (avocat au barreau de BETHUNE)



INTIME :

VILLE DE BETHUNE
Mairie de Béthune Place du 4 Septembre
62400 BETHUNE
Représentant : Me Jean- Sébastien JOLY (avocat

au barreau de HAZEBROUCK)

FEDERATION NATIONALE LEO LAGRANGE
153 Rue Jean Lolive
93695 PANTIN CEDEX
Représentant : Me Bertrand DOMENACH (avocat au barreau de PARIS)
substitué par Me FA...

ARRET DU
28 Mars 2008 N 414- 08

RG 06 / 02772

JUGEMENT DU
Conseil de Prud' hommes de BETHUNE
EN DATE DU
06 Octobre 2006

COUR D' APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale

- Prud' Hommes-

APPELANT :

M. Laurent X...

...

...

Comparant et assisté de Me Jean- François PAMBO (avocat au barreau de BETHUNE)

INTIME :

VILLE DE BETHUNE
Mairie de Béthune Place du 4 Septembre
62400 BETHUNE
Représentant : Me Jean- Sébastien JOLY (avocat au barreau de HAZEBROUCK)

FEDERATION NATIONALE LEO LAGRANGE
153 Rue Jean Lolive
93695 PANTIN CEDEX
Représentant : Me Bertrand DOMENACH (avocat au barreau de PARIS)
substitué par Me FAURE- MURET

DEBATS : à l' audience publique du 14 Février 2008

Tenue par B. MERICQ et A. COCHAUD- DOUTREUWE
magistrats chargés d' instruire l' affaire qui ont entendu les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s' y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré,
les parties ayant été avisées à l' issue des débats que l' arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : A. LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE

B. MERICQ
: PRESIDENT DE CHAMBRE

P. NOUBEL
: CONSEILLER

A. COCHAUD- DOUTREUWE
: CONSEILLER

ARRET : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Mars 2008,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l' article 450 du code de procédure civile, signé par B. MERICQ, Président et par S. LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA COUR,

FAITS ET PROCÉDURE :

1. La Ville de Béthune a passé, pour l' exploitation de son théâtre (à savoir deux équipements : le Théâtre Municipal et le Théâtre de Poche), un marché public avec l' association Fédération Nationale Léo Lagrange (FNLL) dit " d' assistance technique, administrative et culturelle au fonctionnement du théâtre municipal ".

Dans le cadre de l' exécution de ce marché, la FNLL a mis à la disposition de la Ville de Béthune deux de ses salariés :

* Xavier C... (lequel avait été engagé le 15 octobre 1980 comme agent de développement local) pour occuper à compter du 1o janvier 1994 la fonction de directeur du théâtre- étant précisé que l' intéressé était en outre délégué du personnel,

* Laurent X... (lequel avait été engagé le 1o octobre 1998) pour occuper dès son embauche la fonction de directeur adjoint du théâtre.

Ce marché d' assistance, renouvelé à effet au 1o avril 2002, n' a pas été renouvelé au 31 mars 2005.

2. Chacun des deux salariés a fait l' objet d' une tentative de reprise par la Ville de Béthune selon arrêté du 7 avril 2005 ultérieurement annulé par le tribunal administratif de Lille.

Il a ultérieurement été engagé par la Ville de Béthune, à compter du 18 juillet 2005, selon contrat de travail à durée déterminée.

3. Laurent X..., constatant au 1o avril 2005 que la FNLL ne lui confiait plus de prestation de travail et ne le rémunérait plus- bien que son contrat de travail n' eût pas été transféré à la Ville de Béthune car il n' y avait pas lieu en la cause à application de l' article L. 122- 12 du code du travail- et analysant cette situation comme une rupture à lui imposée par son employeur la FNLL avec les effets d' un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a agi en justice contre la FNLL, et subsidiairement contre la Ville de Béthune, pour contester la légitimité de la rupture et faire valoir qu' il avait pas été rempli de ses droits.

4. Le conseil de prud' hommes de Béthune a, selon jugement rendu le 6 octobre 2006 (no 05 / 251) auquel il est entièrement fait référence pour l' exposé des données de base du procès et des prétentions et moyens respectifs des parties, débouté Laurent X... de l' ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

5. Laurent X... a relevé appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

1. Par ses conclusions écrites et observations orales développées à l' audience à fins d' infirmation, Laurent X... reprend et précise devant la cour ses moyens et demandes de première instance aux fins de voir juger en substance qu' il n' y avait lieu, dans la situation du marché d' assistance non renouvelé, à application de l' article L. 122- 12 du code du travail (étant précisé que la FNLL n' a jamais géré ou exploité le théâtre de Béthune et qu' il y a eu pour elle simple perte d' un marché, et non transfert d' une entité économique) en sorte que le comportement de la FNLL, qui ne lui a plus confié de travail à partir d' avril 2005 et qui ne l' a plus rémunéré, s' analyse comme un licenciement, celui- ci opéré sans cause réelle et sérieuse ; il en tire toutes conséquences pécuniaires que de droit.

À titre subsidiaire, au cas où l' article L. 122- 12 du code du travail serait jugé applicable, il formule les mêmes réclamations à l' encontre de la Ville de Béthune qui serait devenue son employeur à compter du 1o avril 2005 et aurait manqué à ses obligations pour lui avoir imposé la rupture de la relation de travail puis ne l' avoir repris ultérieurement qu' à titre précaire et sous un nouveau statut.

2. Par ses conclusions écrites et observations orales développées à l' audience à fins de confirmation, la FNLL analyse la situation comme la reprise en direct par la Ville de Béthune de l' exploitation de son théâtre ce qui caractérise le transfert avec maintien d' une entité économique ; elle en déduit que, par application de plein droit de l' article L. 122- 12 du code du travail, le salarié aurait dû être repris sans solution de continuité par la Ville de Béthune et que celle- ci est seule responsable de la rupture prétendue ; elle ajoute que précisément le salarié est resté à son poste qu' il n' entendait pas quitter.

3. Par ses conclusions écrites et observations orales développées à l' audience, la Ville de Béthune soutient comme en première instance que l' article L. 122- 12 du code du travail n' avait pas vocation à s' appliquer car la situation revient à la simple perte d' un marché par la FNLL, elle- même (la Ville de Béthune) ayant toujours assuré l' exploitation de son théâtre au contraire de la FNLL qui n' a jamais assuré cette exploitation.

* * *

DISCUSSION :

1. Le marché d' assistance qui a lié la Ville de Béthune en tant que maître d' ouvrage à la FNLL en tant que prestataire de services comporte un cahier des clauses particulières (CCP) qui décrit l' objet du marché (article 1 : assistance au fonctionnement du théâtre), les activités concernées (article 4 : la participation à la programmation du théâtre et à la négociation des contrats de spectacle, l' information du public), les missions du prestataire (article 5 : en substance faire du théâtre de Béthune un établissement culturel reconnu) et les " fonctions " (article 6) :

" Il s' agit pour le prestataire de mettre à dispositions de la Ville de Béthune deux personnes qui exerceront respectivement les fonctions de directeur et de directeur adjoint de théâtre.

Ils travailleront en étroite relation avec l' adjoint aux affaires culturelles et son service.

Ils seront, chacun en ce qui le concerne, chargés de l' encadrement du personnel et de l' animation dans les différentes structures culturelles. Ils proposeront à l' autorité territoriale le choix de gestion des différents spectacles et devront gérer le financement de ces actions ".

Il comporte également un prix " année civile par année civile " et des modalités de paiement, en son article 11- 2 :

" Un règlement sur prestations sera versé à l' organisme par trimestre à terme non échu sur présentation de factures ".

2. Par ce marché d' assistance, la FNLL n' a eu à réaliser comme prestation que de mettre à la disposition de la Ville de Béthune deux de ses salariés (Xavier C..., qui faisait déjà partie de ses effectifs, et Laurent X..., engagé pour l' occasion), ceux- ci chargés de mettre à exécution les missions du prestataire et les fonctions décrites au contrat (articles 5 et 6).

Elle n' a, à aucun moment, exploité le théâtre de Béthune- lequel est resté exploité par la Ville de Béthune elle- même, avec son personnel (par exemple personnel technique) et ses moyens.

Autrement dit, la FNLL n' a à aucun moment géré le service public du théâtre de Béthune, elle n' a fait que mettre à la disposition de la Ville de Béthune deux de ses salariés pour participer au fonctionnement culturel et administratif du théâtre.

3. À la fin (31 mars 2005) du marché, la situation juridique du théâtre de Béthune est restée identique, cet établissement culturel continuant d' être exploité par la Ville de Béthune.

Il n' y a eu aucune modification dans la situation juridique de l' employeur, aucun transfert d' entité autonome qui aurait conservé son identité et dont l' activité aurait été poursuivie ou reprise.

L' article L. 122- 12 du code du travail n' avait ainsi pas vocation à s' appliquer.

4. Le litige est né de ce qu' il fallait encore régler la situation particulière des deux salariés de la FNLL, Xavier C... et Laurent X..., affectés au théâtre de Béthune et dont on comprend que leur souhait premier était, pour chacun d' entre eux, de rester à son poste et d' y poursuivre son activité professionnelle.

Ce souhait, compréhensible puisque le théâtre de Béthune continuait son activité selon un schéma de fonctionnement apparemment similaire à celui qu' ils avaient mis en oeuvre (programmation, action envers le public, encadrement du personnel), était partagé par la FNLL et la Ville de Béthune : en effet, une solution a été recherchée en ce sens, qui aurait passé par une intégration de Xavier C... et de Laurent X... dans les effectifs de la ville (voir courriers échangés à ce propos courant 2005).

Il reste qu' en dépit des efforts déployés et des négociations entreprises, aucune solution satisfaisante et / ou légale n' a pu être dégagée ; spécialement, les arrêtés de nomination pris par le maire de la Ville de Béthune le 7 avril 2005 ont été annulés par le tribunal administratif.

5. En pareille situation, il appartenait à la FNLL, demeurée employeur de Laurent X... et de Xavier C..., de leur trouver un nouveau poste au sein de son effectif ou de négocier avec eux une modification soit de leur contrat de travail soit de leurs conditions de travail- voire, en cas d' échec, d' envisager un processus de licenciement.

En revanche, le sort qu' elle leur a réservé (non fourniture de travail et non paiement de la rémunération à compter du 1o avril 2005 pour Laurent X..., à compter du 1o mai 2005 pour Xavier C...) s' analyse comme une rupture unilatéralement imposée de la relation de travail, sans procédure et sans motifs.

Il s' agit d' un licenciement, celui- ci nécessairement sans cause réelle et sérieuse.

6. Pour répondre plus complètement à l' argumentation de défense de la FNLL, il sera ajouté que :

* le fait que Xavier C... et Laurent X... ont souhaité rester à leur poste au théâtre de Béthune est sans portée particulière, ce comportement ne caractérisant pas une démission et ne s' imposant pas à leur employeur,

* le fait qu' ils ont invoqué, pour les besoins d' un référé prud' homal, l' application de l' article L. 122- 12 du code du travail est de même sans portée : l' erreur qu' ils ont pu commettre quant au régime juridique qui leur était applicable ne correspondait qu' à une appréciation inexacte de leurs droits, pour tenter de voir résoudre la situation (absence de travail, absence de rémunération) qui leur était faite,

* le fait qu' ultérieurement, à partir du 18 juillet 2005, la Ville de Béthune a pu trouver une solution pour à nouveau employer Xavier C... et Laurent X... à leur poste- mais selon un statut précaire- ne modifie pas l' appréciation qui doit être faite de la situation de rupture de la relation de travail acquise au 1o avril 2005 pour l' un, au 1o mai 2005 pour l' autre,

* l' autorisation que l' inspecteur du travail de Bobigny a donnée le 29 avril 2005 à propos de Xavier C..., salarié protégé dont le transfert au service d' un autre employeur devait être autorisé, n' a aucune autorité dans le présent procès car la FNLL a demandé une autorisation qui n' avait en réalité pas lieu d' être- précisément en ce que le contrat de travail de Xavier C... n' était pas transféré (il s' observe d' ailleurs, à la lecture de cette décision du 29 avril 2005, que la personne juridique vers laquelle le transfert est autorisé n' est pas même indiquée).

7. Les conséquences pécuniaires de cette décision sont les suivantes :

+ une indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés y afférents, est due dans les termes revendiqués, le niveau du salaire tel que ressortant des fiches de paie étant compatible avec la réclamation,

+ compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, de son ancienneté dans l' entreprise et de l' effectif de celle- ci, la cour est en mesure de fixer le préjudice, en application des dispositions de l' article L. 122- 14- 4 du code du travail, à la somme indiquée au dispositif du présent arrêt,

+ il convient d' office d' ordonner le remboursement par la FNLL à l' Assédic compétente des allocations de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement, dans la limite de quatre mois,

+ les intérêts au taux légal courent sur les créances de nature salariale à compter de la réception par la FNLL de la convocation devant le bureau de conciliation (17 juin 2005) et sur les créances de nature indemnitaire à compter du présent arrêt,

+ les éléments de la cause justifient l' application de l' article 700 du nouveau code de procédure civile en faveur de Laurent X..., à hauteur de 1. 500, 00 €.

8. L' action principale de Laurent X... à l' encontre de la FNLL étant reçue, il n' y a pas lieu à examen de son action, expressément présentée comme subsidiaire, à l' encontre de la Ville de Béthune.

Les éléments de la cause ne justifient pas qu' il soit fait application de l' article 700 du nouveau code de procédure civile en faveur de la Ville de Béthune et à la charge de Laurent X....

9. La FNLL, en ce qu' elle est responsable de la situation litigieuse et du procès qui a dû être engagé pour y trouver remède, devra en supporter tous les dépens.

Les éléments de la cause ne justifient pas qu' il soit fait application de l' article 700 du nouveau code de procédure civile en faveur de la Ville de Béthune et à la charge de la FNLL.

* * *

PAR CES MOTIFS :

- infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

ET, STATUANT A NOUVEAU :

- dit que, l' application de l' article L. 122- 12 du code du travail étant écartée, la relation de travail ayant uni la FNLL à Laurent X... a été rompue unilatéralement par la FNLL ; analyse cette rupture comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à effet au 31 mars 2005 ;

- condamne la FNLL à payer à Laurent X... les sommes suivantes :

+ 6. 823, 35 € brut (six mille huit cent vingt trois euros et trente cinq cts) à titre d' indemnité compensatrice de préavis

+ 682, 33 € brut (six cent quatre vingt deux euros et trente trois cts) au titre des congés payés y afférents

+ 20. 000, 00 € (vingt mille euros) à titre de dommages- intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

+ 1. 500, 00 € (mille cinq cent euros) en application de l' article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- précise que les intérêts au taux légal courent sur les créances de nature salariale à compter du 17 juin 2005 et sur les créances de nature indemnitaire à compter du présent arrêt ;

- ordonne le remboursement par la FNLL à l' Assédic compétente des allocations de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement, dans la limite de quatre mois ;

- rejette toutes autres prétentions plus amples ou contraires ;

- condamne la FNLL aux entiers dépens de la première instance et de l' instance d' appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 06/02772
Date de la décision : 28/03/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Béthune


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-03-28;06.02772 ?
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