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18/03/2008 | FRANCE | N°06/02736

France | France, Cour d'appel de Douai, Ct0039, 18 mars 2008, 06/02736


COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 18 / 03 / 2008
* * *
No de MINUTE : / 08 No RG : 06 / 02736
Jugement (No 02 / 557) rendu le 03 Avril 2006 par le Tribunal de Commerce de DUNKERQUE
REF : VNDM / CP

APPELANTES
S. A. FILIERE PLASTIQUE INTERNATIONAL représentée par ses dirigeants légaux audit siège ayant son siège social Rue des Chauffours 95000 CERGY
Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour Assistée de Me DURAND, avocat au barreau de LILLE

S. A. R. L. FRANCE Q GROUP représentée par ses dirigeants léga

ux audit siège ayant son siège social 1 Avenue Antoine Bourdelle ZA de Chanteloup 93600 AULNAY SO...

COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 18 / 03 / 2008
* * *
No de MINUTE : / 08 No RG : 06 / 02736
Jugement (No 02 / 557) rendu le 03 Avril 2006 par le Tribunal de Commerce de DUNKERQUE
REF : VNDM / CP

APPELANTES
S. A. FILIERE PLASTIQUE INTERNATIONAL représentée par ses dirigeants légaux audit siège ayant son siège social Rue des Chauffours 95000 CERGY
Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour Assistée de Me DURAND, avocat au barreau de LILLE

S. A. R. L. FRANCE Q GROUP représentée par ses dirigeants légaux audit siège ayant son siège social 1 Avenue Antoine Bourdelle ZA de Chanteloup 93600 AULNAY SOUS BOIS
Représentée par la SCP LEVASSEUR- CASTILLE- LEVASSEUR, avoués à la Cour Assistée de la SCP REINHART- MARVILLE- TORRE, avocats au barreau de PARIS
INTIMÉS
Madame Danielle Y... née le 11 Novembre 1955 à COUDEKERQUE BRANCHE (59210) demeurant ...
Représentée par la SCP THERY- LAURENT, avoués à la Cour Assistée de Me Hugues FEBVAY, avocat au barreau de HAZEBROUCK

Monsieur Mathieu A... demeurant ...
Assigné le 27 / 12 / 06 (PV 659 CPC)
Monsieur Jacky A... demeurant ...
Assigné le 20 / 10 / 06 (PV 659 CPC)

Maître Bertrand B... ès qualités d'administrateur judiciaire de la SA AUXICAD demeurant ...
Représenté par la SCP THERY- LAURENT, avoués à la Cour Assisté de Me Francis DUPONT, avocat au barreau de LILLE
Maître D... ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SA AUXICAD demeurant ...
Représenté par la SCP THERY- LAURENT, avoués à la Cour Assisté de Me Hugues FEBVAY, avocat au barreau de HAZEBROUCK
DÉBATS à l'audience publique du 15 Janvier 2008, tenue par Madame NEVE DE MEVERGNIES magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame NOLIN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ Monsieur FOSSIER, Président de chambre Madame NEVE DE MEVERGNIES, Conseiller Monsieur DELENEUVILLE, Conseiller
ARRÊT PAR DÉFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 Mars 2008 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur FOSSIER, Président et Madame NOLIN, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

*****
La SA AUXICAD exerce une activité d'ingénierie industrielle. En 2001, ses parts sociales étaient détenues par :
- la SARL FRANCE Q GROUP à hauteur de 8 000 parts,
- Madame Danielle Y... à hauteur de 1 995 parts,
- plusieurs autres personnes dont Messieurs Mathieu et Jacky A... pour les cinq parts restantes.
La SARL FRANCE GROUP et Madame Y... ont cherché à céder leurs titres, et la SA FILIÈRE PLASTIQUE INTERNATIONALE- FPI-, qui possédait déjà une filiale dans la même branche d'activité, s'est montrée intéressée par cette acquisition. Les parties ont alors signé, en date du 21 décembre 2001, une " promesse synallagmatique de cession des droits sociaux " et, le 21 janvier 2002, aux termes d'une discussion de plusieurs heures, un ensemble d'actes comportant une cession des actions, une garantie d'actif et de passif et une cession de créance. Tant la promesse synallagmatique de cession que l'acte de garantie d'actif et de passif comportaient en annexe (ce dernier annexe I, page 7, 7 / b), une mention selon laquelle l'entreprise cédée n'était pas en état de cessation des paiements.
Par jugement du 7 février 2002, le Tribunal de Commerce de DUNKERQUE a ouvert, sur saisine d'office, une procédure de redressement judiciaire concernant la SA AUXICAD, Maître Bertrand B... étant désigné comme administrateur judiciaire ; le Tribunal a, dans le même jugement, fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 24 janvier 2002.
Estimant que son consentement avait été vicié, la SA FPI a refusé d'exécuter les conventions du 21 janvier 2002. Elle a, en outre, déposé une plainte avec constitution de partie civile pour escroquerie à l'occasion des cessions opérées, procédure qui a abouti à un non- lieu.

Par jugement du 3 avril 2006, le Tribunal de Commerce de DUNKERQUE a, notamment, déclaré valides les cessions d'actions intervenues en janvier 2002, de même que les cessions simultanées de créances et la garantie de passif, dit que ces actes forment un tout indissociable, dit que les conditions d'applications de la garantie de passif ne sont pas réunies, condamné la SA FPI à payer à Madame Danielle Y... la somme de 45 734, 71 € outre intérêts et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, et à la SARL FRANCE Q GROUP les sommes principales de 182 938, 82 € pour la cession des actions et 589 675, 15 € pour la cession de créances outre intérêts ainsi qu'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, enfin ordonné l'exécution provisoire moyennant garantie sous forme de caution.

Par déclaration au greffe en date du 4 mai 2006, la SARL FRANCE Q GROUP a interjeté appel de cette décision. Par déclaration du 9 mai 2006, la SA FPI a, elle aussi, interjeté appel. Les deux instances résultant de ces appels ont été jointes. Dans ses dernières conclusions en date du 8 septembre 2006, la SA FPI demande l'infirmation du jugement et, au principal, le prononcé de la nullité des actes de cession à cause du dol dont elle a été victime, et subsidiairement sur le fondement de l'article L. 621- 19 du code de commerce. A titre infiniment subsidiaire, elle demande qu'il soit dit que les sommes mises à sa charge ne pourront excéder la partie fixe du prix de cession soit 182 938, 82 €, et qu'il ne pouvait y avoir cession de créances ; elle demande à défaut qu'une expertise soit ordonnée pour chiffrer la valeur réelle des parts à la date de la cession.
Elle demande enfin condamnation solidaire des intimées à lui payer la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La SA FPI fait valoir, à l'appui de sa position et de ses demandes, que son consentement a été vicié dès lors qu'il est indiqué en annexe de l'acte de garantie de passif que l'entreprise n'est pas en état de cessation des paiements alors que les éléments du dossier révèlent, selon elle, le contraire. Elle rappelle que, sur ce point, la présente juridiction n'est pas tenue par la date fixée par le Tribunal de Commerce et se prévaut, en ce sens, d'éléments extraits du rapport d'expertise de la société ERNST et YOUNG qui avait été désignée comme expert par le Tribunal de Commerce ; elle relève ainsi, notamment, que les salaires n'étaient pas payés depuis, au moins, le 30 novembre 2001, le montant des créance à ce titre s'élevant à 1 100 066 €, que le passif exigible était, au vu des éléments dégagés par l'expert, de plus de 2 millions d'euros alors que l'actif disponible n'était, à la même date, que de 231 000 €, aucune autorisation de découvert bancaire n'ayant jamais été justifiée, et les mobilisations Dailly pour 130 000 € ne pouvant être prises en compte à ce titre dans la mesure où il s'agissait d'un dépôt de garantie exigé par les Banques ; elle relève, à cet égard, que l'expert s'est basé sur des déclarations et commentaires émanant de Madame Danielle Y... dirigeante de l'entreprise, et ce alors que les informations ainsi communiquées n'étaient pas toutes justifiées ainsi qu'il le dit lui- même. Elle ajoute que, au vu de l'état des créances arrêté par le juge- commissaire, le passif total est de l'ordre de 8 millions d'euros. Elle soutient que, dès lors, la situation réelle de la société lui a été cachée et qu'elle est telle que, si elle l'avait connu, elle n'aurait pas acquis, ou au moins pas dans ces conditions.

La SARL FRANCE Q GROUP, dans ses dernières conclusions du 13 décembre 2006, demande la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré valides les conventions signées entre les parties et rejeté les demandes en nullité de ces cessions, aux moyens que :
- les rapports de l'expert désigné par le Tribunal de Commerce révèlent qu'il n'y avait pas d'état de cessation des paiements au moment des cessions en cause, et que rien ne permet d'écarter ces conclusions,
- la SA FPI a acquis en connaissance de cause, étant elle- même professionnelle de ce domaine d'activité par une de ses filiales, après de longues négociations,
- la plainte pénale déposée pour escroquerie a abouti à un non- lieu, ce qui démontre qu'elle ne s'est pas rendue coupable de manoeuvres pour tromper le consentement de la SA FPI, sa bonne fois ne pouvant donc être remise en cause.
Pour le surplus, elle demande l'infirmation du jugement quant au quantum des condamnations prononcées, soutenant que le Tribunal n'a pas tiré toutes conséquences du rejet de l'annulation des actes ; elle demande donc condamnation de la SA FPI à lui payer les sommes suivantes outre intérêts au taux légal à compter du 11 février 2002 sur 589 675, 15 € et du jugement sur le surplus :
- 182 938, 82 € pour le prix des actions (soit confirmation du jugement sur ce point),
- 991 073, 27 € pour le prix des créances cédées.
Elle demande encore condamnation de la SA FPI à lui payer la somme de 15 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre la confirmation de l'indemnité allouée par le premier juge à ce titre.

Madame Danielle Y..., dans ses dernières conclusions en date du 2 juillet 2007, demande la confirmation du jugement déféré et, y ajoutant, qu'il soit dit que la SA FPI est également débitrice, envers elle, de la partie variable et complémentaire du prix de vente de ses actions au prorata de la fraction du capital détenue par elle, et de " constater qu'elle verse aux débats les pièces permettant de fixer cette fraction variable du prix " tout en indiquant qu'elle " n'a pas cause d'opposition à l'orchestration d'une mesure d'expertise judiciaire le cas échéant sur ce point ". Elle demande en outre qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle se réserve expressément la faculté de solliciter l'indemnisation du préjudice causé par le refus de la SA FPI d'exécuter les actes de cession.
Elle sollicite enfin condamnation de la SA FPI à lui payer la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Elle se prévaut, à l'appui de sa position, des conclusions du rapport d'expertise qui serait opposable à la SA FPI dès lors qu'il a été versé aux débats et qu'il est discuté contradictoirement ; elle ajoute que le Tribunal qui a ouvert la procédure collective n'a pas reporté la date de cessation des paiements antérieurement au 24 janvier 2002 ; elle ajoute que l'ouverture du redressement judiciaire est intervenue sur saisine d'office du Tribunal, et pour la raison majeure que l'entreprise se trouvait dépourvue de dirigeant dès lors que la SA FPI refusait de donner suite aux cessions intervenues le 21 janvier. Elle soutient encore que la SA FPI aurait acquis les parts en pleine connaissance de la situation de la SA AUXICAD, qu'il ne serait en rien démontré l'existence de manoeuvres de la part des cédants- le non- lieu prononcé à la suite de l'enquête sur dépôt de plainte pour escroquerie étant sur ce point révélateur-.

Par conclusions du 11 mai 2006, la SARL FRANCE Q GROUP a indiqué se désister de son appel à l'encontre de Madame Danielle Y..., Monsieur Mathieu A... et Monsieur Jacky A....

Dans ses dernières conclusions en date du 29 novembre 2007, Maître Alexandre D..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SA AUXICAD, demande qu'il soit constaté qu'aucune demande n'est formée contre lui et qu'il se réserve de solliciter toute indemnisation de la SA AUXICAD pour les conséquences de la présente procédure.

Maître Bertrand B..., en qualité d'administrateur judiciaire de la SA AUXICAD, demande sa mise hors de cause, ainsi que la condamnation de Madame Danielle Y... et de la SA FPI à lui payer la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Monsieur Mathieu A... et Monsieur Jacky A..., régulièrement assignés autrement qu'à leur personne, n'ont pas constitué avoué ; il y a donc lieu de statuer par défaut en application de l'article 474 du Code de procédure civile, la présente décision n'étant pas susceptible d'appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité des actes de cession
La SA FPI invoque le vice de son consentement en ce qu'elle aurait été trompée sur la situation réelle de l'entreprise dont elle a acquis les parts sociales, et particulièrement quant à son état de cessation des paiements, étant rappelé que l'annexe I à la convention de garantie de passif contient, dans son paragraphe 7 page 7, une mention selon laquelle la SA AUXICAD n'est pas en état de cessation des paiements.
A cet égard, il faut rappeler que la décision du magistrat instructeur ayant jugé, à l'issue de l'information dont il était chargé, qu'il n'y avait pas lieu à poursuites, ne s'impose pas à la présente juridiction, dès lors que les notions pénale d'escroquerie et civile de dol ne se confondent pas totalement ; en effet, les manoeuvres frauduleuses qui doivent avoir été commises pour que la première soit constituée ne se satisfont pas de l'existence d'un simple mensonge (sauf s'il concerne le nom ou la qualité mais tel n'est pas le cas dans le présent litige), alors qu'un mensonge ou même le silence d'une partie peuvent être retenus comme générateurs d'un dol de nature à entraîner d'annulation d'une convention.
L'appréciation de l'état de cessation de paiement de la SA AUXICAD à la date du 21 janvier 2002 à laquelle ont été passés les actes de cession, notamment celui concernant les parts sociales de cette personne morale, est en conséquence déterminante pour la solution du présent litige. A cet égard, la présente juridiction n'est pas tenue par la date de cessation des paiements fixée par le Tribunal de Commerce de DUNKERQUE lors de l'ouverture du redressement judiciaire, cette fixation ayant été opérée de façon provisoire, au vu des éléments nécessairement partiels dont disposait alors cette juridiction. Cette question peut donc être à nouveau examinée dans le cadre de la présente instance, et ce au vu notamment des éléments nouveaux révélés depuis lors, tels qu'ils résultent, notamment, de l'état des créances déposé par le représentant des créanciers, et des deux rapports de la société ERNST et YOUNG désignée comme expert par le juge- commissaire pour rechercher les éléments relatifs à la date où l'état de cessation de paiement de la SA AUXICAD s'est trouvé caractérisé.
En droit, l'article L. 621- 1 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 sur la sauvegarde des entreprises compte- tenu de la date des conventions intervenues entre les parties, définit l'état de cessation de paiement comme la situation de l'entreprise qui est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible. Il convient donc de rechercher, dans les éléments révélés par le dossier et notamment le rapport d'expertise régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties, la consistance de ces deux postes à la date du 21 janvier 2002 à laquelle sont intervenus les actes litigieux.

# sur le passif exigible
Il regroupe les dettes échues, donc que le créancier est en droit d'exiger (c'est ce que signifie l'adjectif " exigible " utilisé dans le texte.). En d'autres termes, si une dette est échue, elle est exigible, sauf si le créancier a accepté un report de paiement (ce qui lui fait d'ailleurs perdre son caractère " exigible ").
Sur ce point, l'expert judiciaire a listé un certains nombre de postes de créances résultant notamment des déclarations faites au représentant des créanciers ; il indique avoir recueilli des observations de Madame Danielle Y..., faisant état d'accords pour des délais de paiement ; or, il précise que seule une partie des accords allégués avec les créanciers a été étayée par des pièces correspondantes. Dans la recherche de la détermination de l'état de cessation de paiement, il ne peut être tenu compte que des accords fermes des créanciers pour différer le règlement d'une créance A contrario, il doit être considéré que les dettes pour lesquelles aucun accord n'est justifié sont exigibles.

* emprunts bancaires
L'expert a vérifié que les échéances de l'emprunt auprès de la société FINORPA n'ont pas été respectées, et que ce montant s'élevait à 159 000 € au 31 décembre 2001. Ainsi qu'il a été dit plus haut, le fait que le paiement de cet arriéré n'était pas exigé est sans incidence. Madame Danielle Y... a fait état d'une discussion en cours pour convenir de nouveaux délais ; l'expert cite, sur ce point, une lettre de l'organisme prêteur qui demande " que lui soit proposée une solution raisonnable en vue de régulariser la situation ". Ce libellé exclut l'existence, en l'état, d'un accord ferme, ce dernier dépendant de l'appréciation qu'aurait ce créancier sur le caractère raisonnable et acceptable des propositions attendues. Il s'agit donc bien d'un poste de passif exigible. au 31 décembre 2001, a fortiori au 21 janvier 2002.

* dettes fournisseurs
L'expert a listé et chiffré les différentes dettes échues au 31 décembre 2001 pour un total de 353 000 €. Il indique que Madame Danielle Y... a fit état de " nombreuses situations de reports d'exigibilité convenues avec les clients (en réalité avec les fournisseurs) " mais il précise que certaines seulement sont étayées par des pièces ; il cite ainsi avoir vérifié l'existence d'un accord avec une société SOLIDWORKS pour une créance de 74 507 €. A défaut d'éléments plus précis sur les vérifications opérées par l'expert quant aux reports d'exigibilité, il ne peut être tenu compte que de cette dernière dette comme ayant fait l'objet d'un accord ferme, et donc la seule à exclure du passif exigible. Cela ramène ce poste du passif exigible à 353 000 €- 74 507 € = 278 490 €.

* dettes fiscales et sociales
L'expert a listé, en dernière partie de son rapport en date du 8 juillet 2003, les échéances de charges fiscales et sociales échues entre le 31 décembre 2001 et le 15 janvier 2002 et impayées au jour de l'ouverture du redressement judiciaire. Le montant total en est, d'après lui, de 165 000 € échus au 15 janvier 2002, mais, d'après les éléments figurant dans le tableau détaillé de ces créances avec leurs montants et dates d'échéances, le montant total est en réalité, au 20 janvier 2002 de 191 986, 11 € se répartissant comme suit :

NOM DU CRÉANCIER DATE D'ÉCHÉANCE MONTANT

Recette des Impôts de Dunkerque après transaction 20 janvier 2002 26 420, 35 €

ASSEDIC d'ANZIN 5 janvier 2002 4 021, 76 €

GIRS 4ème trimestre 2001 15 janvier 2002 91 080 €

GIRCACIC 4ème trimestre 2001 15 janvier 2002 55 978 €

GENERALI 4ème trimestre 2001 1er janvier 2002 14 486 €

# sur l'actif disponible
* disponibilités
L'expert a chiffré ce poste à 350 000 € au 31 décembre 2001, mais relève à juste titre qu'il convient d'en déduire la somme de 119 000 € qui n'est pas réellement disponible à cette date dès lors qu'elles et constituée d'une créance sur la société Dalkia prise par le CCF comme garantie sur le découvert existant. Ce poste doit donc être limité à 231 000 € au 31 décembre 2001.

* découverts bancaires
L'expert a pris en considération une somme de 270 734 € comme limite totale de découvert toutes Banques confondues ; or, il précise que seul le découvert du Crédit Industriel et Commercial fait l'objet d'une autorisation écrite, dont il lui a été justifié, à hauteur de 45 734 €. Sur ce poste, il a vérifié que cette autorisation de crédit avait été utilisée à hauteur de 21 937 € seulement. Il est donc juste de considérer qu'il existe une réserve utilisable à hauteur de 23 797 €.
Pour le surplus, à défaut d'accord écrit des Banques correspondantes, rien ne permet de retenir, comme réserve sur des découverts bancaires, des postes pour la Caisse d'Epargne et le CCF pour une somme de l'ordre de 270 000 €, dès lors qu'aucune autorisation écrite n'étant justifiée, les soldes déjà accordés pouvaient être réclamés à tout moment. C'est ce que l'expert précise au point 4. 2. 2 de son rapport sous l'intitulé " Découverts bancaires " où il indique que ce poste s'élève à 889 000 € au 31 décembre 2001 (ce qui entre d'ailleurs en contradiction avec le poste 4. 1. 2 où il chiffre le total des découverts en comptes à 219 634 € seulement), qu'ils ont été " accordés " en dehors de toute convention écrite, et que le CCF a dénoncé ses concours par courrier du 1er février 2002. A défaut d'autres éléments non communiqués, Madame Danielle Y... et la SARL FRANCE Q GROUP ne fournissant aucune pièce à ce titre et le rapport d'expertise ne comportant pas d'annexe sur ce point, seule la somme de 23 797 € peut en conséquence être retenue.
* mobilisation de créances clients
L'expert retient, à ce titre, une ressource de 230 000 €, ce qui correspond à peu près à l'équivalent en euros de la ligne de DAILLY accordée par la Caisse d'Epargne selon courrier du 10 août 2001 pour 1 500 000 F, dont il note qu'elle n'a pas été utilisée au 31 décembre 2001. Il émet cependant une réserve importante à la prise en considération de ce poste dans l'actif disponible, c'est que la SA AUXICAD ait disposé effectivement de créances clients non cédées et remplissant les conditions posées par la Caisse d'Epargne pour les mobiliser, ce qu'il indique n'avoir pas pu vérifier.

Au vu de ces éléments, la balance entre passif exigible et actif disponible s'établit de la manière suivante :

- emprunts bancaires 159 000 €

- dettes fournisseurs 278 490 €

- dettes fiscales et sociales 191 986, 11 €

Total PASSIF EXIGIBLE : 629 476, 11 € 629 476, 11 €

- disponibilités 231 000 €

- découverts bancaires 23 797 €

- mobilisation de créances clients (sous les réserves détaillées ci- dessus) 230 000 €

Total ACTIF DISPONIBLE 484 797 € 484 797 €

BALANCE en faveur du passif exigible :
144 679, 11 €

Il résulte de ces éléments que, le passif exigible étant supérieur à l'actif disponible, la SA AUXICAD était en état de cessation des paiements à la date du 21 janvier 2002, moment où les cessions litigieuses sont intervenues entre les parties.
Dans ces conditions, la SARL FRANCE Q GROUP et Madame Danielle Y..., en signant un acte qui comportait, en annexe, la mention selon laquelle l'entreprise dont les titres étaient cédés n'était pas en état de cessation des paiements, ont menti sur la situation réelle de cette personne morale, alors que cet élément constituait une condition essentielle de la vente des actions puisque l'acquéreur, en y souscrivant, poursuivait nécessairement un projet industriel, probablement en synergie avec d'autres sociétés dont elle est propriétaire dans le même domaine. A cet égard, tant Madame Danielle Y... en sa qualité de PDG de la SA AUXICAD que la SARL FRANCE Q GROUP en qualité d'actionnaire majoritaire de cette dernière, ne peuvent raisonnablement soutenir avoir été dans l'ignorance de l'état réel de l'entreprise, et elles ne l'allèguent d'ailleurs pas. Dès lors, d'une part cette affirmation mensongère, d'autre part l'absence d'information exacte sur l'état de cessation de paiement de l'entreprise on induit la SA FPI, acquéreur, en erreur de telle manière que cette dernière n'aurait pas acquis si les informations exactes lui avaient été données, ou à tout le moins pas dans de telles conditions ; en effet, il n'y avait, pour elle, aucun intérêt à prendre la majorité dans une société pour laquelle une procédure collective avait vocation à être ouverte à tout moment, et dont les actifs pouvaient, dans ce cadre, être cédés à un tiers sans aucun contrôle de sa part ; c'est bien d'ailleurs ce qui est advenu finalement pour la SA AUXICAD puisqu'un plan de cession a été adopté la concernant en juin 2002, l'importance du passif déclaré (8 714 211, 77 €) excluant toute possibilité de redressement par la continuation de l'activité.
Dès lors, la demande de la SA FPI tendant à voir prononcer la nullité de la cession des actions en date du 21 janvier 2002 à cause du dol qu'elle a subi, est parfaitement fondée, et il y a lieu d'y faire droit. Les autres cessions intervenues entre les parties le même jour doivent connaître le même sort, les parties s'accordant sur le point que ces conventions formaient un tout indivisible ; il en est de même de l'acte de garantie du passif, qui n'était qu'un corollaire de la session.

Sur les autres demandes
Les autres demandes de la SA FPI, tenant à la violation de l'article L. 621- 19 du code de commerce et à la réduction du prix de cession, étant subsidiaires à celle tendant à voir prononcer la nullité pour dol qui est admise, il n'y a pas lieu de les examiner.
Les demandes principales de la SARL FRANCE Q GROUP et de Madame Danielle Y..., tendant à l'exécution par la SA FPI de ses engagements contractuels, ne peuvent qu'être rejetées dès lors que les conventions qui les ont fait naître sont de nul effet entre les parties.
Aucune considération d'équité ne conduit à faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en faveur de la SARL FRANCE Q GROUP et de Madame Danielle Y... qui succombent et qui devront, pour les mêmes motifs, supporter les dépens in solidum en application de l'article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile et en considération de ce que leur faute conjointe a rendu nécessaire l'introduction de l'instance et la procédure en appel. La même équité conduit à écarter la demande ainsi fondée formée par Maître Bertrand B... ès qualité d'administrateur judiciaire ou d'administrateur provisoire de la SA AUXICAD dès lors que, si effectivement il n'avait aucune qualité pour être attrait dans la présente procédure, rien ne l'obligeait à constituer avoué pour le faire valoir dans la mesure où aucune demande n'était formée contre lui en cette qualité.
Il apparaît inéquitable, en revanche, de laisser à la charge de la SA FPI tout ou partie des frais exposés dans le cadre de la présente et de l'instance devant le premier juge et non compris dans les dépens ; il y a donc lieu de lui allouer la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, par arrêt de défaut, mis à disposition au greffe,
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré.

Statuant à nouveau :
PRONONCE la nullité des actes de cessions et de garantie de passif en date du 21 janvier 2002 conclus entre d'une part la SARL FRANCE Q GROUP, Madame Danielle Y... et, le cas échéant, Messieurs Jacky et Mathieu A..., d'autre part la SA FPI.

CONDAMNE in solidum la SARL FRANCE Q GROUP et Madame Danielle Y... à payer à la SA FPI la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

DIT qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au profit des autres parties.

REJETTE toutes les autres demandes.

CONDAMNE in solidum la SARL FRANCE Q GROUP et Madame Danielle Y... aux dépens de première instance et d'appel, avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct au profit de la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués associés, et de la SCP THÉRY LAURENT en qualité d'avoués de Maître Bertrand B..., en application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Ct0039
Numéro d'arrêt : 06/02736
Date de la décision : 18/03/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Dunkerque, 03 avril 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2008-03-18;06.02736 ?
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