COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 26 / 02 / 2008
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N° RG : 06 / 04448
Jugement (N° 2004 / 03257) rendu le 16 Mars 2006 par le Tribunal de Commerce de ROUBAIX TOURCOING
CONSULTATION : Renvoi à la mise en état du 24 / 10 / 2008
APPELANT
Maître Jérôme
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ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de cession de la Société DA SILVA demeurant
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59700 MARCQ EN BAROEUL
Représenté par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour Assisté de Me Arnaud VERCAIGNE, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉES
SNC QUILLERY TRF prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège social 35 allée du Chargement 59650 VILLENEUVE D'ASCQ
Représentée par Me QUIGNON, avoué à la Cour
SARL DA SILVA prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège social 215 rue des Ogiers 59170 CROIX
Assignée le 03 / 04 / 07 (PV de rercherches)
SNC EIFFAGE CONSTRUCTION venant aux droits de la SOCIÉTÉ NATIONALE DE CONSTRUCTION QUILLERY ayant son siège social 10 Allée Lavoisier-BP 70481 59664 VILLENEUVE D'ASCQ CEDEX
Représentée par Me QUIGNON, avoué à la Cour Assistée de Me Sandrine CORSON, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS à l'audience publique du 15 Janvier 2008, tenue par Madame NEVE DE MEVERGNIES magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame Cécile NOLIN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ Monsieur FOSSIER, Président de chambre Madame NEVE DE MEVERGNIES, Conseiller Monsieur DELENEUVILLE, Conseiller
ARRÊT PAR DÉFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 26 février 2008, après rapprochement du délibéré du 18 Mars 2008 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur FOSSIER, Président et Madame NOLIN, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 20 décembre 2007
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Dans le cadre d'un chantier de restructuration d'un foyer d'adolescents scolaires à LAMBERSART, la SNC Société Nationale de Construction QUILLERY a confié à la SARL DA SILVA la réalisation en sous-traitance des lots suivants :
- menuiseries intérieures et bardages bois extérieurs pour un montant de 328 192, 24 € par contrat du 6 février 2002,
- menuiseries extérieures d'un montant de 267 112, 24 € par contrat du 25 mars 2002.
Le prix de ces travaux a été payé partiellement par la SNC QUILLERY.
Par jugement du 6 mars 2003, la SARL DA SILVA a fait l'objet d'un redressement judiciaire. Le 20 mai 2003, le Tribunal de Commerce de ROUBAIX TOURCOING a adopté un plan de redressement par la cession de cette entreprise.
Par jugement du 16 mars 2006, le Tribunal de Commerce de ROUBAIX TOURCOING a rejeté d'une part la demande principale de la SARL DA SILVA assistée de Maître Jérôme
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en qualité de commissaire à l'exécution du plan, tendant à voir prononcer la nullité des contrats de sous-traitance et la condamnation de la SNC QUILLERY à lui payer le coût des travaux, d'autre part la demande reconventionnelle de la SNC QUILLERY en paiement d'une somme dont elle s'estime créancière en raison de l'inexécution, par la SARL DA SILVA, de ses obligations contractuelles. Le Tribunal a encore condamné la SARL DA SILVA et Maître Jérôme
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aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par déclaration au Greffe en date du 19 juillet 2006, Maître Jérôme
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ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL DA SILVA a interjeté appel de cette décision. Dans ses dernières conclusions déposées le 27 juin 2007, il demande la réformation du jugement et le prononcé de la nullité des deux contrats de sous-traitance. Il fait valoir, à cet égard, que la SNC QUILLERY n'a pas respecté l'obligation prévue par l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance de fournir une caution personnelle et solidaire pour garantir le paiement du prix des travaux, aucune caution n'ayant été fournie au moment de la signature des contrats de sous-traitance, et la " caution flotte " accompagnée d'attestations nominatives n'étant pas conforme aux prescriptions légales sur ce point.
Il demande encore la condamnation de la SNC EIFFAGE CONSTRUCTION, cette dernière venant aux droits de la SNC QUILLERY et étant intervenue volontairement à l'instance à ce titre, à lui payer le solde du prix des travaux soit 108 292, 57 € avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2003 et capitalisation des intérêts, ainsi que celle de 7 500 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ; il se prévaut, à cet égard, de ce que la SNC QUILLERY ou la SNC EIFFAGE CONSTRUCTION n'auraient jamais justifié des malfaçons invoquées ni encore de pénalités émanant du maître d'ouvrage telles qu'elles soient imputables à la SARL DA SILVA ; ainsi, aucun état des lieux contradictoire n'a jamais été établi, et la SNC QUILLERY a pris l'initiative de rompre unilatéralement les contrats de sous-traitance sans d'ailleurs respecter le formalisme prévu, à cet égard, dans le contrat.
Il sollicite enfin condamnation de la SNC EIFFAGE CONSTRUCTION à lui payer la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La SNC EIFFAGE CONSTRUCTION, dans ses dernières conclusions déposées le 4 avril 2007, demande la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes de Maître Jérôme
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et de la SARL DA SILVA et considéré qu'elle-même ne reste plus rien leur devoir, mais sa réformation pour le surplus. Elle sollicite, dès lors, qu'il soit dit que la SARL DA SILVA et Maître Jérôme
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sont redevables à son égard d'une somme de 137 205, 80 € HT et, subsidiairement, qu'il soit tenu compte uniquement de l'état d'avancement des travaux tel que la SARL DA SILVA devra en justifier, ainsi que de leur qualité, point sur lequel elle émet des griefs contre cette dernière.
Elle demande enfin condamnation de la SARL DA SILVA et Maître Jérôme
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ès qualité à lui payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Elle fait valoir, à l'appui de sa position et de ses demandes :
- s'agissant du cautionnement des contrats de sous-traitance, qu'elle a parfaitement respecté les obligations qui lui incombaient en fournissant, pour chaque contrat, un engagement de caution ainsi qu'une attestation mentionnant le nom de la SARL DA SILVA et le montant du contrat, ces deux documents devant être considérés comme formant un tout indivisible,
- que la SARL DA SILVA s'est montrée totalement défaillante dans l'exécution de ses propres obligations, en ce qui concerne tant le délai d'exécution des travaux confiés que leur qualité, ainsi qu'elle en justifie par la production de deux procès-verbaux de constats d'huissiers, et c'est ce qui a motivé la déclaration par elle d'une créance de 128 561, 38 € au passif de la SARL DA SILVA à ce titre.
La SARL DA SILVA, régulièrement assignée autrement qu'à sa personne, n'a pas constitué avoué ; il y a donc lieu de statuer par défaut en application de l'article 474 du Code de Procédure Civile, la présente décision n'étant pas susceptible d'appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la validité des contrats
Aux termes de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance, " à peine de nullité du sous-traité, les paiements de toutes les sommes dues par l'entrepreneur au sous-traitant en application de ce sous-traité son garanties par une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur d'un établissement qualifié, agréé dans des conditions fixées par décret ". L'esprit de ce texte, voulu comme protecteur des intérêts du sous-traitant dès le moment où il revêt cette qualité à l'égard de l'entrepreneur principal, suppose que le cautionnement soit fourni au plus tard à la signature du contrat de sous-traitance.
En l'espèce, la SNC EIFFAGE CONSTRUCTION entend établir le respect par la SNC QUILLERY de son obligation à ce titre par la production de deux actes intitulés " CAUTIONNEMENT " émanant de la S. A. CEPME, en dates le premier du 30 janvier 2002, le second du 5 mars 2002 ; or ces actes ne satisfont pas aux exigences du texte dès lors qu'ils ne sont pas individuels mais généraux, s'agissant d'une garantie donné par cet organisme bancaire pour tous les contrats de sous-traitance conclus par la SNC QUILLERY avant le 28 février 2002 pour le premier, avant le 5 mars 2003 pour le second. La SNC EIFFAGE CONSTRUCTION se prévaut, alors, de l'existence d'une attestation nominative, établie contrat par contrat et qui, selon elle, forme avec le contrat général du 30 janvier 2002 ou du 5 mars 2002 un " tout indivisible " dans le respect des prescriptions légales ; sur ce point, elle verse effectivement au dossier la copie d'une attestation établie pour chacun des deux contrats de sous-traitance en cause, mentionnant à chaque fois le nom de la SARL DA SILVA comme entreprise sous-traitante et le montant du contrat.
Maître
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fait valoir que les documents relatifs aux cautionnements n'étaient pas annexés aux contrats de sous-traitance, et que la SNC EIFFAGE CONSTRUCTION ne justifie pas qu'ils aient été transmis au sous-traitant à chaque fois au plus tard au moment de la signature du contrat de sous-traitance. Sur ce point, de fait, il n'apparaît pas que les cautionnements aient été annexés aux contrats, ces derniers ne mentionnant pas qu'une telle pièce soit fournie en annexe, et les documents bancaires produits à ce titre par la SNC EIFFAGE CONSTRUCTION ne contenant aucun paraphe de la SARL DA SILVA contrairement à l'ensemble des autres pièces annexes des contrats. Par ailleurs, il faut relever une incohérence concernant les dates des documents fournis ; en effet, le cautionnement " cadre " est daté du 30 janvier 2002 pour le premier contrat de sous-traitance, et du 5 mars 2002 pour le second ce qui, en soi, n'appelle aucune observation. Les contrats de sous-traitance, ensuite, portent respectivement les dates des 6 février 2002 et 25 mars 2002. Enfin, les attestations nominatives portent les dates du :
-30 janvier 2002 pour le contrat de sous-traitance du 6 février 2002,-21 mars 2002 pour le contrat de sous-traitance du 25 mars 2002.
Or, Maître Jérôme
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verse au dossier les courriers adressés par la SNC QUILLERY à la SARL DA SILVA avant la signature des contrats de sous-traitance, qui sont ainsi libellés " nous vous prions de bien vouloir trouver ci-joint (...) la notification d'un contrat de sous-traitance, document indispensable pour l'établissement par notre banque, du cautionnement vous garantissant nos paiements vis-à-vis de votre société. Nous vous demandons de nous retourner ce document, dûment signé et revêtu de votre cachet commercial, sous 48 heures. " Il ressort de ce contenu, sans aucune ambiguïté possible, que le contrat de sous-traitance a été, à chaque fois, adressé à la SARL DA SILVA pour signature avant l'établissement du document bancaire nominatif puisqu'il est même indiqué que la présentation du contrat de sous-traitance signé est indispensable pour l'établissement du cautionnement. Dans ces conditions et quelles que soient les dates portées sur les documents et notamment sur le contrat de sous-traitance (date pré-remplie par la SNC QUILLERY), la SNC EIFFAGE CONSTRUCTION ne peut sérieusement soutenir que le cautionnement aurait été adressé au sous-traitant au plus tard au moment de la signature du contrat de sous-traitance puisque son élaboration a forcément été postérieure à cette dernière.
Il en résulte que la SNC QUILLERY n'a pas, en l'espèce, satisfait aux exigences de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 ; la conséquence en est, aux termes-mêmes de ce texte, la nullité des contrats de sous-traitance en cause, ce sans que l'examen au fond de l'étendue de la garantie et de l'effectivité de la protection du sous-traitant puisse en quoi que ce soit y faire obstacle.
Il y a donc lieu de faire droit à la demande de Maître Jérôme
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ès qualité sur ce point, et de prononcer la nullité des deux contrats de sous-traitance signés entre la SNC QUILLERY d'une part et la SARL DA SILVA d'autre part pour le chantier en cause.
Sur le montant des sommes dues
La nullité des contrats ne pouvant, en l'espèce, suffire à remettre les parties dans l'état où elles se seraient trouvées s'ils n'avaient pas été conclus, dès lors que des travaux ont, de fait, été exécutés, il faut estimer le montant des travaux réalisés pour établir ce qui doit être payé au sous-traitant, ce sans que l'entrepreneur principal puisse invoquer, à son encontre, l'une ou l'autre des clauses du contrat devenu nul et de nul effet. C'est ainsi que la SNC EIFFAGE CONSTRUCTION venant aux droits de la SNC QUILLERY ne peut se prévaloir, envers la SARL DA SILVA, de délais de réalisation des travaux qui auraient été convenus dans le contrat de sous-traitance, et n'est donc pas fondée à invoquer, et a fortiori à décompter, des pénalités de retard, aucun autre document contractuel valable, par lequel la SARL DA SILVA se serait engagée à respecter un quelconque calendrier, n'étant produit aux débats.
Pour le surplus, les éléments du dossier sont insuffisants en l'état pour déterminer ce qui peut rester être dû à la SARL DA SILVA ; en effet, il ressort des pièces produites que la SNC QUILLERY a résilié les contrats de sous-traitance par lettre du 25 février 2003. Elle a fait établir un constat d'huissier le 7 mars 2003 (pièce n° 27 de la SNC EIFFAGE CONSTRUCTION) qui fait apparaître que, à la date où il est établi soit quelques jours après la résiliation des contrats, les travaux de menuiserie ne sont pas achevés totalement dans les différents bâtiments composant l'ensemble immobilier ; il est à noter, sur ce point, que le précédent constat en date du 27 novembre 2002 n'est pas probant dans son descriptif des inachèvements, dès lors qu'il a été établi trois mois avant la résiliation des contrats, délai que la SARL DA SILVA a pu mettre à profit pour poursuivre son ouvrage.
Il en résulte que la SARL DA SILVA ne peut obtenir le paiement de la totalité des travaux prévus aux marchés, lesquels, tout en étant sans effet entre les parties, peuvent néanmoins servir de base à une description des travaux effectivement réalisés et à un chiffrage de leur coût ; le mandataire judiciaire de cette entreprise ne peut donc obtenir le paiement que du coût de ces travaux dont l'estimation ne peut relever que d'un professionnel de ce domaine. Il y a donc lieu, avant dire droit sur ce point, d'avoir recours à un technicien selon des modalités qui seront précisés au dispositif du présent arrêt.
Dans l'attente, le surplus des demandes des parties sera réservé, ainsi que les dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt de défaut, mis à disposition au greffe,
INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de Maître Jérôme
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ès qualité tendant à voir prononcer la nullité des contrats de sous-traitance.
STATUANT à nouveau sur ce point, prononce la nullité des contrats de sous-traitance conclus entre la SNC QUILLERY et la SARL DA SILVA les 6 février 2002 et 25 mars 2002.
DIT que, en conséquence, la SNC EIFFAGE CONSTRUCTION venant aux droits de la SNC QUILLERY n'est pas fondée à se prévaloir des clauses de ces contrats à l'encontre de la SARL DA SILVA, notamment en invoquant un retard dans l'exécution des travaux ou en appliquant des pénalités à ce titre.
DIT que la SARL DA SILVA est créancière du prix des travaux qu'elle a effectivement réalisés.
Avant dire droit sur le surplus :
PRONONCE la réouverture des débats et la révocation de l'ordonnance de clôture.
ORDONNE une consultation et désigne :
M.
A...
Xavier demeurant ... à 59700 MARCQ EN BAROEUL
pour y procéder ;
avec pour mission
de chiffrer le coût des travaux effectivement réalisés par la SARL DA SILVA sur le chantier en cause, en prenant pour base la description des travaux telle qu'elle figure aux deux contrats de sous-traitance ou dans leurs annexes (telles que les devis) et les prix mentionnés sur ces documents, et en tenant compte des travaux non faits ou inachevés tels qu'ils résultent du procès-verbal de constat du 7 mars 2003.
DIT que devra la SNC EIFFAGE CONSTRUCTION verser au consultant une provision de 1 000 € à valoir sur sa rémunération, directement entre ses mains. Rappelle que ce versement, qui n'est pas une consignation au sens des articles 270 et 271 du Code de Procédure Civile, ne constitue pas un préalable obligatoire au déroulement de la mission.
DIT que le consultant devra adresser aux parties et au Greffe de la Cour un exemplaire de son rapport avant le 30 septembre 2008.
RENVOIE l'affaire à l'audience de mise en état du 24 octobre 2008.
RÉSERVE, dans l'attente, toutes autres demandes des parties, ainsi que les dépens.