ARRET DU
31 Janvier 2008
HL/VG
RG 07/00174
No RC1/08
COUR D'APPEL DE DOUAI
Renvoi après Cassation
- Prud'hommes -
CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE CREIL en date du 08 septembre 2003
COUR APPEL D'AMIENS en date du 15 Mars 2005
COUR DE CASSATION en date du 20 décembre 2006
APPELANTE :
Mme Christine X...
...
60600 CLERMONT
Représentant : Me Yann BOURHIS (avocat au barreau de BEAUVAIS)
INTIME :
FOYER L'ETINCELLE ETABLISSEMENT DE L'ADHP
20, rue Philibert Biron
Bp 5
60104 CREIL
Représentant : Me Bernard DRYE (avocat au barreau de SENLIS)
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE
B. MERICQ
: PRESIDENT DE CHAMBRE
H. LIANCE
: CONSEILLER
A. COCHAUD-DOUTREUWE
: CONSEILLER
GREFFIER lors des débats : S. BLASSEL
DEBATS : à l'audience publique du 20 Décembre 2007
ARRET : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Janvier 2008,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du nouveau code de procédure civile,
signé par B. MERICQ, Président et par S. LOTTEGIER, greffier auquel la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Christine X... a été engagée en qualité de monitrice à temps partiel suivant plusieurs contrats à durée déterminée à partir du 26 octobre 1992 par le Foyer "l'Etincelle", établissement de l'Association Départementale pour les Handicapés Physiques (ADHP) du département de l'Oise.
Engagée en contrat à durée indéterminée à compter du 1er juin 1994, Christine X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de Creil le 2 mai 2002 pour obtenir la requalification de son contrat initial en contrat à durée indéterminée, un rappel de salaire au titre du classement conventionnel et des dommages et intérêts.
Le Conseil de Prud'hommes de Creil, selon jugement du 8 septembre 2003 auquel il est entièrement fait référence pour l'exposé des données de base du procès et des prétentions et moyens des parties, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Christine X... a relevé appel de ce jugement.
Par arrêt du 15 mars 2005, la Cour d'appel d'Amiens a requalifié les relations contractuelles des parties en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 23 octobre 1992 et a condamné le Foyer "l'Etincelle" à payer à la salariée les sommes suivantes:
- 3 121, 02 € à titre de rappel de salaire,
- 312, 10 € à titre de congés payés y afférents,
- 1 197, 65 € à titre d'indemnité de requalification par application de l'article L 122-3-13 du code du travail,
- 800 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La Cour a rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties.
Le Foyer "l'Etincelle" a formé un pourvoi contre cet arrêt.
Par arrêt du 20 décembre 2006, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt du 15 mars 2005 en ce qu'il a requalifié les relations contractuelles à compter du 23 octobre 1992 en contrat de travail à durée indéterminée, condamné l'employeur au paiement d'une somme de 1 197, 65 € au titre de l'indemnité de requalification et débouté Christine X... de sa demande de rappel de salaire sollicitée pour la période antérieure à l'obtention par la salariée du diplôme d'aide médico-psychologique (23 juin 2000).
Devant la Cour de renvoi, Christine X... énumère les différents contrats à durée déterminée conclus en remplacement de salariés et invoque d'autres motifs que celui retenu par la Cour d'appel d'Amiens pour soutenir la requalification de l'ensemble de ses contrats en contrat à durée indéterminée.
Elle déduit en effet de la succession des sept contrats de travail à durée déterminée une activité durable et permanente pendant plus d'un an et demi, en infraction à l'article L 122-1 du code du travail qui réserve la conclusion d'un contrat de travail à durée déterminée à l'exécution d'une tâche précise et temporaire et dans les cas énumérés à l'article L 122-1-1.
De plus, elle constate que le premier et le sixième contrat n'ont pas été transmis dans les deux jours suivant l'embauche et invoque un récent arrêt de la Cour de cassation pour conclure sur ce fondement à la requalification du contrat du 26 octobre 1992.
Elle réclame l'indemnité de requalification soit 1 197, 65 €, faisant valoir qu'elle n'est pas soumise à la prescription quinquennale des salaires.
Au titre du classement conventionnel, Christine X... soutient que la fonction de monitrice qu'elle occupait à compter de son embauche ne peut relever que du groupe 3 bis alors que l'employeur l'a classée dans le groupe 2.
Elle estime, témoignages à l'appui, qu'elle a assumé des fonctions d'aide médico-psychologique (AMP) ou d'aide soignante relevant du groupe 3 bis, sa situation ne relevant pas de l'annexe V de la convention collective comme l'a jugé la cour d'appel d'Amiens.
Elle sollicite un rappel de 4 205, 01 € à majorer des congés payés (420, 50 €).
*
Le Foyer "l'Etincelle" conclut à l'irrecevabilité de la demande en requalification des contrats en contrat à durée indéterminée en invoquant la prescription.
Il conclut au débouté de cette demande en précisant que les contrats ont été conclus pour remplacer des salariés nommément désignés en arrêts maladie, sans se succéder, pour pallier à des absences inopinées, ce qui démontre que Christine X... n'occupait pas un poste permanent dans l'entreprise.
L'employeur soutient que les contrats ont bien été remis dans les deux jours de l'embauche de la salariée et, en toute hypothèse, affirme que l'indemnité de requalification ne peut être supérieure à 547, 84 €.
Concernant la demande de rappel de salaire au titre du classement conventionnel, il fait valoir la prescription pour le mois d'avril 1997 et remarque que Christine X... n'était ni diplômée aide médico-psychologique ni même élève aide médico-psychologique.
Il en déduit qu'elle ne pouvait être classée au groupe 3 bis de la convention collective, réservé aux diplômés de cette spécialités ou aux diplômés aide-soignant.
Il affirme qu'elle ne pouvait être classée au groupe 3 faute d'avoir suivi des heures de formation et qu'elle ne pouvait prétendre à un autre classement que celui du groupe 2 destiné aux salariés exécutant des tâches simples ne nécessitant pas de qualification particulière.
EXPOSE DES MOTIFS
La requalification des contrats à durée déterminée
La demande en requalification et l'action indemnitaire exercée sur le fondement de l'article L 122-3-13 du code du travail sont soumises à la prescription trentenaire et sont donc recevables.
En ayant eu recours à sept contrats à durée déterminée pour pourvoir successivement des emplois différents et temporairement vacants, l'employeur n'a pas méconnu les dispositions interdisant le recours à des contrats à durée déterminée pour pourvoir durablement un emploi permanent de l'entreprise.
En effet, ces contrats ont été conclus en raison d'arrêts maladie de monitrices pour des durées imprévisibles sur une période s'étalant du 26 octobre 1992 au 1er juin 1994 étant précisé que le dernier contrat a été conclu le 30 août 1993 pour une durée de neuf mois avant d'être poursuivi en contrat à durée indéterminée.
Il en résulte que si sept contrats ont été conclus, six étaient destinés à pallier à des absences sur la période du 26 octobre 1992 au 30 août 1993, soit sur une durée insuffisante pour en déduire que ces contrats avaient pour objet de pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et procéder à la requalification des contrats en contrat à durée indéterminée dès le 26 octobre 1992.
Concernant la transmission des contrats dans le délai de deux jours suivant l'embauche, il convient d'apprécier ce délai par rapport au temps de travail. S'agissant de contrats à temps partiel, il apparaît que le premier contrat a été remis le deuxième jour travaillé (le 26 octobre 1992).
En revanche, le sixième contrat a été rédigé le 7 mai 1993 alors que Christine X... a été engagée à compter du 1er mai 1993 sans qu'il ne soit établi que son travail se déroulait exclusivement les week-ends, le planning mentionné au contrat prévoyant un week-end sur quatre à assurer.
Dès lors, ce contrat a été transmis tardivement et la salariée peut revendiquer la requalification en contrat à durée indéterminée et l'indemnité de requalification correspondant à un mois de salaire, soit suivant la somme portée au contrat du 7 mai 1993 (4 415, 42 F), 673,13 €.
Le rappel de salaire
Christine X... demande un rappel de salaire de 4 205, 01 € pour la période du 1er avril 1997 au 30 juin 2000 en revendiquant le classement en groupe 3 bis.
Or cette classe est réservée aux aides soignants et aux aides médico-psychologiques diplômés, les aides-soignants non diplômés relevant de cette catégorie constituant un cadre d'extinction depuis 1971.
En l'absence des diplômes requis, Christine X... ne peut revendiquer cette classification, quand bien même aurait-elle exercé les activités d'aide-soignante.
Christine X... relève de l'annexe V de la convention collective qui s'applique au personnel ne répondant pas à la qualification professionnelle établie pour les emplois d'aide médico-psychologique, avant leur entrée en formation (articles A 5.1.1 et A 5. 1.2). Avant succès aux épreuves, ce personnel relève de l'indice 256 correspondant au groupe 2 retenu par le foyer "l'Etincelle".(cf. Tableau A.5.4.2.).
Christine X... n'est pas fondée à revendiquer un rappel de salaire pour la période antérieure à l'obtention de sa qualification.
L'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Christine X... le montant de ses frais irrépétibles; il lui sera alloué la somme de 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant dans la limite de sa saisine :
Infirme le jugement du Conseil de Prud'hommes de Creil du 8 septembre 2003.
ET, STATUANT A NOUVEAU :
Requalifie le contrat à durée déterminée du 7 mai 1993 en contrat à durée indéterminée.
Condamne le Foyer "l'Etincelle" à payer à Christine X... la somme de 673,13 € à titre d'indemnité de requalification.
Précise que les différentes créances de Christine X... à l'encontre du Foyer l'Etincelle sont de nature salariale et fait courir des intérêtsau taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation en conciliation (6mai 202).
Rejette la demande de rappel de salaire pour la période antérieure à l'obtention de la qualification d'aide médico-psychologique.
Condamne le Foyer "l'Etincelle" à payer à Christine X... la somme de 1 200 € par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Condamne le Foyer "l'Etincelle" au paiement des dépens de première instance et d'appel exposés devant la Cour d'appel de Douai.