COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 17/01/2008
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N° RG : 06/05661
Jugement (N° 2006/1576)rendu le 06 Juillet 2006par le Tribunal de Commerce de DOUAI
Redressement judiciaire : annulation
APPELANT
Monsieur Joseph
X...
exerçant sous l'enseigne "AUTO ECOLE POUR TOUS"né le 01 Janvier 1941 à NDEDE (CAMEROUN)Demeurant
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59500 DOUAI
Représenté par la SELARL ERIC LAFORCE, avoués à la CourAssisté de Me Philippe TAVERNIER, avocat au barreau de DOUAI
INTIMÉ
Maître Dominique
A...
ès qualités de représentant des créanciers de M.
X...
JosephDemeurant
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59509 DOUAI CEDEX
Représenté par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour
DÉBATS à l'audience publique du 14 Novembre 2007, tenue par Monsieur DELENEUVILLE magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 NCPC). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme J. DORGUIN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉMme GEERSSEN, Président de chambreMonsieur DELENEUVILLE, ConseillerMonsieur CAGNARD, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2008 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Mme GEERSSEN, Président et Mme J. DORGUIN, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
OBSERVATIONS ÉCRITES DU MINISTÈRE PUBLIC : Cf réquisitions du 22/03/07 et du 2/10/07
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Vu le jugement réputé contradictoire du 6 juillet 2006 du tribunal de commerce de Douai qui, sur saisine d'office, a ouvert la procédure de redressement judiciaire de M. Joseph
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, a fixé au 7 juin 2006 la date de cessation des paiements et a désigné les organes de la procédure ;
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;
Vu les conclusions déposées le 13 novembre 2007 pour ce dernier ;
Vu les conclusions déposées le 14 novembre 2007 pour Maître Dominique
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, en sa qualité de mandataire judiciaire de M.
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;
Vu la communication du dossier au Ministère public et son visa du 2 octobre 2007 ;
Attendu que l'affaire, appelée pour la première fois à l'audience du 9 mai 2007, a été renvoyée au 12 septembre 2007 à la demande de l'avoué de M.
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, puis au 14 novembre 2007 par suite d'un mouvement de grève des avocats ce jour-là ;
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Attendu que M.
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a interjeté appel aux fins d'annulation du jugement entrepris et constatation de l'extinction de l'instance, exposant n'avoir été convoqué pour l'audience du 6 juillet 2006 à 8 h 30 que le même jour en fin de matinée et que le tribunal a violé le principe du contradictoire ; subsidiairement aux fins d'infirmation, son état de cessation des paiements n'étant pas établi, ajoutant qu'il n'a jamais sollicité la suspension de l'exécution provisoire attachée au jugement attaqué dès lors qu'il a toujours soutenu qu'il était nul ; que la circonstance qu'il aurait présenté un plan de redressement par voie de continuation, adopté par le tribunal, est sans conséquence dans la mesure où le jugement querellé l'obligeait à faire des propositions et que s'il s'en était abstenu il aurait été déclaré en liquidation judiciaire ;
Attendu que Me
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, après avoir précisé ne faire aucune observation quant au moyen de nullité soulevé par M.
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, précise que ce dernier a accepté la décision entreprise dans la mesure où il a présenté des offres d'apurement de son passif que le tribunal a entérinées par un jugement d'adoption de plan du 21 juin 2007 ; que M.
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a accepté la procédure collective en n'ayant pas sollicité la suspension de l'exécution provisoire ; que son état de cessation des paiements était indiscutable au jour où la décision querellée a été rendue ; que les dépens ne sauraient être mis à sa charge dans la mesure où M.
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sera amené à les supporter sous une forme ou une autre ;
SUR CE :
Attendu que, par ordonnance du 12 octobre 2004, le président du tribunal de commerce de Douai, eu égard " aux renseignements en notre possession susceptibles de révéler un état de cessation des paiements ", renseignements pas mieux précisés à l'ordonnance ni annexés à celle-ci, a ordonné une enquête sur la situation financière, économique et sociale de M.
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; que Me
A...
, chargé d'aider le juge enquêteur, a déposé un rapport au greffe le 4 novembre 2004 concluant à un état de cessation des paiements, ajoutant que M.
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avait pris rendez-vous avec les services de l'URSSAF et qu'il avait l'intention d'en prendre un autre avec la Recette principale des Impôts, en vue d'obtenir un échéancier, Me
A...
proposant de déposer un rapport actualisé sous quinzaine ;
Attendu que le dossier de la Cour ne contient aucun rapport actualisé ; que cependant, plus de 19 mois plus tard, le 30 juin 2006, le greffier a convoqué M.
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, par lettre recommandée avec accusé de réception, pour l'audience du 6 juillet 2006 à 8 h 30 au vu " d'un courrier déposé par " Me
A...
, pas davantage joint au dossier de la Cour ;
Attendu que cette lettre n'a été remise à son destinataire que le 7 juillet 2006, ainsi que le démontre le timbre à date des services postaux apposé sur l'accusé de réception (et non le 6 juillet en fin de matinée comme l'indique M.
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dans ses conclusions), alors que le tribunal avait la veille, et sans vérifier que M.
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avait reçu la convocation qui lui avait été adressée, prononcé son redressement judiciaire ;
Attendu que le jugement énonce pourtant péremptoirement que " M.
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n'a pas comparu bien que régulièrement convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception et quoique dûment appelé, que cette attitude laisse à penser qu'il n'a rien à opposer à la demande qui lui est faite et qu'il en reconnaît la légitimité " … " qu'il ressort des renseignements et pièces recueillis en possession du tribunal que l'entreprise ne peut pas faire face au passif exigible avec l'actif disponible " pour en déduire … " qu'il y a donc lieu de prononcer l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire " ;
Attendu que la démonstration que M.
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était dans l'incapacité de faire face à son passif exigible à l'aide de son actif disponible au 7 juin 2006 ne figure pas au jugement, qu'il s'ensuit que celui-ci n'est pas motivé ;
Attendu que ce jugement a été notifié à M.
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par une lettre datée du 6 juillet 2006 mais expédiée le 14 septembre 2006 ainsi que l'établit le cachet de la Poste apposé sur l'enveloppe, soit peu avant le 21 septembre 2006, date à laquelle l'affaire devait revenir devant le tribunal ; que, selon mandement du 13 septembre 2006, il a été communiqué à la SCP Véronique BALEN Gilles WATERLOT, huissiers de Justice associés, laquelle SCP l'a signifié au domicile de M.
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le 23 octobre 2006 ;
Attendu que le 21 juillet 2006, après avoir reçu la visite du commissaire priseur chargé d'effectuer la prisée de ses biens, M.
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avait protesté auprès du greffier en chef, lui indiquant qu'il ne relevait pas de la juridiction commerciale et entendait former contredit contre un jugement rendu en violation de ses droits les plus élémentaires ; qu'aucune suite n'a manifestement été donnée à cette protestation, ne serait-ce qu'une explication sur la procédure à suivre pour former contredit ;
Attendu que ces irrégularités cumulées ont gravement porté atteinte aux droits du débiteur et de ses créanciers, le premier se voyant brusquement privé de la liberté de disposer de son patrimoine par l'effet du gage général conféré à ses créanciers, les seconds étant soudainement privés de leur droit à exercer des poursuites en recouvrement de leur dû pour une raison qui ne leur pas été délivrée ;
Attendu que ces graves méconnaissance, tant par le tribunal que par le greffe, du principe de la contradiction, de l'obligation de motiver toute décision judiciaire, de notifier les jugements dans les règles et d'informer les justiciables des formes par lesquelles ils peuvent introduire un recours, ne sont pas les seules atteintes aux règles élémentaires de la procédure judiciaire en général, et du droit des procédures collectives en particulier ;
Attendu en effet que l'article L. 621-2 du Code de commerce réserve la compétence du tribunal de commerce aux débiteurs commerçants ou immatriculés au répertoire des métiers ; que M.
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, exerçant une activité d'enseignement, activité libérale par nature indépendamment du fait qu'elle exige le recours à des moyens matériels (véhicule et locaux aménagés pour l'enseignement de la conduite automobile) n'étant pas commerçant ni artisan, était justiciable du tribunal de grande instance de Douai, ainsi qu'il l'a d'ailleurs vainement fait savoir au greffier en chef le 21 juillet 2006 ; qu'il s'ensuit que le tribunal de commerce de Douai ayant violé une règle d'ordre public touchant à la compétence d'attribution des juridictions, son jugement devra être annulé ;
Attendu que, faute d'acte introductif d'instance et M.
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n'ayant pas conclu au fond à titre principal, il sera mis fin à l'instance par application de l'article 562 du nouveau Code de procédure civile, comme l'a jugé la 2ème chambre civile de la Cour de Cassation le 3 avril 2003 (Bull. II, n° 95, p. 82) ;
Attendu que les dépens seront mis à la charge de Me
A...
, partie succombante ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, par arrêt mis à disposition au greffe,
Annule le jugement entrepris, en conséquence met fin à l'instance,
Condamne Me
A...
aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés, pour ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.