COUR D'APPEL DE DOUAI
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 17 / 01 / 2008
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No MINUTE :
No RG : 06 / 01481 jonction avec dossier RG No 06 / 01827
Jugement (No 2001 / 331)
rendu le 26 Janvier 2006
par le Tribunal de Grande Instance de LILLE
REF : EM / VD
APPELANTE
SOCIÉTÉ BERUFSGENOSSENSCHAFT FUR FAHRZEUGHALTUNGEN
Ayant son siège social
Ottenser Haupstrasse 54
22765 HAMBOURG (ALLEMAGNE)
représentée par la SCP CARLIER-REGNIER, avoués à la Cour
assistée de Me SZWEC GELLER, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS
APPELANT INCIDENT
Monsieur Siegfried Y...
né le 05 Juin 1962 à NIEDERKRUCHTEN (ALLEMAGNE)
Demeurant
...
41372 NIEDERKRUCHTEN
représenté par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour
assisté de Me BERNARD substituant Me Sylvie BAILLEUL, avocat au barreau de LILLE
SOCIÉTÉ AOK RHEINLAND
Ayant son siège social
Die Gesundhellskasse Wevelinghover Strasse 34
41334 NETTETAL (ALLEMAGNE)
régulièrement assignée, n'ayant pas constitué avoué
Appelante dans procédure no 06 / 1827
SARL GRAHAM & BROWN
Ayant son siège social
38 rue des Prés
59280 ARMENTIÈRES
représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour
assistée de Me Xavier LOUBEYRE, avocat au barreau de PARIS
SA INTERTEXTILES
Ayant son siège social
156 rue de la Gare
59270 BAILLEUL
représentée par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour
assistée de Me MEIGNIÉ substituant Me LETARTRE, avocat au barreau de LILLE
APPELANTE INCIDENTE
SOCIÉTÉ DEUTSCHE RENTENVERSICHERUNG RHEINLAND, anciennement dénommée LVA RHEINPROVING
Ayant son siège social
Konigsallee 71
DUSSELDORF (ALLEMAGNE)
représentée par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour
assistée de Me BRIQUEIR de la SCP LEBAS BARBRY & ASSOCIÉS, avocats au barreau de LILLE
INTIMEE SUR APPEL PROVOQUE
SARL BRISSET PARTENAIRES,
Ayant son siège social
3 rue du Palais de Justice
59000 LILLE
représentée par la SCP CONGOS-VANDENDAELE, avoués à la Cour
assistée de Me Eric REMBARZ, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Madame MERFELD, Présidente de chambre
Madame BERTHIER, Conseillère
Monsieur KLAAS, Conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame AMBROZIEWICZ
DÉBATS à l'audience publique du 21 Novembre 2007,
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT PAR DÉFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2008 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame MERFELD, Présidente, et Madame AMBROZIEWICZ, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 octobre 2007
Sur le rapport de Madame MERFELD, Présidente de chambre.
Le 12 octobre 1999 vers 11 heures Monsieur Siegfried Y..., citoyen allemand, a été écrasé par un chariot élévateur appartenant à la société Intertextiles, conduit par un salarié de la société Graham & Brown. Il s'agit d'un accident du travail qui s'est produit sur l'aire de déchargement de la société Graham & Brown à ARMENTIERES. Monsieur Y... était salarié d'une société de transport allemande pour laquelle il effectuait une livraison auprès de cette société.
Monsieur Y... a été indemnisé notamment par la Berufsgenossenschaft Fur Fahrzeughaltungen (BGF), organisme de droit allemand gérant un régime obligatoire spécifique aux accidents du travail ainsi que par la société de droit allemand LVA Rheinprovinz, son assureur retraite.
Par actes du 6 décembre 2000 Monsieur Y... a fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de LILLE la société Graham & Brown, en sa qualité de civilement responsable du chauffeur du chariot élévateur et la société Intertextiles en sa qualité de propriétaire du véhicule pour les voir déclarer solidairement responsables de l'accident en application de la loi du 5 juillet 1985.
A la demande de la société Graham & Brown une expertise avait été ordonnée en référé par le Président du Tribunal de Commerce de LILLE afin d'apprécier l'état du chariot élévateur, notamment son système de freinage et rechercher les causes de l'accident ;
Après dépôt du rapport la société Graham & Brown a fait assigner la société Intertextiles devant le Tribunal de Commerce de LILLE pour qu'elle soit jugée responsable de l'accident. La société Intertextiles a appelé en garantie la société Brisset Partenaires qui avait réalisé un audit pour évaluer ses besoins en assurances, lui reprochant un manquement à son devoir de conseil.
Par jugement du 24 octobre 2001 le Tribunal de Commerce de LILLE a renvoyé l'affaire devant le Tribunal de Grande Instance de LILLE après avoir constaté la connexité avec l'affaire dont cette juridiction était saisie sur l'assignation de Monsieur Y....
Le 31 janvier 2002 Monsieur Y... a appelé la société BGF et la société AOK Rheinland en déclaration de jugement commun. La société LVA Rheinprovinz est intervenue volontairement à l'instance le 10 septembre 2003.
La BGF et la LVA Rheinprovinz ont sollicité la condamnation de la société Graham & Brown et de la société Intertextiles à leur verser le montant des prestations qu'elles ont servies à Monsieur Y.... La société AOK Rheinland n'a pas comparu.
Par jugement du 26 janvier 2006 le Tribunal de Grande Instance de LILLE a :
-déclaré recevable l'action engagée par Monsieur Y...,
-déclaré prescrites les actions de la BGF et de la LVA Rheinprovinz par application de l'article 852 du code civil allemand,
-mis hors de cause la société Intertextiles ainsi que la société Brisset,
-déclaré la société Graham & Brown entièrement responsable de l'accident,
-désigné le Docteur H... en qualité d'expert pour déterminer le préjudice corporel de Monsieur Y...,
-condamné la société Graham & Brown à payer à Monsieur Y... la somme de 5. 000 € à titre de provision,
-condamné la société Graham & Brown à payer, au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, la somme de 1. 500 € à Monsieur Y... et la somme de 1. 500 € à la société Intertextiles,
-condamné la société Intertextiles à payer à la société Brisset Partenaires la somme de 750 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
-dit que la BGF et la LVA Rheinprovinz conserveront la charge de leurs propres dépens,
-condamné la société Graham & Brown à supporter la charge des autres dépens.
La société BGF a interjeté appel de ce jugement le 9 mars 2006. La société Graham & Brown a, à son tour, relevé appel le 23 mars 2006. Par ordonnance du 30 mars 2006 le conseiller de la mise en état a joint les deux recours.
La société BGF sollicite l'infirmation du jugement en ses dispositions relatives à la prescription. Elle soutient que la loi applicable à la prescription est la loi française et non la loi allemande comme l'a jugé le Tribunal, qu'étant subrogée dans les droits de la victime elle bénéficie du délai de prescription de dix ans de l'article 2270-1 du code civil et qu'en conséquence son action est recevable. Elle se porte demanderesse à l'égard de la société Graham & Brown et / ou de la société Intertextiles de la somme de 346. 836, 90 € ainsi que d'une indemnité de 4. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Relevant appel incident, la société Deutsche Rentenversicherung Rheinland, anciennement dénommée LVA Rheinprovinz, demande elle aussi, pour les mêmes motifs, l'infirmation du jugement sur la prescription. Soutenant que son action est recevable elle se porte demanderesse à l'égard de la société Graham & Brown et / ou de la société Intertextiles de la somme de 164. 382, 80 € ainsi que d'une indemnité de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société Graham & Brown qui a relevé appel principal du jugement en sollicite l'infirmation à l'exception de ses dispositions sur la prescription des demandes des organismes sociaux.
Elle soutient que l'action de Monsieur Y..., victime d'un accident du travail, est irrecevable par application de l'article L 451-1 du code de la sécurité sociale, l'intéressé ne remplissant pas les conditions de l'article L 454-1 qui, par exception à l'interdiction édictée par l'article L 451-1, autorise la victime à agir contre un tiers.
Elle fait également valoir qu'elle n'était ni le conducteur ni le gardien du chariot élévateur et qu'en conséquence Monsieur Y... ne peut agir à son égard sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985.
Sur le fond elle soutient que la société Intertextiles, propriétaire du chariot élévateur qui a conservé la garde de la structure de l'engin, est la seule responsable de l'accident dû à un vice interne de l'appareil et qu'en outre elle a commis diverses fautes et négligences dans son entretien.
Invoquant les dispositions de l'article 146 du nouveau code de procédure civile elle s'oppose à la demande d'expertise.
Elle demande la condamnation de Monsieur Y... à lui restituer les sommes versées au titre de l'exécution provisoire.
Subsidiairement elle demande à être garantie de toute condamnation par la société Intertextiles.
Elle se porte demanderesse à l'égard de Monsieur Y..., de la BGF et de la LVA d'une somme de 5. 000 € chacun au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société Intertextiles a conclu à la confirmation de sa mise hors de cause et à la condamnation de la partie succombante à lui verser la somme de 2. 500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par assignation du 11 décembre 2006 elle a relevé appel provoqué à l'égard de la société Brisset Partenaires pour la voir condamner pour manquement à son obligation de conseil, à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son égard.
La société Brisset Partenaires soutient que cet appel provoqué formé neuf mois après l'appel principal est irrecevable et en toute hypothèse mal fondé puisque l'audit qui lui a été demandé par la société Intertextiles ne portait que sur les risques assurés et qu'il ne s'agissait pas d'un audit de risques.
Elle se porte demanderesse à l'égard de la société Intertextiles d'une indemnité procédurale de 5. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Monsieur Y... conclut à la confirmation du jugement sur la responsabilité de la société Graham & Brown. Relevant appel incident il demande que la responsabilité de la société Intertextiles soit retenue solidairement avec celle de la société Graham & Brown sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985.
Il sollicite la condamnation de ces deux sociétés à lui verser une provision complémentaire de 10. 000 € et une somme de 3. 000 € par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société AOK Rheinland, société de droit allemand dont le siège est à NETTETAL (Allemagne) assignée le 23 octobre 2006 selon les dispositions de l'article 4 paragraphe 3 du règlement CEE no 1348 / 2000 n'a pas constitué avoué. Il n'est pas établi qu'elle ait eu connaissance de cette citation. Il convient de statuer par défaut.
SUR CE :
Vu les conclusions déposées le 14 septembre 2006 par la société Deutsche Rentenversicherung Rheinland, anciennement LVA Rheinprovinz,
Vu les conclusions déposées le 29 novembre 2006 par la société Intertextiles et son assignation en appel provoqué du 11 décembre 2006,
Vu les conclusions déposées le 22 mars 2007 par la société Graham & Brown,
Vu les conclusions déposées le 30 avril 2007 par la société BGF,
Vu les conclusions déposées le 3 septembre 2007 par la société Brisset Partenaires,
Vu les conclusions déposées le 10 octobre 2007 par Monsieur Y...,
1o) Sur la recevabilité
a)-sur la recevabilité de l'action de Monsieur Y...
Attendu que les droits que détient la victime à l'encontre de l'auteur du dommage ainsi que les conditions d'ouverture de l'action en réparation sont régis par le droit de l'Etat sur le territoire duquel le dommage est survenu, donc la loi française puisque l'accident du travail dont Monsieur Y... a été victime le 12 octobre 1999 s'est produit à ARMENTIÈRES (France) ;
Attendu que l'article L 451-1 du code de la sécurité sociale pose le principe selon lequel aucune action en réparation d'un accident du travail ne peut être exercée conformément au droit commun par la victime et ses ayants droit ;
Attendu que l'article L 454-1 du même code prévoit une exception lorsque la lésion dont est atteint l'assuré social est imputable à une personne autre que l'employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit conservant alors contre l'auteur de l'accident, le droit de demander réparation du préjudice causé, conformément aux règles de droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application de la législation sociale sur les accidents du travail ;
Attendu que pour s'opposer à l'application de l'article L 454. 1 la société Graham & Brown invoque trois moyens qu'il convient d'examiner successivement ;
-sur l'existence d'un préjudice non réparé
Attendu que la société Graham & Brown soutient que Monsieur Y... a perçu des indemnisations extrêmement importantes des organismes sociaux de droit allemand qui l'ont intégralement désintéressé ;
Mais attendu qu'il résulte des décomptes versés aux débats que les versements des organismes sociaux concernent les frais médicaux et assimilés, indemnités journalières et consistent également en deux rentes, l'une versée jusqu'au 65ème anniversaire de la victime, l'autre au titre de l'assurance retraite ;
Qu'aucun versement n'est intervenu en réparation des souffrances endurées, du préjudice esthétique et du préjudice d'agrément, postes de préjudice indemnisables en droit français ;
Que Monsieur Y... a été grièvement blessé ; que l'existence de tels préjudices n'est pas contestable, l'expertise demandée n'ayant pour objet que d'en déterminer l'étendue ;
Attendu que Monsieur Y... justifie d'un préjudice non réparé, condition d'ouverture de l'action prévue par l'article L 454-1 du code de la sécurité sociale ;
-sur la qualité de tiers des sociétés Graham & Brown et Intertextiles
Attendu que la qualité de tiers de la société Intertextiles à l'égard de Monsieur Y... n'est pas discutable ni discutée ;
Attendu que la société Graham & Brown soutient que lors de l'accident, Monsieur Y... participait aux opérations de déchargement avec l'un de ses salariés pour un travail en commun directement lié à la prestation de transport dont il avait la charge et en déduit qu'elle n'a pas la qualité de tiers vis-à-vis de Monsieur
Y... ;
Que le Tribunal a justement répondu que la société Graham & Brown ne produisait aucun élément démontrant que Monsieur Y... était en situation de dépendance à son égard ;
Que la qualification de travail en commun ne peut être retenue que dans la mesure où il y aurait eu concertation préalable entre les représentants des deux entreprises pour effectuer le déchargement du camion sous une direction unique, ce qui n'est pas établi en l'espèce et qu'en conséquence la société Graham & Brown doit être considérée comme un tiers au contrat de travail de Monsieur Y..., au sens de l'article L 454-1 du code de la sécurité sociale ;
-sur la recherche d'une responsabilité conformément aux règles de droit commun
Attendu que la société Graham & Brown soutient que cette disposition impose à la victime, sur le fondement de l'article L 454-1 du code de la sécurité sociale, d'établir la faute du tiers dont elle recherche la responsabilité, ce qui exclut l'application de tout régime de responsabilité de plein droit et notamment celui prévu par la loi du 5 juillet 1985 ;
Mais attendu que l'expression " droit commun " utilisée par l'article L 454-1 s'entend par opposition au droit spécial de la sécurité sociale ; que la loi du 5 juillet 1985 est le droit commun français en matière de réparation des accidents de la circulation ; que ce moyen n'est pas fondé ;
Attendu que Monsieur Y... est recevable à agir sur le fondement de l'article L 454-1 du code de la sécurité sociale ; que le jugement doit être confirmé de ce chef ;
Attendu que le moyen invoqué par la société Graham & Brown sur son défaut de qualité à défendre à une action engagée sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 implique que soit recherchée si elle était gardien du chariot élévateur au moment de l'accident ; qu'il s'agit d'une question de fond qui sera examinée ultérieurement ;
b)-sur la recevabilité de l'action des organismes sociaux allemands
-sur la prescription
Attendu que le Tribunal a considéré que l'action des organismes sociaux, engagée le 12 décembre 2002 par la BGF et le 4 décembre 2003 par la LVA Rheinprovinz est prescrite en application de l'article 852 du code civil allemand qui, en sa rédaction applicable à la date du dommage, prévoyait que la demande d'indemnisation d'une victime d'un acte délictuel se prescrivit par trois ans ;
Mais attendu que l'action exercée par les organismes sociaux repose sur un recours de nature subrogatoire prévu par l'article 116 du code social allemand ; que les organismes sociaux bénéficient donc des droits et actions de la victime ; que la loi applicable en matière de prescription est celle qui régit le droit à réparation et à indemnisation de la victime, c'est-à-dire la loi de l'Etat sur le territoire duquel le dommage s'est produit ;
Attendu que pour retenir la loi allemande les premiers juges se sont fondés sur un arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes du 2 juin 1994 qui a dit pour droit que " les conditions et l'étendue du droit de recours dont dispose un organisme de sécurité sociale au sens de l'ordonnance CEE no 1408 / 71 du Conseil du 14 juin 1971 pour l'application des systèmes de sécurité sociale aux travailleurs et aux indépendants ainsi qu'à leurs ayants droit, qui sont itinérants dans la communauté, ... à l'encontre de l'auteur d'un dommage survenu sur le territoire d'un autre Etat membre et qui a entraîné le versement des prestations de sécurité sociale sont déterminées en vertu de l'article 93 alinéa 1 de cette ordonnance d'après le droit de l'Etat, membre auquel cet organisme appartient " ;
Mais attendu que le régime de prescription qui n'est pas propre à l'action de l'organisme social ne concerne pas " les conditions " ni " l'étendue " du droit de recours de l'organisme de sécurité social ; que la prescription ne peut être dissociée du droit à réparation ; que la loi applicable est celle qui régit le fond du droit de la responsabilité, donc en l'espèce la loi française ;
Que selon l'article 2270-1 du code civil français les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par dix ans ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré prescrites les actions de la BGF et de la LVA Rheinprovinz ;
-sur le droit à agir
Attendu que par application du paragraphe 116 du dixième livre du code social allemand, l'Office Fédéral du Travail a notifié à la société Graham & Brown le transfert à son profit des droits de la victime sur les prestations qu'il a prises en
charge ;
Que cette notification n'est pas de nature à priver la BGF et la LVA de leur droit de subrogation pour les prestations qu'elles ont servies, distinctes de celles de l'Office Fédéral du Travail ;
Attendu que l'étendue du droit de subrogation dont bénéficient les organismes sociaux allemands au regard de l'article 116 est une question de fond et non de recevabilité de l'action ; qu'il n'y a pas lieu, de rechercher, à ce stade de la discussion, sur quel poste de préjudice, les prestations versées doivent s'imputer ;
Attendu que l'action de la société BGF et de la société Deutsche Rentenversicherung Rheinland, anciennement LVA, est recevable ;
2o) Sur la responsabilité
Attendu que l'action en responsabilité est fondée sur la loi du 5 juillet 1985 ;
Que le véhicule impliqué dans l'accident n'était pas conduit par l'employeur, un préposé ou une personne appartenant à la même entreprise que la victime ; que l'article L 455-1-1 du code de la sécurité sociale n'est donc pas applicable et qu'en conséquence il n'y a pas lieu de s'interroger sur la notion d'accident survenu " sur une voie ouverte à la circulation " ; qu'il n'est contesté par personne que la loi du 5 juillet 1985 s'applique à un accident survenu sur une voie privée ;
a)-sur la garde du véhicule
Attendu que par acte sous seing privé du 2 juillet 1999 la société Intertextiles a vendu à la société Graham & Brown son fonds de commerce de négoce de papiers peints et revêtements muraux et, à cette occasion, a laissé à sa disposition le chariot élévateur qui a été impliqué dans l'accident du 12 octobre 1999 ;
Que les parties s'accordent pour considérer qu'il s'agit d'un prêt ;
Attendu qu'au moment de l'accident le chariot élévateur était conduit par un préposé de la société Graham & Brown ;
Que la société Graham & Brown considère que l'accident est dû à un défaut de la structure du chariot élévateur et fait valoir qu'en sa qualité de prêteur la société Intertextiles avait conservé la garde de la structure et doit donc être considérée comme responsable de ce vice interne à l'origine du dommage ;
Attendu que Monsieur I..., expert commis par ordonnance de référé du Président du Tribunal de Commerce de LILLE du 2 décembre 1999 a conclu que l'accident a pour origine un défaut de freinage qui provient du jeu trop important entre les garnitures et le tambour côté gauche car le levier de réglage et son ressort n'étaient plus en place ;
Qu'il indique que la source de cet incident est difficile à déterminer mais que toutefois il semble qu'un choc important ou un collage des mâchoires lors du départ le matin pourrait être à l'origine de la dépose de l'ensemble levier-ressort. Les vibrations importantes sur ce type d'engin dues au fait qu'il n'y a pas de suspension et l'action régulière sur les freins ont provoqué le resserrage de la vis de réglage jusqu'à la suppression du freinage et l'accident ;
Qu'il ajoute : Il nous semble qu'un conducteur expérimenté aurait pu s'apercevoir d'une évolution anormale du système de freinage et par là même des réactions de son véhicule avant l'accident ;
Qu'il n'est donc pas démontré que le chariot élévateur était atteint d'un vice de la structure ; qu'au contraire selon l'expert judiciaire le défaut de freinage est dû au fait que le levier de réglage et son ressort de rappel n'étaient plus à leur place, ce fait trouvant sa source dans les conditions d'utilisation du chariot ; qu'aucune preuve d'un défaut affectant l'engin lorsque la société Intertextiles l'a prêté à la société Graham & Brown à l'occasion de la cession du fonds de commerce en juillet 1999 n'est apportée ;
Attendu que par l'effet d'un prêt la garde se trouve transférée à l'emprunteur qui dispose, sur la chose prêtée, des pouvoirs de contrôle, usage et direction ; qu'il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société Graham & Brown était gardienne du chariot élévateur au moment de l'accident ;
Que la garde étant alternative et non cumulative c'est également à bon droit que les premiers juges ont débouté Monsieur Y... de son action en responsabilité contre la société Intertextiles ; que l'appel incident de Monsieur Y... de ce chef doit être rejeté ; que contrairement à ce qu'il soutient seule la responsabilité du conducteur ou du gardien du véhicule peut être retenue sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, à l'exclusion de celle du propriétaire si celui-ci n'a pas la qualité de gardien ;
Que dans ses conclusions Monsieur Y... vise également, sans aucune explication, l'article 1383 du code civil ; qu'aucune responsabilité ne peut être recherchée sur ce fondement en raison du caractère exclusif de la loi du 5 juillet 1985 pour l'indemnisation d'une victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ;
b)-sur le moyen fondé sur la faute inexcusable de la victime
Attendu que la société Graham & Brown soutient que Monsieur Y... a commis une faute inexcusable puisqu'il se trouvait dans la trajectoire de déchargement et fait valoir qu'aucun accident ne se serait produit s'il était resté dans la cabine de son camion ou s'il était parti se reposer ou se restaurer pendant les opérations de déchargement ;
Mais attendu que seule est inexcusable au sens de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985, la faute volontaire, d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ;
Qu'aucune faute volontaire ne peut être reprochée à Monsieur
Y... ;
Qu'en outre l'article 3 subordonne l'exonération du conducteur ou du gardien du véhicule impliqué à la condition que la faute inexcusable de la victime soit la cause exclusive de l'accident, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque l'accident est dû au non fonctionnement du système de freinage du chariot élévateur ;
Attendu que le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré la société Graham & Brown entièrement responsable de l'accident ;
3o) Sur les demandes d'expertise et de provision
Attendu que seule une expertise médicale peut déterminer l'étendue du préjudice corporel de la victime ; qu'aucune carence dans l'administration de la preuve ne peut être reprochée à Monsieur Y... ; que la société Graham & Brown est mal fondée à opposer les dispositions de l'article 146 du nouveau code de procédure civile à la décision prise par le Tribunal de recourir à une expertise ;
Attendu que d'importantes prestations ayant été servies à Monsieur Y... par les organismes sociaux allemands, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de provision complémentaire ; que la provision de 5. 000 € allouée par les premiers juges sera confirmée ;
4o) Sur la demande des organismes sociaux
Attendu que les organismes sociaux agissant en vertu de leur subrogation dans les droits de la victime il convient de surseoir à statuer sur leur demande en paiement jusqu'au dépôt du rapport d'expertise qui permettra de connaître l'étendue du préjudice de Monsieur Y... ;
Attendu que dans ces conditions il y a lieu, par application de l'article 568 du nouveau code de procédure civile, d'évoquer les points non jugés par le Tribunal et en conséquence d'inviter Monsieur Y..., après dépôt du rapport d'expertise, de saisir la Cour aux fins de liquidation de son préjudice ;
5o) Sur les appels en garantie
a)-sur l'appel en garantie de la société Graham & Brown à l'égard de la société Intertextiles
Attendu que la société Graham & Brown demande a être garantie de toute condamnation par la société Intertextiles à qui elle reproche de ne pas avoir fait procéder à un contrôle du chariot élévateur tous les six mois ainsi que l'impose l'arrêté du 9 juin 1993, et de ne pas avoir pris le soin d'assurer le véhicule ;
Mais attendu qu'il résulte du rapport d'expertise que la société Intertextiles a fait procéder au contrôle de l'appareil en vertu d'un contrat d'entretien les 1er octobre 1998, 18 janvier 1999 et 23 mars 1999 ; qu'en particulier le 23 mars 1999 il a été procédé à des travaux de contrôle du système de freinage qui, selon l'expert, respectaient les règles de l'art ;
Que la société Graham & Brown avait la disposition du chariot depuis le début du mois de juillet 1999 après la cession du fonds de commerce ; qu'en sa qualité d'emprunteur il lui appartenait, en application de l'article 1880 du code civil, de veiller elle-même, en bon père de famille, à la garde et à la conservation de la chose prêtée ;
Attendu que la société Intertextiles qui a vendu son fonds de commerce n'avait aucune obligation d'assurer le chariot élévateur laissé à la disposition de l'acquéreur sans contrepartie onéreuse ;
Attendu qu'aucune faute ne peut être reprochée à la société
Intertextiles ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Graham & Brown de son appel en garantie ;
b)-sur l'appel en garantie de la société Intertextiles à l'égard de la société Brisset Partenaires
Attendu que par application de l'article 550 du nouveau code de procédure civile l'appel provoqué peut être formé en tout état de cause ; que l'appel provoqué de la société Intertextiles est recevable ;
Attendu que comme l'appel en garantie cet appel provoqué est sans objet puisqu'aucune condamnation n'a été prononcée à l'encontre de la société
Intertextiles ;
Attendu que les dépens de l'appel provoqué seront supportés par la société Intertextiles ;
Qu'il serait toutefois inéquitable de prononcer à son égard une condamnation au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile supérieure à celle de première instance ; que la société Brisset Partenaires sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en cause
d'appel ;
***
Attendu que les indemnités accordées par le Tribunal au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile seront confirmées ;
Qu'y ajoutant il y a lieu de condamner la société Graham & Brown à verser la somme de 1. 200 € à Monsieur Y..., la somme de 1. 200 € à la société Intertextiles, la somme de 1. 200 € à la société BGF et la somme de 1. 200 € à la société Deutsche Rentenversicherung Rheinland ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant en audience publique et par défaut,
Confirme le jugement en ses dispositions non contraires au présent arrêt,
L'infirme en ses dispositions relatives à la société Berufsgenossenschaft Fur Fahrzeughaltungen et à la société LVA Rheinprovinz, nouvellement dénommée Deutsche Rentenversicherung Rheinland et statuant à nouveau,
Rejette la fin de non recevoir fondée sur la prescription et déclare les sociétés Berufsgenossenschaft Fur Fahrzeughaltungen et Deutsche Rentenversicherung Rheinland recevables en leur action,
Sursoit à statuer plus avant sur leur demande jusqu'au dépôt du rapport d'expertise,
Vu l'article 568 du nouveau code de procédure civile, évoque la liquidation du préjudice,
En conséquence invite Monsieur Y... et les organismes sociaux à réinscrire l'affaire devant la Cour après dépôt du rapport d'expertise,
Déboute Monsieur Y... de sa demande de provision complémentaire,
Constate que l'appel provoqué de la société Intertextiles à l'égard de la société Brisset Partenaires est sans objet,
Condamne la société Intertextiles aux dépens de son appel provoqué avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP CONGOS-VANDENDAELE, avoués,
Condamne la société Graham & Brown aux dépens d'appel pour le surplus avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP DELEFORGE-FRANCHI, de la SCP COCHEMÉ-KRAUT-LABADIE et de la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués,
La condamne en outre à verser, par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
-la somme de 1. 200 Euros à Monsieur Y...,
-la somme de 1. 200 Euros à la société Intertextiles,
-la somme de 1. 200 Euros à la société BGF,
-la somme de 1. 200 Euros à la société Deutsche Rentenversicherung Rheinland,
Déboute la société Brisset Partenaires de sa demande complémentaire au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en cause d'appel.