DOSSIER N 06 / 04005-A ARRÊT DU 16 Janvier 2008 4ème CHAMBRE VM
COUR D'APPEL DE DOUAI
4ème Chambre-No
Prononcé publiquement le 16 Janvier 2008, par la 4ème Chambre des Appels Correctionnels,
Sur appel d'un jugement du T. CORRECT. DE BETHUNE du 20 JUIN 2006
PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :
X... Jérôme né le 30 Mars 1979 à AUCHEL Fils de X... Roger et de Y... Martine De nationalité française, célibataire Commerçant Sans domicile connu ayant demeuré ...Prévenu, intimé, libre, comparant Assisté de Maître HARENG Christophe, Avocat au barreau de BETHUNE
LE MINISTÈRE PUBLIC : Le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Bethune appelant,
COMPOSITION DE LA COUR : Président : Christine PARENTY, Conseillers : Michel BATAILLE, Anne-Marie GALLEN. GREFFIER : Odette MILAS aux débats et au prononcé de l'arrêt. MINISTÈRE PUBLIC : Patrick DE CANECAUDE, Substitut Général.
Suite arrêt avant dire droit du 20 juin 2007 qui a ordonné un supplément d'information.
DÉROULEMENT DES DÉBATS :
A l'audience publique du 28 Novembre 2007, le Président a constaté l'identité du prévenu.
Ont été entendus :
Madame PARENTY en son rapport ;
X... Jérôme en ses interrogatoires et moyens de défense ;
Le Ministère Public, en ses réquisitions :
Les parties en cause ont eu la parole dans l'ordre prévu par les dispositions des articles 513 et 460 du code de procédure pénale.
Le prévenu et son Conseil ont eu la parole en dernier.
Le Président a ensuite déclaré que l'arrêt serait prononcé le 16 Janvier 2008.
Et ledit jour, la Cour ne pouvant se constituer de la même façon, le Président, usant de la faculté résultant des dispositions de l'article 485 du code de procédure pénale, a rendu l'arrêt dont la teneur suit, en audience publique, et en présence du Ministère Public et du greffier d'audience.
DÉCISION : VU TOUTES LES PIÈCES DU DOSSIER, LA COUR, APRES EN AVOIR DÉLIBÉRÉ CONFORMÉMENT A LA LOI, A RENDU L'ARRÊT SUIVANT :
Devant le tribunal correctionnel de BÉTHUNE, Jérôme X... était prévenu d'avoir à LIEVIN, et en tout cas sur le territoire national le 19 avril 2005 et depuis temps non prescrit, frauduleusement abusé de la vulnérabilité de Ginette E..., due à son âge, en l'espèce 72 ans, à une maladie, en l'espèce alzeimer pour l'obliger à un acte ou une abstention, en l'espèce maladie d'alzeimer, gravement préjudiciable, en l'espèce la remise d'un chèque de 275 euros.
Faits prévus par les articles 223-15-2 al. 1 du code pénal et réprimés par les articles 223-15-2 al. 1,223-15-3 du code pénal.
Par jugement contradictoire à signifier, et non signifié, en date du 20 juin 2006, le tribunal a relaxé le prévenu du chef D'ABUS DE L'IGNORANCE OU DE LA FAIBLESSE D'UNE PERSONNE VULNERABLE POUR L'OBLIGER A UN ACTE OU A UNE ABSTENTION NEFASTE.
Le Parquet a régulièrement relevé appel principal du jugement le 26 juin 2006.
L'arrêt sera contradictoire à l'égard du prévenu, cité à l'adresse déclarée et qui comparaît.
Sur l'action publique
Mme E...Sylvie a déposé plainte le 19 avril 2005 au nom de sa mère, Ginette, personne âgée de 72 ans, hémiplégique et atteinte de la maladie d'Alzheimer.
Dans la matinée, deux hommes se seraient présentés au domicile de cette dernière afin de lui vendre des fruits et légumes contre un chèque (La quantité était importante : pommes de terre, pommes, oignons, tomates... pour 4 à 5 kilos de chaque produit pour un montant total évalué à 25 euros selon Sylvie E...). La dame âgée, bien qu'elle n'était plus en mesure d'évaluer ce genre de situation, leur remettait un chèque. Les deux vendeurs remplissaient eux même le chèque, selon elle. Sylvie E... précisait que sa mère n'était plus capable de signer les chèques. Elle faisait donc opposition à ce chèque d'un montant de 275 euros le jour même de la vente.
Annick F..., l'autre fille de la victime, soulignait que la souche du chéquier n'avait pas été remplie et qu'aucune facture n'avait été délivrée à sa mère qui, selon ses dires, n'aurait pas signé le chèque.
Après recherches, le compte crédité du chèque litigieux appartenait à Melle Justine X...,4 ans, et fille du prévenu.
La concubine du prévenu était interrogée. Elle déclarait qu'elle n'était pas au courant de l'ouverture d'un compte bancaire pour sa fille, elle précisait que son concubin ne lui en avait jamais parlé et que le compte était ouvert au ..., adresse de la mère du prévenu. Elle ajoutait que son concubin était incarcéré à Dunkerque et que ses méfaits commençaient " à bien faire ".
La mère du prévenu confirmait ces propos et expliquait qu'elle était au courant de ce que son fils avait déposé un chèque de 275 euros sur le compte ouvert par son fils au nom de sa petite fille.
Le prévenu, convoqué le 17 novembre 2005 au commissariat, ne se présentait pas.
Interpellé à son domicile, il déclarait qu'il avait été vendeur à domicile de fruits et légumes, inscrit au registre du commerce et radié depuis octobre 2005 et qu'il avait l'habitude de passer de porte en porte dans tout le Pas-de-Calais. Selon lui, les ventes de fruits et légumes au profit de Ginette E... correspondaient à plusieurs ventes : 5 kgs d'ail à 8 euros le kilo,5 kgs de poireaux pour 20 euros, un plateau de fruits pour 30 euros,7 kgs de tomates à 4,50 euros le kilo,5 kgs d'échalotes à 6 euros le kilo,20 kgs de pommes de terre à 3 euros le kilo, une caisse d'endives pour 15 euros,4 kgs de bananes à 3 euros le kilo.... pour un total, selon lui, de 275 euros. Les prix pratiqués n'était pas excessifs selon lui car les prix varient fortement, et la chambre de commerce lui aurait indiqué de prendre jusqu'à 3 fois la marge du fournisseur...
Il ne produisait aucune facture attestant de la vente de fruits et légumes pour le compte de Ginette E...et correspondant au prix pratiqué. Pour lui Madame Ginette n'avait pas de problème et c'était elle qui avait rédigé le chèque.
Le prévenu ne comparaissait pas devant le tribunal correctionnel.
Le casier du prévenu porte mention de 10 condamnations pour des infractions routières, vols, recel de bien, contrefaçon de chèque, faux et usage de faux administratif et abus de faiblesse d'une personne vulnérable pour des faits commis à deux reprises, de janvier à octobre 2005 et juin 2005. La condamnation de novembre 2005 est la peine la plus lourde prononcée : 6 mois d'emprisonnement dont 3 avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pendant 3 ans.
Par arrêt avant dire droit du 20 juin 2007, la Cour d'Appel a ordonné un supplément d'information et renvoyé l'affaire contradictoirement au 28 novembre 2007.
Il résulte de l'enquête diligentée par le commissariat de Liévin que Madame E..., dont l'audition est devenue impossible, souffrait à l'époque des faits, d'après son médecin traitant, de séquelles d'un accident vasculaire avec une hémiplégie apparente. Le médecin confirmait que cette vulnérabilité était apparente, que mentalement elle avait perdu la notion de l'argent, qu'elle ne remplissait pas les chèques mais les signait.
Il était, selon ce praticien, facile de l'arnaquer et cette faiblesse était visible.
Sa fille confirmait cet état et l'incapacité de sa mère à libeller un chèque.
Elle précisait que le chèque litigieux ne portait ni l'écriture ni la signature de sa mère.
Elle versait des pièces de comparaison et les relevés prouvant qu'elle n'avait jamais fait de chèque auparavant à Monsieur X.... Cela dit la vieille dame lui avait confié avoir été démarchée cinq fois environ par un marchand ambulant qu'elle réglait en liquide.
Le prévenu a réaffirmé que la vieille dame était la signataire et la rédactrice du chèque litigieux.
Il affirmait que la fille de cette dame était présente, ce qu'elle contestait. Les policiers procédaient à une comparaison entre l'écriture du prévenu et un chèque manifestement non signé par Madame E.... Ils établissaient plusieurs points de convergence.
L'aide ménagère de Madame E..., arrivée au moment du départ du prévenu de chez la vieille dame confirmait le caractère très excessif de la livraison, unique pour elle et la confidence immédiate de la vieille dame affirmant que l'individu lui avait volé tout son argent.
Elle confirmait que les enfants faisaient les courses de Madame E... qui de surcroît recevait ses repas à domicile.
A l'audience, après retour du supplément d'information, le prévenu a, à nouveau, nié les faits.
Ses dénégations n'ont pas convaincu la Cour.
Le texte de l'article 223-15-2 du Code Pénal exige un abus frauduleux d'une situation de faiblesse apparente ou connue.
L'abus est dans le cas d'espèce caractérisé par les quantités invraisemblables de légumes vendus à une dame âgée, nourrie par ses enfants ou par un service extérieur, quantités dont l'étendue est suffisamment révélée par le montant du chèque litigieux.
Le supplément d'information, par ailleurs, décrit de manière éloquente l'état de cette dame âgée au moment des faits, état visible à plusieurs titres en raison d'un début de handicap mental et d'un handicap physique et qui ne pouvait échapper à l'analyse de Monsieur X....
Il sera de manière superflue rappelé que le prévenu, spécialiste de la contrefaçon de chèques si l'on en croit son casier, n'a donné à Madame E..., qui selon les témoignages ne remplissait jamais les chèques, aucune facture attestant d'une ou plusieurs livraisons ; que son passé d'abuseur éclairé par deux condamnations pour des faits similaires, illustre suffisamment le scénario imposé à la victime qui de par sa nature même cause un grave préjudice à une dame âgée et affaiblie.
Il en sera déclaré coupable.
Une peine ferme est seule de nature à décourager le prévenu dans ses agissements répétitifs, ce dernier n'ayant tenu aucun compte des avertissements antérieurs et n'assumant en aucune façon les conséquences de ses actes. Elle ne saurait être inférieure à 8 mois ferme.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement et contradictoirement à l'égard de Jérôme X...,
-Infirme le jugement de relaxe,
-Déclare le prévenu coupable des faits visés à la prévention,
-Le condamne à 8 mois d'emprisonnement ferme,
-Dit que la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 120 Euros dont est redevable le condamné.