ARRET DU
21 Décembre 2007
RG 06 / 02348
No RC34 / 07
COUR D' APPEL DE DOUAI
Renvoi après Cassation
- Prud' hommes-
CONSEIL DE PRUD' HOMMES DE HAUBOURDIN en date du 25 septembre 2002
COUR D' APPEL DE DOUAI en date du 27 Février 2004
COUR DE CASSATION DU 5 avril 2006
APPELANT :
Mme Anne- Marie X... épouse Y...
...
Représentée par Me Daniel CARLY (avocat au barreau de LILLE)
INTIME :
SA SUPERMARCHES MATCH NORD
250 Rue du Général de Gaulle 59110 LA MADELEINE
Représentée par Me PECQUEUR substituant Me Hugues MAQUINGHEN (avocat au barreau de LILLE)
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE
JG. HUGLO
: PRESIDENT DE CHAMBRE
P. RICHEZ
: CONSEILLER
C. CARBONNEL
: CONSEILLER
GREFFIER lors des débats : A. BACHIMONT
DEBATS : à l' audience publique du 30 Octobre 2007
ARRET : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Décembre 2007,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l' article 450 du nouveau code de procédure civile,
signé par JG. HUGLO, Président et par A. LESIEUR, greffier auquel la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Madame X... Anne- Marie épouse Y... a été engagée par la société SUPERMARCHÉS MATCH NORD à compter du 1er octobre 1999 pour une durée indéterminée en qualité d' employée commerciale à temps partiel.
Par lettre du 19 juin 2000, Madame Anne- Marie Y... était mise à pied à titre conservatoire et convoquée en vue de son licenciement à un entretien préalable fixé au 27 juin 2000.
Par lettre du 6 juillet 2000, la société, SUPERMARCHÉS MATCH NORD prononçait le licenciement immédiat de la salariée pour faute grave.
Le 10 août 2000, Madame X... Anne- Marie épouse Y... saisissait le Conseil des prud' hommes d' HAUBOURDIN pour demander la requalification de son contrat en contrat de travail à temps complet, voir déclarer abusive la rupture de celui- ci et obtenir la condamnation de la société SUPERMARCHÉS MATCH NORD à lui verser un rappel de salaire et de congés payés, une indemnité de préavis et des dommages- intérêts pour rupture abusive.
Par jugement en date du 25 septembre 2002, le Conseil des prud' hommes d' HAUBOURDIN a débouté la salariée de toute ses demandes.
Le 27 décembre 2002, Madame X... Anne- Marie épouse Y... a formé appel de ce jugement.
Par arrêt en date du 27 février 2004, la Cour d' appel de DOUAI a confirmé le jugement.
Par arrêt en date du 5 avril 2006, la Cour de Cassation se prononçant sur le pourvoi formé à l' encontre de cet arrêt par Madame X... Anne- Marie épouse Y... l' a cassé et annulé en toutes ses dispositions aux visas de l' article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile et de l' article L. 212- 4- 3 du Code du travail, reprochant à la cour d' appel :
- d' une part (2ème moyen), d' avoir décidé que la rupture du contrat de travail était justifiée par la faute grave sans répondre aux conclusions de la salariée qui invoquaient des instructions destinées à favoriser la répartition du temps de travail sur quatre jours qui lui auraient permis de bénéficier de son vendredi de façon automatique ;
- d' autre part (3ème moyen), d' avoir rejeté les demandes de la salariée consécutives à la requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps complet alors qu' il résulte de ses propres constatations que les heures effectuées par la salariée en exécution des avenants avaient eu pour effet de porter la durée hebdomadaire du travail de celle- ci, employée à temps partiel, au niveau de la durée fixée conventionnellement (à 35 heures).
Vu le jugement rendu le 25 septembre 2002 par le Conseil des prud' hommes d' HAUBOURDIN ;
Vu l' arrêt rendu le 27 février 2004 par la Cour d' appel de DOUAI ;
Vu l' arrêt rendu le 5 avril 2006 par la Cour de Cassation ;
Vu les conclusions déposées le 28 septembre 2007 et soutenues à l' audience du 30 octobre 2007 par Madame X... Anne- Marie épouse Y..., appelante ;
Vu les conclusions déposées le 6 avril 2007 et soutenues à l' audience du 30 octobre 2007 par la société SUPERMARCHÉS MATCH NORD, intimée ;
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la requalification du contrat de travail
Le 27 septembre 1999, Madame X... Anne- Marie épouse Y... a conclu avec la société SUPERMARCHÉS MATCH NORD un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet à compter du 1er octobre 1999 stipulant un emploi à temps partiel pour un horaire hebdomadaire de 22 heures réparties sur 5 jours.
En son article 3 le contrat stipule que la répartition de l' horaire de travail pourra faire l' objet de modification par avenant au contrat de travail et en son article 4, il prévoyait l' accomplissement à la demande de l' employeur d' heures complémentaires dans la limite de 7 heures hebdomadaires.
Or trois avenants ultérieurs portant modification temporaire de la base horaire conclus le 30 novembre 1999 pour la période du 29 novembre 1999 au 4 décembre 1999, le 7 décembre 1999 pour la période du 20 décembre 1999 au 1er janvier 2000 et le 21 février 2000 pour la période du 21 février 2000 au 11 mars 2000 ont prévu des heures complémentaires excédant cette limite, portant l' horaire hebdomadaire à 35 heures, le recours à cette modification temporaire étant motivé en premier lieu par l' arrêt maladie de David A..., en deuxième lieu par un surcroît d' activité pour les fêtes de fin d' année et en dernier lieu par le remplacement de Messieurs B... et A... et de Mademoiselle C....
La société SUPERMARCHÉS MATCH NORD explique que c' est pour se conformer au voeu de sa salariée qu' à l' occasion d' un surcroît d' activité ou du remplacement de salariés absents, il lui a été proposé d' effectuer des heures de travail excédant les prévisions initiales par différents avenants à son contrat de travail.
Selon elle, les trois avenants ainsi conclus qui ont eu pour effet de porter la durée hebdomadaire de travail au delà de 35 heures, ont modifié temporairement le cadre contractuel de l' emploi de la salariée qui n' était plus celui du temps partiel, mais celui du temps complet, de sorte qu' il ne pouvait plus y avoir accomplissement d' heures complémentaires, mais uniquement d' heures supplémentaires au delà de 35 heures, ajoutant que s' il s' était simplement agi de prévoir des heures complémentaires, il n' eût pas été nécessaire de conclure un avenant au contrat de travail initial.
De ce fait, elle estime que la décision de la cour de cassation a été prise au visa d' un texte relatif au contrat de travail à temps partiel qui n' était pas applicable en l' espèce, les parties ayant décidé ensemble de sortir temporairement du cadre contractuel initial en passant une nouvelle convention comme elles pouvaient le faire en vertu du principe de la liberté contractuelle, étant observé que l' article L 212- 4- 9 du code du travail accorde une priorité aux salariés employés à temps partiel souhaitant occuper à temps plein un emploi ressortissant à leur catégorie professionnelle.
Cependant, de la même manière que les avenants prévus dès l' origine pour modifier la répartition de l' horaire de travail, les avenants au contrat de travail initial portant modification temporaire de la base horaire s' inscrivaient dans le cadre contractuel de l' emploi à temps partiel qui ne permettait pas à l' employeur d' exiger l' accomplissement d' heures complémentaires au delà de la limite de 7 heures hebdomadaires prévue au contrat et de modifier la répartition des horaires de travail sans respecter le délai minimum de prévenance de sept jours prévu à l' article L. 212- 4- 3 du Code du travail.
En effet, un contrat de travail à durée déterminée stipulant un emploi à temps complet (a fortiori pour le remplacement simultané de trois personnes qui n' entre pas dans le cadre des dispositions de l' article L. 122- 3- 1 du Code du travail) ne saurait être valablement conclu postérieurement à la conclusion d' un contrat à durée indéterminée stipulant un emploi à temps partiel pour en modifier la nature, dès lors que cette procédure de sortie temporaire du cadre contractuel initial tend à écarter les dispositions de l' article L. 212- 4- 3 du Code du travail limitant la faculté pour l' employeur de modifier l' emploi du temps de son salarié et prévoyant que les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail effectuée par un salarié (à temps partiel), au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement.
Ces dispositions légales issues de la loi du 19 janvier 2000 qui était applicable à la date de signature du dernier avenant (conclu le 21 février 2000) limitent la liberté contractuelle dont le principe posé à l' article 4 de la déclaration des droits de l' homme et du citoyen du 26 août 1789 est encadré par la loi qui intervient en matière sociale comme en d' autres matières pour proscrire les clauses léonines et protéger la partie la plus faible. Par ailleurs, il n' existe aucune contradiction entre ces dispositions figurant à l' article L. 212- 4- 3 et celles de l' article L 212- 4- 9 du Code du travail qui accordent une priorité aux salariés employés à temps partiel souhaitant occuper à temps plein un emploi ressortissant à leur catégorie professionnelle, dès lors que le passage à temps complet proposé en priorité aux salariés employés à temps partiel est envisagé pour une durée indéterminée conformément au droit commun.
Dès lors, il y a lieu de faire droit à la demande de Madame X... Anne- Marie épouse Y... tendant à voir requalifier son contrat en contrat de travail à temps complet.
Le jugement sera réformé en ce sens.
Sur le rappel de salaire et de congés payés
Si la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet n' implique pas nécessairement un droit à rappel de salaire, il s' avère qu' en l' espèce la salariée qui revendique une rémunération correspondant à un emploi à temps complet alors qu' elle n' a pas travaillé qu' à temps partiel a été placée dans l' impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler, le délai minimum de prévenance de sept jours prévu à l' article L. 212- 4- 3 du Code du travail n' étant pas respecté, de sorte qu' elle était tenue de rester constamment à la disposition de son employeur, notamment durant les heures non travaillées dont elle réclame le paiement.
Le montant des sommes réclamées n' est pas discuté.
Dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à sa demande de rappel de salaire à hauteur de la somme de 1005, 72 € à laquelle s' ajoute la somme de 100, 57 € au titre des congés payés afférents.
Le jugement sera réformé en ce sens.
Sur la rupture du contrat de travail
La lettre en date du 6 juillet 2000 qui prononce le licenciement de Madame Y... pour faute grave est ainsi rédigée :
" Madame,
Nous faisons suite à notre entretien du mardi 27 juin 2000, au cours duquel nous vous avons exposé les motifs qui nous amènent à envisager votre licenciement.
Nous vous rappelons les faits :
Vous avez été embauchée par la société le 1er octobre 1999, sous contrat à durée indéterminée à temps partiel (22 heures par semaine).
Votre Horaire se répartit de la façon suivante :
lundi
: 4 heures
mardi
: 4 heures
mardi
: 4 heures
jeudi
: 5 heures
vendredi
: 5 heures.
Vous avez signé depuis votre embauche dans la société un contrat de travail à temps partiel dans une autre entreprise et exercez votre deuxième activité essentiellement le vendredi et le samedi, ce qui ne vous permet pas d' être présente le vendredi comme le prévoit le contrat de travail que nous avons signé le 27 septembre 1999.
Vous enfreignez les règles de cumul de plusieurs contrats de travail en exerçant votre autre activité pendant le temps de travail chez votre employeur et en ne respectant pas les clauses de votre contrat initial.
Nous vous notifions donc, par la présente, votre licenciement pour faute grave.
Vous ne percevrez donc pas d' indemnité de préavis. La mise à pied par mesure conservatoire qui vous a été notifiée le 19 juin 2000 ne sera pas rémunérée. Vous cesserez définitivement de faire partie du personnel de notre entreprise à la première présentation de cette lettre. "
Par lettre du 4 mai 2000, Madame Y... indiquait à son employeur qu' elle avait trouvé un autre emploi à temps partiel de 16 heures hebdomadaires (les vendredi et samedi) et lui demandait soit de passer à un horaire hebdomadaire de 35 heures, soit d' obtenir un aménagement de ses horaires de travail (la laissant libre les vendredi et samedi) afin qu' ils concordent avec ceux de son nouvel emploi.
Par courrier du 7 juin 2000, la société SUPERMARCHÉS MATCH NORD répondait à la salariée en lui rappelant ses obligations de travail le vendredi et constatant que Madame Y... avait déjà pris la liberté de ne plus se présenter à son poste le vendredi, elle la mettait en demeure de respecter les termes de son contrat de travail.
Néanmoins la salariée maintenait sa position sans modifier son comportement, estimant pouvoir bénéficier de son vendredi de façon automatique en vertu d' une note de la Direction des Ressources Humaines de la société SUPERMARCHÉS MATCH NORD en date du 13 mars 2000.
Cependant, comme le soutient à juste titre la société SUPERMARCHÉS MATCH NORD, la note du 13 mars 2000 ne conférait à Madame Y... aucun droit à une répartition du temps de travail sur quatre jours.
En effet, la directive qui énonce : " il est également convenu que lors des semaines très faibles (30 heures de présence) chaque responsable de service doit favoriser dans toute la mesure du possible la répartition du travail sur 4 jours " laisse à chaque responsable de service un pouvoir d' appréciation.
Dans ces conditions la salariée ne peut se prévaloir d' un engagement de l' employeur lui permettant de bénéficier de son vendredi de façon automatique.
Le refus de la salariée de respecter ses horaires de travail malgré un rappel de ses obligations est donc constitutif d' une faute grave rendant impossible le maintien en fonction de la salariée au cours du préavis.
Le licenciement prononcé pour ce motif n' est donc pas illégitime.
La salariée qui n' a pas fait l' objet d' un licenciement abusif ne peut donc prétendre à aucune indemnité sur le fondement des dispositions des articles L. 122- 14- 5 du Code du travail.
En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu' il a débouté Madame X... Anne- Marie épouse Y... de sa demande tendant à la condamnation de la société SUPERMARCHÉS MATCH NORD à lui verser des dommages- intérêts pour rupture abusive.
Sur l' indemnité de préavis
Au regard des dispositions des articles L. 122- 5, L. 122- 6 et L. 122- 8 du Code du travail et de la convention collective applicable, la salariée licenciée pour faute grave ne justifie pas d' un droit à bénéficier d' un préavis dont l' inobservation devrait être compensée par le versement d' une indemnité.
En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu' il a débouté Madame X... Anne- Marie épouse Y... de sa demande tendant à la condamnation de la société SUPERMARCHÉS MATCH NORD à lui verser une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents.
Sur les frais non compris dans les dépens
Au regard de l' équité, il y a lieu de ne pas laisser à Madame X... Anne- Marie épouse Y... l' entière charge des frais non compris dans les dépens qu' il a exposés pour les besoin de la procédure.
En conséquence, la société SUPERMARCHÉS MATCH NORD sera condamnée sur le fondement de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au paiement à Madame X... Anne- Marie épouse Y... de la somme fixée au dispositif de la présente décision.
Partie perdante, la société SUPERMARCHÉS MATCH NORD sera déboutée de sa demande présentée sur le même fondement.
DÉCISION
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
Infirme le jugement déféré en ce qu' il a débouté Madame X... Anne- Marie épouse Y... de sa demande tendant à voir requalifier son contrat en contrat de travail à temps complet et condamner la société SUPERMARCHÉS MATCH NORD au paiement d' un rappel de salaire et de congés payés ;
Et le réformant sur ce point,
Dit que le contrat de travail de Madame Y... doit être réputé conclu pour un temps complet ;
Condamne la société SUPERMARCHÉS MATCH NORD à payer à Madame X... Anne- Marie épouse Y... la somme de 1005, 72 € (mille cinq euros et soixante douze centimes) à titre de rappel de salaire et la somme de 100, 57 € (cent euros cinquante sept centimes) au titre des congés payés afférents ;
Confirme le jugement déféré en ce qu' il a débouté Madame X... Anne- Marie épouse Y... de ses autres demandes ;
Condamne la société SUPERMARCHÉS MATCH NORD à payer à Madame X... Anne- Marie épouse Y... la somme de 2500 € (deux mille cinq cents euros) sur le fondement de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Condamne la société SUPERMARCHÉS MATCH NORD aux entiers dépens de première instance et d' appel.