ARRET DU
21 Décembre 2007 N 445 / 07ss
RG 06 / 01808
JUGT
Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LILLE
EN DATE DU
11 Mai 2006
COUR D' APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Sécurité Sociale-
APPELANT :
URSSAF LILLE
293 Avenue du Président Hoover
BP 20001
59032 LILLE CEDEX
Représentant : Monsieur Hervé X..., agent de l' organisme régulièrement mandaté
INTIME :
SARL MARIAGE IMAGES
101 rue Sainte Hélène
59530 SAINT ANDRE LES LILLE
Représentant : Me Gauthier VAN DEN SCHRIECK (avocat au barreau de LILLE)
DEBATS : à l' audience publique du 22 Novembre 2007
Tenue par B. MERICQ
magistrat chargé d' instruire l' affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s' y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l' issue des débats que l' arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : S. ROGALSKI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE
B. MERICQ
: PRESIDENT DE CHAMBRE
H. LIANCE
: CONSEILLER
A. COCHAUD- DOUTREUWE
: CONSEILLER
ARRET : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Décembre 2007,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l' article 450 du nouveau code de procédure civile, signé par B. MERICQ, Président et par A. LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA COUR,
FAITS ET PROCÉDURE /
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
1. La société (SARL) Mariage Images, dont le gérant est Michel Z..., a fait l' objet d' un contrôle, portant sur la période 1o avril 2000 / 31 décembre 2001, mis en oeuvre par l' Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d' Allocations Familiales (Urssaf) de Lille ; une lettre d' observations a été émise en date du 26 février 2003 (celle- ci suivie d' une réponse de la société Mariage Images en date du 24 mars 2003 puis d' un commentaire de l' Urssaf en date du 4 avril 2003), décidant d' un redressement portant sur plusieurs chefs- dont le point 1 relatif à la fixation forfaitaire de l' assiette au motif de l' absence de justificatifs comptables pour plusieurs écritures.
Une mise en demeure conforme a été notifiée en date du 27 juin 2003 pour le chiffre global de 23. 730, 00 € majorations comprises- le seul point 1 générant un redressement de 21. 457, 00 € en principal de cotisations.
La société Mariage Images a saisi la commission de recours amiable laquelle a, le 6 avril 2004, rejeté la réclamation et maintenu le redressement.
Par ailleurs, l' Urssaf de Lille a fait signifier à la société Mariage Images une contrainte par acte d' huissier du 21 août 2003.
2. Saisi par la société Mariage Images de deux recours visant la décision de la commission de recours amiable et la contrainte sur le point de redressement 1, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille a pour l' essentiel, selon jugement rendu le 11 mai 2006 auquel il est entièrement fait référence pour l' exposé des données de base du procès et des prétentions et moyens respectifs des parties :
- ordonné la jonction des deux instances,
- annulé le redressement en son point 1,
- validé la contrainte, mais seulement en ce qu' elle porte sur le point 2 du redressement.
L' Urssaf de Lille a relevé appel de ce jugement.
3. Par ses conclusions écrites et observations orales développées à l' audience à fins d' infirmation, l' Urssaf de Lille reprend devant la cour l' intégralité de ses moyens de défense tels que présentés en première instance aux fins de voir dire le redressement justifié ; elle sollicite en conséquence le rejet du recours, la décision de la commission de recours amiable devant être validée.
En substance, elle fait valoir que les justificatifs que Michel Z... a présentés pour établir la réalité de ses abandons de compte courant puis des remboursements opérés ne sont pas probants (ils ne respectent pas les règles applicables et / ou comportent des anomalies qui affectent leur crédibilité), et ce d' autant que lors du contrôle le gérant de la société Mariage Images avait expliqué qu' il ne pouvait, quant aux opérations litigieuses, produire des justificatifs qui n' existaient pas.
4. De son côté, par ses conclusions écrites et observations orales développées à l' audience à fins de confirmation, la société Mariage Images reprend devant la cour l' ensemble de ses moyens de contestation de première instance à propos du point de redressement en litige ; pour l' essentiel, elle critique la thèse de l' Urssaf de Lille en ce que les justificatifs qu' elle- même produit sont convaincants des opérations en jeu.
* * *
DISCUSSION :
1. Pour décider du redressement en son point 1, l' inspecteur du recouvrement Urssaf a visé une écriture comptable non justifiée passée le 12 avril 2000 au compte 605010 " sous- traitance TTC " : le recours formé par la société Mariage Images ne concerne pas cette écriture et le redressement y afférent.
Pour l' essentiel, l' inspecteur du recouvrement a visé deux écritures comptables qui figurent au compte 671800 " autres charges exceptionnelles ", s' agissant de deux versements opérés par l' entreprise en faveur du gérant Michel Z... à hauteur de 180. 000, 00 F (31 décembre 2000) et de 133. 500, 00 F (31 décembre 2001), les dites écritures présentées par l' entreprise comme correspondant à deux remboursements partiels de deux abandons de son compte courant que Michel Z... aurait consentis à la société Mariage Images en 1998 à hauteur de 330. 000, 00 F et en 1999 à hauteur de 430. 000, 00 F avec clause de retour à meilleure fortune ; faute de justificatifs probants, ces deux remboursements ont été réintégrés dans l' assiette des cotisations sociales par recours à la taxation forfaitaire.
2. Deux séries d' opérations- celles effectuées par Michel Z... au profit de sa société Mariage Images puis celles effectuées par la société Mariage Images au profit de son gérant Michel Z...- sont en cause :
* en premier lieu, Michel Z... dit avoir consenti, d' abord en 1998 puis à nouveau en 1999, un abandon du solde créditeur de son compte courant d' associé en faveur de la société Mariage Images qui rencontrait des difficultés de trésorerie, sauf clause de retour à meilleure fortune,
* en second lieu, la société Mariage Images dit avoir procédé par deux fois, en 2000 puis à nouveau en 2001, au remboursement partiel de la créance de Michel Z....
Ces opérations ne relevaient pas du régime des opérations courantes conclues entre un associé et la société à des conditions normales : d' une part, l' abandon de son compte courant par Michel Z..., avec risque pour lui de perte des sommes mises en jeu, ne correspondait pas à une simple avance sur compte courant, remboursable à vue et à tout moment, mais constituait un véritable droit pour la société Mariage Images ; d' autre part, le remboursement par la société Mariage Images supposait une appréciation du retour de l' entreprise " à meilleure fortune ".
Ces opérations devaient ainsi être autorisées, ou au moins approuvées a posteriori, par l' assemblée des porteurs de parts (application de l' article 50 de la loi du 24 juillet 1966 devenu l' article L. 223- 19 du code de commerce).
Pour démontrer cette approbation, la société Mariage Images invoque plusieurs procès- verbaux d' assemblées générales tenues par ses porteurs de parts (Michel Z... et Odile A...) et les délibérations alors prises qui ont d' abord accepté l' abandon par Michel Z... de son compte courant puis décidé du remboursement.
Cependant, la consultation des documents communiqués ne permet pas de dire que ces procès- verbaux auraient été, en conformité avec les prescriptions posées aux articles 10 et 11 du décret no 67- 236 du 23 mars 1967 (auxquels renvoie l' article 42 du même décret), établis dans un registre spécial coté et paraphé dans les règles ou sur des feuillets mobiles numérotés sans discontinuité ; si les conclusions déposées au nom de la société Mariage Images font état d' un " livre d' assemblées " qui aurait été conservé à tort au cabinet de son conseil avocat et communiqué avec retard à l' Urssaf, les photocopies du dossier ne révèlent pas des documents conformes avec les textes sus- cités.
Dans cette situation, les procès- verbaux en cause ne font pas foi des énonciations qu' ils contiennent : ils sont sans valeur probante.
3. La société Mariage Images communique par ailleurs plusieurs documents de comptabilité censés retracer fidèlement les opérations en jeu (d' une part les fonds abandonnés par Michel Z... et reçus par la société, d' autre part les remboursements).
Cependant, plusieurs anomalies sont à constater :
+ l' extrait du compte de résultat (ou de la " liasse fiscale ") de l' exercice 1999, qui aurait enregistré l' abandon par Michel Z... de la somme de 430 KF, mentionne explicitement que le document a été établi " le 28. 10. 02 ", ce qui correspond exactement à la date de confection de l' extrait du compte de résultat (ou de la " liasse fiscale ") de l' exercice 2001, qui aurait enregistré le remboursement à Michel Z... de la somme de 133. 50, 00 F ou 20. 352, 00 €,
+ autrement dit, les comptes 1999 et 2001 ont été établis en même temps,
+ l' extrait du compte de résultat 2000 fait ressortir soit un bénéfice (annexe 12) soit une perte (annexe 11) du même montant de 7. 279, 00 F,
+ le " retour à meilleur fortune " sur les exercices 2000 et 2001 est douteux en ce que l' entreprise a plutôt aggravé ses pertes.
Ces anomalies cumulées empêchent de considérer les documents comptables présentés comme fiables.
4. Les autres documents communiqués par la société Mariage Images- par exemple ceux relatifs au prêt personnel contracté par Michel Z...- sont insuffisants à corriger les anomalies ci- dessus révélées.
5. La société Mariage Images explique encore qu' elle a fait l' objet d' un contrôle fiscal pour les années 1998 et 1999 (avec extension jusqu' à l' année 2001 pour la TVA) et qu' elle n' a pas subi de redressement soit pour bilan absent ou non fiable soit pour écritures douteuses.
Cependant, cette circonstance est sans portée particulière- notamment parce que les périodes contrôlées par l' Urssaf et par le fisc ne sont pas identiques et que le contrôle fiscal a mis en évidence de multiples manquements d' ordre comptable ou fiscal.
6. En l' état des considérations ci- dessus développées, il y a lieu de faire droit à la thèse de l' Urssaf de Lille et, retenant que les deux écritures litigieuses de 2000 et de 2001 ne sont pas soutenues par des justificatifs utiles et fiables, d' analyser les deux versements en cause comme un complément de revenu servi par la société Mariage Images à Michel Z..., à ce titre à réintégrer dans l' assiette des cotisations sociales.
* * *
PAR CES MOTIFS :
- infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
ET, STATUANT À NOUVEAU :
- rejette le recours ; confirme la décision prise le 6 avril 2004 par la commission de recours amiable et valide la contrainte signifiée le 21 août 2003 ;
- condamne la société Mariage Images à payer à l' Urssaf de Lille la somme de 21. 457, 00 € (vingt et un mille quatre cent cinquante sept euros), sans préjudice des majorations de retard légalement encourues et outre coût de la signification de la contrainte.