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21/12/2007 | FRANCE | N°05/02543

France | France, Cour d'appel de Douai, 21 décembre 2007, 05/02543


ARRET DU
21 Décembre 2007

N 466 / 07

RG 05 / 02543

NO / SL



JUGT
Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LILLE
EN DATE DU
28 Juin 2005



COUR D' APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale



- Sécurité Sociale-

APPELANT :

Société ARNO DUNKERQUE
Route des Docks BP 2074 59376 DUNKERQUE
Représentant : Me Jean- Claude CARLIER (avocat au barreau de DUNKERQUE)

INTIME :

Mme Nicole Y...


...


Melle Angélique Y...


...


Melle Christelle

Y...


...


M. Olivier Y...


...


Représentant : Me GERONIMI de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES (avocats au barreau de PARIS)

CPAMTS DE DUNKERQUE
2 Rue de la Bâtellerie BP 4523 5938...

ARRET DU
21 Décembre 2007

N 466 / 07

RG 05 / 02543

NO / SL

JUGT
Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LILLE
EN DATE DU
28 Juin 2005

COUR D' APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale

- Sécurité Sociale-

APPELANT :

Société ARNO DUNKERQUE
Route des Docks BP 2074 59376 DUNKERQUE
Représentant : Me Jean- Claude CARLIER (avocat au barreau de DUNKERQUE)

INTIME :

Mme Nicole Y...

...

Melle Angélique Y...

...

Melle Christelle Y...

...

M. Olivier Y...

...

Représentant : Me GERONIMI de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES (avocats au barreau de PARIS)

CPAMTS DE DUNKERQUE
2 Rue de la Bâtellerie BP 4523 59386 DUNKERQUE CEDEX
Représentant : Mme B..., agent de la caisse régulièrement mandatée

DEBATS : à l' audience publique du 27 Novembre 2007

Tenue par N. OLIVIER et T. VERHEYDE
magistrats chargés d' instruire l' affaire qui ont entendu les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s' y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré, les parties ayant été avisées à l' issue des débats que l' arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : S. LOTTEGIER

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE

N. OLIVIER
: PRESIDENT DE CHAMBRE

R. DEBONNE
: CONSEILLER

T. VERHEYDE
: CONSEILLER

ARRET : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Décembre 2007,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l' article 450 du nouveau code de procédure civile, signé par N. OLIVIER, Président et par A. LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur Bernard Y..., né en 1946, a été salarié de la société ARNO DUNKERQUE du 15 juin 1970 au 15 janvier 1997 en qualité d' ajusteur tourneur.

Monsieur Bernard Y... a régularisé une déclaration de maladie professionnelle no30 le 9 janvier 1997 sur la base d' un certificat médical initial du 8 janvier 1997 diagnostiquant un carcénome avec métastases cérébrales.

Monsieur Bernard Y... est décédé à l' âge de 50 ans des suites de cette maladie.

La CPAM de Dunkerque a reconnu le caractère professionnel de la maladie ayant entraîné le décès et une rente de conjoint survivant a été accordée à la veuve, Madame Nicole Y... à compter du 12 décembre 2000.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 15 mars 2001, la veuve et les trois enfants de Monsieur Bernard Y... ont invoqué la faute inexcusable de l' employeur ; la tentative de conciliation n' a pas abouti.

Par courrier du 13 septembre 2002, les ayants- droit de Monsieur Bernard Y... ont saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Lille d' une action en reconnaissance de la faute inexcusable de la société ARNO DUNKERQUE.

Par jugement en date du 28 juin 2005, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Lille a :
- vu les dispositions de l' article R 441- 1 du code de la sécurité sociale
- déclaré inopposable à la société ARNO DUNKERQUE la décision de la CPAMTS de Dunkerque de reconnaissance de la maladie professionnelle dont Monsieur Bernard Y... est décédé ;
- vu les dispositions de l' article 40 de la Loi no98- 1194 du 23 décembre 1998 sur le financement de la Sécurité Sociale pour 1999 modifiée par l' article 49- 1 de la Loi no2001- 1246 du 21 décembre 2001
- déclaré recevable la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l' employeur introduite par les consorts Y... agissant en qualité d' ayants droit de Monsieur Bernard Y... ;
- dit que la maladie professionnelle dont Monsieur Bernard Y... est décédé est la conséquence d' une faute inexcusable de son employeur, la société ARNO DUNKERQUE ;
- dit que la réparation des préjudices sera prise en charge par la CPAMTS de Dunkerque, branche accidents du travail et maladies professionnelles, sans possibilité d' action récursoire contre l' employeur ;
- et vu les articles L452- 1 et suivants du code de la sécurité sociale
- fixé au maximum la majoration de la rente due au conjoint survivant ;
- fixé comme suit l' indemnisation du préjudice personnel de Monsieur Bernard Y... :
- pretium doloris : 70 000 €
- préjudice moral : 70 000 €
- préjudice d' agrément : 70 000 €
- fixé comme suit le préjudice moral des ayants droit de Monsieur Bernard Y... :
- Madame Nicole Y... : 70 000 €
- Madame Angélique Y... 20 000 €
- Monsieur Olivier Y... 20 000 €
- Madame Christelle Y... 20 000 €
- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement ;
- condamné la société ARNO DUNKERQUE à payer aux demandeurs la somme de 1 500 € au titre de l' article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- dit n' y avoir lieu à exécution provisoire ;
- rejeté toutes autres demandes.

Vu l' appel interjeté le 24 août 2005 par la société ARNO DUNKERQUE

Vu les conclusions visées par le greffier le 27 novembre 2007 et soutenues oralement à l' audience par lesquelles la société ARNO DUNKERQUE demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu' il lui a déclaré la reconnaissance de maladie professionnelle inopposable et en ce qu' il a dit que les consorts Y... bénéficiant de la réouverture de droit, aucun recours ne pouvait être exercé contre elle, de le réformer pour le surplus, de débouter les consorts Y... de toutes demandes en ce qu' elles sont dirigées contre elle et de dire qu' elle n' a commis aucune faute inexcusable, en exposant pour l' essentiel qu' elle a été créée en 1987 mais n' est qu' un ayant cause à titre particulier de la société A. R. N. O., que sur la faute inexcusable, elle revendique l' application de la définition classique de la faute inexcusable issue de l' arrêt VILLA du 15 juillet 1941, l' application rétroactive du revirement de jurisprudence devant être écartée comme contrevenant aux principes de sécurité juridique et du droit à un procès équitable, qu' elle n' est pas une société de construction navale mais seulement un réparateur, qu' elle a promu dès sa création en 1987 une politique volontariste de sécurité au travail, notamment illustrée par la présence dans son effectif d' un animateur sécurité, la mise en place de procédures spécifiques pour les travaux tant à bord des navires qu' à terre ou la mise à disposition d' équipements individuels, qu' elle n' a en aucun cas commis la moindre faute inexcusable, que les témoignages versés font état de travaux sur les freins de guindeau, que ces travaux ne sont plus exécutés au sein de l' entreprise depuis 1989, que ces témoignages ne sont pas pertinents pour établir une faute personnelle commise par elle entre 1987 et 1997.

Vu les conclusions visées par le greffier le 15 novembre 2007 et soutenues oralement à l' audience par lesquelles les consorts Y... demandent à la Cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et y ajoutant de condamner la société ARNO DUNKERQUE au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l' article 700 du nouveau code de procédure civile en exposant pour l' essentiel que le texte légal ne définissant pas la faute inexcusable, il est de l' office du juge d' en préciser la nature et puisque les parties n' ayant aucun droit acquis à se prévaloir d' une jurisprudence particulière, le changement de définition jurisprudentielle de la faute inexcusable ne porte pas atteinte ni au principe de non rétroactivité de la norme juridique ni au droit au procès équitable, que la société ARNO pour laquelle il a travaillé jusqu' en 1997 ne pouvait ignorer les risques liés à l' utilisation de l' amiante, que ce n' est qu' à partir de 1992 qu' elle s' est réellement préoccupée de l' exposition à l' inhalation de poussières d' amiante de ses salariés, que les investissements n' étaient ni suffisants ni efficaces puisqu' ils n' ont pas empêché la contamination de plusieurs salariés de l' entreprise.

Vu les conclusions visées par le greffier le 26 novembre 2007 et soutenues oralement à l' audience par lesquelles la CPAM de Dunkerque demande à la Cour de confirmer le jugement sur la reconnaissance de la faute inexcusable de l' employeur, de confirmer l' imputation au compte spécial des réparations dues aux victimes en raison de l' application de l' article 40 de la loi du 23 décembre 1998 et s' en remet à sa sagesse sur l' opposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de Monsieur Bernard Y....

SUR CE :

Attendu que les dispositions du jugement quant à la recevabilité de l' action des consorts Y... sur le fondement de l' article 40 de la loi du 23 décembre 1998 ne sont pas remises en cause, qu' elles seront confirmées ;

- sur la faute inexcusable :

Attendu qu' en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l' employeur est tenu envers ce dernier d' une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l' entreprise ;
que le manquement à cette obligation a le caractère d' une faute inexcusable au sens de l' article L 452- 1 du code de la sécurité sociale lorsque l' employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu' il n' a pas pris les mesures nécessaires pour l' en préserver ;

Attendu que si la loi ne définit pas la faute inexcusable et que c' est à la jurisprudence que cette définition est revenue, l' évolution jurisprudentielle relative à cette définition est d' application immédiate, que c' est donc au regard de la nouvelle définition résultant de l' arrêt rendu le 28- 02- 2002 par la Cour de Cassation qu' il convient d' examiner si les conditions de la faute inexcusable sont réunies en l' espèce ;

Attendu que les motifs par lesquels les premiers juges ont considéré que la maladie professionnelle dont était atteint Monsieur Bernard Y... et dont il est décédé est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur, la société ARNO sont pertinents, qu' ils seront adoptés, sauf à rectifier que durant sa période d' emploi au sein de cette société, soit de 1987, date de sa création, à 1997, le salarié intervenait principalement en atelier et de façon épisodique à bord de navires en réparation sur le port de Dunkerque, et non de Brest, comme indiqué par erreur dans le jugement ;
qu' il convient de préciser qu' indépendamment des travaux sur les freins de guindeau, qui auraient été confiés à une entreprise extérieure à compter de 1989, les diverses attestations versées par le salarié font état d' interventions de ce dernier sur des bagues d' usure de machines outils et de découpe de joints en amiante ;

qu' ainsi que l' ont relevé à juste titre les premiers juges, les pièces versées par l' employeur sont insuffisantes pour combattre les attestations versées aux débats par d' anciens salariés qui affirment n' avoir jamais été informés des dangers auxquels ils étaient exposés et indiquent avoir travaillé sans aucune protection collective ou individuelle spécifique à l' amiante ; qu' ainsi, la note de service simplement affichée précisant la nécessité pour le personnel exposé à l' amiante de porter un masque date de 1993 seulement, et les procédures de travaux et autres documents internes à l' entreprise, censés établir l' existence de mesures de protection efficaces, soit ne visent pas les travaux effectués par Monsieur Bernard Y..., soit datent de 1997, fin de la période d' exposition à l' amiante et à une époque où le salarié était déjà malade ;

que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Attendu que les dispositions du jugement sur la majoration de la rente servie au conjoint survivant et sur les réparations des préjudices ne sont pas remises en cause par les parties ; qu' elles seront confirmées ;

Attendu que n' est pas davantage discutée l' inopposabilité de la décision de prise en charge par la CPAM de Dunkerque de la maladie professionnelle de Monsieur Bernard Y... ; que le jugement sera également confirmé sur ce point tout en relevant que, de par l' application en la cause des dispositions de l' article 40 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée, la réparation des préjudices est prise en charge par la Branche accidents du travail et maladies professionnelles du Régime Général de sécurité sociale, sans possibilité d' action récursoire contre l' employeur ;

Attendu que la société ARNO succombant en son recours sera condamnée à payer aux consorts Y... la somme de 1 500 € au titre de l' article 700 du nouveau code de procédure civile pour les frais exposés par eux en cause d' appel ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société ARNO à payer aux consorts Y... la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre de l' article 700 du nouveau code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 05/02543
Date de la décision : 21/12/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-12-21;05.02543 ?
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