COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 04 / 12 / 2007
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No de MINUTE : / 07 No RG : 07 / 02370
Ordonnance du juge-commissaire rendue le 06 Avril 2007 par le Tribunal de Commerce de ROUBAIX TOURCOING
REF : VNDM / CP
APPELANTE
CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE FLANDRE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ayant son siège social 24 avenue Gustave Delory 59100 ROUBAIX
Représentée par la SELARL ERIC LAFORCE, avoués à la Cour Assistée de Me Stéphane BESSONNET, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉS
Monsieur Etienne Z... demeurant ...59240 DUNKERQUE
Représenté par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour Assisté de Me Benoit TITRAN, avocat au barreau de LILLE
Maître Jean-Lin B... ès qualités de représentant des créanciers de M. Z... Etienne demeurant ... 59100 ROUBAIX
Représenté par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour Assisté de Me Benoit TITRAN, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS à l'audience publique du 23 Octobre 2007, tenue par Madame NEVE DE MEVERGNIES magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 NCPC). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme J. DORGUIN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ Monsieur FOSSIER, Président de chambre Monsieur DELENEUVILLE, Conseiller Madame NEVE DE MEVERGNIES, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 Décembre 2007 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur FOSSIER, Président et Madame NOLIN, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
OBSERVATIONS ÉCRITES DU MINISTÈRE PUBLIC : Cf réquisitions du 11 septembre 2007
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Par jugement du 28 juin 1989, le Tribunal de Commerce de ROUBAIX TOURCOING a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la SNC ETS HENRI Z... ET FILS, mais aucune procédure n'a été ouverte contre les associés de la SNC dont Monsieur Henri Z.... Ce dernier étant décédé et laissant comme héritier Monsieur Etienne Z..., Maître Jean-Lin B... désigné comme liquidateur de la SNC a fait délivrer assignation à Monsieur Etienne Z... pour voir prononcer à son encontre une procédure de redressement judiciaire ; c'est ce qui a été fait par jugement de la même juridiction du 3 octobre 2002. Ce jugement a fait l'objet d'une publication au BODACC le 22 décembre 2002.
La SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE FLANDRE est créancière de Monsieur Etienne Z... et se prévaut de deux sûretés publiées, une hypothèque conventionnelle et une inscription de privilège de vendeur et de prêteur de deniers. Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 1er avril 2005 adressée à l'agence de DUNKERQUE de la CAISSE D'EPARGNE, Maître Jean-Lin B... a avisé ce créancier d'avoir à lui adresser sa déclaration de créance dans le délai de deux mois à compter de la publication au BODACC du jugement d'ouverture. La SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE FLANDRE a saisi le juge-commissaire d'une requête tendant à voir reconnaître que la forclusion lui est inopposable.
Par ordonnance du 6 avril 2007, le juge commissaire du Tribunal de Commerce de ROUBAIX TOURCOING désigné dans la procédure collective concernant Monsieur Etienne Z... a, notamment, rejeté la demande de relevé de forclusion de la SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE FLANDRE.
Par déclaration au Greffe en date du 17 avril 2007, la SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE FLANDRE a interjeté appel de cette décision. Dans ses dernières conclusions déposées le 8 octobre 2007, elle demande à la Cour de réformer l'ordonnance déférée, et de dire que la forclusion de sa déclaration de créance au passif de Monsieur Etienne Z... lui est inopposable, enfin de rejeter toutes demandes de Monsieur Etienne Z... et de Maître Jean-Lin B....
Elle fait valoir, à l'appui de sa position et de ses demandes, que la publication du jugement d'ouverture au BODACC est irrégulière car elle comporte une inexactitude dans l'adresse du représentant des créanciers (la commune indiquée étant TOURCOING alors que l'Etude de Maître Jean-Lin B... est située à ROUBAIX) de sorte que les créanciers se sont trouvés dans l'impossibilité de déclarer leurs créances. Dans ces conditions, le délai pour déclarer la créance n'a jamais pu courir.
Elle ajoute que l'avertissement que lui a adressé Maître Jean-Lin B... par lettre recommandée avec avis de réception est tout aussi irrégulier dans la mesure où :
-il a été adressé à son établissement de DUNKERQUE alors que son siège social est à ROUBAIX, et elle n'a jamais élu domicile à l'adresse de cet établissement ni dans les actes de prêt, ni dans les bordereaux d'inscription de privilèges,
-certaines mentions relatives aux articles de loi visés sont erronées ou incomplètes (articles qui n'existent pas, mention du décret du 25 décembre 1985 sans mention du numéro du décret, omission de mention de l'article 31-1 du décret 85-1388 du 27 décembre 1985),
-cet avis par lettre recommandée avec avis de réception n'a pas été adressé dans le délai de quinze jours de l'ouverture de la procédure contrairement à ce qu'édicte l'article 66 du décret du 27 décembre 1985, et il l'a été alors que le délai pour déclarer la créance de deux mois à compter de la publication au BODACC était, quant à lui, largement expiré.
Elle demande encore condamnation de Monsieur Etienne Z... à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Monsieur Etienne Z... et Maître Jean-Lin B... ès qualités, dans leurs dernières conclusions déposées le 8 octobre 2007, demandent la confirmation de l'ordonnance déférée sauf à en corriger l'erreur en remplaçant, dans le dispositif, le terme " relevé " par le terme " inopposabilité ". Ils demandent encore qu'il soit constaté que la SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE FLANDRE est forclose pour déclarer sa créance, qu'en conséquence cette dernière est définitivement éteinte et enfin qu'il soit " donné acte au concluant qu'en conséquence de la nullité des paiements effectués depuis le 3 octobre 2002, la Caisse d'Epargne devra rembourser la somme totale de 166 606,65 € indûment perçue depuis cette date ".
Ils soutiennent, à cette fin, que :
-dans le cas d'un créancier devant bénéficier d'un avertissement personnel, les conditions de la publication au BODACC sont sans incidence, et le délai pour déclarer est de deux mois à compter de l'avis individuel,
-les caractéristiques essentielles de l'avis individuel (forme recommandée avec avis de réception et indication claire des délais et formalités à observer pour la déclaration des créances) ont été respectées en l'espèce, les autres irrégularités invoquées étant, là aussi, sans incidence,
-la SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE FLANDRE a élu domicile à son agence de DUNKERQUE, ainsi qu'il résulte d'une attestation en date du 17 mai 2005 et du bordereau d'inscription produit par ce créancier,
-bien qu'elle reconnaisse avoir finalement reçu l'avis en cause, la SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE FLANDRE n'a jamais, concrètement, procédé à la déclaration de sa créance à Maître Jean-Lin B... ès qualités.
Ils sollicitent encore condamnation de la SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE FLANDRE à leur payer à chacun la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le dossier de l'affaire a été transmis au Ministère Public selon visa au dossier en date du 11 septembre 2007 ; il n'a pas conclu sur les mérites de l'appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION L'article L. 621-43 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 sur la sauvegarde des entreprises applicable en la cause édicte, en son alinéa 1er, que " à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au représentant des créanciers. Les créanciers titulaires d'une sûreté ayant fait l'objet d'une publication un d'un crédit-bail publié sont avertis personnellement et, s'il y a lieu, à domicile élu ".
L'article L. 621-46 du même code prévoit que " A défaut de déclaration dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion (...). La forclusion n'est pas opposable aux créanciers mentionnés dans la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 621-43 dès lors qu'ils n'ont pas été avisés personnellement ".
En premier lieu, il résulte des pièces versées au dossier et notamment de la requête de la SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE FLANDRE adressée au juge-commissaire ayant donné lieu à l'ordonnance déférée, que la demande de la SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE FLANDRE tendait non pas à se voir relever de la forclusion, c'est-à-dire le premier cas prévu par l'article L. 621-46, mais à voir reconnaître que cette forclusion lui est inopposable, c'est-à-dire le second cas, ce contrairement à ce qu'a mentionné le premier juge sur ce point dans son dispositif.
A l'appui de cette demande, la SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE FLANDRE se prévaut tout d'abord d'une irrégularité de l'avis de publication du jugement d'ouverture du redressement judiciaire au BODACC en ce que l'indication de la commune mentionnée dans l'adresse de Maître Jean-Lin B..., représentant des créanciers à qui les créanciers doivent adresser leurs déclarations, est erronée ; en effet, l'Etude de Maître Jean-Lin B... est située à ROUBAIX alors que l'avis publié mentionne comme commune TOURCOING ; la réalité de cette inexactitude n'est pas contestable ; pour autant, elle n'est pas de nature, par elle-même, à entraîner une inopposabilité de la forclusion ; en effet, dans le cas invoqué par la SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE FLANDRE et selon le texte qui le gouverne (second alinéa de l'article L. 621-46) seul le défaut d'avis personnel au créancier, et non pas les possibles irrégularités de la publication au BODACC du jugement d'ouverture, a pour conséquence l'inopposabilité de la forclusion à ce créancier. Le moyen ainsi soulevé ne peut donc qu'être écarté.
En second lieu, la SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE FLANDRE fait valoir que l'avis individuel lui a été adressé tardivement par le représentant des créanciers. Il est exact, sur ce point, que l'avis individuel est en date du 1er avril 2005 alors que le jugement d'ouverture du redressement judiciaire est en date du 3 octobre 2002 et a été publié au BODACC le 22 décembre 2002 ; dès lors, le délai de quinze jours après le prononcé du jugement prévu par l'article 66 alinéa 1er du décret du 27 décembre 1985 était largement expiré. Cependant, le défaut de respect de ce délai n'est susceptible d'entraîner aucune sanction, dans la mesure où, en un tel cas, le délai de deux mois pour déclarer la créance prévu par le même article 66 court à compter de la réception de l'avertissement et non pas de la publication du jugement, de sorte que les droits du créancier n'apparaissent pas atteints puisque le délai pour déclarer la créance n'est, en ce qui le concerne personnellement, pas expiré. Là encore, cet argument doit donc être écarté.
En troisième lieu, la SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE FLANDRE fait grief à Maître Jean-Lin B... de lui avoir adressé l'avis individuel à l'adresse d'une de ses agences à DUNKERQUE au lieu de l'adresse de son siège social. Maître Jean-Lin B... répond que la SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE FLANDRE aurait élu domicile à l'adresse de cette agence et prétend en justifier par la production d'une attestation de ce créancier en date du 17 mai 2005 (sa pièce no 1), ou encore par bordereau d'inscription d'hypothèque conventionnelle du 13 juin 2000 (pièce no 2 de la Banque). Or, sur le premier document, l'adresse de la SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE FLANDRE au 39 place de la République à DUNKERQUE figure uniquement sur l'en-tête du papier, alors qu'au bas du même document, il est mentionné " adresse de correspondance : 24 avenue Gustave Delory, Boîte Postale 459 59058 ROUBAIX CEDEX 1 " ce qui correspond strictement à l'adresse du siège social de cette société, ainsi qu'il est rappelé au bas du même document dans les mentions obligatoires. Il n'existe donc dans cette pièce aucun élément pouvant être considéré comme illustrant une intention de la Banque de faire adresser son courrier ou les actes relatifs à cette créance à une autre adresse qu'à celle de son siège social. De la même manière, l'examen des deux actes de prêt et des bordereaux d'inscription des privilèges relatifs à ces deux créances ne révèle aucun élément de cette nature ; ainsi, dans l'acte de prêt du 13 juin 2000 l'adresse mentionnée pour la SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE FLANDRE est celle de son siège social à ROUBAIX et il n'existe aucune élection de domicile dans cet acte, et si il y a une élection de domicile à DUNKERQUE dans le bordereau d'inscription d'hypothèque, c'est en l'étude d'une SCP de Notaires située 26 place Jean Bart à DUNKERQUE, et non pas à l'agence de la Banque située 39 place de la République dans la même ville ; pour le prêt du 18 août 2000, l'adresse mentionnée pour la SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE FLANDRE est, là encore celle de son siège social à ROUBAIX, et il n'existe pas de mention d'élection de domicile et sur le bordereau d'inscription de privilège, là encore figure l'adresse du siège social de la Banque et, à titre de domicile élu, celle d'une étude de Notaires à LILLE. Il n'est donc en rien rapporté la preuve d'une élection de domicile, par la SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE FLANDRE, pour l'un ou l'autre prêt, en son agence de DUNKERQUE. Dans ces conditions, il doit être considéré que la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE FLANDRE n'a pas été valablement personnellement avisée par Maître Jean-Lin B... ès qualité conformément aux dispositions de la seconde phrase de l'alinéa 1er de l'article L. 621-43 du code de commerce. A défaut de cet avis et en application de l'article L. 621-46 du même code déjà cité, la forclusion pour déclarer sa créance n'est pas opposable à la SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE FLANDRE.
L'ordonnance déférée sera donc infirmée dans sa totalité.
Aucune considération d'équité ne conduit à faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en faveur de la SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE FLANDRE, dans la mesure où sa demande ainsi fondée est dirigée contre Monsieur Etienne Z... personnellement.
Monsieur Etienne Z... et Maître Jean-Lin B..., succombant en leur position, devront supporter les dépens de première instance et d'appel en application de l'article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE FLANDRE n'étant ni la partie perdante, ni la partie condamnée aux dépens, elle ne peut être tenue de payer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
INFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée.
Statuant à nouveau :
DIT que la forclusion pour déclarer sa créance au passif de Monsieur Etienne Z... est inopposable à la SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE FLANDRE.
DIT qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de l'une ou l'autre des parties.
REJETTE toutes les autres demandes.
CONDAMNE Monsieur Etienne Z... et Maître Jean-Lin B... ès qualité de représentant des créanciers de Monsieur Etienne Z... aux dépens de première instance et d'appel, avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct au profit de la SELARL Eric LAFORCE, avoué, en application des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.