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30/10/2007 | FRANCE | N°07/600

France | France, Cour d'appel de Douai, Ct0039, 30 octobre 2007, 07/600


CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 30/10/2007
** *

No de MINUTE : /07 No RG : 07/00600

Jugement (No 2000-00930)rendu le 30 Novembre 2000par le Tribunal de Commerce de ROUBAIX TOURCOING

REF : VNDM/CP
APPELANTES
S.A.R.L. NORD OUEST EVASIONprise en la personne de ses représentants légauxayant son siège social 18 Boulevard de Valmy 59650 VILLENEUVE D'ASCQ

Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la CourAssistée de Me Eric MALEXIEUX, avocat au barreau de ROUEN

Mutuelle SMENO prise en la personne de ses représentants légauxayant son sièg

e social 45 Boulevard de la Liberté 59000 LILLE

Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à l...

CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 30/10/2007
** *

No de MINUTE : /07 No RG : 07/00600

Jugement (No 2000-00930)rendu le 30 Novembre 2000par le Tribunal de Commerce de ROUBAIX TOURCOING

REF : VNDM/CP
APPELANTES
S.A.R.L. NORD OUEST EVASIONprise en la personne de ses représentants légauxayant son siège social 18 Boulevard de Valmy 59650 VILLENEUVE D'ASCQ

Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la CourAssistée de Me Eric MALEXIEUX, avocat au barreau de ROUEN

Mutuelle SMENO prise en la personne de ses représentants légauxayant son siège social 45 Boulevard de la Liberté 59000 LILLE

Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la CourAssistée de Me Eric MALEXIEUX, avocat au barreau de ROUEN

INTIMÉE
S.A.R.L. MTT prise en la personne de ses représentants légauxayant son siège social 105 rue du Menil 92600 ASNIERES SUR SEINE

Représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la CourAssistée de Me Frédéric NAIM, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS à l'audience publique du 18 Septembre 2007, tenue par Madame NEVE DE MEVERGNIES magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 NCPC). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme P. PAUCHET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉMonsieur FOSSIER, Président de chambreMadame NEVE DE MEVERGNIES, ConseillerMonsieur CAGNARD, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 Octobre 2007 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur FOSSIER, Président et Mme J. DORGUIN, greffier , présent lors qu'il a été rendu, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
*****
La SARL NORD OUEST ÉVASION -autrement appelée "NOE"- a pour activité, sous l'enseigne "SMENO VOYAGES", la commercialisation de voyages auprès d'étudiants, notamment ceux qui sont affiliés à la Mutuelle SMENO. Elle a été amenée à proposer aux étudiants de cette mutuelle des séjours aux sports d'hiver pour les vacances 1998/1999. Dans ce cadre, elle a demandé à la société DONYA VOYAGES exploitant sous l'enseigne "MAXIMUM" dirigée par Monsieur Zain Dine B... l'organisation de séjours aux sports d'hiver pour 948 participants dans les stations de VAL THORENS, L'ALPE D'HUEZ et TIGNES pour les semaines du 6 au 13 février 1999, du 13 au 20 février 1999, enfin du 10 au 17 avril 1999. A la fin de l'année 1998, le dirigeant de la SARL NORD OUEST ÉVASION a été informé par un représentant de son cocontractant que la prestation sera exécutée en fait par une société MTT ; il découvrira plus tard qu'en réalité la société DONYA VOYAGES s'était vue retirer sa licence d'agent de voyage le 4 mai 1998, et avait fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du 23 mars 1998 rétracté postérieurement sur tierce opposition, enfin d'une dissolution amiable le 10 novembre 1998.
Par fax du 6 janvier 1999, Monsieur C... dirigeant la SARL NORD OUEST ÉVASION a annulé 279 séjours pour la semaine du 6 au 13 février 1999. Le 12 février 1999, soit la veille du départ des étudiants pour la seconde période, Monsieur Zain Dine B... dirigeant de la SARL Groupe MTT s'est présenté dans les locaux de SARL NORD OUEST ÉVASION où il a rencontré Monsieur Olivier D... dont il a obtenu la signature pour sept conventions d'organisation de séjours dont trois pour la semaine du 6 au 13 février qui était sur le point de se terminer, trois pour la semaine suivante, enfin une pour les vacances d'avril 1999.
Sur opposition à une ordonnance d'injonction de payer, le Tribunal de Commerce de ROUBAIX TOURCOING a, par jugement du 30 novembre 2006 condamné solidairement la SARL NORD OUEST ÉVASION et la société mutuelle SMENO à payer à la SARL Groupe MTT la somme principale de 65 905,69 € pour le prix des voyages, avec exécution provisoire, ainsi qu'une indemnité en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par déclaration au Greffe en date du 31 janvier 2007, la SARL NORD OUEST EVASION et la société Mutuelle SMENO ont interjeté appel de cette décision. Par ordonnance de référé du Délégué du Premier Président du 8 mars 2007, elles ont été autorisées à consigner le montant des condamnations assorties de l'exécution provisoire et l'affaire a été fixée pour plaider à bref délai. Dans leurs dernières conclusions déposées le 31 août 2007, elles demandent l'annulation du jugement déféré pour les dispositions qui concernent la Société Mutuelle SMENO, en faisant valoir que cette dernière n'était pas partie à l'instance comme n'étant pas intervenue volontairement et n'ayant pas fait l'objet d'un appel en cause, et qu'elle n'avait donc pas pu faire valoir ses
observations sur une éventuelle demande. En cas d'évocation, elles demandent qu'il soit dit qu'il n'y a pas lieu à condamnation de cette société.
Sur l'appel de la SARL NORD OUEST ÉVASION, elles demandent que soit prononcée l'annulation des sept conventions signées le 12 février 1999 en invoquant la contrainte dont aurait fait preuve le dirigeant de la SARL Groupe MTT, et subsidiairement qu'il soit dit que ces conventions ne sont pas opposables à la SARL NORD OUEST ÉVASION dans la mesure où elles n'ont pas été signées par son dirigeant ni par une personne ayant qualité pour la représenter. Encore plus subsidiairement, elles discutent les postes de créance, demandent que la clause pénale en cas d'annulation des commandes soit réduite, et indiquent que la société NORD OUEST EVASION se reconnaît débitrice de la somme de 105 183,72 € pour le prix des séjours effectivement organisés. Elles concluent enfin au rejet des demandes reconventionnelles de la SARL Groupe MTT.
Elles sollicitent, dès lors, condamnation de la SARL Groupe MTT à payer à la société NORD OUEST EVASION la somme de 92 828,04 € après compensation pour tenir compte des acomptes versés, outre celle de 18 783,63 € à titre de dommages-intérêts toutes causes confondues, enfin celle de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La SARL Groupe MTT, dans ses dernières conclusions déposées le 11 juin 2007, demande la confirmation en son principe du jugement déféré sauf à porter la condamnation principale à la somme de 67 380 € au lieu de celle de 65 905,69 € allouée en première instance, sauf à y ajouter les intérêts légaux sur cette somme à compter du 2 mars 1999 date de la mise en demeure.
Elle fait valoir, sur les moyens élevés par les appelantes :
- que la Société Mutuelle SMENO est bien intervenue volontairement en première instance et que, dès lors, le jugement a été rendu régulièrement à son encontre,
- qu'aucun vice du consentement n'est établi, la plainte pénale pour escroquerie ayant abouti à un non-lieu,
- que Monsieur D... avait, à son égard, la qualité de mandataire apparent de la SARL NORD OUEST ÉVASION de sorte qu'il a valablement engagé cette dernière.
Elle sollicite encore condamnation de la SARL NORD OUEST ÉVASION à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral et matériel qu'elle a subi en n'étant pas réglée par son cocontractant tout en étant dans l'obligation de faire l'avance de dépenses vis à vis de ses fournisseurs, celle de 3 000 € à titre d'amende pour recours abusif, enfin celle de 5 000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande dirigée contre la société Mutuelle SMENO
La requête en injonction de payer, sur l'opposition à laquelle le Tribunal de Commerce a statué par le jugement déféré, avait été dirigée par la SARL GROUPE MTT contre la SARL NORD OUEST EVASION. Sur opposition à cette ordonnance, le Tribunal de Commerce de ROUBAIX TOURCOING a mentionné, dans le jugement déféré en date du 30 novembre 2006 la société mutuelle SMENO comme "demanderesse à l'opposition sur intervention forcée" ; la réalité de cette intervention forcée est contestée par la société Mutuelle SMENO dans le cadre de la présente instance, et elle n'est pas établie par les pièces produites, la société MTT versant au dossier uniquement des conclusions qu'elle avait prises contre la Mutuelle SMENO devant le Tribunal intitulées "conclusions récapitulatives et en intervention forcée" ; or, en application des articles 327 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile, l'intervention forcée, qui consiste à mettre en cause un tiers qui n'est, par définition, pas partie à une instance, ne peut être faite que par les mêmes voies que l'introduction de l'instance elle-même c'est-à-dire par acte d'huissier. Il n'est en rien allégué ni a fortiori justifié de la délivrance d'un tel acte en l'espèce.
Il n'est pas davantage établi que, ainsi que le soutient la SARL GROUPE MTT dans ses conclusions devant cette Cour, la société mutuelle SMENO serait intervenue volontairement à l'instance devant le premier juge -ce qui serait d'ailleurs contraire aux mentions du jugement qui parlent d'une intervention forcée- ; ainsi il n'est versé au dossier aucun exemplaire de conclusions devant le Tribunal prises par la société mutuelle SMENO et qui auraient signifié une intervention volontaire expresse ou tacite de cette dernière qui le conteste.
Dans ces conditions, il ne peut qu'être constaté que la société mutuelle SMENO n'était pas partie à l'instance devant le Tribunal de Commerce de ROUBAIX TOURCOING ayant conduit au jugement déféré, et que, dès lors, cette décision ne peut qu'être annulée en ses dispositions qui ont été prises à l'encontre de cette personne.
Sur le fond
Les demandes de paiement de la SARL GROUPE MTT reposent sur l'exécution des conventions de voyage signées le 12 février 1999, dont la SARL NORD OUEST EVASION invoque la nullité pour vice du consentement. Il convient en conséquence d'examiner ce moyen en premier lieu.
# sur le vice du consentement
La SARL NORD OUEST EVASION invoque tout d'abord le dol, mais ses explications et les éléments qu'elle fournit sur ce point concernent tous l'absence d'information, constitutive selon elle de réticence dolosive, de la société DONYA -qui n'est pas partie à la présente instance- quant au retrait de sa licence d'agent de voyage pour la conclusion des contrats du 31 août 1998 ; or la validité de ces contrats n'est pas en cause et serait en toute hypothèse sans incidence sur la conclusion des contrats postérieurs. Le moyen ainsi soulevé ne peut donc qu'être écarté.
S'agissant de la violence, il ressort suffisamment des explications concordantes des parties et des procès-verbaux d'audition de Monsieur Olivier D... et de Monsieur Zain Dine B... par le juge d'instruction chargé d'instruire la plainte avec constitution de partie civile de la SARL NORD OUEST EVASION (pièces no 20 et 21 de l'appelante), que la signature des sept conventions de voyage en litige s'est déroulée de la manière suivante :
- le vendredi 12 février 1999 au soir, Monsieur B... qui dirigeait la SARL GROUPE MTT s'est présenté dans les locaux de la SARL NORD OUEST EVASION ; il voulait rencontrer Monsieur Dominique C... cogérant, mais ce dernier était en congé et c'est Monsieur Olivier D... qui l'a reçu,
- cette rencontre s'est située, dans le temps, juste à l'achèvement d'une semaine de congés scolaires durant laquelle s'étaient déroulés des séjours aux sports d'hiver organisés pour des étudiants par la SARL GROUPE MTT pour le compte de la SARL NORD OUEST EVASION, et au moment où la seconde semaine de séjour de cette même période était sur le point de débuter, les étudiants participants étant même alors, à ce moment précis, regroupés à PARIS dans l'attente du car qui devait les amener à bon port,
- Monsieur Zain Dine B... a utilisé le caractère crucial de ce moment pour faire pression sur Monsieur Olivier D... et menacer, à défaut de signature des contrats, de ne pas exécuter la prestation attendue de manière imminente c'est-à-dire le départ des étudiants pour leur lieu de vacances.
En effet, Monsieur D... a déclaré précisément au Magistrat instructeur (milieu de la seconde page de son audition (pièce 20 du présent dossier et D59 du dossier d'instruction) : "(M. B...) m'a expliqué que 2 ou 300 étudiants se trouvaient à cet instant à quelques dizaines de mètres de nos bureaux (parking du Champ de Mars), qu'ils devaient embarquer dans des bus pour prendre la direction des stations de ski et que comme les contrats n'étaient toujours pas signés, il allait bloquer les départs". Monsieur B... n'a pas contesté cette description des faits et a précisément déclaré quant à lui au même Magistrat (au bas de la troisième page de son audition, pièce 21du présent dossier et D35 du dossier d'instruction), dans des termes certes plus mesurés mais qui révèlent suffisamment l'exigence posée (la signature des contrats) et la menace utilisée (la non-exécution du départ imminent) : "Il est exact que je me suis un peu énervé devant le refus de mon interlocuteur à signer les contrats, au prétexte que Monsieur C... n'était pas là. Je lui ai alors indiqué que si la situation n'était pas régularisée, je serais contraint d'arrêter l'exécution des engagements que j'avais pris." La réalité de cette menace est encore étayée par l'existence d'un courrier de Monsieur Zain Dine B... au nom de la SARL GROUPE MTT (pièce no 24 de l'appelante) portant pour titre en caractères majuscules "URGENT ANNULATION GROUPES" qui n'est pas daté mais qui, au vu de son contenu, a été nécessairement écrit après le 6 février 1999 et avant le 11 février 1999 (il y est en effet fait mention d'un délai expiré à la première date, et d'un nouveau et ultime délai donné à la seconde) ; cette lettre contient l'exigence de la signature des contrats, -outre celle du paiement d'une somme de l'ordre de 300 000 F qui présentée comme due par NOE pour des prestations exécutées ou commandées- et la menace en toutes lettres de l'annulation des "réservation groupe" ; certes, on ignore si cette lettre a bien été adressée, à quelle date, et qui a pu en prendre connaissance mais son contenu, le fait-même qu'elle ait été écrite et signée par Monsieur Zain Dine B..., révèlent l'état d'esprit et l'intention de ce dernier, et illustrent parfaitement la réalité et le sérieux de la menace qu'il a fait peser sur son interlocuteur pour obtenir ce qu'il voulait.
Il est tout aussi établi que Monsieur D... a, du fait de cette menace, ressenti la crainte d'un danger qui l'a convaincu d'obtempérer, emportant par là-même son consentement alors privé de toute autonomie. Monsieur D... s'en est ainsi expliqué devant le juge d'instruction dans les termes suivants, sa réaction apparaissant bien avoir été celle d'une personne normalement raisonnable placée dans une telle situation de contrainte : "Je n'avais pas trop le choix car je ne me voyais pas expliquer à plusieurs centaines d'étudiants qu'ils n'allaient pas partir" ; ainsi, à défaut de céder à la contrainte, il s'exposait à devoir gérer une situation de crise dans des circonstances où, seul et sans réel pouvoir, il pouvait craindre pour l'intégrité de sa personne face aux clients nécessairement mécontents.
Le moyen selon lequel les faits n'ont donné lieu à aucune poursuite pénale, en vertu de l'arrêt de cette Cour en sa Chambre de l'Instruction du 5 novembre 2004 confirmant une ordonnance de non lieu, est inopérant quant à la caractérisation du vice du consentement civil, l'extorsion de fonds ayant été écartée pour défaut de l'élément intentionnel de ce délit alors que les caractères de ce dernier ne se retrouvent pas en tant que tels dans le vice résultant de la violence en matière civile. En effet, il suffit pour retenir ce dernier d'établir, et tel est bien le cas en l'espèce, l'existence d'une contrainte morale constituée d'une menace illégitime (celle de ne pas exécuter les prestations convenues) faisant naître une crainte (celle d'affronter les clients mécontents) qui a provoqué le consentement et la signature des conventions litigieuses du 12 février 1999.
La SARL GROUPE MTT est ensuite mal fondée à se prévaloir de ce que les contrats en cause n'auraient été que "la continuation des précédents" ce dont, selon elle, Monsieur D... avait conscience parce qu'il aurait été informé "que son supérieur Monsieur C... connaissait et acceptait le transfert de l'exécution des contrats" ; en effet, en toute hypothèse, il y a eu un changement dans la personne du cocontractant prestataire de service, en outre la SARL GROUPE MTT a, par la contrainte opérée par Monsieur Zain Dine B..., obtenu l'approbation, en annexe au contrat, de conditions générales de vente non prévues dans les conventions initiales, enfin s'agissant du nombre de séjours objets des contrats, il ressort des pièces du dossier que, à la date du 12 février 1999, le nombre de séjours pour la première et la seconde semaine de février alors vendus ne dépassait pas 200 et était donc de l'ordre de la moitié moindre de celui objet des contrats ; dès lors il est aisé de considérer que le représentant légal de la SARL NORD OUEST EVASION n'aurait pas, dans des conditions normales exemptes de contrainte, adhéré au contrat dans de telles conditions et à tout le moins aurait-il été à même d'en discuter les termes d'égal à égal.
Enfin, la SARL GROUPE MTT se prévaut d'une adhésion de la société NOE au principe des nouveaux contrats en ces termes (en haut de la page 9 de ses conclusions) : "lors du transfert des contrats (...) NOE n'a pas marqué son refus alors qu'elle en était informée" ; or, pour constituer un obstacle à l'action en nullité fondée sur la violence, l'approbation du cocontractant doit s'être manifestée postérieurement aux faits allégués de violence, en application de l'article 1115 du Code Civil. En l'espèce, la SARL GROUPE MTT ne justifie d'aucun acte précis d'approbation émanant d'un dirigeant de la société NOE et qui soit postérieur au 12 février 1999 ; en effet, la copie d'un chèque versée au dossier, libellé à l'ordre de "MTT" (sa pièce no 13) révèle que ce chèque est en date du 8 janvier 1999, et donc qu'il a été ainsi établi antérieurement aux faits de violence ; par ailleurs si Monsieur C... a, de fait, accepté sans réagir l'exécution de l'organisation des voyages par la société MTT, cette attitude apparaît bien davantage résulter de la nécessité d'obtenir le service attendu notamment par ses clients d'une autre personne que la société DONYA dès lors que cette dernière n'avait plus d'existence en 1999, que d'une acceptation tacite des contrats litigieux dans la totalité de leurs conditions (notamment celles tenant au nombre de séjours et à la présence de clauses générales qui n'étaient pas prévues initialement). Il ne saurait donc être retiré, de cette attitude, le signe d'une approbation tacite pouvant constituer un obstacle à l'action fondée sur le vice du consentement.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de prononcer la nullité des sept contrats signés le 12 février 1999.
# sur les conséquences quant au montant des sommes dues
Les contrats étant annulés, la SARL GROUPE MTT ne peut en invoquer les clauses à l'appui de sa demande pécuniaire, et le compte à établir entre les parties ne peut être fondée que sur le principe d'un enrichissement sans cause, les nouvelles conventions étant réputées n'avoir jamais été passées, et les conventions initiales signées le 31 août 1998 avec la SARL DONYA sous l'enseigne "MAXIMUM VOYAGES" ne pouvant davantage servir de fondement juridique à une demande financière puisque la SARL GROUPE MTT n'était pas partie à ces conventions établies alors qu'elle n'avait pas encore d'existence légale et qu'il n'est allégué ni a fortiori démontré que soient réunis les conditions nécessaires à une cession de créance ou encore à une novation par substitution de créancier.
Le régime de l'enrichissement sans cause repose sur la réparation de l'appauvrissement résultant, pour la SARL GROUPE MTT, de la réalisation de prestations d'organisation de voyages sans contrepartie. Dans ces conditions, l'offre faite par la SARL NORD OUEST EVASION de payer le nombre de séjours effectivement vendus et exécutés, au prix du tarif convenu entre les parties qui est un élément d'appréciation du prix de revient de chaque séjour pour la société MTT, peut être considérée comme satisfactoire. Le compte qui en résulte, détaillé aux pages 12 et 13 des conclusions de la société NOE, est justifié par les pièces produites et n'a fait l'objet d'aucune contestation de la SARL GROUPE MTT ; il y a donc lieu de l'entériner. Il en résulte que la SARL NORD OUEST EVASION devait, pour la totalité des séjours des mois de février et avril 1999, la somme totale de 689 960 F et qu'elle a payé en tout celle de 1 298 872 F ; cela conduit à un trop-versé en sa faveur à hauteur de 608 912 F soit 92 828,04 €, somme au paiement de laquelle la SARL GROUPE MTT sera donc condamnée. Dans ces conditions, la SARL GROUPE MTT est mal fondée en ses demandes pécuniaires qui doivent donc être rejetées.
Pour le surplus, la SARL NORD OUEST EVASION établit que les prestations de la SARL GROUPE MTT n'ont pas été réalisées conformément aux prescriptions contractuelles et aux règles de l'art ; en effet, elle verse au dossier, en pièce numérotée 23, 45 courriers de réclamations d'étudiants mécontents qui font état de multiples et graves mauvaises exécutions pour les séjours en cause (février et avril 1999) telles que l'absence de chauffage dans le car et l'absence d'un confort minimum alors qu'il était annoncé un "car grand tourisme", des repas initialement compris et payés mais en fait non fournis, du matériel de ski de location non fourni ou en mauvais état alors que le prix en avait été payé initialement, certains appartements de location sales et dont les meubles étaient en mauvais état (chaises cassées), un changement de destination pour le séjour quatre heures avant le départ, d'interminables délais d'attente successifs au long du voyage à cause notamment de l'inadéquation des places de car au nombre de passagers et de l'absence d'un responsable, le forfait "Trois Vallées" annoncé comme compris et qui a dû être payé en sus, etc... La SARL GROUPE MTT, qui s'est expliquée sur ces différents points dans un courrier détaillé en date du 15 septembre 1999 (sa pièce no 11 et non pas 13 comme indiqué par erreur dans ses conclusions), reconnaît aux termes de ce courrier devoir à la société NOE une indemnisation de l'ordre de 9 500 F à ce titre ; le préjudice qui en est résulté pour cette dernière, tant financièrement car elle a dû faire face à des demandes de dédommagement, qu'en terme d'image de marque, est indéniable. Compte-tenu de l'ensemble de ces éléments et des justificatifs produits, il y a lieu d'allouer en réparation à la SARL NOE une somme de 3 000 € à titre de dommages-intérêts toutes causes confondues.
La SARL GROUPE MTT étant mal fondée en sa demande en paiement d'un solde pour le prix des voyages, sa réclamation à titre d'indemnité pour le retard dans le paiement doit suivre le même sort et sera donc rejetée. Pour les mêmes motifs, aucune considération d'équité ne conduit à faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en sa faveur. Enfin, elle est irrecevable à demander la condamnation de son adversaire au paiement d'une amende cette faculté relevant de la seule décision de la juridiction saisie, et en toute hypothèse, le recours de la société NOE ne présente aucun caractère abusif.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SARL NORD OUEST EVASION tout ou partie des frais exposés dans le cadre de la présente et de l'instance devant le premier juge et non compris dans les dépens ; il y a donc lieu de lui allouer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La SARL GROUPE MTT, succombant en sa position, devra supporter les dépens de première instance et d'appel en application de l'article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile.PAR CES MOTIFSLa Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

PRONONCE la nullité du jugement déféré en ses dispositions concernant la société Mutuelle SMENO.
L'INFIRME en ses autres dispositions.
Statuant à nouveau :
PRONONCE la nullité des sept conventions de voyages en date du 12 février 1999.
CONDAMNE la SARL GROUPE MTT à payer à la SARL NORD OUEST EVASION les sommes de :
- 92 828,04 € en principal à titre de remboursement du trop-payé sur les prestations de séjours de vacances pour les mois de février et d'avril 1999,
- 3 000 € à titre de dommages-intérêts toutes causes confondues.
CONDAMNE encore la SARL GROUPE MTT à payer à la SARL NORD OUEST EVASION et à la société Mutuelle SMENO la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
DÉCLARE la société MTT irrecevable en sa demande de condamnation à une amende civile.
REJETTE toutes les autres demandes.
CONDAMNE la SARL GROUPE MTT aux dépens de première instance et d'appel, avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct au profit de la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués associés, en application des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Ct0039
Numéro d'arrêt : 07/600
Date de la décision : 30/10/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Roubaix-Toucoing, 30 novembre 2000


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2007-10-30;07.600 ?
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