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28/09/2007 | FRANCE | N°06/01401

France | France, Cour d'appel de Douai, 28 septembre 2007, 06/01401


ARRET DU
28 Septembre 2007

N 1427-07

RG 06 / 01401

JUGT
Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE SUR MER
EN DATE DU
31 Mai 2005

NOTIFICATION

à parties

le 28 / 09 / 07

Copies avocats

le 28 / 09 / 07

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale

-Prud'Hommes-

APPELANT :

M. Pierre X...


...


...

59470 WORMHOUT
Représenté par M. Bernard B... (Délégué syndical CGT)
Régulièrement mandaté

INTIME :

EPIC CIC EDF / GDF SERVICES COTE D'OPALE

260 Route de Desvres
62325 BOULOGNE SUR MER
Représentée par Me Bertrand WAMBEKE (avocat au barreau de LILLE)

DEBATS : à l'audience publique du 31 Mai 2007

Tenue par H. LIANCE
magist...

ARRET DU
28 Septembre 2007

N 1427-07

RG 06 / 01401

JUGT
Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE SUR MER
EN DATE DU
31 Mai 2005

NOTIFICATION

à parties

le 28 / 09 / 07

Copies avocats

le 28 / 09 / 07

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale

-Prud'Hommes-

APPELANT :

M. Pierre X...

...

...

59470 WORMHOUT
Représenté par M. Bernard B... (Délégué syndical CGT)
Régulièrement mandaté

INTIME :

EPIC CIC EDF / GDF SERVICES COTE D'OPALE
260 Route de Desvres
62325 BOULOGNE SUR MER
Représentée par Me Bertrand WAMBEKE (avocat au barreau de LILLE)

DEBATS : à l'audience publique du 31 Mai 2007

Tenue par H. LIANCE
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : M. BURGEAT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE

B. MERICQ
: PRESIDENT DE CHAMBRE

H. LIANCE
: CONSEILLER

A. COCHAUD-DOUTREUWE
: CONSEILLER

ARRET : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Septembre 2007,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du nouveau code de procédure civile, signé par B. MERICQ, Président et par V. GAMEZ, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE

Pierre X... a été engagé à l'établissement public EDF-GDF Côte d'Opale à compter du 1er juin 1992 en qualité de releveur à l'agence de Dunkerque.

Mandaté en août 1998 par le syndicat CGT comme correspondant à la section locale de vote de Dunkerque et au siège du comité d'entreprise EDF-GDF, Pierre X... a rencontré des difficultés dans l'exercice de ses fonctions sociales et syndicales et a saisi le Conseil de Prud'hommes de Boulogne sur Mer de demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier subi.

Selon jugement du 31 mai 2005, le Conseil de Prud'hommes de Boulogne sur Mer a débouté Pierre X... de l'ensemble de ses demandes.

Ce dernier a relevé appel de ce jugement.

Par ses conclusions écrites et ses observations orales développées à l'audience devant la Cour, de laquelle il attend l'infirmation du jugement déféré, Pierre X... reprend et complète l'argumentation présentée en première instance.

Il expose que contrairement au correspondant précédent, il n'a pu bénéficier d'un détachement à plein temps, malgré une pétition des agents rattachés à la section locale de vote 4, pour assumer ces fonctions qu'il a dû exercer concurrement avec ses activités techniques.

Il relève que l'employeur ne lui a pas attribué d'outillage individuel ni un véhicule propre et ne l'a pas formé pour lui donner l'habilitation informatique OPTIMIA.

Il se plaint que les entretiens d'appréciation n'aient pas pris en compte ses détachements sociaux et que Henri Y..., responsable du groupe technique clientèle, ait noté " l'agent refuse de signer et ne veut pas faire le PPP " (projet professionnel personnalisé), mention qu'il a demandé de supprimer mais qui figurait encore à son dossier en 2002.

Pierre X... soutient que, titulaire d'un brevet professionnel électrotechnique, il aurait dû, au regard du manuel pratique, bénéficier d'un reclassement et se plaint que sa requête du 6 octobre 1998 a dû être réitérée en septembre 1999 pour qu'enfin lui soit attribué un niveau de rémunération supplémentaire. Il en déduit un blocage de son évolution professionnelle en raison de ses activités syndicales et sociales.

Il conteste la décision de la direction qui l'a exclu des dispositions applicables aux agents ayant une activité syndicale et sociale prépondérante et en déduit une discrimination syndicale.

Victime de dépression nerveuse, de problèmes oculaires, il réclame en réparation des agissements de l'employeur la somme de 18 816 €.

Sa carrière ayant été bloquée comparativement à celle de dix-sept autres agents affectés à des fonctions équivalentes aux siennes, Pierre X... demande un rappel de salaire de 4 396,44 € en réparation de son préjudice financier et son classement en catégorie GF 5 au niveau de rémunération NR 10.

L'établissement EDF-GDF Côte d'opale a conclu à la confirmation du jugement déféré.

L'employeur retrace la carrière de l'agent et explique le délai pour lui accorder le niveau de rémunération supplémentaire en sa qualité de titulaire d'un brevet professionnel au motif qu'à la différence des autres agents, il était titulaire de ce diplôme avant son embauche.

Il explique que le détachement de Pierre X... en qualité de correspondant à la section locale de vote n'a été autorisé qu'à mi-temps dans la mesure où le nombre d'affiliés ne justifiait pas un emploi à temps complet.

Il remarque que devant la Cour, Pierre X... ne renouvelle pas ses accusations de harcèlement moral pour avoir fait l'objet d'attaques verbales, de refus de demandes de détachements, pour ne pas avoir été invité à un repas offert par EDF ou encore pour ne pas avoir reçu les outils nécessaires à l'exercice de ses fonctions.

L'employeur reprend les crédits d'heures alloués au salarié et affirme que, bien que ce dernier refusait de rédiger les plannings mensuels prévisionnels concernant les absences syndicales et ne respectait que rarement le délai de prévenance de cinq jours concernant les autres absences, l'immense majorité des détachements sollicités lui ont été accordés.

Il explique qu'à la différence de ses collègues, Pierre X... ne bénéficiait pas d'un véhicule personnel et d'un outillage nominatif parce qu'il travaillait à temps partiel.

Il soutient, convocations à l'appui, que le salarié a bénéficié de la formation à l'habilitation OPTIMIA et conteste tout fait de discrimination.

Il exploite l'incident qui a opposé Pierre X... à Henri Y... concernant sa candidature à un poste de chef ouvrier qu'il a accompagnée de plusieurs conditions en menaçant de saisir la juridiction prud'homale, pour en déduire une susceptibilité exacerbée, l'exposant plus que d'autres à se sentir harcelé.

Il explique ainsi la déconvenue du salarié lorsqu'il a appris que le détachement au SLV4 s'effectuerait à temps partiel.

Concernant le déroulement de carrière, il précise que l'intéressé est devenu technicien de clientèle à compter du 1er avril 1997 et que l'acquisition des compétences à ces nouvelles fonctions s'est effectuée lentement du fait des détachements.

Il compare sa situation à celle de ses collègues pour en déduire un niveau de rémunération supérieur et une progression de groupe fonctionnel plus rapide que la moyenne.

Il remarque que dans l'échantillon choisi par le salarié,15 agents sur 17 ont un niveau de rémunération inférieur ou égal au sien, les deux autres étant dans une situation ne permettant pas la comparaison.

L'employeur conteste l'application des dispositions destinées aux salariés ayant des activités syndicales ou sociales prépondérantes au motif que Pierre X... n'a pas été désavantagé.

EXPOSE DES MOTIFS

Pierre X... demande le paiement de dommages et intérêts en invoquant les articles L 122-49 et L 412-2 du code du travail relatifs au harcèlement moral et à la discrimination syndicale.

L'article L 122-49 du code du travail définit le harcèlement comme des " agissements répétés... qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte " aux droits et à la dignité, d'altérer la santé physique ou mentale ou de compromettre l'avenir professionnel du salarié.

L'article L 412-2 du code du travail " interdit à tout employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en ce qui concerne notamment l'embauchage, la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle, l'avancement, la rémunération et l'octroi d'avantages sociaux, les mesures de discipline et de congédiement. "

Devant la Cour, Pierre X... n'invoque plus les conditions d'obtention de ses crédits d'heures et de ses détachements syndicaux ; de même, il ne mentionne plus son exclusion d'un repas organisé par l'employeur.

Il déduit cependant une forte dégradation de ses conditions de travail à la suite de sa nomination à temps partiel en qualité de correspondant de la section locale de vote.

Mais l'employeur justifie ce détachement à mi-temps et non plus à temps complet en raison du nombre d'affiliés (non contesté).

La Cour ne peut déduire de cet acte relevant de l'exercice normal du pouvoir de direction de l'employeur une mesure de harcèlement ou de discrimination, étant précisé au surplus que l'intéressé n'établit pas que ce mi-temps ne lui permet pas d'assurer les missions de la section locale de vote.

Pierre X... rapproche cette décision de l'employeur de l'absence d'outillage individuel et de véhicule nominatif.

Or, l'établissement EDF-GDF explique sa décision au motif que l'agent exerce ses activités techniques à temps partiel. Comme il ne démontre pas que d'autres agents dans la même situation que lui bénéficient d'un outillage individualisé et d'un véhicule propre, la Cour ne peut en déduire un agissement relevant du harcèlement moral ou discriminant.

Pierre X... se plaint de ne pas avoir reçu l'habilitation OPTIMIA.

Cependant et contrairement à ce que le salarié affirme, l'employeur justifie qu'il a suivi plusieurs formations en février 1996 et mai 1998.

Les difficultés rencontrées résultent d'une pratique insuffisante d'OPTIMIA en raison de l'irrégularité du travail (appréciation professionnelle de Z... du 20 / 12 / 99), sans que la Cour ne puisse en déduire un agissement constitutif de harcèlement ou de discrimination.

Pierre X... avance également le maintien de la mention " l'agent refuse de signer et ne veut pas faire le PPP " sur son dossier d'appréciation alors que selon lui, Henri Z... n'avait pas jugé utile qu'il rédige un projet professionnel personnalisé en raison de sa position au sein du service à 50 %.

Or, par lettre du 23 décembre 2002, il convient que la mention " et ne veut pas faire le PPP " a bien été barrée sur la copie du document qu'il a reçu même si cette mention est restée sur d'autres exemplaires, sans qu'il soit établi que ce maintien soit délibéré.

Mais en ayant finalement rédigé son projet professionnel personnalisé le 20 janvier 1999 et en ayant attiré l'attention de sa direction sur le maintien erroné de cette mention, la Cour ne parvient pas à déduire de ces faits un agissement relevant du harcèlement ou de la discrimination.

L'agent explique que par lettre du 6 octobre 1998, il a réclamé le bénéfice d'un niveau de rémunération supplémentaire. Il s'appuie en effet sur le chapitre 103 de classification des agents d'exécution qui stipule que : " les agents titulaires d'un brevet professionnel sont classés, quelle que soit la fonction qu'ils occupent, s'ils ne l'ont pas déjà atteint, au niveau de rémunération 5, dans la mesure où les connaissances correspondant à leur diplôme sont utiles pour l'exercice de leur fonction ". Plus loin, le texte précise que " ces agents bénéficient de l'attribution d'un NR supplémentaire au terme du délai de 18 mois après leur embauchage ou l'obtention de leur diplôme, s'ils n'ont pas atteint le GF 5.... "

Il résulte de ces dispositions que l'agent devait bénéficier du niveau de rémunération 5 à compter du 1er décembre 1993.

Sa lettre du 6 octobre 1998 restera sans suite. Son cas est évoqué vainement par les représentants du personnel à la commission de décembre 1998, la direction ayant décidé de renvoyer l'examen de son dossier en mars.A lire l'intervention de Michel A..., représentant CGT, son cas a été retiré de l'ordre du jour de la commission de mars au motif qu'il serait difficile et nécessiterait l'avis des services centraux, la direction ne faisant finalement droit à la demande qu'en octobre 1999.

L'employeur ne justifie pas de consultation des services centraux et l'interprétation des dispositions du chapitre 103 par rapport à la situation de l'agent est parfaitement claire et ne peut justifier le report de l'examen de la requête de l'agent à trois reprises.

Rapproché des manifestations menées par l'intéressé en septembre 1998 et en début d'année 1999 contre la décision de l'employeur de diminuer le temps de détachement de l'agent sur le SLV4, ces reports constituent des mesures discriminatoires sanctionnées par l'article L. 412-2 du code du travail.

De plus, à lire le tableau de l'employeur réalisé le 16 mai 2002 (pièce no 3 Maître WAMBEKE), l'agent n'a pas bénéficié d'avancement depuis plus de neuf ans alors que la moyenne des techniciens bénéficie d'un avancement tout les 3-4 ans. Reconnu par sa hiérarchie comme un bon technicien, cette situation ne peut s'expliquer que par l'exercice de ses fonctions à temps partiel en raison de son détachement (attestation Michel A...).

Comme Pierre X... ne bénéficiait pas par ailleurs des dispositions de la " Pers 245 " concernant les agents chargés de fonctions syndicales ou sociales électives, soit à temps plein, soit de façon prépondérante, la Cour déduit d'une part du retard à remplir le salarié de ses droits par rapport aux dispositions du chapitre 103 de la classification des agents et d'autre part de l'absence d'avancement pendant plus de neuf ans, des mesures à caractère discriminatoire sanctionnées par les dispositions de l'article L 412-2 du code du travail, soit par l'attribution de dommages et intérêts.

Il n'appartient pas en effet à la juridiction de reconstituer la carrière de Pierre X... par rapport à la carrière " moyenne " de ses collègues, l'avancement relevant du pouvoir de direction de l'employeur, pourvu que ses décisions ne soient pas entachées, comme en l'espèce, de discrimination. Sur ce fondement, il n'est pas non plus du pouvoir de la juridiction d'attribuer d'autorité, comme demandé, un niveau de rémunération dans un groupe fonctionnel.

Sachant que l'intéressé a bénéficié d'un avancement au choix en janvier 2004 et que son niveau de rémunération eu égard à son ancienneté est resté supérieur à celui de ses collègues, compte tenu également du retentissement sur sa santé de ces agissements discriminatoires (certificats des médecins C..., D..., E...), la Cour estime qu'une somme de 8 000 € est de nature à compenser les préjudices subis.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Pierre X... le montant de ses frais irrépétibles ; il lui sera alloué la somme de 600 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile pour l'ensemble de la procédure.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement du Conseil de Prud'hommes de Boulogne sur mer du 31 mai 2005.

Dit que Pierre X... a été victime de mesures discriminatoires à raison de l'exercice de ses activités syndicales.

Condamne l'établissement EDF-GDF de la Côte d'Opale à payer à Pierre X... la somme de 8 000 € (huit mille euros) à titre de dommages et intérêts.

Rejette le surplus des demandes.

Condamne l'établissement EDF-GDF de la Côte d'Opale à payer à Pierre X... la somme de 600 € (six cents euros) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Condamne l'établissement public EDF-GDF de la Cote d'Opale au paiement des dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 06/01401
Date de la décision : 28/09/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Boulogne-sur-Mer


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-09-28;06.01401 ?
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