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28/09/2007 | FRANCE | N°06/00586

France | France, Cour d'appel de Douai, 28 septembre 2007, 06/00586


ARRET DU

28 Septembre 2007







N 1476/07



RG 06/00586



PR/MAP

































JUGEMENT

Conseil de Prud'hommes de LILLE

EN DATE DU

15 Février 2006

































NOTIFICATION



à parties



le 28/09/07



Copies avocats


r> le 28/09/07





COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale









- Prud'Hommes -





APPELANT :





SARL LOCARRAS

166 Avenue de l'Hippodrome

59130 LAMBERSART

Représentant : Maître Régis DEBAVELAERE (avocat au barreau de LILLE)







INTIME :





Madame Sylvie Y... épouse Z...


...


59890 QUESNOY SUR DEULE

Comparante en personne, assistée de Monsieur Thierry...

ARRET DU

28 Septembre 2007

N 1476/07

RG 06/00586

PR/MAP

JUGEMENT

Conseil de Prud'hommes de LILLE

EN DATE DU

15 Février 2006

NOTIFICATION

à parties

le 28/09/07

Copies avocats

le 28/09/07

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes -

APPELANT :

SARL LOCARRAS

166 Avenue de l'Hippodrome

59130 LAMBERSART

Représentant : Maître Régis DEBAVELAERE (avocat au barreau de LILLE)

INTIME :

Madame Sylvie Y... épouse Z...

...

59890 QUESNOY SUR DEULE

Comparante en personne, assistée de Monsieur Thierry A..., délégué syndical C.F.D.T., régulièrement mandaté

DEBATS :à l'audience publique du 22 mai 2007

Tenue par P. RICHEZ,

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : V. DESMET

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE

J.G. HUGLO

: PRESIDENT DE CHAMBRE

P. NOUBEL

: CONSEILLER

P. RICHEZ

: CONSEILLER

Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 29 juin 2007 au 28 septembre 2007 pour plus ample délibéré.

ARRET :Contradictoire,

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 septembre 2007,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du nouveau code de procédure civile, signé par J.G. HUGLO, Président et par V. GAMEZ, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.FAITS ET PROCÉDURE :

Madame Sylvie Y... (alors veuve B...) a été engagée par la société LOCARRAS à compter du 1er février 1999 en qualité d'attachée commerciale dans les conditions prévues par contrat écrit conclu à cette date pour une durée indéterminée.

Par lettre en date du 1er avril 2003, remise en main propre le même jour à Madame Sylvie Y..., la salariée était convoquée en vue de son licenciement pour motif économique à un entretien préalable fixé au 9 avril 2003.

Par lettre en date du 28 avril 2003, la société LOCARRAS notifiait à Madame Sylvie Y... son licenciement pour motif économique.

Contestant la légitimité de cette décision, Madame Sylvie Y... a saisi la juridiction prud'homale pour faire valoir ses droits.

Par jugement en date du 15 février 2006, le Conseil de prud'hommes de LILLE a :

- dit que le licenciement de Madame Sylvie B... repose sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné la société LOCARRAS à lui payer les sommes suivantes :

- 1650 € au titre du non respect de la procédure de licenciement ;

- 350 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- débouté la salariée du surplus de ses demandes et la société LOCARRAS de sa demande reconventionnelle.

Par lettre du 16 mars 2006, la société LOCARRAS a formé un appel limité à l'encontre de cette décision.

Vu le jugement rendu le 15 février 2006 par le Conseil de prud'hommes de LILLE ;

Vu les conclusions déposées le 23 février 2007 et soutenues à l'audience du 22 mai 2007 par la société LOCARRAS, appelante ;

Vu les conclusions déposées le 21 décembre 2006 et soutenues à l'audience du 22 mai 2007 par Madame Sylvie Y... (précédemment veuve B... et actuellement épouse Z... depuis son remariage le 4 juin 2005), intimée qui forme appel incident ;

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la régularité de la procédure de licenciement :

Au bas de la lettre de convocation en date du 1er avril 2003 qui porte la mention "remise en main propre contre décharge" figure la signature de Madame B... précédée de la mention "reçu le 09. 04. 03", date qui correspond au jour de l'entretien fixé le mercredi 9 avril 2003 à 17 heures en vue du licenciement.

La société LOCARRAS confirme cette remise en main propre le 9 avril 2003, mais soutient avoir préalablement adressé sa convocation à la salariée par lettre simple le 1er avril 2003, date de sa signature par le gérant ainsi qu'en atteste Madame Jacqueline C..., secrétaire du gérant qui ajoute que la salariée avait bien reçu sa lettre puisqu'elle s'est présentée à l'entretien le 9 avril 2003 accompagnée de son conseiller syndical.

Cependant, le défaut de présentation d'une lettre recommandée ou de remise en main propre dans le délai de cinq jours ouvrables précédant la date fixée pour l'entretien constitue une irrégularité de la procédure de licenciement au regard des prescriptions de l' article L 122-14 du Code du travail qui doit donner lieu au versement d'une indemnité réparant le préjudice subi (qui ne peut être supérieure à un mois de salaire) en application des dispositions combinées des articles L 122-14-4 et L 122-14-5 dudit code.

En conséquence, il y a lieu de condamner la société LOCARRAS à verser à Madame Sylvie Y... (alors veuve B...) la somme de 500 € pour non respect de la procédure de licenciement.

Sur la légitimité du licenciement :

L'article L.122-14-2 du code du travail dispose que l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement mentionnée à l'article L.122-14-1 du même code.

Lorsque le licenciement est prononcé pour un motif économique, la lettre de licenciement doit énoncer les motifs économiques ou de changement technologique invoqués par l'employeur…

Selon les dispositions de l'article L.321-1 alinéa 1 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

La réorganisation de l'entreprise ne peut constituer un motif économique que si elle est effectuée pour sauvegarder sa compétitivité.

La lettre en date du 28 avril 2003 qui prononce le licenciement de Madame Sylvie Y... son licenciement pour motif économique énonce :

"Suite à l'entretien préalable du 9 avril nous sommes au regret de vous notifier la décision de votre licenciement économique.

Comme nous vous l'avons expliqué, cette décision est justifiée par la baisse très importante de l'activité depuis le second semestre 2002. Les ventes du premier trimestre 2003 sont en baisse de 39% par rapport à 2002. Dès lors, les résultats d'exploitation de la Société sont déficitaires et nous conduisent à regrouper les agences de ARRAS et LENS en une seule entité et, ainsi à supprimer votre poste de Responsable d'agence.

D'autre part, nous n'avons pas de possibilité de reclassement au sein de la SARL LOCARRAS.

Conformément à l'article L 321-14 du code du travail , vous bénéficierez d'une priorité de réembauchage (...).

Sur le véritable motif du licenciement :

Nonobstant les allégations de la salariée qui voit l'origine de son licenciement dans un litige survenu entre les parties au sujet d'une baisse de rémunération qu'elle n'acceptait pas, il n'est aucunement établi que le licenciement a été prononcé pour un autre motif que celui énoncé dans la lettre de licenciement.

Sur la réalité du motif économique :

L'employeur ne conteste pas l'existence d'un groupe formé par les sociétés LOCARRAS, HAINAUT LOCATION (ayant pour activité la location de véhicules) et DELMAR (ayant pour activité la gestion d'un portefeuille de valeurs mobilières).

Cependant, des pièces versées aux débats, il ressort que le secteur d'activité de location de véhicules du groupe correspondant à l'activité de la société LOCARRAS se trouvait à l'époque du licenciement confronté à des difficultés qui ont entraîné la cession du fonds de commerce de la société LOCARRAS le 22 décembre 2003 et la disparition du fonds et la mise en sommeil de la société HAINAUT LOCATION à compter de février 2004, les deux sociétés rencontrant des difficultés de trésorerie à partir de septembre 2003 selon l'attestation de l'expert comptable de la société aCéa en date du 23 octobre 2003.

Le tableau de bord 2003 de la société LOCARRAS montre une dégradation du chiffre d'affaire de l'exercice 2003 par rapport à l'exercice 2002 de 28 % (- 38 % pour l'agence d'ARRAS et - 11% pour l'agence de LENS).

Le bilan de l'exercice 2003 de la société LOCARRAS fait apparaître un résultat d'exploitation négatif de 16672 € et un résultat total bénéficiaire de 12 956 € qui n'est obtenu que grâce à la cession d'éléments d'actifs pour 32 359 €.

Dans son analyse du 25 mai 2005, l'expert comptable de la société aCéa explique cette situation par la perte de plusieurs clients et notamment du premier d'entre eux (SOLLAC) consécutif à la fermeture de son site de Biache Saint Vaast.

Le bilan de l'exercice 2003 de la société HAINAUT LOCATION fait également apparaître un résultat d'exploitation négatif de 8646 € et un résultat total bénéficiaire de 2596 € qui n'est obtenu que grâce à des produits exceptionnels pour 20 558 €.

Grâce aux documents comptables intermédiaires établis entre les bilans de fin d'exercice, la dégradation de la situation qui a marqué l'année 2003 était à l'évidence perceptible à l'époque du licenciement.

Les difficultés économiques rencontrées au niveau du secteur d'activité de location de véhicules du groupe correspondant à l'activité de la société LOCARRAS sont donc avérées.

Par ailleurs, il n'est pas contesté que l'emploi de responsable d'agence occupé par Madame Sylvie Y... a été supprimé par suite du regroupement des agences d'ARRAS et LENS en une seule entité.

Dans ces conditions, nonobstant les observations de la salariée, la réalité du motif économique invoqué par la société LOCARRAS pour prononcer le licenciement de sa salariée est établie et il n'est pas démontré que l'employeur aurait délibérément provoqué les difficultés économiques de son entreprise en recrutant une nouvelle responsable d'agence à partir du 1er octobre 2002 (le recrutement de Madame D... par la société LOCARRAS correspondant d'ailleurs à une mutation de la société HAINAUT LOCATION appartenant au même groupe et au même secteur d'activité).

Sur l'obligation de reclassement :

L'employeur qui produit le registres unique du personnel des sociétés DELMAR (2 comptables et 1 secrétaire comptable) et LOCARRAS (1 préparateur, 2 convoyeurs, 1 apprentie, 2 responsables d'agence dont Madame Sylvie Y...) soutient que les structures des sociétés LOCARRAS, HAINAUT LOCATION et DELMAR ne disposaient chacune que d'un effectif réduit de salariés occupant des fonctions différentes, ce qui excluait toute possibilité de reclassement pour Madame Sylvie Y....

S'agissant de la société HAINAUT LOCATION, l'employeur présente une liste de trois salariés à transférer lors de la cession du fonds de commerce convenu le 22 décembre 2003 (1 responsable d'agence, 1 commercial, 1 préparateur).Toutefois, le registre unique du personnel n'est pas produit.

Or, ainsi que l'employeur le rappelle, la société HAINAUT LOCATION poursuivait une activité similaire et le fait qu'elle se trouvait dans une situation aussi précaire que la société LOCARRAS ne suffit pas à démontrer l'absence en son sein de toute possibilité de reclassement dans un emploi équivalent ou de catégorie inférieure.

L'employeur ne justifie donc pas de l'impossibilité de reclasser sa salariée.

En outre, la lettre de licenciement se borne à invoquer l'impossibilité de reclassement au sein de la SARL LOCARRAS, ce qui démontre que le reclassement au sein du Groupe n'a pas été préalablement envisagé.

Dans ces conditions, il s'avère que les dispositions de l'article L.321-1 alinéa 2 du code du travail n'ont pas été respectées.

Dès lors, le licenciement de Madame Sylvie Y... prononcé pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur l'indemnisation du préjudice consécutif au licenciement :

En application des dispositions de l'article L 122-14-5 du code du travail, Madame Sylvie Y..., qui a fait l'objet d'un licenciement abusif par un employeur occupant habituellement moins de 11 salariés, peut prétendre à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi.

Madame Sylvie Y... dont le salaire brut mensuel s'élevait approximativement à 2100 € réclame à ce titre une somme de 30000 € correspondant à 8 mois de salaire faisant valoir qu' elle s'est retrouvée sans emploi du 28 avril 2003 au mois de mai 2004 et à nouveau depuis le 6 novembre 2006 après une période d'emploi à temps partiel, ce dont elle justifie par les pièces qu'elle verse aux débats.

A la date de son licenciement, la salariée, qui était âgée de 48 ans, avait plus de quatre ans d'ancienneté dans l'entreprise.

Dès lors, compte tenu de son ancienneté et de l'ensemble des éléments produits aux débats, il y a lieu de condamner la société LOCARRAS à payer à Madame Sylvie Y... la somme de 10000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur l'ordre des licenciements :

En application de l'article L. 321-1-1 du code du travail, même en cas de licenciement individuel, l'employeur doit définir les critères d'ordre des licenciements, lesquels doivent être appréciés par catégorie professionnelle.

Cependant, en toute hypothèse, lorsque le licenciement d'un salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse, il ne peut cumuler des indemnités pour perte injustifiée de son emploi et pour inobservation de l'ordre des licenciements.

En conséquence, Madame Sylvie Y... sera déboutée de sa demande subsidiaire tendant à la condamnation de la société LOCARRAS au paiement de dommages et intérêts pour non respect des règles relatives à l'ordre des licenciements.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le harcèlement moral :

A défaut de fait précis de harcèlement, la dégradation de l'état de santé de Madame Sylvie Y... constaté le 23 octobre 2002 par son médecin traitant ne peut être imputée à ses conditions de travail.

Or, les faits invoqués par Madame Sylvie Y... ne sont pas des faits de harcèlement moral au travail, la salariée se plaignant essentiellement de faits postérieurs à son licenciement.

En effet, outre que le refus de la société DELMAR de répondre à son courrier du 23 janvier 2004 n'est pas imputable à la société LOCARRAS qui était son employeur, ce fait n'a pu affecter les conditions de travail de la salariée, puisque son licenciement avait déjà été prononcé depuis plusieurs mois.

Il en est de même de la décision de la société LOCARRAS de former appel à l'encontre du jugement.

Enfin, quelle que soit sa motivation, la dispense de travail au cours du délai de préavis ne suffit pas à caractériser un harcèlement moral au sens de l'article L 122-49 du Code du travail.

En conséquence, Madame Sylvie Y... sera déboutée de sa demande tendant à la condamnation de la société LOCARRAS au paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les frais de procédure :

Au regard de l'équité, il y a lieu de ne pas laisser à Madame Sylvie Y... l'entière charge des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés en première instance et en cause d'appel.

En conséquence, la société LOCARRAS sera condamnée sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au paiement à Madame Sylvie Y... de la somme fixée au dispositif de la présente décision pour l'ensemble de la procédure de première instance et d'appel.

Partie perdante, la société LOCARRAS sera déboutée de sa demande indemnitaire présentée sur le même fondement.

DÉCISION :

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Réformant le jugement déféré ;

Dit que le licenciement de Madame Sylvie Y... (alors veuve B...) est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société LOCARRAS à payer à Madame Sylvie Y... (précédemment veuve B... et actuellement épouse Z...) les sommes suivantes

- cinq cents euros (500 €) à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement ;

- dix mille euros (10000 €) à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

- septs cents euros (700 €) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la salariée du surplus de ses demandes et la société LOCARRAS de sa demande reconventionnelle ;

Condamne la société LOCARRAS aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

V. GAMEZ J.G. HUGLO


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 06/00586
Date de la décision : 28/09/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Lille


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-09-28;06.00586 ?
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