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28/09/2007 | FRANCE | N°06/00505

France | France, Cour d'appel de Douai, 28 septembre 2007, 06/00505


ARRET DU
28 Septembre 2007






N 1505 / 07


RG 06 / 00505


HL-SB
































JUGEMENT DU
Conseil de Prud'hommes de LILLE
EN DATE DU
10 Février 2006
































NOTIFICATION


à parties


le 28 / 09 / 07


Copies avocats


le 28 / 09 / 07



r>COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale








-Prud'Hommes-




APPELANT :


M. Roger X...


...

LA ROUREDE MERIDIONALE
83550 VIDAUBAN
Représenté par Me VIANE-CAUVAIN substituant Me Eric DELFLY (avocat au barreau de LILLE)




INTIME :


SARL TRANSPORTS Z...

4 Chemin des Chevriers
BP 82031
25112 BAUME LES DAMES
Représentée par Me Ch...

ARRET DU
28 Septembre 2007

N 1505 / 07

RG 06 / 00505

HL-SB

JUGEMENT DU
Conseil de Prud'hommes de LILLE
EN DATE DU
10 Février 2006

NOTIFICATION

à parties

le 28 / 09 / 07

Copies avocats

le 28 / 09 / 07

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale

-Prud'Hommes-

APPELANT :

M. Roger X...

...

LA ROUREDE MERIDIONALE
83550 VIDAUBAN
Représenté par Me VIANE-CAUVAIN substituant Me Eric DELFLY (avocat au barreau de LILLE)

INTIME :

SARL TRANSPORTS Z...

4 Chemin des Chevriers
BP 82031
25112 BAUME LES DAMES
Représentée par Me Christine SEGARD DELEPLANQUE (avocat au barreau de LILLE)

DEBATS : à l'audience publique du 28 Juin 2007

Tenue par B. MERICQ et H. LIANCE
magistrats chargés d'instruire l'affaire qui ont entendu les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : A. LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE

B. MERICQ
: PRESIDENT DE CHAMBRE

H. LIANCE
: CONSEILLER

A. COCHAUD-DOUTREUWE
: CONSEILLER

ARRET : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Septembre 2007,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du nouveau code de procédure civile, signé par B. MERICQ, Président et par V. GAMEZ, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Roger X... a été engagé le 1er juin 1997 en qualité de directeur de l'agence de LESQUIN par la société des Transports
Z...
. Il a été licencié pour faute grave suivant lettre du 6 juillet 2001.

Contestant la légitimité de la rupture et estimant n'avoir pas été rempli de ses droits, Roger X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de Lille qui, selon jugement du 10 février 2006 auquel il est entièrement fait référence pour l'exposé des données de base du procès et des prétentions et moyens des parties, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.

Roger X... a relevé appel de ce jugement.

Par ses conclusions écrites et ses observations orales développées à l'audience devant la Cour, de laquelle il attend l'infirmation du jugement déféré, Roger X... reprend et complète l'argumentation présentée en première instance.

Il expose qu'engagé au moment de l'ouverture de l'agence de Lesquin, il a obtenu rapidement d'excellents résultats jusqu'à ce que ses prérogatives soient diminuées au cours de l'année 2000, Janny Z..., le fils du dirigeant, s'immisçant progressivement dans la gestion de l'agence.

Il affirme que, comme pour l'autre directeur d'agence recruté à la même date à Aulnay sous Bois (Jacques A...), l'employeur lui a proposé en juin 2001 une transaction qu'il a refusée ce qui le conduira à lui notifier son licenciement pour faute grave.

Il remarque que la transaction faisait référence à une procédure de licenciement qui n'a jamais existé et en déduit que la décision de le licencier avait donc été prise avant l'entretien préalable du 27 juin 2001, ce que confirme Jacques A..., directeur d'agence ayant accepté la transaction.

Il considère que les griefs portés à la lettre de licenciement ne sont que des prétextes et s'étonne que le Conseil de Prud'hommes qui n'en n'a retenu qu'un, soit l'utilisation du personnel et du matériel de l'entreprise à des fins personnelles pour le chantier de sa maison en construction, se soit abstenu d'en vérifier la véracité. En effet, il soutient que ce grief porte sur des faits qui ne sont pas repris à la lettre de licenciement et concernerait une livraison litigieuse intervenue le 26 juin 2001 alors qu'il était en mise à pied conservatoire depuis le 17 juin.

Roger X... conclut au rejet des griefs concernant le mécontentement des clients, la mauvaise gestion de l'agence, les conflits permanents avec le personnel, la violation de la législation sur le temps de travail car ils ne s'appuient sur aucun élément.

Concernant le respect des temps de repos journaliers, il observe que le cas visé par l'employeur résulte d'une lecture du disque chronotachygraphe trop rapide, le chauffeur Amaury B... n'ayant pas épuisé son temps de conduite journalier lorsqu'il a effectué une livraison supplémentaire sur Tournai le 26 mai 2001.

Il constate que l'utilisation de la carte de carburant à des fins personnelles était connue de l'employeur par les relevés mensuels et porte sur la période de juillet 1997 à décembre 2000.

Roger X... réclame une indemnité de 4 050 € pour le non-respect de la procédure de licenciement puisque la décision de le licencier était prise avant même que la procédure ne soit engagée.

Il sollicite également l'indemnité de licenciement, soit 1 883,47 € et la somme de 72 009 € à titre de dommages et intérêts par application de l'article L 122-14-4 du code du travail. Il fait notamment valoir son implication dans son emploi qui l'a amené à déménager, son âge (54 ans) et les conséquences personnelles attachées à cette rupture (surendettement, stress...) pour conclure à l'octroi de dommages et intérêts évalués à 100 000 €.

Il demande enfin le paiement de l'indemnité de préavis soit 12 001,50 € et des congés payés sur préavis (1 200,15 €).

*

La société Z... a conclu à la confirmation du jugement.

Elle rappelle qu'elle a placé en Roger X... une confiance sans limite, lui accordant une délégation totale des pouvoirs de direction sur l'agence de Lesquin, lui remettant également un carnet de chèques et une carte de carburant jusqu'à ce qu'elle constate que l'intéressé n'était pas digne de la confiance accordée.

Après avoir rappelé la définition et les critères de la faute grave, l'employeur reproche tout d'abord la violation de la législation sur les temps de repos journaliers, Roger X... ayant fait travailler Amaury B... sans respecter les consignes de sécurité et la législation des transports.

Il lui fait également grief d'avoir utilisé du personnel et du matériel de l'entreprise à des fins personnelles pour effectuer des livraisons sur le chantier de sa maison en construction, sans avoir respecté les dispositions du règlement intérieur.

Il s'appuie sur les attestations de Messieurs C..., D... et E... et conteste avoir donné son accord à ces transports, Mr E... précisant qu'il avait reçu pour instruction de ne pas en informer le siège.

L'employeur reproche l'utilisation de la carte de carburant de l'entreprise à des fins personnelles et explique qu'il ignorait cette utilisation puisque le contrôle des factures relevait de la délégation consentie au directeur qui a abusé de sa confiance.

Il se plaint également de la gestion des relations commerciales à l'origine du mécontentement de la clientèle sans que le directeur ne puisse reporter ce grief sur le fils de l'employeur puisque la délégation de pouvoir incluait ces relations.

Il dénonce enfin les rapports conflictuels entretenus avec le personnel de l'agence caractérisés par un important turn-over, soit seize départs sur soixante embauches.

Il conteste le montant des dommages et intérêts réclamé, considérant que Roger X... est à l'origine de son propre préjudice.

EXPOSE DES MOTIFS

Tout d'abord, Roger X... affirme que la décision de le licencier était prise avant l'entretien préalable au motif qu'un projet de transaction lui avait été présenté au cours du mois de juin 2001 qui faisait référence à une procédure de licenciement engagée en avril 2001.

S'il peut être déduit de ce projet que l'employeur a bien envisagé de se séparer de son directeur dès avril 2001, il n'est cependant pas établi que sa décision ait été arrêtée alors que la lettre de licenciement du 6 juillet 2001 fait référence à des griefs postérieurs à avril 2001.

Il en résulte que la procédure engagée par lettre du 18 juin 2001 n'est pas irrégulière.

La lettre de licenciement du 6 juillet 2001 qui fixe le cadre du litige est rédigée de la façon suivante :

" Au cours de notre entretien préalable du 27 juin 2001, nous vous avons exposé les motifs de la mesure que nous envisagions de prendre à votre égard et que nous vous rappelons ci-après :

-Utilisation du personnel de nuit pour des livraisons en journée au détriment de la législation sur les temps de repos journalier avec pour conséquence la mise en danger de la vie d'autrui (celle du conducteur et celles des autres usagers de la route).

-Utilisation du personnel et du matériel de l'entreprise à des fins personnelles pendant les heures de service pour effectuer des livraisons de matériaux sur le chantier de votre maison en construction. Nous vous rappelons à cet effet que vous détenez une remorque voiture, propriété de l'entreprise et que nous vous mettons en demeure de nous restituer dans les plus brefs délais.

-Utilisation de cartes de carburant de véhicules de l'entreprise à des fins personnelles.

-Courriers de clients importants menaçant de rompre nos relations commerciales du fait du mauvais traitement des livraisons qui sont confiées à notre agence du Nord et effectuées sous votre responsabilité.

-Conflit permanent avec l'ensemble du personnel de notre agence du nord sous votre responsabilité, ayant entraîné un fort turn-over sous forme de démission, mais le plus souvent sous forme de licenciement.

Pour l'ensemble de ces faits qui rendent impossible la poursuite de votre activité au service de l'entreprise, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave sans préavis ni indemnité de rupture ".

(...)

Le premier grief concerne l'utilisation du personnel de nuit pour des livraisons en journée.

L'employeur vise une livraison effectuée le 26 mai 2001 chez Lotigier à Tournai qui a été assurée par un chauffeur de nuit, Amaury B....

Ce faisant, Roger X... a dérogé à l'organisation fixée par une note de service de Delphine F..., responsable des ressources humaines, puisque à l'heure où le chauffeur a commencé cette livraison, soit à 6 heures le 26 mai 2001, il intervenait après avoir effectué un aller-retour Lesquin-Vitry le François, sur une mission relevant des chauffeurs de jour.

Cependant, l'employeur ne démontre pas l'infraction à la législation sur les temps de repos journalier, la mission sur Tournai n'exposant pas le chauffeur à dépasser les dix heures de temps de conduite.

Ce grief n'est pas caractérisé, étant précisé que la délégation de pouvoir autorise Roger X... à prendre toutes les mesures d'organisation qu'il juge nécessaires ce qui lui permet de déroger au cas par cas à l'organisation voulue par la responsable des ressources humaines.

Le second grief concerne l'utilisation à des fins personnelles du matériel et des hommes de l'entreprise pour effectuer des livraisons de matériaux sur le chantier de sa maison en construction.

Plusieurs chauffeurs (David G..., Jean Charles H..., Frédéric I..., Philippe C..., Christophe D..., Christian E...) attestent avoir effectué des livraisons pour le compte personnel de Roger X....

Mais certains chauffeurs (David G..., Jean Charles H..., Frédéric I...) évoquent des missions personnelles autres que les livraisons de matériaux sur le chantier de sa maison, étant précisé que Jean Charles H... a quitté l'entreprise en avril 2000 et Frédéric I... en septembre 2000.

Ce grief ne s'appuie pas sur des faits précis et récents : Philippe C... et Christophe D... affirment qu'ils ont effectué des transports de matériaux destinés à la construction de la maison de Roger BOUTEMY sans précision de dates.

Surtout, Janny et Bruno Z... reconnaissent à leurs attestations qu'ils avaient autorisé Roger X... à utiliser à des fins personnelles les véhicules de la société même s'ils prétendent que cette autorisation était limitée aux seuls samedis et à la condition qu'il les conduise lui-même.
.
En l'absence de dispositions plus rigoureuses que celles de l'article 17 du règlement intérieur qui concernent l'utilisation des véhicules pour usage personnel par les conducteurs, Roger X... a pu s'estimer autorisé par les frères Z... à de tels usages qui, selon ses affirmations (lettre du 24 juillet 2001) non démenties par l'employeur, auraient cessé en décembre 2000.

Ce grief n'est pas suffisamment circonstancié pour constituer une faute grave justifiant le licenciement.

Le troisième grief concerne l'utilisation de cartes de carburant à des fins personnelles.

Roger X... soutient à sa lettre du 24 juillet 2001 que cette carte lui a été remise en contrepartie des frais kilométriques qu'il s'est abstenu de réclamer. Il précise sans être démenti que cette carte a été restituée en décembre 2000.

Il résulte des pièces produites par l'employeur que les relevés de la carte SHELL utilisée par le directeur d'agence étaient adressés au siège de telle sorte que, régulièrement informé des opérations de débit, l'employeur ne peut invoquer ce grief prescrit deux mois après la restitution de la carte et la cessation des opérations litigieuses.

Le grief concernant les insatisfactions de la clientèle ne s'appuie sur aucun élément.

Enfin, celui portant sur les relations conflictuelles avec le personnel est démenti par un ancien salarié, Patrick J.... Concernant le turn over, le directeur s'en explique en reprenant un à un les causes de rupture (pièce 248) qui, selon ses affirmations confirmées par Jacques A... à son attestation, étaient suivies par le siège s'agissant de licenciements.

Ce grief tel qu'il est caractérisé par un fort taux de turn over ne peut constituer une faute disciplinaire personnelle imputable au directeur d'agence.

En réalité, la Cour estime que les reproches émis par l'employeur caractérisent la mésentente et la perte de confiance, motif qui aurait pu justifier le licenciement pour cause réelle et sérieuse et non pour faute disciplinaire. Comme il n'appartient pas à la Cour de requalifier le licenciement en ce sens, ce qui n'est d'ailleurs pas demandé, la rupture du contrat de travail de Roger X... est sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, de son ancienneté dans l'entreprise et de l'effectif de celle-ci, la Cour estime que le préjudice de Roger X... sera équitablement réparé par le versement d'une somme de 35 000 €, ce montant réparant l'ensemble des préjudices résultant de la rupture.

A cette somme s'ajoutent l'indemnité de licenciement soit 1 843,47 € et l'indemnité de préavis, soit 12 001,50 €, montant à majorer des congés payés (1 201,50 €).

La demande de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement est fondée sur le fait que la décision de licencier aurait été arrêtée avant l'entretien préalable alors qu'il a été précédemment indiqué que l'employeur, s'il avait effectivement envisagé de rompre le contrat de travail dès avril 2001, n'avait cependant pas arrêté sa décision. Il en résulte que cette demande sera rejetée.

Le salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise employant plus de onze salariés, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage dans la limite de quatre mensualités, en application des dispositions de l'article L 122-14-4 du code du travail.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Roger X... le montant de ses frais irrépétibles ; il lui sera alloué la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile pour l'ensemble de la procédure.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement du Conseil de Prud'hommes de Lille du 10 février 2006.

Dit que le licenciement de Roger X... est sans cause réelle et sérieuse.

Condamne la société des Transports
Z...
à payer à Roger X... les sommes suivantes :
-1 843,47 € (mille huit cent quarante trois euros et quarante sept centimes) à titre d'indemnité de licenciement.
-12 001,50 € (douze mille un euros et cinquante centimes) à titre d'indemnité de préavis,
-1 201,50 € (mille deux cent un euros et cinquante centimes) à titre de congés payés sur préavis,
-35 000 € (trente cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive.

Ordonne à la société des Transports
Z...
de rembourser à l'ASSEDIC les prestations versées par cet organisme dans la limite de quatre mensualités.

Rejette le surplus des demandes.

Condamne la société des Transports
Z...
à payer à Roger X... la somme de 1 500 € par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Condamne la société des Transports
Z...
au paiement des dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

V. GAMEZ B. MERICQ.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 06/00505
Date de la décision : 28/09/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Lille


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-09-28;06.00505 ?
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