La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/06/2007 | FRANCE | N°06/02339

France | France, Cour d'appel de Douai, 29 juin 2007, 06/02339


ARRET DU
29 Juin 2007

N 1204 / 07

RG 06 / 02339

JUGT
Conseil de Prud'hommes de BETHUNE
EN DATE DU
6 Septembre 2006

NOTIFICATION

à parties

le 29 / 06 / 07

Copies avocats

le 29 / 06 / 07

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale

-Prud'Hommes-

APPELANTE :

SAS EPALIA
rue d'Estaires-BP 101
ZI de la Cochiette
62138 VIOLAINES
Représentée par Me Yves GENTRIC (avocat au barreau de RENNES) en présence de Monsieur X..., directeur de l'établissement

INTIME :

M.

Sandy Y...


...

62300 LENS
Présent et assisté de M. Jacques Z...(Délégué syndical CGT)

DEBATS : à l'audience publique du 03 Mai 2007

Tenue par B. MERICQ
...

ARRET DU
29 Juin 2007

N 1204 / 07

RG 06 / 02339

JUGT
Conseil de Prud'hommes de BETHUNE
EN DATE DU
6 Septembre 2006

NOTIFICATION

à parties

le 29 / 06 / 07

Copies avocats

le 29 / 06 / 07

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale

-Prud'Hommes-

APPELANTE :

SAS EPALIA
rue d'Estaires-BP 101
ZI de la Cochiette
62138 VIOLAINES
Représentée par Me Yves GENTRIC (avocat au barreau de RENNES) en présence de Monsieur X..., directeur de l'établissement

INTIME :

M. Sandy Y...

...

62300 LENS
Présent et assisté de M. Jacques Z...(Délégué syndical CGT)

DEBATS : à l'audience publique du 03 Mai 2007

Tenue par B. MERICQ
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : N. BERLY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE

B. MERICQ
: PRESIDENT DE CHAMBRE

H. LIANCE
: CONSEILLER

A. COCHAUD-DOUTREUWE
: CONSEILLER

ARRET : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Juin 2007,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du nouveau code de procédure civile, B. MERICQ, Président, ayant signé la minute
avec V. DESMET, greffier lors du prononcé.

LA COUR,

FAITS ET PROCÉDURE /
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

1. Sandy Y... est cariste (conducteur de chariot-élévateur) au service de la SARL MS2R (devenue entre-temps la SAS Epalia Nord puis la SAS Epalia), laquelle exploite une activité de recyclage, fabrication et commercialisation de palettes en bois ; il est également depuis mai 2005 délégué syndical CGT.

Il a fait l'objet de trois sanctions disciplinaires-à chaque fois une mise à pied de trois jours-prononcées le 21 juin puis le 6 septembre puis le 17 novembre 2005.

2. Saisi sur demande formée (le 28 juillet 2005) par Sandy Y... qui a sollicité en définitive l'annulation de ces trois sanctions, le conseil de prud'hommes de Béthune a pour l'essentiel, selon jugement rendu le 6 septembre 2006 auquel il est entièrement fait référence pour l'exposé des données de base du procès et des prétentions et moyens respectifs des parties :

-annulé les trois mises à pied en cause,

-condamné la société Epalia à payer à Sandy Y... diverses sommes à titre de remboursement des salaires retenus à l'occasion de ces sanctions, paiement de la journée du 12 octobre 2005 et indemnité en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

-débouté Sandy Y... du surplus de ses réclamations-spécialement à fins d'indemnisation pour harcèlement moral.

La société Epalia a relevé appel de ce jugement.

3. Par ses conclusions écrites et observations orales développées à l'audience, la société Epalia reprend et précise devant la cour, de laquelle elle sollicite l'infirmation du jugement déféré (sauf en ses dispositions qui ont débouté Sandy Y... de sa réclamation au titre d'un prétendu harcèlement moral) et le rejet des demandes du salarié, l'intégralité de ses moyens de défense de première instance-essentiellement pour voir dire que les sanctions en jeu ont été prononcées pour des faits avérés (sur lesquels elle s'explique, le comportement de Sandy Y... s'étant dégradé de manière sensible) et étaient proportionnées aux fautes invoquées, les explications factuelles données par le salarié devant être regardées comme erronées ou inopérantes.

Elle fait valoir également que la journée du 12 octobre 2005 correspond à une absence injustifiée.

4. De son côté, Sandy Y... sollicite, en reprenant ses moyens et arguments de première instance, la confirmation pour l'essentiel du jugement ; il relate les difficultés relationnelles dans l'entreprise et la stratégie de harcèlement moral mise en oeuvre contre lui à raison de son mandat syndical ; il réfute les fautes prétendues et s'explique en détail sur son comportement, non fautif.

Oralement à l'audience, il forme appel incident pour obtenir indemnisation du préjudice qu'il a subi en lien avec le harcèlement opéré à son encontre par l'entreprise.

* * *

DISCUSSION :

1. Trois mises à pied prononcées en 2005 par la société Epalia à l'égard de Sandy Y... sont en litige dans le présent procès.

La première mise à pied contestée date du 21 juin 2005.

Elle reproche, comme grief principal, à Sandy Y... d'avoir, depuis mai 2005, modifié de sa propre initiative son mode de chargement des palettes sur son chariot-élévateur et entrepris de n'opérer que par demi-chargements, en dépit des ordres et mises en garde de sa direction ; Sandy Y... aurait justifié son comportement par un souci de sécurité (problème de visibilité avec un chargement complet de palettes) que la direction de l'entreprise estime non pertinent.

Par deux lettres de contestation datées du 24 puis du 30 juin 2005, Sandy Y... explique que " j'entends respecter les consignes de sécurité édictées par les lois en vigueur ainsi que celles apprises lors de ma formation de cariste ".

En l'état de ces documents écrits échangés entre les parties, la cour retient que la réalité du comportement de Sandy Y... est prouvée.

Les justificatifs de sécurité avancés par Sandy Y... ne sont pas convaincants en ce que :

+ la société Epalia communique un rapport de l'inspection du travail élaboré le 20 mars 2006 suite à une visite sur site du 8 mars 2006, le dit rapport qui aborde plusieurs questions de sécurité et d'hygiène mais ne formule aucune observation quant au mode de chargement des chariots-élévateurs,

+ la société Epalia démontre que le CHSCT n'a pas été saisi de la moindre réclamation et n'a formulé aucune observation ni mis en oeuvre une quelconque enquête,

+ Sandy Y... lui-même produit à son dossier plusieurs attestations qui viennent étayer sa défense (par exemple à propos d'accidents du travail non déclarés ou d'un harcèlement imputable à un directeur de production) mais aucun de ces témoignages ne vient apporter de renseignement quant au chargement des chariots-élévateurs... ce qui conduit à penser que, sur ce point, il n'y avait pas de réel problème.

Ainsi la société Epalia justifie-t-elle de ce que, à partir de mai 2005, Sandy Y... a modifié sa pratique professionnelle quotidienne de sa propre initiative et sans en référer à quiconque, manifestant ainsi sa volonté de se soustraire à l'autorité de ses supérieurs hiérarchiques, ceux-ci pourtant en charge de décider des normes de production de l'entreprise.

Il y a là les éléments d'une faute que la société Epalia pouvait entendre sanctionner.

Il sera ajouté que la motivation de la lettre du 21 juin 2005 est claire, qui fait relever la sanction de la faute ci-dessus énoncée et caractérisée ; les autres griefs contenus à cette lettre sont plutôt relatés à titre de complément d'avertissement, et leur pertinence-ou défaut de pertinence-est sans véritable portée.

2. La deuxième mise à pied date du 6 septembre 2005.

Elle vise un incident du " 21 juillet 2005 " au cours duquel Sandy Y... aurait refusé d'exécuter des instructions données par ses supérieurs puis aurait mal exécuté un chargement ; à l'encontre du deuxième responsable (M. A...) intervenu pour correction de l'opération inadéquate, Sandy Y... aurait proféré des menaces.

Plusieurs éléments du dossier révèlent que l'incident litigieux s'est en réalité produit le 20 juillet 2005 (voir témoignage B...produit par Sandy Y...-pièce 29 de son dossier-ou thèse défendue dès la première instance par Sandy Y...) ce qui induit que la date erronée qui figure à la lettre de sanction résulte d'une erreur de plume... laquelle doit être corrigée.

Au dossier de la société Epalia figure (pièce 31) une attestation rédigée par Thierry A..., lequel relate avec précision l'incident survenu le 20 juillet 2005, Sandy Y... ayant par deux fois refusé d'exécuter des ordres (dans un premier temps refus de participer au déchargement d'un camion tel qu'ordonné par M. C...puis confirmé par M. A..., dans un second temps rechargement du camion avec des produits non conformes) puis ayant menacé son supérieur.

Cette attestation, contresignée par deux autres personnes présentes sur site au moment des faits et nommément désignées, fait preuve utile de la réalité de l'incident.

Pour faire preuve contraire, Sandy Y... produit une attestation de Frédéric B...qui explique avoir assisté à une " discussion vive entre Mr Y... et Mr A...le ton était vif mais à aucun moment il n'y a eu de geste menaçant " : cependant, ce témoin n'a pas assisté à la totalité des faits énoncés à la lettre de sanction (spécialement il ne dit rien de la désobéissance à l'ordre de M. C...) et l'absence de " geste menaçant " n'est pas contraire aux propos relatés par M. A....

La cour retient là encore les éléments d'une faute que la société Epalia pouvait entendre sanctionner.

Il sera ajouté que la procédure a été respectée par la société Epalia (laquelle a convoqué Sandy Y..., celui-ci en arrêt de travail suite à accident du travail subi ce même 20 juillet 2005, pendant ses heures de sortie autorisées) et que l'accident de santé qu'a subi Sandy Y... en fin de journée (malaise nerveux constaté par son collègue Patrice D...) a conduit la direction de l'entreprise à faire appel à un médecin du travail... ce qui pouvait être considéré comme une réaction appropriée.

3. La troisième mise à pied date du 17 novembre 2005.

Elle reproche en premier lieu à Sandy Y... d'avoir à nouveau, en octobre 2005, repris sa pratique fantaisiste de chargement de palettes soit en respectant la norme soit en opérant par demi-chargement.

Elle vise par ailleurs un incident du 12 octobre 2005, Sandy Y... ayant alors refusé d'utiliser le chariot-élévateur à lui affecté pour de prétendus problèmes de sécurité et quitté l'entreprise sans autorisation.

Quant à cette faute du 12 octobre 2005, Sandy Y... démontre par les pièces de son dossier qu'en réalité il a refusé dès le 11 octobre 2005 de conduire son chariot-élévateur qui présentait selon lui des problèmes de sécurité, que cet engin n'avait pas été réparé le 12 octobre lors de sa prise de poste et que le directeur de production a, devant témoin, refusé de lui affecter un autre chariot-élévateur (voir attestation Caumont-pièce 39) : or il est également prouvé que le chariot-élévateur affecté à Sandy Y... le 11 octobre 2005 présentait des pneus arrière usés et à changer (voir rapport technique Norisko du 14 septembre 2005) et que cette réparation n'a été effectuée que le 12 octobre 2005... mais postérieurement au départ de Sandy Y....

Dans cette situation, la cour retient que la faute visée par la société Epalia n'est pas caractérisée, Sandy Y... ayant pu à raison refuser de conduire un engin pouvant présenter un danger et ultérieurement constater que l'employeur, qui persistait dans sa décision d'affectation de matériel non réparé, se mettait en situation de ne pas permettre l'exécution d'un travail ce 12 octobre 2005.

Sandy Y... a pu ainsi légitimement refuser de travailler... en sorte que la journée du 12 octobre 2005 doit lui être rémunérée.

Il reste, sur cette mise à pied du 17 novembre 2005, la réalité et la gravité de la première faute visée-à savoir pris la pratique fantaisiste de chargement de palettes soit en respectant la norme soit en opérant par demi-chargement-qui était réitérée malgré la première mise à pied du 21 juin 2005.

La société Epalia a donc pu légitimement prononcer sanction.

4. Dans chacune des trois situations litigieuses, la société Epalia a prononcé la sanction d'une mise à pied de trois jours.

Compte tenu de ce que Sandy Y... avait déjà reçu notification d'un mise à pied en octobre 2002 pour une altercation (sanction qui n'a jamais été contestée) et que l'entreprise a constaté une persistance de l'intéressé dans son opposition à l'autorité de ses supérieurs, le choix d'une telle sanction-mise à pied-apparaît proportionné aux faits visés et prouvés.

5. Les trois sanctions dénoncées par Sandy Y... dans le présent procès, dès lors qu'elles sont considérées comme régulières et justifiées par la cour, ne relèvent d'aucun harcèlement.

Par ailleurs, Sandy Y... produit à son dossier diverses attestations de salariés qui se plaignent du comportement autoritaire d'un directeur de production dans des conditions de pression telles que serait caractérisé un harcèlement : cependant, aucun de ces témoignages ne fait état d'un fait ou d'une circonstance qui aurait concerné Sandy Y... personnellement.

Le harcèlement invoqué n'est donc pas établi.

6. Au terme des considérations ci-dessus développées, la cour retient que Sandy Y... aurait dû être rémunéré de la journée du 12 octobre 2005-ainsi que l'ont décidé les premiers juges.

En revanche, les trois sanctions en litige étaient justifiées.

Sandy Y... doit donc être débouté de l'essentiel de ses réclamations.

7. Les éléments de la cause ne justifient pas l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en faveur de la société Epalia.

En ce que Sandy Y... n'a pas été totalement rempli de ses droits, les dépens du présent procès doivent être mis à la charge de la société Epalia.

* * *

PAR CES MOTIFS :

-confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Epalia à payer à Sandy Y... la journée du 12 octobre 2005 ; renvoie les parties à calculer la rémunération de cette journée, avec possibilité en cas de désaccord de saisine de la cour par simple requête de la partie la plus diligente ;

L'EMENDANT POUR LE SURPLUS :

-dit régulières et justifiées les trois mises à pied prononcées par la société Epalia à l'égard de Sandy Y... les 21 juin 2005,6 septembre 2005 et 17 novembre 2005 ;

-déboute en conséquence Sandy Y... de ses demandes en rapport avec ces mises à pied ; le déboute également des fins de son appel incident ;

-rejette toutes autres prétentions plus amples ou contraires ;

-condamne la société Epalia aux entiers dépens de la première instance et de l'instance d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 06/02339
Date de la décision : 29/06/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Béthune


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-06-29;06.02339 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award