COUR D'APPEL DE DOUAI
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 14/06/2007
** *BAUX RURAUX
No RG : 06/06681Jugement (No 04/0000005)rendu le 09 Novembre 2006par le Tribunal paritaire des baux ruraux de BOULOGNE SUR MERREF : LB/VD
APPELANTSMonsieur Jean-Paul X...né le 23 Septembre 1943 à VAUDRINGHENDemeurant...62240 SENLECQUES
représenté par Me Philippe MEILLIER, avocat au barreau d'ARRAS
Madame Danielle Y... épouse X...née le 19 Avril 1948 à THIEMBRONNE (62560)Demeurant...62240 SENLECQUES
représentée par Me Philippe MEILLIER, avocat au barreau d'ARRAS
INTIMÉSMonsieur Augustin Z...né le 07 Octobre 1924 à SENLECQUES (62240)Demeurant...62240 SENLECQUES
représenté par Me LAMORIL de la SCP LAMORIL - ROBIQUET - DELEVACQUE, avocats au barreau d'ARRAS
Madame Hélène A... épouse Z...née le 31 Mars 1927 à SENLECQUES (62240)Demeurant...62240 SENLECQUES
représenté par Me LAMORIL de la SCP LAMORIL - ROBIQUET - DELEVACQUE, avocats au barreau d'ARRAS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉMadame MERFELD, Présidente de chambreMonsieur VERGNE, Président de chambreMadame BERTHIER, Conseillère---------------------GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame AMBROZIEWICZ
DÉBATS à l'audience publique du 03 Mai 2007,Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2007 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame MERFELD, Présidente, et Madame AMBROZIEWICZ, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur Augustin Z... et Madame Hélène A... son épouse sont propriétaires d'un ensemble de parcelles d'une contenance du 21 ha 46 a 25 ca sur le terroir des communes de SENLECQUES et VIEIL MOUTIER.
Par acte notarié du 29 mars 1973, ces parcelles avaient été données à bail à ferme à long terme à Monsieur Jean-Paul X... et son épouse Madame Danielle Y....
Par acte notarié du 21 mai 1991, le bail a été renouvelé à compter, rétroactivement, du 1er janvier 1991. L'acte comporte une clause de reprise sexennale rappelant les dispositions de l'article L 411-6 du code rural.
Par acte extra judiciaire du 22 décembre 2003, Monsieur et Madame Z... ont donné congé pour reprise à Monsieur et Madame X..., à effet du 1er janvier 2006, au bénéfice de Monsieur Maxime Z... leur petit-fils majeur.
Par arrêté du 8 octobre 2004, le Préfet du Pas-de-Calais a refusé à Monsieur Maxime Z... l'autorisation d'exploiter au motif que sa demande était concurrencée par celle de Monsieur Fabien X..., fils de Monsieur et Madame X... et que la reprise des biens provoquerait des conséquences économiques irrémédiables sur l'exploitation de Monsieur et Madame X... en particulier en raison du fait qu'y figurait un bâtiment essentiel au fonctionnement de l'exploitation (hangar servant à loger les génisses du GAEC DE LA PLACETTE).
Monsieur Maxime Z... a formé un recours hiérarchique en réduisant sa demande à une superficie de 17 ha 68 a, excluant le hangar sur la parcelle cadastrée A 9p (devenue A 487), et le ministre de l'agriculture a indiqué le 6 avril 2005 que l'opération envisagée ne rentrait plus dans le champ d'application du contrôle des structures et que la reprise pouvait être faite sans autorisation. Puis, Monsieur Maxime Z... a présenté une nouvelle demande d'autorisation d'exploiter, le 29 septembre 2005, portant sur 21 ha 03 ne concernant plus la parcelle A 9 (devenue A 487) et le Préfet a répondu qu'une telle demande n'était pas soumise à autorisation préalable.
Soutenant que malgré cette autorisation, le projet de Monsieur Maxime Z... n'est pas sérieux et n'a d'autre fin que de permettre la reprise de l'exploitation sans véritable intention de cultiver, Monsieur et Madame X... ont, sur déclaration reçue le 20 avril 2004, saisi le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de BOULOGNE SUR MER, qui par jugement du 9 novembre 2006, a : - donné acte à Monsieur et Madame Z... qu'ils renoncent à la reprise de la parcelle de 2 a 12 ca devenue A no487 dans l'ancienne parcelle A no9,- à cette condition, constaté la validité du congé délivré le 22 septembre 2003 par Monsieur et Madame Z..., prenant effet le 1er janvier 2006,- dit qu'à défaut du départ de Monsieur et Madame X... un mois après la signification de la présente décision, il pourra être procédé à leur expulsion avec au besoin l'assistance de la force publique,- condamné Monsieur et Madame X... à payer à Monsieur et Madame Z... la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Cette décision a été notifiée à Monsieur et Madame X... le 10 novembre 2006 qui en ont interjeté appel par déclaration reçue au greffe le 23 novembre 2006.
Aux termes de leurs conclusions déposées le 2 avril 2007 reprises oralement lors de l'audience, Monsieur et Madame X... demandent à la Cour d'infirmer le jugement, d'annuler le congé et de condamner "conjointement et solidairement" Monsieur et Madame Z... à leur payer la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Ils soutiennent que Monsieur Maxime Z... n'a aucun projet véritable de s'installer aux motifs que :- son installation est matériellement impossible puisque le corps de ferme qu'il envisage d'occuper est en ruine, il ne dispose pas de bâtiment d'exploitation et aucun permis de construire ne sera jamais délivré pour permettre la réalisation de travaux d'installation d'un bâtiment d'élevage compte tenu de sa situation et des distances réglementaires,- parmi les biens convoités figurent 10 ha 48 a de prairies permanentes qui ne peuvent être retournées pour être mises en culture alors que l'élevage de bovins sera impossible, faute de hangar,- la superficie mise en valeur sera très inférieure à la surface minimale d'installation dans la région considérée,- Monsieur Maxime Z... est salarié d'une entreprise et ne justifie pas de sa démission et ainsi de son intention de s'installer comme agriculteur.
Ils ajoutent que Monsieur et Madame Z... ne peuvent modifier la portée du congé en réduisant les superficies sur lesquelles il porte et il leur appartient de délivrer un nouveau congé conformément aux dispositions de l'article L 411-62 du code rural.
Ils soutiennent également que le projet poursuivi par Monsieur Maxime Z... interdira à Monsieur et Madame X... l'exploitation du bâtiment d'élevage qui n'aura plus d'accès sur les pâtures ce qui entraînera la perte, pour Monsieur et Madame X..., de l'intégralité des quotas laitiers et compromettra en conséquence la survie de l'exploitation.
Aux termes de leurs conclusions déposées les 25 avril et 3 mai 2007 reprises oralement lors de l'audience, Monsieur et Madame Z... demandent à la Cour de :- rejeter les demandes de Monsieur et Madame X...,- valider le congé délivré le 22 septembre 2003 à effet du 1er janvier 2006 à l'exception de la parcelle A 487 de 2 ca 12 ca,- leur donner acte de ce qu'ils ont renoncé à la reprise de cette parcelle,- ordonner l'expulsion de Monsieur et Madame X... et de tout occupant de leur chef sous astreinte de 200 € par jour,- condamner Monsieur et Madame X... à leur verser la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Ils soutiennent que Monsieur Maxime Z... remplit les conditions de l'article L 411-59 du code rural puisqu'il dispose des diplômes, des éléments matériels (maison d'habitation, étables, hangar de stabulation), techniques (aide de la CUMA et du CER) et financiers nécessaires à l'exploitation et qu'en tout état de cause, la viabilité de l'exploitation n'entre pas dans les critères de cet article.
Ils font valoir que la reprise n'est pas soumise à autorisation dans le cadre de la législation sur le contrôle des structures, que Monsieur X... a pris sa retraite en 2003, que son épouse est sur le point d'en faire autant et a mis les terres à disposition d'un GAEC et qu'aucune demande de cession n'a été présentée au profit de Fabien X....
S'agissant du moyen tiré de l'application de l'article L 411-62 du code rural, ils prétendent que celui ci est nouveau et donc irrecevable s'agissant d'une demande nouvelle en cause d'appel.
Ils prétendent en outre que le congé délivré respecte l'ensemble des prescriptions des articles L 411-47 et L 411-58 du code rural et que la réduction opérée postérieurement à la délivrance porte sur une parcelle parfaitement circonscrite et l'a été compte tenu de la décision de l'autorité administrative.
Ils invoquent enfin le fait que les preneurs ont vu leur exploitation passer de 40 à 78 hectares, que la reprise de 20 hectares ne peut porter atteinte à leur exploitation, que l'équilibre économique des exploitations agricoles relève du contrôle administratif et qu'en tout état de cause, il n'y a pas lieu de prendre en considération les conditions économiques d'exploitation du GAEC des Placettes qui n'est pas son co-contractant et qui s'est vu mettre à disposition les parcelles prises à bail par Monsieur et Madame X... sans délivrance de l'avis préalable prévu par l'article L 323-14 du code rural.
SUR CE :
Attendu que le congé aux fins de reprise qu'ont fait délivrer Monsieur et Madame Z..., le 22 décembre 2003, porte sur la totalité des parcelles d'une contenance de 21 ha 26 a 25 ca, données à bail et sises sur les terroirs des communes de SENLECQUES et VIEIL MOUTIER ;
Attendu que par décision du 8 octobre 2004, le Préfet du Pas-de-Calais a refusé à Monsieur Maxime Z... l'autorisation d'exploiter portant sur lesdites parcelles au motif notamment que cette demande avait pour effet de priver le GAEC des PLACETTES d'un bâtiment essentiel à son exploitation ;
Que dans ces conditions, Monsieur Maxime Z... a déposé un recours hiérarchique en réduisant sa demande à une superficie de 17 ha 68, permettant au GAEC des Placettes de conserver la parcelle A 9 et le bâtiment d'exploitation édifié sur ces terres ; que le Ministre de l'agriculture a répondu que l'opération envisagée ne rentrait plus dans le champ d'application du contrôle des structures et que la reprise pouvait être faite sans autorisation préalable ;
Que Maxime Z... a ensuite déposé une nouvelle demande d'autorisation auprès du Préfet portant cette fois sur la superficie de 21,03 ha ne concernant plus une partie de la parcelle A 9 (devenue A 487) à laquelle il a été répondu également qu'aucune autorisation préalable n'était requise ;
Qu'au vu de ces éléments, il est manifeste que la reprise ne concerne plus qu'une partie des parcelles données à bail et non leur totalité et qu'elle se trouve donc soumise, comme le soutiennent Monsieur et Madame X..., aux dispositions de l'article L 411-62 du Code Rural ; que ce moyen, bien que nouveau devant la Cour, est recevable, conformément aux dispositions de l'article 563 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que ce moyen ne constitue pas une demande nouvelle, prohibée ;
Attendu que Monsieur et Madame Z... entendent voir limiter la portée du congé qu'ils ont fait délivrer puisqu'ils demandent à la Cour de le valider partiellement ;
Que toutefois les conditions de la reprise doivent être appréciées par rapport au congé tel qu'il a été donné et le bailleur ne peut modifier le motif du congé sans l'accord du preneur lorsque ses intérêts peuvent en être affectés comme c'est le cas en l'espèce ;
Or attendu que le congé délivré le 22 décembre 2003 porte sur la reprise de la totalité des parcelles, reprise qui ne respecte pas les dispositions concernant le contrôle des structures des exploitations agricoles puisque Monsieur Maxime Z... s'est vu refuser l'autorisation sollicitée à ce titre ; que ce congé n'est donc pas valide et doit être annulé ;
Que le Tribunal ne pouvait, comme il l'a fait, valider le congé en considérant que les bailleurs avaient ultérieurement abandonné la reprise d'une partie des parcelles ; que le jugement sera infirmé ;
Attendu que l'indemnité au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel sera fixée à la somme de 1.000 € ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement,
Et statuant à nouveau,
Annule le congé délivré le 22 décembre 2003 par Monsieur et Madame Z... à Monsieur et Madame X...,
Condamne in solidum Monsieur et Madame Z... aux dépens de première instance et d'appel,
Les condamne à payer à Monsieur et Madame X... la somme de 1.000 Euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.