COUR D'APPEL DE DOUAI
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 14/06/2007
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BAUX RURAUX
No RG : 06/05521
Jugement (No )rendu le 22 Août 2006par le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de MONTREUIL SUR MER
REF : EM/MD
APPELANT
Monsieur Denis X...né le 17 Janvier 1938 à MARANT (62170)Demeurant...62170 MARANT
représenté par Me Danièle LAMORIL-LAUDE, avocat au barreau d'ARRAS
INTIMÉ
Monsieur Hervé Y...né le 15 Septembre 1956 à BEAURAINVILLE (62990)Demeurant...62170 MARANT
représenté par la SCP X... BAVENCOFFE MEILLIER, avocats au barreau d'ARRAS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉMadame MERFELD, Président de chambreMonsieur VERGNE, Président de chambreMadame BERTHIER, Conseiller---------------------GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame AMBROZIEWICZ
DÉBATS à l'audience publique du 03 Mai 2007,Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2007 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame MERFELD, Président, et Madame AMBROZIEWICZ, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Monsieur Hervé Y... a saisi le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de MONTREUIL SUR MER le 16 mai 2005, sur le fondement de l'article l 331-10 du code rural, afin que lui soit accordé un bail rural sur les parcelles situées sur la commune de MARANT, cadastrées A 146, A 276 et ZB 37 appartenant à Monsieur Denis X..., faisant valoir que par décision du 22 janvier 2003 le Préfet du Pas-de-Calais a refusé à Monsieur X... l'autorisation d'exploiter ces parcelles, que par arrêté du 7 novembre 2003 il l'a mis en demeure de cesser l'exploitation avant le 31 décembre 2003, que Monsieur X... n'a pas déféré à cette demande et que lui-même a obtenu du Préfet, le 28 avril 2005, l'autorisation d'exploiter lesdites parcelles.
Par jugement du 22 août 2006 le tribunal a : - accordé à Monsieur Hervé Y..., à compter du 1er octobre 2005, le droit d'exploiter, en vertu d'un bail soumis au statut du fermage, les parcelles appartenant à Monsieur Denis X..., situées sur la commune de MARANT, cadastrées A 146, A 276 et ZB 37 d'une superficie totale de 6ha 69ca,- enjoint à Monsieur X..., sous astreinte de 30 euros par jour de retard écoulé deux mois après la notification du jugement et pendant un délai de six mois, de mettre à la disposition de Monsieur Y..., en sa qualité de preneur, les parcelles précitées et de débarrasser lesdites parcelles de tous arbres ou souches plantés au cours de l'année 2006, susceptibles de s'y trouver,- ordonné une expertise et commis Monsieur Z... pour y procéder avec mission de fournir tous éléments techniques ou de fait permettant au tribunal de fixer le fermage des terres litigieuses,- condamné Monsieur X... aux dépens.
Ce jugement a été notifié le 8 septembre 2006 à Monsieur X... qui en a relevé appel le 22 septembre 2006.
Par conclusions du 30 avril 2007 soutenues oralement à l'audience et complétées par une note en délibérée autorisée par la Cour, Monsieur X... demande l'infirmation du jugement et le rejet des demandes de Monsieur Y....
Il fait valoir qu'il a cessé l'exploitation des parcelles litigieuses et que la nature du fonds a été modifiée au cours de l'hiver 2005 puisqu'il y a entrepris le reboisement des parcelles et que dès lors la condition de mise en valeur "d'un fonds agricole" ou de vacance "d'un fond agricole" visée par l'article L 331-10 du code rural n'était pas remplie au jour de la saisine du tribunal paritaire alors que l'administration était informée, depuis le 22 avril 2005, de la décision de reboisement.
Il ajoute qu'il n'est pas justifié du respect des dispositions des articles 2 et suivants de la loi du 12 avril 2000 relative au droit des citoyens dans leurs relations aves les administrations, que notamment les voies de recours contre la mise en demeure du 7 novembre 2003 n'ont pas été précisées, que le tribunal ne pouvait accorder, par jugement du 22 août 2006, un bail commençant rétroactivement à courir à compter du 1er octobre 2005 et que sa décision d'ordonner l'arrachage des arbres plantés se heurte aux dispositions fondamentales régissant le droit de propriété (articles 2 et 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen).
Subsidiairement il soutient que Monsieur Y... ne remplit pas les conditions nécessaires à l'octroi d'un bail rural, que son état civil n'est pas précisé, que l'importance de son exploitation n'est pas connue, qu'il n'est pas justifié de la détention des diplômes nécessaires et que la charge des impôts fonciers n'est pas définie.
Il se porte demandeur d'une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par conclusions du 3 mai 2007 Monsieur Y... demande à la Cour de confirmer le jugement par adoption des motifs du tribunal et de condamner Monsieur X... à lui verser la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. A l'audience il a toutefois admis que le point de départ du bail ne pouvait être fixé rétroactivement au 1er octobre 2005.
SUR CE
Attendu qu'à l'audience le conseil de Monsieur X... a sollicité le renvoi de l'affaire pour lui permettre de répondre aux conclusions et pièces de Monsieur Y... ;
Que la Cour a rejeté cette demande après avoir constaté que Monsieur X... qui avait déposé ses conclusions d'appelant sept mois après avoir reçu sa convocation à l'audience et avait déjà obtenu un renvoi était directement à l'origine du retard ; que toutefois il a été autorisé à faire parvenir une note en délibéré, ce qu'il a fait le 30 mai 2007 ;
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Attendu que l'article L 331-10 du code rural dispose que si, à l'expiration de l'année culturale au cours de laquelle la mise en demeure de cesser l'exploitation est devenue définitive, un nouveau titulaire du droit d'exploiter n'a pas été retenu, toute personne intéressée par la mise en valeur du fonds peut demander au tribunal paritaire des baux ruraux que lui soit accordé le droit d'exploiter ledit fonds ;
Attendu que Monsieur X..., propriétaire de diverses parcelles à usage agricole sises sur le terrain de la commune de MARANT, mettant en culture ces parcelles malgré un refus d'exploiter en date du 22 janvier 2003, dont il a accusé réception le 4 février 2003, s'est vu notifier le 7 novembre 2003 un arrêté de mise en demeure d'avoir à cesser son exploitation avant le 31 décembre 2003 ;
Attendu que Monsieur X... a accusé réception de cet arrêté de mise en demeure le 21novembre 2003 ; que conformément à l'article L 331-7 du code rural cet arrêté lui accordait un délai jusqu'au 15 décembre 2003 pour présenter ses observations ; que Monsieur X... n'a pas présenté d'observation ; que la mise en demeure est donc devenue définitive le 16 décembre 2003 et Monsieur X... ne justifie pas en avoir contesté la légalité devant la juridiction compétente ;
Qu'au terme de l'année culturale au cours de laquelle la mise en demeure est devenue définitive, soit le 1er octobre 2004, Monsieur X... n'avait pas choisi un preneur en règle avec le contrôle des structures ;
Qu'à cette date les parcelles étaient toujours à usage agricole puisque ce n'est que postérieurement ainsi que Monsieur X... l'a reconnu dans ses déclarations à Maître A..., huissier de justice auteur du constat du 10 mars 2006 qu'il verse aux débats, qu'il a changé la destination des parcelles pour y planter des arbres ; que le 10 mars 2006 Monsieur X... déclarait en effet "qu'il vient d'effectuer un changement de consistance ou d'affectation" ;
Attendu que les conditions d'application de l'article L 331-10 du code rural étaient satisfaites au 1er octobre 2004 ;
Attendu que si par lettre du 22 avril 2005 Monsieur X... informait la commission de contrôle des structures de son intention d'assurer la plantation des parcelles, il ne résulte pas des pièces qu'il produit que le changement de destination ait été opéré avant le 16 mai 2005, date de la saisine du tribunal paritaire par Monsieur Y... ; qu'au contraire le constat de Maître B..., huissier de justice, du 8 septembre 2005 établit que la parcelle ZB 37 a été semée en blé, que le blé a été récolté et que la paille au sol est prête à être pressée ;
Attendu que Monsieur Y... verse aux débats l'autorisation d'exploiter qui lui a été accordée le 28 avril 2005 pour la superficie de 6ha 69 appartenant à Monsieur X... sur la commune de MARANT ; qu'il ne fait aucun doute que ces terres sont celles qui ont fait l'objet de la mise en demeure du 7 novembre 2003 et du refus d'autorisation d'exploiter opposé à Monsieur X... le 22 janvier 2003, puisque ce refus était motivé par le fait que la demande d'agrandissement de Monsieur X... était concurrente à celle de Monsieur Y... qui était prioritaire ;
Attendu que l'autorisation d'exploiter accordée à Monsieur Y... n'a fait l'objet d'aucun recours ; que Monsieur Y... a indiqué son état civil complet dans ses conclusions devant la Cour ; qu'il justifie par une attestation du Directeur de la Caisse de Mutualité Sociale Agricole du Pas de Calais qu'il met en valeur une superficie de 69,8613 ha ; que la charge des impôts fonciers sera définie par le jugement qui statuera sur le montant du fermage ;
Attendu que l'article l 331-10 du code rural ne porte pas atteinte au droit de propriété mais prévoit seulement la faculté d'imposer au propriétaire qui ne respecte pas les règles du contrôle des structures, un nouveau titulaire du droit d'exploiter par le moyen d'un bail forcé ;
Attendu que Monsieur X... qui en vertu de l'article L 331-10 du code rural est tenu de consentir un bail rural à Monsieur Y... ne peut contester la condamnation prononcée par le tribunal de retirer des parcelles les arbres et souches, plantés en 2006, susceptibles de porter atteinte au droit de jouissance que le bailleur doit assurer au preneur ;
Attendu que la décision de première instance sera confirmée à la seule exception de ses dispositions sur le point de départ du bail qui ne peut commencer à courir qu'à compter du 22 août 2006, date du jugement créateur du droit ;
Attendu que l'indemnité procédurale due à Monsieur Y... au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile sera fixée à 1.200 euros ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant en audience publique et contradictoirement,
Confirme le jugement à l'exception du point de départ du bail,
L'émendant de ce chef, dit que le bail prend effet au 22 août 2006, date du jugement,
Condamne Monsieur X... aux dépens d'appel et à verser à Monsieur Y... une somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.