La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2007 | FRANCE | N°05/01854

France | France, Cour d'appel de Douai, 10 mai 2007, 05/01854


COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 10 / 05 / 2007

No de MINUTE : / 07
No RG : 05 / 01854

Jugement (No 2003 / 3347)
rendu le 02 Décembre 2004
par le Tribunal de Commerce
de ROUBAIX TOURCOING

REF : TF / CP

APPELANT

Monsieur Philippe X... ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sté DECOEYERE
demeurant ... 59700 MARCQ EN BAROEUL

Représenté par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour
Assisté de Me Christian LEQUINT, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉES

Société M

ANUFRANCE FRANCAISE DES PNEUMATIQUES MICHELIN prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social Place des Carmes De...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 10 / 05 / 2007

No de MINUTE : / 07
No RG : 05 / 01854

Jugement (No 2003 / 3347)
rendu le 02 Décembre 2004
par le Tribunal de Commerce
de ROUBAIX TOURCOING

REF : TF / CP

APPELANT

Monsieur Philippe X... ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sté DECOEYERE
demeurant ... 59700 MARCQ EN BAROEUL

Représenté par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour
Assisté de Me Christian LEQUINT, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉES

Société MANUFRANCE FRANCAISE DES PNEUMATIQUES MICHELIN prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social Place des Carmes Dechaux 63000 CLERMONT FERRAND

Représentée par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués à la Cour
Assistée de la SCP VIGNANCOUR DISCHAMP du barreau de CLERMONT FERRAND

S. A. S LOVEFRANCE MAINTENANCE prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social Route de Vannes 44800 ST HERBLAIN

Représentée par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour
Assistée de Maître VINCENT, Avocat au barreau de NANTES

SA DECOEYERE prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social 10 avenue Du Général Camou 75007 PARIS

Assignée le 07 / 11 / 06 (PV de recherches)

DÉBATS à l'audience publique du 27 Mars 2007, tenue par Monsieur FOSSIER magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 NCPC).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame NOLIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Monsieur FOSSIER, Président de chambre
Monsieur ZANATTA, Conseiller
Madame NEVE DE MEVERGNIES, Conseiller

ARRÊT PAR DÉFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 Mai 2007 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur FOSSIER, Président et Madame NOLIN, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 07 mars 2007

*****

La commandite MICHELIN propose un contrat innommé aux transporteurs terrestres, consistant à racheter les pneus des véhicules qu'ils utilisent, et à en assurer ensuite l'entretien et le remplacement.

La SAS LOVE FRANCE, siégeant en Loire Atlantique, a contracté dans ces termes avec Michelin selon des écrits datés des 30 avril et 12 juillet 2002. Le président de cette société (à l'époque SA avec directoire) a en outre entendu engager les filiales de LOVE, parmi lesquelles, en termes exprès, la SA des Etablissements DECOEYERE. Le contrat comporte une stipulation de solidarité entre la société mère et les filiales, dont Decoeyere.

Cette dernière a été admise au bénéfice du redressement judiciaire par jugement rendu à Roubaix le 12 juin 2003 puis de la liquidation judiciaire par jugement du 9. 9. 2003. Par lettre recommandée du 30 juin 2003, la commandite Michelin, arguant de l'engagement pris en 2002 par le président de LOVE France, a revendiqué les pneus montés sur les véhicules utilisés par la SA Decoeyere, qu'elle en soit propriétaire ou crédit-preneuse. Par ordonnance du 6 octobre 2003, le juge commissaire de la liquidation a refusé à Michelin l'exercice de la revendication.

Par une nouvelle lettre du 14 novembre 2003, Michelin a réitéré sa revendication, ou l'a étendue à des pneus et roues qui, sans être montés sur des véhicules, étaient aux mains de la société Decoeyere. Par ordonnance du 5 février 2004, le juge commissaire a considéré que cette deuxième revendication était sans objet nouveau.

Par jugement contradictoire en date du 2 décembre 2004, le Tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing a au contraire estimé que Michelin était propriétaire des pneumatiques de tout le parc de véhicule des Etablissements Decoeyere, ainsi que du stock de pneus non montés et de roues, et a ordonné au liquidateur, Me X..., de faire restituer ces équipements à Michelin.

Par acte de son avoué en date du 23 mars 2005, Me X..., liquidateur judiciaire de la SA Etablissements DECOEYERE a interjeté appel principal et général de la décision intervenue.

A l'attention du second degré de juridiction, la partie appelante a déposé des conclusions conformes aux articles 915 et 954 du Nouveau Code de Procédure Civile dont les dernières en date sont du 6. 12. 2006 et dans lesquelles il est demandé à la Cour de ne pas faire droit à la revendication, pour les motifs-mêmes qu'avait avancés le juge commissaire en ses deux ordonnances successives. Subsidiairement, Me X... estime que les véhicules crédits-baillés le sont de toute façon avec leurs roues et pneus et que Michelin, vu l'article L 621-122 du Code de commerce et la jurisprudence y afférante, pourrait tout au plus prétendre à revendiquer ce qui est monté sur des véhicules en la propriété de Decoeyere, soit une valeur de 7. 132,69 euros.

L'appelant réclame 1. 500 euros pour frais irrépétibles de procédure.

La partie intimée, la société en commandite MFP MICHELIN, a conclu le 16 novembre 2006. Elle affirme d'abord que les ordonnances du juge commissaire sont nulles pour violation du principe contradictoire. Au fond, elle estime que l'engagement du dirigeant de LOVE France s'étend à la société filiale DECOEYERE et est maintenant opposable au liquidateur judiciaire de cette dernière. Elle relève que les pneus et roues litigieux ont été retrouvés en nature au jour du jugement de liquidation. Du tout elle déduit qu'elle peut exercer sa revendication en nature ou recevoir un prix par équivalent pour ce qui aurait disparu, à concurrence de 81. 015,95 euros de valeur total. L'intimée réclame aussi 8. 000 euros pour procédure abusive et 3. 000 euros pour frais.

La SAS LOVE FRANCE attraite devant le premier juge, a conclu devant la Cour le 5. 4. 2006, à la confirmation pure et simple, avec paiement de 1. 500 euros pour frais de procédure.

Selon ce qu'autorise l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.

SUR QUOI LA COUR,

-Sur la procédure

Attendu que les arguments relatifs à la procédure suivie devant le juge commissaire, ou relatifs à l'intérêt et à la jonction des deux recours contre les ordonnances respectifs dudit juge, ont été vidés, explicitement ou implicitement, mais à bon escient, par le tribunal de commerce dont la décision sera confirmée de ces chefs ;

-Sur la stipulation de Love pour le compte de Decoeyere

Attendu que dans le contrat conclu en 2002, le dirigeant de LOVE France a valablement engagé les autres sociétés dont il était aussi dirigeant, parmi lesquelles Decoeyere ;

Attendu que ce type de stipulations faites par une même personne physique pour le compte de plusieurs personnes morales est admise par la Cour de cassation, hors le cas où la loi impose une délibération des organes propres de chacune de ces sociétés ;

Qu'ainsi en dispose notamment un arrêt (Com. 18 juin 1991), par " a contrario " duquel lorsqu'une société, filiale d'une autre mais ayant le même dirigeant, conclut un contrat de fourniture, la société non signataire ne doit pas le paiement solidaire de la créance du fournisseur car si l'un de ses cadres était présent à la signature, il n'a jamais tenté de faire croire au cocontractant qu'il avait pouvoir de représenter sa société, son rôle s'étant limité à celui d'un conseil aux côtés de la filiale signataire ; et car encore, si

le président de cette même société mère avait voulu accepter une obligation de garantie de paiement, il lui fallait une autorisation préalable du conseil d'administration ;

Qu'en l'état des textes en vigueur, à savoir les articles L 225-35 du Code de commerce et R 225-28 du même code (anciennement art. 89 du décret du 23 mars 1967), seuls les cautionnements, avals et autres garanties personnelles ou réelles relèvent d'une autorisation spéciale du conseil d'administration ; que la solidarité stipulée dans le cas d'espèce ne relève pas en droit des sûretés ; que le dirigeant de Love et Decoeyere avait donc pouvoir de s'engager sans préalable ;

Attendu qu'il en résulte, comme l'ont estimé les premiers juges, que Decoeyere, et présentement son liquidateur judiciaire Maître X..., est engagé envers Michelin ;

-Sur l'effet du crédit bail

Attendu que comme cette commandite le fait plaider, Michelin n'est pas un vendeur doté d'une réserve de propriété, mais propriétaire pur et simple sans aucun droit pour Decoeyere de disposer des pneus et roues qui font l'objet maintenant du litige ;

Attendu que cependant, l'article L 621-122 du Code de commerce doit recevoir application en l'espèce puisqu'il vise, outre les marchandises destinées à la revente, celles qui sont simplement déposées par une personne auprès de l'entreprise qui va faire l'objet du redressement ou de la liquidation judiciaire ;

Qu'en effet, il apparaît que le contrat innommé passé entre Michelin et Love France emporte pour la filiale Decoeyere les droits et obligations d'un dépositaire, au sens de l'article 1915 du Code civil ;

Qu'en conséquence, Michelin ne peut reprendre son bien que par une revendication et que la présence des équipements en nature dans l'entreprise au jour du jugement de liquidation, doit être vérifiée dans les circonstances de la cause, ou à défaut leur dissociabilité sans dommages ;

Attendu que pour exister en nature, les équipements déposés ne doivent pas avoir été ensuite incorporés ou transformés (Com. 2 mars 1999) ; que le montage de pneus sur un véhicule appartenant à un tiers crédit-bailleur constitue une incorporation, qui empêche le propriétaire de ces équipements de les revendiquer entre les mains du liquidateur judiciaire (Paris, 5och.,4 fév. 2004, cité par l'appelant) ;

Que s'agissant de la possibilité de dissocier les pneus des véhicules, cette possibilité doit d'abord être matérielle, au sens de l'alinéa 3 de l'article L 621-122 mais ne doit pas en outre conduire à diminuer la valeur du bien auquel l'équipement est incorporé, au point de mettre en péril les intérêts de l'entreprise redressée ou liquidée (en ce sens, Com. 10 juill. 2001) ; qu'en l'occurrence, le démontage des pneus de véhicules donnés en crédit-bail constituerait sans aucun doute une perte considérable pour la liquidation Decoeyere, qui ne manquerait pas d'être recherchée, éventuellement avec succès, par le crédit bailleur des véhicules ;

Attendu dès lors, que les premiers juges ne pouvaient, exception faite des équipements demeurés à l'état de stocks sans être montés sur des véhicules, statuer comme ils l'ont fait et " réformer " les ordonnances du juge commissaire qui leur étaient déférées ;

-Sur la dette de Me X... par équivalent

Attendu que pour les pneus et roues que Michelin peut revendiquer, et que Me X... ne semble pas vouloir restituer en nature, la dette de la liquidation s'établit à 7. 132,69 euros TTC ;

Attendu que lorsque pour quelque raison que ce soit, le propriétaire d'un bien ne peut plus le revendiquer en nature, il ne peut prétendre à un prix en équivalent que dans les cas où l'entreprise redressée ou liquidée en a elle-même tiré un profit, notamment par revente ; que tel n'est pas le cas lorsque les équipements revendiqués ont été incorporés à un autre bien, hypothèse dans laquelle la Cour de cassation qualifie le droit de propriété d'" inopposable à la liquidation " (Com. 2 mars 1999, préc.) ; le tout sauf l'action envisageable contre le tiers, en l'occurrence le crédit-bailleur, qui se serait enrichi par l'effet de l'incorporation intervenue ;

Attendu par suite, que Michelin ne peut réclamer la contre-valeur des pneus montés sur les véhicules en crédit-bail sans attraire le crédit-bailleur à la cause ou l'assigner dans une instance distincte ;

-Accessoires

Attendu que les intimées supporteront les dépens de première instance et d'appel ;

Qu'au titre des frais exposés pour le présent appel et non compris dans les dépens, la partie condamnée aux dépens paiera à l'autre par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile la somme de 1. 500 euros ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt de défaut mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement rendu à Roubaix le 2 décembre 2004 sauf en ce qu'il a déclaré valides les ordonnances déférées et a joint les deux procédures ;

Statuant à nouveau,

Ecarte tous autres moyens de procédure articulés par les parties ;

Déclare bonne et valable la revendication de la société en commandite MANUFACTURE FRANCAISE DES PNEUMATIQUES MICHELIN ET COMPAGNIE pour la somme de 7. 132,69 euros TTC si mieux n'aime Maître X..., liquidateur judiciaire de la SA des Etablissements DEOEYERE restituer les pneus et roues en stocks qui correspondent à cette somme selon l'inventaire des actifs à liquider ;

Déboute la société en commandite MICHELIN pour le surplus ;

La condamne solidairement avec la SAS LOVE FRANCE à payer à Maître X... ès qualités la somme de 1. 500 (mille cinq cents) euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel ;

Accorde aux avoués constitués, le bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procedure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 05/01854
Date de la décision : 10/05/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Roubaix-Toucoing


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-05-10;05.01854 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award