La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2007 | FRANCE | N°04/07178

France | France, Cour d'appel de Douai, Ct0094, 10 mai 2007, 04/07178


COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 10 / 05 / 2007

*
* *

No RG : 04 / 06869 jonction avec dossier RG No 04 / 7178

Jugement (No 2002 / 962)
rendu le 09 Septembre 2004
par le Tribunal de Grande Instance de DOUAI

REF : VV / VD

APPELANTE
Intimée dans procédure no 04 / 07178
S.A. SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS
Ayant son siège social
86 Boulevard Haussmann
75008 PARIS

représentée par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués à la Cour
assistée de Me Jean-François SEGARD, avocat au b

arreau de LILLE

INTIMÉS
Appelante dans procédure no 04 / 07178
S.A.S. SOCIÉTÉ F.T.R.
Ayant son siège social
10 rue de la Cense ...

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 10 / 05 / 2007

*
* *

No RG : 04 / 06869 jonction avec dossier RG No 04 / 7178

Jugement (No 2002 / 962)
rendu le 09 Septembre 2004
par le Tribunal de Grande Instance de DOUAI

REF : VV / VD

APPELANTE
Intimée dans procédure no 04 / 07178
S.A. SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS
Ayant son siège social
86 Boulevard Haussmann
75008 PARIS

représentée par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués à la Cour
assistée de Me Jean-François SEGARD, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉS
Appelante dans procédure no 04 / 07178
S.A.S. SOCIÉTÉ F.T.R.
Ayant son siège social
10 rue de la Cense
59650 VILLENEUVE D ASCQ

représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour
assistée de Me LORTHIOIS substituant Me Patrick LOSFELD, avocat au barreau de LILLE

APPELANTE INCIDENTE
Madame Réjane A... épouse B...
née le 11 Mai 1946 à TOURCOING (59200)
Demeurant
...
59420 MOUVAUX

représentée par la SCP CARLIER-REGNIER, avoués à la Cour
assistée de Me Laurent HIETTER, avocat au barreau de LILLE

APPELANT INCIDENT
Monsieur Pierre Louis A...
né le 05 Février 1951 à TOURCOING (59200)
Demeurant
...
49100 ANGERS

représenté par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour
ayant pour conseil Me BOIZARD, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Monsieur VERGNE, Président de chambre
Madame BERTHIER, Conseillère
Monsieur KLAAS, Conseiller
---------------------
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame AMBROZIEWICZ

DÉBATS à l'audience publique du 22 Février 2007,
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 Mai 2007 après prorogation du délibéré du 03 Mai 2007 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur VERGNE, Président, et Madame AMBROZIEWICZ, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 18 janvier 2007

Sur le rapport de Monsieur VERGNE, Président de chambre.

Attendu que par jugement en date du 9 septembre 2004, le Tribunal de Grande Instance de DOUAI, après avoir effectué un exposé des faits constants, de la procédure suivie et des prétentions et moyens des parties, exposé auquel il est présentement et en tant que de besoin, fait expressément référence, a

-condamné in solidum Réjane A... épouse B...et Pierre A... en leur qualité d'héritiers de Léon A... à payer à la SAS FTR la somme de 330. 000 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation au titre du préjudice résultant de la perte de chance, outre une indemnité de 6. 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

-condamné la société SUISSE ACCIDENTS venant aux droits de la compagnie LLOYD CONTINENTAL à garantir les héritiers de Léon A... des condamnations prononcées contre eux,

-débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

-ordonné l'exécution provisoire ;

Attendu que la société SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS (la SWISS LIFE), venant aux droits de la société SUISSE ACCIDENTS, appelante de ce jugement, en sollicite la réformation et demande à la Cour de

-dire et juger que la responsabilité du cabinet A... ne peut être recherchée sur quelque fondement que ce soit, et rejeter en conséquence toutes demandes d'indemnisation formées à son encontre,

-dire et juger qu'en toute hypothèse la garantie de la SWISS LIFE ne peut être acquise aux consorts A... eu égard d'une part à l'exclusion de garantie prévue au contrat et en tout cas à la nature du risque couvert par la police souscrite,

-dire et juger subsidiairement que la SWISS LIFE est en droit d'opposer aux assurés la franchise contractuellement prévue,

-dire et juger en tout état de cause que le préjudice invoqué n'est pas justifié et qu'en tout cas les manquements reprochés au cabinet A... n'ont entraîné qu'une perte de chance d'éviter le préjudice subi par la société FTR et que cette perte de chance doit être limitée au quart de la somme réclamée soit donc un maximum de 100. 000 €,

-condamner les consorts A... au paiement d'une somme de 5. 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Attendu que Réjane A... épouse B...et Pierre A..., héritiers de Léon A..., formant appel incident, concluent, à titre principal, à la réformation du jugement déféré et au rejet de toutes les demandes formées contre eux par la société FTR et sollicitent en outre la condamnation de cette dernière à verser à chacun d'eux une indemnité de 2. 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Qu'à titre subsidiaire, Réjane A... sollicite la réduction des dommages-intérêts alloués ;

Qu'à titre subsidiaire, ils sollicitent la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné la société SWISS LIFE à les garantir des condamnations prononcées contre eux, réjane A... demandant en outre que la compagnie SWISS LIFE soit condamnée à lui verser une indemnité de 5. 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Attendu que la société FTR, qui a également formé appel incident, demande à la Cour de réformer le jugement déféré quant au montant des indemnisations devant lui être allouées et de condamner in solidum Pierre A... et Réjane A... épouse B...à lui verser

-402. 300 € au titre des détournements opérés avec intérêts à dater du 27 septembre 2000 sur la somme de 949. 395 € et à compter du 9 juillet 2002 sur la somme de 402. 300 €,

-30. 489,80 € avec intérêts de droit à compter du jour de l'assignation au titre des frais d'investigation opérés,

-6. 277,43 € au titre des débours exposés pour mesures conservatoires,

-45. 734,71 € au titre des perturbations occasionnées dans le fonctionnement de la société ;

Qu'elle demande par ailleurs à la Cour de condamner in solidum Réjane et Pierre A... et la société SWISS LIFE à lui verser une indemnité de 15. 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

SUR QUOI :

Vu les conclusions signifiées et déposées par la SWISS LIFE, par Réjane A..., par Pierre A... et par la société FTR, respectivement le 15 juin 2006, le 13 mars 2006, le 17 avril 2006 et le 7 mars 2006,

Attendu qu'il n'est pas contesté que l'origine du présent litige réside dans les détournements opérés depuis 1993 et jusqu'en 2000 par Jean-Luc F..., qui était salarié du cabinet d'expertise comptable Léon A..., au détriment de la société DFMA, aujourd'hui dénommée société FTR, laquelle avait en effet confié au cabinet Léon A... l'établissement de sa comptabilité ;

Qu'il est également constant que ces détournements, découverts en 2000 à l'occasion d'un contrôle fiscal, se sont élevés en définitive à un peu plus d'un million d'Euros mais que Jean-Luc F...a procédé à des remboursements et que des procédures d'exécution ont été en outre mises en oeuvre à la suite du jugement du Tribunal Correctionnel de LILLE en date du 30 novembre 2001 ayant condamné Jean-Luc F...à indemniser la société FTR, de sorte que l'action présentement exercée par la société FTR à l'encontre des héritiers de Léon A... (qui exerçait en effet son activité professionnelle d'expert comptable à en son nom personnel) porte en définitive, à titre principal, sur la part non encore indemnisée du préjudice résultant des détournements eux-mêmes, part résiduelle d'un montant, qui n'apparaît pas au demeurant contesté, de 402. 300 € ;

Attendu, ensuite, que le mécanisme des détournements opérés était relativement simple en ce qu'il consistait, tout au long de la période dont il s'agit, à faire signer par l'un ou l'autre des associés gérants de la société FTR, un certain nombre de chèques (une quarantaine) tirés sur leurs comptes courants d'associés, chèques qui étaient ainsi signés en blanc (la preuve n'a pas en tout cas été apportée qu'il y ait eu, de façon certaine, fausse signature ou falsification de l'un ou l'autre de ces chèques) et que Jean Luc F...libellait ensuite à son ordre (ou à l'ordre d'un tiers) avant de les remettre à l'encaissement sur l'un de ses propres comptes bancaires (ou, plus rarement, sur des comptes de tiers) ;

Attendu que l'ensemble des explications et éléments (éléments comptables notamment) qui ont été fournis montrent que ces détournements étaient ensuite masqués en recréditant les comptes courants qui avaient été débités du montant des chèques dont il s'agit par des écritures comptables traduisant des opérations irrégulières ou fictives (s'appuyant sur des documents sociaux faux ou falsifiés) ;

Qu'à l'examen de ces éléments, il apparaît notamment, et entre autres, et qu'il n'est d'ailleurs pas véritablement contesté
-que Jean-Luc F...avait ainsi recrédité les comptes courants d'associés en effectuant des distributions de bénéfices par prélèvements sur les réserves qui ne reposaient sur aucune décision sociale (assemblée générale de la société) ou qui étaient justifiés par des documents faux,
-qu'il avait, de même, comptablement réapprovisionné ces comptes courants par minoration de produits financiers provenant de sociétés filiales de la société FTR (qui est en effet une société holding) et ce dans des conditions irrégulières car ne correspondant nullement à des décisions des associés,

-ou bien encore qu'il avait procédé à plusieurs reprises à une comptabilisation de charges fictives sur le compte " prélèvements libératoires " de la société ;

***

Attendu qu'il n'est pas contesté que bien qu'aucune lettre de mission ait été établie, la société FTR avait confié à Léon A... la mission, au demeurant tout à fait classique, d'établir et de tenir l'ensemble de sa comptabilité et que Léon A... avait confié à Jean-Luc F..., qui était son salarié depuis 1989, l'ensemble de cette mission auprès de la société FTR ;

Attendu qu'il n'est pas non plus discuté qu'une certaine relation de confiance s'était instaurée entre Jean-Luc F...et les associés gérants de la société FTR, et que c'est sans doute à la faveur de ce climat particulier que les détournements dont il s'agit ont pu être commis ;

Mais attendu qu'il y a lieu de souligner, tout d'abord, qu'il n'est produit aucun élément démontrant véritablement qu'au delà même de cette confiance dont il bénéficiait de la part des associés de la société FTR, Jean-Luc F...exerçait véritablement auprès de ceux-ci, et de façon permanente, des fonctions et des activités réellement distinctes de celles qui lui avaient été confiées par Léon A..., étant observé que sur ce point la SWISS LIFE, en particulier, se borne à des affirmations, et qu'il n'est d'ailleurs ni démontré, ni même véritablement invoqué que ces activités complémentaires ont pu donner lieu à des rémunérations particulières ;

Qu'il y a lieu, ensuite, et surtout, de relever que les mécanismes ci-dessus décrits des détournements opérés par Jean-Luc F..., révèlent que ceux-ci ont été effectués grâce à des chèques tirés sur le compte bancaire de la société FTR dont les montants étaient ensuite débités sur les comptes courants d'associés et faisaient par ailleurs l'objet d'écritures irrégulières sous différentes formes dans les comptes de la société FTR, de sorte qu'en toute hypothèse, il n'est pas véritablement discutable que, contrairement à ce que soutient en particulier la SWISS LIFE, c'est bien dans le cadre de la mission de tenue des comptes de la société FTR qui lui avait été confiée par son employeur Léon A... que Jean-Luc F...a commis ces détournements, étant ici souligné que le seul fait que les chèques ayant permis les détournements et qui avaient été signés par l'un ou l'autre des dirigeants de la société avaient pu être, comme d'ailleurs de nombreux autres chèques concernant le fonctionnement de la société FTR, préalablement préparés par Jean-Luc F...pour être ensuite soumis à la signature du dirigeant social (pratique au demeurant banale dans le cadre d'une mission classique d'expert comptable dans un entreprise petite ou moyenne) ne permet nullement de conclure que les détournements opérés l'ont été dans le cadre d'une mission autre que celle qui avait été confiée par son employeur à Jean-Luc F...;

***

Attendu que c'est à juste titre que les premiers juges ont souligné que Léon A..., qui avait donc reçu de la société FTR la mission contractuelle de tenir et établir la comptabilité de cette société, et qui avait donc, dans ce cadre, l'obligation d'établir une comptabilité exacte et régulière, se devait d'effectuer des contrôles réguliers et systématiques du travail effectué par le salarié auquel il avait confié le soin d'accomplir, sous son autorité, cette mission contractuelle, ces contrôles étant destinés à lui permettre, notamment, de déceler toute anomalie ou irrégularité dans les comptes établis par son salarié et de procéder, le cas échéant, à des investigations et contrôles complémentaires ;

Or, attendu que, ainsi que l'ont également souligné les premiers juges, les investigations et auditions auxquelles il a été procédé lors de la procédure pénale à laquelle les détournements de Jean-Luc F...ont donné lieu, ont révélé que Léon A..., qui l'a d'ailleurs lui-même reconnu, n'exerçait en réalité, dès lors qu'aucune plainte ou doléance n'était émise par ses clients, aucun contrôle sur l'activité de ses salariés et en particulier sur celle de Jean-Luc F...;

Attendu, en outre, qu'il y a lieu de relever que, comme l'ont, là encore, justement souligné les premiers juges, des vérifications régulières et normales auraient permis à Léon A..., s'il avait été normalement diligent, de déceler des anomalies dès les premiers détournements opérés ;

Qu'ainsi, les vérifications qui lui incombaient auraient permis à Léon A..., de constater, par exemple, que des approvisionnements des comptes courants opérés pour masquer les détournements et réalisés par minoration des dividendes provenant de filiales n'étaient pas conformes aux décisions prises sur ce point des actionnaires, et ce par simple rapprochement entre les décisions sociales et les sommes enregistrées, ou bien encore de constater que les prélèvements sur réserves réalisés sur les comptes pour réapprovisionner les comptes courants ne correspondaient à aucune décision des associés ou étaient contraires aux statuts en ce que certaines opéraient des distributions inégalitaires, tous indices qui, entre autres, lui auraient ainsi permis de voir son attention attirée et de l'amener aisément et rapidement à déceler les détournements opérés par son salarié ;

Attendu qu'il apparaît donc que les manquements caractérisés de Léon A... à ses obligations contractuelles, manquements qui ne peuvent être justifiés ni par le climat de confiance ayant existé entre Jean Luc F...et ses clients ni par le fait que ces derniers n'aient jusqu'en 2000 jamais élevé une quelconque critique ou de remarques sur le travail de Jean-Luc F..., apparaissent en relation de causalité directe avec le préjudice subi par la société FTR du fait des détournements opérés, et sont de nature à engager sa responsabilité sur le fondement des dispositions de l'article 1147 du Code Civil ;

Attendu, en outre, que compte tenu de tout ce qui précède, et contrairement à ce qu'a retenu en définitive le jugement déféré, le préjudice ayant résulté des manquements de Léon A... à ses obligations ne se limite pas à une simple perte de chance ;

Qu'il y a lieu en effet de relever, comme d'ailleurs l'ont fait les premiers juges eux mêmes, que les mécanismes des détournements ainsi que les procédés comptables employés pour les masquer, qui, tout au long des années dont il s'agit, ont présenté le même schéma, étaient somme toute aisément décelables pour un expert comptable normalement compétent et avisé et que, dès lors, il y aurait certainement été mis fin, dès les premiers détournements opérés, si Léon A... avait normalement accompli les contrôles et vérifications du travail de son salarié qui lui incombaient ;

Qu'en conséquence, c'est bien, dans la limite de la part de responsabilité de Léon A... qui sera ci-dessous déterminée, la totalité du préjudice résiduel résultant des détournements opérés que doivent réparer les héritiers de Léon
A... ;

***

Attendu qu'il y a lieu de considérer que les représentants légaux de la société FTR, en signant, dans les conditions où ils l'ont fait, les chèques par lesquels les détournements ont été opérés, ont directement contribué au préjudice subi par leur société du fait de ces détournements ;

Qu'il y a lieu en particulier de souligner
-que ces dirigeants avaient ainsi signé près de 40 chèques qui ne comportaient pas d'ordre et ce sans véritablement s'interroger sur la destination des fonds,
-que, quelle qu'ait pu être la relation de confiance qui avait pu s'instaurer avec le salarié de leur expert comptable, ils n'avaient pas à s'en remettre totalement à ce dernier comme ils l'ont fait, quant à la gestion de la comptabilité de leur société et à renoncer ainsi au pouvoir de contrôle qu'ils devaient exercer,
-que c'était bien à eux qu'incombait, au premier chef, en leurs qualités de dirigeants de la société, de prévenir et détecter les éventuelles erreurs ou fraudes susceptibles d'être commises dans la gestion de leur société et qu'il leur appartenait donc, quelle qu'ait pu être l'importance des flux financiers gérés par celle-ci (qui, il convient de le souligner, était une société holding dont l'objet même était, précisément, de gérer des avoirs et flux financiers) et nonobstant le nombre élevé des chèques qu'ils signaient, de surveiller, notamment, les mouvements de leurs comptes courants, étant observé que les chèques par lesquels les détournements avaient été opérés étaient, le plus souvent, de montants élevés (très fréquemment plus de 100. 000 F) ;

Que compte tenu de ces éléments, il y a lieu de limiter en définitive à 60 % la proportion dans laquelle Léon A..., et aujourd'hui ses héritiers, doivent être tenus pour responsables des conséquences préjudiciables des détournements opérés ;

***

Attendu que s'agissant du quantum de l'indemnisation, il y a lieu tout d'abord, en ce qui concerne les détournements eux-mêmes, et dans la mesure où le montant du préjudice résiduel à ce titre, tel qu'invoqué par la société FTR, soit donc 402. 300 €, n'apparaît pas contesté, d'allouer à la société FTR, eu égard à la part de responsabilité incombant à Léon A... ci-dessus fixée, une somme de 241. 380 €, étant ajouté que la décision des premiers juges qui, en application de l'article 1153-1 du Code Civil a fixé le point de départ des intérêts moratoires de cette créance indemnitaire au jour de l'assignation introductive d'instance doit être approuvée ;

Attendu que la société FTR sollicite par ailleurs, comme elle l'avait fait en première instance, l'allocation d'une indemnisation complémentaire de
36. 767,23 € ;

Or, attendu que cette somme correspond d'abord à deux factures émanant de la société Ernst et Young, pour un montant total de 30. 489,80 € (soit 200. 000 F puisqu'il s'agit de factures datées d'octobre et décembre 2000) qui apparaît donc comme forfaitaire, factures qui font simplement mention d'honoraires relatifs à des travaux d'analyse et d'évaluation des détournements et du préjudice mais sans apporter aucune autre précision ;

Qu'il convient donc de considérer que la preuve n ‘ est nullement rapportée d'un lien de causalité direct et certain entre les détournements opérés et les prestations accomplies par Ernst et Young que ces deux factures sont censées
traduire ;

Qu'en toute hypothèse, il convient de considérer, comme l'ont fait les premiers juges, que dès lors qu'à la suite des détournements opérés par Jean-Luc F...les services de police, puis le juge d'instruction, ont été amenés à effectuer des investigations ayant permis de déterminer et d'évaluer l'importance des détournements opérés, il n'y a pas lieu de faire supporter par les responsables le coût des factures d'intervention du cabinet Ernst et Young ;

Attendu que le surplus, soit 6. 783,83 €, correspond à une troisième facture du cabinet Ernst et Young correspondant à des frais et honoraires d'inscription d'hypothèque provisoire et de constitution de partie civile qui ont été engagés à l'occasion de l'instance pénale qui a été suivie à l'encontre de Jean-Luc F...;

Que l'on ne voit donc pas ce en quoi ces frais, qui ont donc été engagés uniquement pour les besoins de l'action en indemnisation exercée à l'encontre de l'auteur des détournements lui-même, et dont il y a lieu, d'ailleurs, de se demander s'ils n'ont pas fait, d'ores et déjà, l'objet d'une indemnisation, ne serait-ce que partielle, notamment dans le cadre de l'instance pénale dont il s'agit (somme allouée au titre de l'article 475-1 du CPP par le jugement du Tribunal Correctionnel de LILLE du 30 novembre 2001), devraient aujourd'hui être supportés par les héritiers A... ;

Attendu que c'est donc à juste titre que cette première réclamation de la société FTR a été écartée par les premiers juges ;

Attendu qu'il doit en être de même en ce qui concerne la réclamation d'un montant forfaitaire de 45. 734,71 € (300. 000 F) présentée au titre de la désorganisation qui aurait été occasionnée dans le fonctionnement de la société FTR consécutivement aux détournements dont il s'agit, étant en effet observé que la société FTR n'apporte pas sur ce point de véritables éléments de preuve, les premiers juges ayant en outre souligné, à juste titre, que si les détournements opérés ont été certes importants, ils n'ont cependant pas représenté, au regard de l'importance des flux financiers gérés par la société FTR, un montant suffisamment important pour désorganiser réellement celle-ci, et que, d'ailleurs les dirigeants sociaux n'avaient détecté ces détournements qu'au terme de huit années ;

***

Attendu qu'à l'appui des ses prétentions tendant à ce qu'il soit dit et jugé qu'elle ne doit pas garantir son assuré Léon A... (aujourd'hui ses héritiers) au titre des condamnations prononcées contre eux, la SWISS LIFE invoque d'abord, en cause d'appel (pages 11 à 14 des écritures susvisées), une exclusion de garantie prévue par la police souscrite et selon laquelle seraient exclus de la garantie les dommages causés par les " détournements, par l'assuré, de pièces et documents qui lui sont confiés dans la cadre de ses activités par la clientèle " ;

Mais attendu que les mécanismes selon lesquels Jean-Luc F...avait procédé aux détournements de fonds dont il s'agit, puis masqué ces détournements, et qui ont consisté à faire signer par les gérants de la société FTR des chèques qu'il remplissait ensuite à son ordre puis à débiter le montant de ces chèques sur les comptes courant d'associés et à effectuer des écritures en comptabilité irrégulières doivent s'analyser en des manoeuvres et écritures comptables frauduleuses commises par le préposé de l'assuré et ne sauraient en aucune façon être regardées comme des détournements de pièces ou documents appartenant au client au sens de la clause contractuelle ci-dessus rappelée ;

Attendu que la SWISS LIFE fait ensuite valoir, en substance et en résumé, que les détournements dont il est demandé réparation ont été commis par Jean-Luc F...dans le cadre d'une activité consistant en la gestion de la comptabilité personnelle et des déclarations fiscales personnelles des dirigeants de la société FTR et nullement dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée par son employeur relative à la comptabilité et à la trésorerie de la société FTR, de sorte qu'eu égard aux dispositions tant de l'article 121-12 du Code des Assurances que de celles des articles 2 et 8 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 relatives aux experts comptables et à la définition de leurs activités, les détournements opérés ne peuvent en toute hypothèse être pris en charge au titre de la garantie prévue par la police d'assurances qui avait été souscrite par Léon A... et qui précisait qu'étaient garanties les " conséquences pécuniaires de la responsabilité civile qu'il peut encourir vis à vis des tiers en raison d'une négligence des fautes commises par lui, ses collaborateurs ou ses préposés, dans l'exercice de ses activités, telles qu'elles sont mentionnées aux articles 2 et 8 de l'ordonnance du 19 septembre 1945... " ;

Mais attendu qu'il a été ci-dessus montré que les détournements dont il s'agit, dont le mécanisme même et les procédés destinés à les masquer ont été en outre précisément décrits, avaient bien été opérés dans le cadre de la mission, au demeurant très classique, de tenue et d'établissement des comptes de la société FTR elle-même qui avait été contractuellement conférée à Léon A... et dont celui-ci avait confié l'accomplissement à son salarié, et qu'ils ne pouvaient être rattachés à une quelconque autre mission, (à supposer d'ailleurs qu'une telle mission ait effectivement existé), qui aurait été confiée personnellement à Jean-Luc F...par les dirigeants de la société FTR ;

Qu'en conséquence, il apparaît qu'en toute hypothèse et contrairement à ce que soutient la SWISS LIFE, ces détournements et leurs conséquences préjudiciables entrent donc bien dans le champ d'application de la garantie contractuellement définie par la police d'assurance et ci-dessus rappelée ;

Attendu, dès lors, que la décision des premiers juges qui a donc condamné la société SWISS LIFE à garantir les héritiers A... des condamnations prononcées contre eux doit être confirmée ;

***

Attendu qu'au résultat de tout ce qui précède, l'équité ne commande pas de faire application en l'espèce de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ni au titre des frais irrépétibles exposés en première instance ni au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Attendu, que de même, et eu égard à tout ce qui précède et au fait que chacune des parties succombe, au moins pour partie, dans ses prétentions formées en cause d'appel, les dépens de la présente procédure d'appel seront supportés pour un tiers par Réjane et Pierre A..., pour un tiers par la compagnie SWISS LIFE et pour un tiers par la société FTR ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Réformant le jugement déféré en ce qu'il a condamné in solidum Réjane et Pierre A... à verser à al société FTR la somme de 330. 000 Euros avec intérêts à compter de l'assignation ainsi qu'une indemnité de 6. 000 Euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

Condamne in solidum Réjane A... et Pierre A... à verser à la société FTR la somme de 241. 380 Euros en réparation de son préjudice, la dite somme avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,

Confirme en toutes ses autres dispositions le jugement déféré,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires,

Dit que les dépens d'appel seront supportés pour un tiers par Réjane et Pierre A..., pour un tiers par la compagnie SWISS LIFE et pour un tires par la société FTR et accorde, en tant que de besoin, aux avoués des parties qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 6099 du nouveau code de procédure civile.

La Greffière, Le Président,

S. AMBROZIEWICZ V. VERGNE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Ct0094
Numéro d'arrêt : 04/07178
Date de la décision : 10/05/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Douai, 09 septembre 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2007-05-10;04.07178 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award