ARRET DU
23 Février 2007
N 294 / 07
RG 06 / 01063
ACD / MAP
JUGEMENT
Conseil de Prud'hommes de LILLE
EN DATE DU
12 Avril 2006
NOTIFICATION
à parties
le 23 / 02 / 07
Copies avocats
le 23 / 02 / 07
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
-Prud'Hommes-
APPELANT :
Monsieur Pascal X...
...
62138 DOUVRIN
Comparant en personne, assisté de Maître Mario CALIFANO (avocat au barreau de LILLE), substitué par Maître Dalila DENDOUGA
INTIME :
Société A. C. R. L.
Zone Industrielle B
4 Rue du Luyot-1er étage
59113 SECLIN
Représentant : Maître Hugues MAQUINGHEN (avocat au barreau de LILLE), substitué par Maître Bertrand DANSET
DEBATS : à l'audience publique du 14 décembre 2006
Tenue par A. COCHAUD-DOUTREUWE,
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : K. HACHID
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE
B. MERICQ
: PRESIDENT DE CHAMBRE
H. LIANCE
: CONSEILLER
A. COCHAUD-DOUTREUWE
: CONSEILLER
ARRET : Contradictoire,
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 23 février 2007,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du nouveau code de procédure civile, B. MERICQ, Président, ayant signé la minute
avec S. ROGALSKI, Greffier, lors du prononcé. Par contrat en date 12. 07. 2001, Pascal X... a été embauché par la société ACRL en qualité de maître ouvrier.
Après une mise à pied conservatoire du 19. 04. 2004, Pascal X... était licencié le 07. 05. 2004 pour faute grave.
Par jugement en date du 12. 04. 2006, le conseil de prud'hommes de LILLE, saisi par Pascal X... qui contestait son licenciement a dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et a condamné la société ACRL à lui payer les sommes suivantes :
* 2. 736, 00 euros à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés y afférents (273, 06 euros),
* 410, 04 euros à titre d'indemnité de licenciement,
* 184, 00 euros au titre de la mise à pied, outre les congés payés y afférents (18, 40 euros),
* 750, 00 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Pascal X... a interjeté appel de cette décision.
Il demande qu'il soit dit que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, que la société ACRL soit condamnée à lui payer les sommes de :
* 2. 736, 00 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents (273, 06 euros),
* 410, 04 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* 184, 00 euros au titre du rappel de salaire pour mise à pied, outre les congés payés y afférents (18, 40 euros),
* 15. 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il sollicite également la condamnation de son employeur à lui payer les sommes
suivantes :
* 2. 561, 16 euros au titre de rappel de prime,
* 3. 600, 00 euros au titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires du mois de juillet 2001 au mois de juillet 2003,
* 1. 600, 00 euros au titre des heures supplémentaires pour la période de juillet 2003 à avril 2004,
* 520, 00 euros au titre des congés payés y afférents.
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où son licenciement serait jugé comme reposant sur une cause réelle et sérieuse, il demande la condamnation de la société ACRL à lui payer 8. 208, 00 euros en application des dispositions de l'article L 324-11-1 du code du travail.
Il demande enfin la condamnation de la société ACRL à lui payer la somme de 1. 500, 00 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
A l'appui de ses demandes, Pascal X... fait valoir que les griefs invoqués à son encontre sont infondés.
Qu'alors qu'il travaillait en binôme avec Monsieur C..., selon les mêmes horaires, les heures supplémentaires effectuées par Monsieur C... étaient réglées mais que ses propres heures supplémentaires n'étaient pas été rémunérées.
Que, de même, son employeur ne lui a pas rémunéré la prime exceptionnelle pourtant versée à Monsieur C.... Que son employeur est pourtant tenu d'assurer une égalité de rémunération.
Que, par ailleurs, le fait pour son employeur de ne pas avoir mentionné les heures supplémentaires effectuées sur son bulletin de paie constitue une dissimulation d'emploi.
Que, dans l'hypothèse où son licenciement serait jugé fondé sur une cause réelle et
sérieuse, il y aurait lieu de condamner la société ACRL à lui payer la somme de 8. 208, 00 euros par application des dispositions de l'article L 324-11-1 du Code du Travail.
La société ACRL soutient que le licenciement de Pascal X... repose bien sur une faute grave.
Que Pascal X... a fait l'objet de nombreux et fréquents rappels à l'ordre. Que, sur les chantiers effectués, il a fait preuve de laxisme et de manque de conscience professionnelle. Qu'il a refusé de respecter la mise à pied dont il avait fait l'objet.
Que Pascal X... n'a jamais effectué des heures supplémentaires non rémunérées.
Qu'il n'a pas bénéficié de la prime exceptionnelle, comme Monsieur C... dans la mesure où Monsieur C... avait plus d'ancienneté que Pascal X... et qu'il avait la responsabilité particulière de conduire les chantiers.
Qu'enfin, il n'y a pas eu de travail dissimulé.
Elle sollicite la condamnation de Pascal X... à lui payer la somme de 2. 000, 00 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur le licenciement :
La lettre de licenciement adressée au salarié qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d'autres griefs que ceux énoncés dans celle-ci, est ainsi libellée :
"... les motifs de ce licenciement sont les suivants :
-vos erreurs professionnelles successives nuisent à la bonne réputation de l'entreprise et conduisent à des interventions répétées en SAV, lesquelles desservent les intérêts de l'entreprise. Eu égard à votre qualification professionnelle, votre ancienneté, aux constatations faites sur place avec les clients, ces erreurs témoignent de votre mauvaise volonté délibérée.
En dépit d'une mise à pied à titre conservatoire, vous avez passé outre mes instructions en vous rendant à l'entreprise caractérisant un refus d'obéissance alors que j'ai estimé qu'il était de l'intérêt de l'entreprise que vous soyez absent dans l'attente de la décision à intervenir ;
Je considère que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise ".
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur.
Il convient en la cause de rechercher si la société ACRL rapporte la preuve des faits invoqués à l'appui du licenciement de Pascal X... et, dans l'affirmative, si ces faits sont constitutifs d'une faute grave au sens sus-visé.
Il résulte des débats et des éléments qui y ont versés qu'à compter de juillet 2003, alors qu'auparavant il avait donné entière satisfaction à son employeur et aux clients chez lequel il était intervenu, Pascal X... a fait preuve d'un important laxisme dans l'exécution de son travail.
Que de nombreux clients se sont plaint du travail exécuté.
Qu'ainsi Monsieur et Madame D... écrivaient le 27 avril 2004 : " cela est inadmissible... J'ai dû faire déposer la poutre qui ne tenait pas... j'ai expliqué à vos employés comment il fallait faire... les briques étaient posées n'importe comment ".
Monsieur E... écrit à propos d'un chantier en date du 13 mars 2004 : "... Je ne peux qu'être consterné par autant d'incompétence et de négligence ! Votre équipe a réussi dans la même journée... à détériorer une montée d'escalier entièrement refaite à neuf,... à détériorer l'isolation en laine de verre par absence de protection à la pluie et remise en place des tuiles... à faire un trou dans le plafond... à dégueulasser la pièce et partir sans la nettoyer... L'analyse que je dresse en tant que professionnel de l'immobilier est simple, soit c'est la première fois que vos collaborateurs travaillent sur un chantier, soit ils se moquent complètement de leur travail et de vos clients qui, dois-je vous le rappeler, vous font vivre ! ".
Monsieur F... indique, pour sa part, avoir constaté des malfaçons dans la pose d'une cheminée à son domicile à savoir une mauvaise odeur due à des détritus laissés dans la hotte et, par courrier en date du 5 avril 2004, formulait à cet égard des réclamations auprès de la société ACRL.
Monsieur G... demande à la société ACRL d'intervenir d'urgence afin de régler différents points à savoir une mauvaise fixation de l'ensemble, un hors d'aplomb, une mauvaise fixation des grilles de ventilation.
Monsieur H... se plaint de détérioration des travaux de maçonnerie.
Monsieur I... fait état dans un courrier de réclamation d'un " montage et d'un tubage désastreux ".
Monsieur et Madame J... ont fait établir un procès-verbal de constat par Maître K..., Huissier de Justice à BETHUNE, lequel mentionne " une cheminée posée en décalage par rapport au mur existant, un trou en façade, des éclats sur les pierres, un trou dans le placo-plâtre du socle laissant apparaître les tuyaux, une absence d'isolation, une absence de système de fermeture de la grille d'aération, une porte d'entrée abîmée par la livraison de la cheminée, des dommages causés à un meuble ".
Madame L... signale pour sa part un mauvais montage de sa cheminée par Pascal X....
Il est également établi que sur de nombreux chantiers (N... et autres), des nombreux désordres, non façons... sont apparus et que sur tous ces chantiers Pascal X... est intervenu.
Compte tenu de la qualification professionnelle de Pascal X..., de son expérience et de la qualité du travail qu'il effectuait auparavant, ces faits revêtent un caractère fautif. Ils ne présentent pas cependant un caractère de gravité suffisant pour justifier un licenciement pour faute grave.
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont estimé que le licenciement de Pascal X... reposait sur une cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences du licenciement :
Il convient de confirmer sur ce point également la décision déférée.
Sur les heures supplémentaires :
L'article L 212-1-1 du Code du Travail dispose : " qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au Juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ".
Il résulte de ce texte que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que le juge ne peut, pour rejeter une demande d'heures supplémentaires, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié ; qu'il doit examiner les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et que l'employeur est tenu de lui fournir.
Pour établir le fait qu'il effectuait des heures supplémentaires, Pascal X... verse aux débats une attestation émanant de Patrick M... aux termes de laquelle, de juillet 2003 à avril 2004, il a effectué avec Pascal X... 139, 05 heures supplémentaires.
Cet élément est insuffisant pour étayer la demande de Pascal X... ; il convient d'ailleurs de relever à cet égard que, par jugement en date du novembre 2005, n'étant, certes, pas opposable à Pascal X..., le conseil de prud'hommes de LILLE a rejeté la demande de paiement d'heures supplémentaires présentée par Patrick M..., lequel versait aux débats pour en justifier une attestation établie par Pascal X....
Pascal X... verse également une attestation émanant de Jean-Luc C... aux termes de laquelle ce dernier indique avoir travaillé avec Pascal X..., que Pascal X... a effectué les mêmes heures supplémentaires que lui depuis huit ans, que ces heures lui étaient rémunérées à raison de douze par mois " alors qu'on en faisait trois fois plus ".
Cette attestation est cependant insuffisante pour justifier la demande de Pascal X....
Outre le fait que Jean-Luc C... a été en litige avec la société ACRL mais n'a pas réclamé le paiement des heures supplémentaires qu'il dit avoir effectuées sans être rémunéré, Pascal X... ne verse aux débats aucun décompte précis.
Le jugement déféré sera, sur ce point, confirmé.
Sur le rappel de prime :
Pascal X... ne verse à cet égard aucun élément se contentant d'indiquer que Jean-Luc C... percevait une telle prime et que de ce fait il est fondé à en réclamer le paiement.
Il apparaît qu'en réalité une telle prime était octroyée à Jean-Luc C... dans la mesure où ce dernier conduisait les chantiers et avait plus d'ancienneté que Pascal X....
Le jugement déféré sera, sur ce point également, confirmé.
Sur les demandes formulées au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :
Pascal X..., ayant échoué en ses prétentions, sera débouté de sa demande formulée au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et condamné aux dépens de l'instance d'appel.
Il convient de rejeter également la demande formulée au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile par la société ACRL.
PAR CES MOTIFS :
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
REJETTE les demandes formulées au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile par les parties.
CONDAMNE Pascal X... aux dépens d'appel.