ARRET DU
23 Février 2007
N 423/07
RG 06/01026
PR/MR
JUGT
Conseil de Prud'hommes de CAMBRAI
EN DATE DU
20 Mars 2006
NOTIFICATION
à parties
le 23/02/07
Copies avocats
le 23/02/07
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes -
APPELANT :
M. Sylvain X...
...
59400 FONTAINE NOTRE DAME
Représenté par Me Jean-Noël LECOMPTE (avocat au barreau de CAMBRAI)
INTIME :
S.A.S. LES TRANSPORTS DE LA DEUVE
2 Rue des Ecoles
62450 BANCOURT
Représentée par Me Marie-Odile PONCHARD (avocat au barreau de CAMBRAI)
DEBATS :à l'audience publique du 06 Décembre 2006
Tenue par P. RICHEZ
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : A. GATNER
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE
J. DRAGNE
: PRESIDENT DE CHAMBRE
L. DELHAYE
: CONSEILLER
P. RICHEZ
: CONSEILLER
ARRET :Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 23 Février 2007,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du nouveau code de procédure civile, J. DRAGNE, Président, ayant signé la minute
avec S. ROGALSKI greffier lors du prononcé
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur Sylvain X... a été engagé par la S.A.S LES TRANSPORTS DE LA DEUVE en qualité de chauffeur poids lourds pour une durée indéterminée à compter du 2 juin 2003.
Par lettre du 15 juillet 2005, la S.A.S LES TRANSPORTS DE LA DEUVE prononçait le licenciement de Monsieur Sylvain X... pour faute grave.
Contestant la légitimité de cette décision, Monsieur Sylvain X... a saisi la juridiction prud'homale pour faire valoir ses droits.
Par jugement en date du 20 mars 2006, le Conseil des prud'hommes de Cambrai a dit le licenciement justifié, mais écartant la faute grave, il a condamné la S.A.S LES TRANSPORTS DE LA DEUVE aux indemnités de rupture ainsi qu'à un rappel de salaire pour heures supplémentaires.
Monsieur Sylvain X... a interjeté appel de cette décision et la S.A.S LES TRANSPORTS DE LA DEUVE a formé appel incident.
Vu le jugement rendu le 20 mars 2006 par le Conseil des prud'hommes de Cambrai ;
Vu les conclusions déposées le 26 mai 2006 et soutenues à l'audience du 6 décembre 2006 par Monsieur Sylvain X... ;
Vu les conclusions déposées le 6 novembre 2006 et soutenues à l'audience du 6 décembre 2006 par la S.A.S LES TRANSPORTS DE LA DEUVE ;
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les heures supplémentaires
L'article L.212-1-1 du code du travail dispose : En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile.
Monsieur Sylvain X... qui affirme avoir effectué 149,45 heures supplémentaires non rémunérées en revendique le paiement à hauteur de la somme de 2000 € à laquelle s'ajoute la somme de 200 € à titre d'indemnité de congés payés afférents.
Au soutien de sa demande, le salarié produit un décompte mensuel des heures supplémentaires réalisé par ses soins pour les mois de juin, juillet, octobre, novembre 2003, août, septembre, décembre 2004 et janvier, mars, avril, mai 2005 à partir des disques chronotachygraphes dont il produit la copie.
Cependant, ce décompte ne détaille pas le nombre d'heures de travail effectué chaque semaine et ne précise ni les jours, ni les trajets concernés. Par ailleurs, il n'est fait aucun rapprochement avec les bulletins de paie communiqués.
En revanche, la S.A.S LES TRANSPORTS DE LA DEUVE verse aux débats pour toute la période du 1er juin 2003 au 16 juillet 2005, le bulletin de paie et la fiche de synthèse des temps de conduite, ainsi qu'un tableau récapitulatif mentionnant pour chaque mois les heures de travail effectuées ressortant de la lecture des disques et les heures payées, aboutissant au total à un nombre d'heures payées supérieur au nombre d'heures effectuées, étant précisé que la rémunération mensuelle stipulée au contrat de travail était prévue en contrepartie de 200 heures.
Monsieur Sylvain X... n'oppose aucune critique à l'encontre de ce décompte.
Dès lors, il y a lieu de débouter le salarié de ses demandes de rappel de salaire et de congés payés au titre des heures supplémentaires.
Le jugement sera réformé en ce sens.
Sur la légitimité du licenciement
La lettre du 15 juillet 2005 qui prononce le licenciement de Monsieur Sylvain X... énonce :
Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d'un faute grave.
Le 28 juin 2005, Monsieur Y... Nicolas, exploitant, vous a téléphoné vers 11h00 alors que vous étiez en déplacement sur Boulogne sur Mer. Vous lui avez appris que vous veniez de vous rendre compte que votre permis de conduire n'était plus valide depuis environ deux semaines, faute d'avoir passé la visite médicale quinquennale obligatoire de renouvellement.
Monsieur Y... a tenté de me joindre, mais n'y est parvenu qu'en fin d'après-midi. Il m'a mis au courant des faits, et c'est à votre retour que je vous ai notifié oralement votre mise à pied à titre conservatoire.
Il convient d'ajouter que ce n'était pas la première journée de non validité de votre permis, mais cela faisait environ 15 jours que vous rouliez en infraction au code de la route!
Cette attitude est inexcusable et constitue un grave manquement à vos obligations professionnelles.
C'est pour cette raison que j'ai décidé de vous mettre à pied à titre conservatoire jusqu'à la tenue de l'entretien préalable, fixé le 11 juillet 2005, qui devait vous permettre de vous expliquer.
Cependant, les raisons que vous m'avez fournies m'ont paru largement insuffisantes.
L'oubli est la seule justification que vous ayez présentée, et cela ne fait qu'ajouter à votre tort puisque votre permis de conduire est votre outil de travail, vous devez donc être irréprochable à ce niveau.
Par conséquent, vous avez non seulement "oublié" de passer la visite médicale de renouvellement, mais de surcroît vous avez pris la décision, en infraction avec la réglementation en vigueur, de prendre le volant à bord d'un de nos véhicules.
Vous avez volontairement contrevenu aux obligations les plus essentielles de votre profession.
Cette conduite est inacceptable et les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 11 juillet 2005 ne m'ont pas permis de modifier mon appréciation à ce sujet ; je vous informe que j'ai, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave. En effet, la violation des consignes générales de conduite des véhicules constitue une telle faute.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible ; le licenciement prend donc effet immédiatement à la date de première présentation de cette lettre, sans indemnité de préavis ni de licenciement.
La période non travaillée du 29 juin, date de votre mise à pied à titre conservatoire, à la date de présentation de cette lettre, nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement, ne sera pas rémunérée.
Vous pourrez vous présenter (...).
Selon Monsieur Sylvain X..., le motif ainsi énoncé ne serait qu'un prétexte fallacieux pour procéder à son licenciement qui aurait été décidé par son employeur auquel il a toujours donné satisfaction, mais qui aurait été indisposé par sa revendication concernant le paiement des heures supplémentaires déjà suivie d'un avertissement injustifié (le 15 juin 2005 pour des faits du 8).
Toutefois, aucun élément de preuve ne vient accréditer cette thèse.
En revanche, il est avéré que Monsieur Sylvain X... qui ne conteste pas que c'est aux conducteurs concernés de prendre l'initiative de faire en temps utile la demande de visite médicale en vue de la prorogation de leur permis (ainsi que cela ressort des dispositions de l'article R.221-11 du code de la route et de l'article 3 de l'arrêté ministériel du 8 février 1999) a omis d'effectuer cette démarche dans les délais qui s'imposaient pour lui permettre de poursuivre son activité dans le respect de la réglementation.
Cette négligence pouvait résulter d'un simple oubli que le salarié a pris soin de réparer dès le 29 juin 2005 au lendemain du jour où s'apercevant de cet oubli, il l'a signalé à l'employeur.
Cependant, Monsieur Sylvain X... ne conteste pas s'être mis en infraction en conduisant durant 15 jours sans permis avec tous les risques que cette attitude comporte pour les tiers, son employeur et lui-même.
Dès lors, la faute grave ne peut être écartée.
Monsieur Sylvain X... dont le licenciement est justifié par une faute grave n'est donc pas fondé à obtenir le remboursement du salaire retenu au cours de la mise à pied conservatoire assorti de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente.
Pour la même raison, il ne peut ni prétendre au versement des indemnités de ruptures prévues aux articles l.122-8 et L.122- 9 du Code du travail (indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents ; indemnité de licenciement), ni à l'indemnité prévue à l'article L.122-14-5 en cas de licenciement abusif.
Le jugement sera réformé en ce sens.
Sur les frais de procédure
Au regard de l'équité, il y a lieu de laisser à la société LES TRANSPORTS DE LA DEUVE la charge des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés en cause d'appel et de la débouter en conséquence de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Partie perdante, Monsieur Sylvain X... sera débouté de sa demande indemnitaire présentée sur le même fondement.
DÉCISION
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Déboute Monsieur Sylvain X... de toutes ses demandes ;
Déboute la société LES TRANSPORTS DE LA DEUVE de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Condamne Monsieur Sylvain X... aux entiers dépens.
Le greffier,Le président,
S. ROGALSKIJ. DRAGNE