La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/01/2007 | FRANCE | N°210/07

France | France, Cour d'appel de Douai, Ct0081, 31 janvier 2007, 210/07


ARRET DU 31 Janvier 2007

N 210 / 07
RG 06 / 02657
HL / SL
JUGT Conseil de Prud'hommes de FOURMIES EN DATE DU 28 Septembre 2006

NOTIFICATION
à parties
le 31 / 01 / 07

Copies avocats
le 31 / 01 / 07

COUR D'APPEL DE DOUAI Chambre Sociale

-Prud'Hommes-

APPELANT :

SARL NOUVEL HORIZON 7 Rue de l'Haut Blé 59940 NEUF BERQUIN Représentant : M. Olivier X..., gérant assisté de Me Laurent PACCIONI (avocat au barreau de MELUN)

INTIME :

SA VOYAGES Z... 67 Route d'Estroeungt RN 2 59440 AVESNELLES Représentant

: Me Philippe GILLARDIN (avocat au barreau d'AVESNES SUR HELPE)

M. Jean-Claude B...... Présent et assisté de M. José C... (...

ARRET DU 31 Janvier 2007

N 210 / 07
RG 06 / 02657
HL / SL
JUGT Conseil de Prud'hommes de FOURMIES EN DATE DU 28 Septembre 2006

NOTIFICATION
à parties
le 31 / 01 / 07

Copies avocats
le 31 / 01 / 07

COUR D'APPEL DE DOUAI Chambre Sociale

-Prud'Hommes-

APPELANT :

SARL NOUVEL HORIZON 7 Rue de l'Haut Blé 59940 NEUF BERQUIN Représentant : M. Olivier X..., gérant assisté de Me Laurent PACCIONI (avocat au barreau de MELUN)

INTIME :

SA VOYAGES Z... 67 Route d'Estroeungt RN 2 59440 AVESNELLES Représentant : Me Philippe GILLARDIN (avocat au barreau d'AVESNES SUR HELPE)

M. Jean-Claude B...... Présent et assisté de M. José C... (Délégué syndical CGT) régulièrement mandaté

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

B. MERICQ : PRESIDENT DE CHAMBRE

H. LIANCE : CONSEILLER

A. COCHAUD-DOUTREUWE : CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : M.A. PERUS

DEBATS : à l'audience publique du 21 Décembre 2006
ARRET : Contradictoire prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Janvier 2007, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du nouveau code de procédure civile, B. MERICQ, Président, ayant signé la minute avec A. BACHIMONT, greffier lors du prononcé EXPOSE DU LITIGE

La société Z..., qui emploie Jean Claude B... en qualité de conducteur, était titulaire de marchés de transports scolaires avec le Conseil Général jusqu'à la rentrée du 2 septembre 2006, l'entreprise n'ayant pas alors été retenue par la Commission d'appel d'offres.
Faisant valoir l'accord professionnel du 18 avril 2002, la société Z... a demandé à la société Nouvel Horizon, nouvelle attributaire du marché, de reprendre le contrat de travail de Jean Claude B....
Considérant que les conditions de cet accord n'étaient pas réunies, la société Nouvel Horizon a refusé de reprendre ce salarié.
Contestant ce refus, la société Z... a saisi en référé le Conseil de Prud'hommes de Fourmies qui, par ordonnance du 28 septembre 2006 à laquelle il est entièrement fait référence pour l'exposé des données de base du procès et des prétentions et moyens des parties, a ordonné sous astreinte le transfert du contrat de travail à la société Nouvel Horizon qui devra établir un avenant de modification d'employeur, a renvoyé la société Z... à se pourvoir devant les juges du fond pour sa demande de dommages et intérêts et a débouté la société Nouvel Horizon de ses demandes.
La société Nouvel Horizon a relevé appel de cette ordonnance en contestant la compétence du juge des référés.
Elle fait valoir l'avis de la Commission Nationale Paritaire de suivi de l'Accord du 18 avril 2002 qui soumet la garantie d'emploi au transfert de l'intégralité du marché, entendu comme " ligne ".
Elle considère qu'il y a une contestation sérieuse d'interprétation et que les marchés étant différents, la jurisprudence citée par la société Z... ne peut s'appliquer, les contrats de travail subsistant avec cette société.
Elle conclut à l'absence de trouble, en tous cas en l'absence de trouble manifestement illicite puisque les refus des sociétés JL International et Nouvel Horizon sont fondés sur l'interprétation de l'article 28 de l'accord professionnel retenue par la Commission de Suivi de l'accord qui réserve son application en cas de transfert de l'intégralité des lignes alors qu'en l'espèce, les endroits à desservir ne sont absolument pas les mêmes.
Invoquant l'article 6 de la Convention Européenne des droits de l'homme, la société Nouvel Horizon conclut à la nullité de l'ordonnance au motif d'une part que Georges Z... est conseiller prud'homal à Fourmies et d'autre part qu'un tableau de concordance a été produit pendant les débats, en violation du principe du contradictoire.
La société Nouvel Horizon fait également observer qu'aucune concordance exacte n'existe entre les anciens et les nouveaux circuits, ce que le Conseil Général confirme à sa lettre du 19 septembre 2006.
Elle relève que l'accord ne s'applique qu'aux conducteurs consacrant 65 % de leur temps au marché concerné et qu'en l'espèce, aucune comparaison n'est possible, ce qui exclut l'application de l'accord et le transfert des contrats de travail.
De même, elle conclut à l'inapplicabilité de l'article L 122-12 du Code du travail et réclame le remboursement des sommes indûment versées, soit 18 000 € outre 10 000 € par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
*
La société Z... a conclu à la confirmation de l'ordonnance déférée et à la condamnation de chacune des sociétés entrantes au paiement de 3 000 € pour chacun des salariés, à titre de dommages et intérêts provisionnels.

Elle réclame en outre à chaque société appelante la somme de 10 000 € par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle expose que, confrontée à la perte de marchés de transports scolaires spéciaux, elle s'est préoccupée du reclassement de ses salariés en application de l'article 28 de l'accord du 18 avril 2002, les sociétés appelantes ne s'étant pas signalées.
Elle explique que la société JL International, qui n'a pas contesté le principe du transfert des salariés, lui a opposé des décomptes incompréhensibles de temps de travail effectif des salariés concernés par les marchés, inférieurs au taux de 65 % prévu par l'accord professionnel.
Avec la société Nouvel Horizon, elle affirme qu'elle s'est heurtée à un refus global et sans nuance au motif qu'elle aurait manqué à ses obligations d'entreprise sortante.
Enfin, elle soutient que la société SLEMBROUCK a refusé l'application de l'accord au motif qu'il n'y avait pas eu transfert d'entité économique autonome, en méconnaissance de la circulaire d'application de l'accord du 18 avril 2002.
Pour justifier la compétence du Conseil de Prud'hommes, la société Z... fait valoir qu'il s'agit de conflits individuels de travail, de transfert de contrat et de l'application d'un accord de branche. Elle insiste sur l'urgence à ce que les salariés prennent leurs fonctions dès septembre pour qu'ils puissent être normalement payés dès octobre et elle dénonce le trouble manifestement illicite résultant du refus des sociétés entrantes de poursuivre les contrats de travail en s'appuyant sur un arrêt de la chambre sociale de la Cour de Cassation du 17 mars 1998.
Après avoir rappelé les décisions des Conseil de Prud'hommes de Fourmies, de Maubeuge et de Valenciennes, elle explique que, victime d'un véritable dumping social, aucun des circuits ne lui a été attribué.
Elle conclut à l'irrecevabilité de l'incompétence " ratione materiae " soulevée par la société SLEMBROUCK et subsidiairement à ce que cette exception ne porte que sur l'obtention de dommages et intérêts et non sur le transfert des contrats.
Elle dénonce le caractère tendancieux des comparaisons entre les marchés auxquelles s'est livrée la société SLEMBROUCK dans la mesure où il ne s'agit pas de transfert de lignes fixes mais de marché à bons de commandes, portant sur le ramassage scolaire d'enfants en difficultés sociales ou handicapés.
Cependant, s'agissant de la desserte des mêmes établissements scolaires et du ramassage dans le quart Nord Est de l'arrondissement de Valenciennes, la société Z... conclut à l'identité des marchés et au transfert des cinq salariés.
Elle conteste l'interprétation que la société SLEMBROUCK a réservée à l'arrêté d'extension du 22 décembre 2003 en s'appuyant sur une décision de la Cour de Justice de la communauté européenne du 24 janvier 2002 qui fait application de la directive du 12 mars 2001 lorsque le nouvel entrepreneur reprend une partie des effectifs en vertu d'une convention collective de travail.
Concernant l'argumentation des sociétés Nouvel Horizon et JL International qui, s'appuyant sur l'avis de la Commission Nationale Paritaire de suivi de l'accord du 18 avril 2002, assimilent le transfert de marché au transfert de ligne, la société Z... rappelle que l'accord du 18 avril 2002 ne fait état que de marchés et qu'un avis de la Commission Nationale paritaire n'a pas de valeur normative.
Elle s'oppose à la demande en remboursement présentée par ces sociétés à raison de 4 500 € par salarié, alors qu'elle n'est assortie d'aucun justificatif comptable.
Concernant les demandes d'annulation des ordonnances de référé du Conseil de Prud'hommes de Fourmies, elle rappelle que le tableau de concordance a été versé au débat dans le cadre d'une note en délibéré à laquelle les sociétés JL International et Nouvel Horizon ont répondu.
Enfin, elle considère que la rupture des contrats de travail des salariés ne peut lui être imputable.
*
Jean Claude B... a conclu à la confirmation de l'ordonnance déférée et demande la poursuite de son contrat auprès de la société Nouvel Horizon.
Il rappelle les conditions dans lesquelles la société Nouvel Horizon a été préférée à la société Z... et dénonce ses méthodes bafouant le droit social puisque cette société a préféré recruté des retraités.
Il fait savoir qu'il a été licencié et réclame 500 € par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
EXPOSE DES MOTIFS
La nullité de l'ordonnance
Georges Z... ne figurant pas dans la composition de la formation du Conseil de Prud'hommes de Fourmies ayant statué dans la présente affaire, il n'y a pas lieu d'ordonner la nullité de l'ordonnance sur ce fondement, l'impartialité de la juridiction à laquelle tout plaideur a droit, n'étant pas affectée par la seule circonstance que Georges Z... est membre de ce Conseil.
Il sera ajouté qu'à l'audience de plaidoirie devant le Conseil de Prud'hommes de Fourmies, aucune observation n'a été présentée à la juridiction qui aurait pu conduire à faire envisager un dessaisissement ou une récusation.
Concernant la remise à l'audience du tableau de concordance, les premiers juges ont noté que la société appelante n'avait pas demandé à ce que cette pièce soit écartée des débats. De plus, elle a émis, par note en délibéré du 21 septembre 2006, différentes observations sur cette pièce sans demander ni sa mise à l'écart ni la réouverture des débats.
La violation du principe du contradictoire n'étant pas caractérisée, il n'y a pas lieu de procéder à l'annulation de l'ordonnance.
La compétence du juge des référés

La société appelante conteste la compétence du juge des référés au motif que l'interprétation d'un accord professionnel constitue une contestation sérieuse.
Si l'article R 516-30 du Code du travail, à l'instar de l'article 808 du Nouveau Code de Procédure Civile, limite la compétence du juge des référés aux mesures ne se heurtant à aucune contestation sérieuse, l'article R 516-31 du Code du travail-comme l'article 809 du Nouveau Code de Procédure Civile-autorise la formation des référés, " même en présence d'une contestation sérieuse " à " prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ".
En l'espèce, le refus par la société entrante de reprendre le contrat de travail de Jean Claude B... constitue un trouble manifestement illicite puisqu'il l'expose à être licencié.
Dans ce cas, la formation des référés, statuant sur le fondement de l'article R 516-31 du Code du Travail est compétente pour interpréter une convention ou un accord collectif sans qu'elle ne soit tenue par le relevé de conclusions du 27 octobre 2004 de la Commission de suivi de l'Accord qui ne concernait que le calcul des 65 % de temps de travail.
L'identité des marchés
L'article 28 de l'Accord du 18 avril 2002 stipule :
" En vue d'améliorer et de renforcer la garantie d'emploi offerte aux salariés affectés à un marché faisant l'objet d'un changement de prestataire, les parties prévoient la continuité du contrat de travail des salariés affectés au marché concerné dans les conditions stipulées ci-dessous.
Champ d'application
Les présentes dispositions s'appliquent pour des transports à caractère régulier en cas de succession de prestataires, à la suite de la cessation d'un contrat ou d'un marché public ou d'une délégation de service public (plus généralement appelé " marché " ci-dessous). "
L'accord prévoit que l'entreprise entrante doit garantir l'emploi du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise lorsque, s'agissant des conducteurs, ils sont affectés au moins à 65 % de leur temps de travail au marché concerné.
Pour s'opposer à l'application de cet accord, la société Nouvel Horizon fait valoir qu'il n'y a pas eu changement de prestataire au sens de cet article 28, le marché se distinguant de celui antérieurement attribué à la société Z..., la société appelante devant assurer des dessertes et un circuit différents.

Mais il résulte du Cahier des Clauses Particulières que le marché litigieux, destiné au transport d'élèves, pour la plupart handicapés, s'exécute par émission de bons de commandes, l'Autorité publique se réservant la création ou la suppression d'un ou de plusieurs circuits, les modifications d'horaires et de jours de ramassage ainsi que le nombre d'élèves à transporter et leur localisation.

Il n'est donc pas étonnant que le marché ne porte pas exactement sur les mêmes dessertes puisqu'elles ont vocation à être ponctuellement modifiées.
Si les circuits sont différents en raison même de la nature du marché, son objet, soit le transport scolaire d'élèves handicapés à destination des établissements d'Avesnelles et environs, et ses modalités d'exécution, notamment par émission de bons de commandes, sont semblables ; surtout, par son objet, le marché entre dans la catégorie des marchés de transport à caractère régulier visés au champ d'application de l'article 28-et confirmé par la circulaire d'application-de telle sorte que l'Accord s'applique, peu importe que le marché ne porte pas sur une " ligne ", cette condition n'étant pas visée par les rédacteurs de l'article et ayant été insérée incidemment par la Commission de suivi en réponse à une demande sur le mode de calcul du temps de travail.
Au demeurant, la société Nouvel Horizon acceptait à sa lettre du 13 juillet 2006 le principe de la garantie d'emploi et de la continuité des contrats de travail concernant son marché, soumettant seulement l'application de l'accord à la fourniture préalable de pièces.
Les temps de travail

La société Nouvel Horizon soutient que les marchés étant différents, le calcul des temps de travail est impossible.
Si la comparaison des calculs des temps de travail consacrés aux circuits et aux dessertes est impossible puisque, comme il a été vu ci-dessus, les parcours ont été modifiés, il apparaît cependant que Jean Claude B... consacre son temps de travail à ce service, la société Nouvel Horizon ne démontrant pas son affectation à d'autres tâches.
Il en résulte que le contrat de travail du conducteur devait être transféré à la société Nouvel Horizon dès septembre 2006.
L'ordonnance du Conseil de Prud'hommes de Fourmies sera confirmée en ce qu'elle a ordonné l'établissement d'un avenant de modification d'employeur.
Les dommages et intérêts provisionnels
La société Z... n'ayant pas poursuivi les contrats de travail après le refus de la société entrante, il n'y a pas lieu de lui allouer des dommages et intérêts provisionnels.
Le remboursement des sommes versées
La société Nouvel Horizon réclame le remboursement des sommes qu'elle a versées à la suite du transfert du contrat ordonné par les premiers juges.
La Cour confirmant ce transfert, les sommes versées ne sont pas indues ; il n'y a donc pas lieu à condamner la société Z... au remboursement de la somme de 18 000 €, montant au demeurant non justifié.
L'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
La société Nouvel Horizon sera condamnée à verser à la société Z... la somme de 300 € par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Sur le même fondement, la société Nouvel Horizon sera condamnée à payer au salarié la somme de 300 €.
PAR CES MOTIFS
Rejette la demande de nullité de l'ordonnance.

Confirme l'ordonnance de référé du Conseil de Prud'hommes de Fourmies du 28 septembre 2006.
Y AJOUTANT,
Rejette la demande de la société Z... en paiement de dommages et intérêts provisionnels et celle de la société Nouvel Horizon en remboursement des sommes avancées.
Condamne la société Nouvel Horizon à payer à la société Z... la somme de 300 € (trois cents euros) par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Condamne la société Nouvel Horizon à payer à Jean Claude B... la somme de 300 € (trois cents euros) par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Condamne la société Nouvel Horizon au paiement des dépens.

LE GREFFIER

A. BACHIMONT

LE PRESIDENT

B. MERICQ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Ct0081
Numéro d'arrêt : 210/07
Date de la décision : 31/01/2007

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Fourmies, 28 septembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2007-01-31;210.07 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award