TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 14 / 12 / 2006
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No RG : 05 / 00020
Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER du 09 Novembre 2004
REF : LB / MD
APPELANTE
S. A. AXA ASSURANCES Ayant son siège social 370 rue Saint-Honoré 75001 PARIS
représentée par la SCP CARLIER-REGNIER, avoués à la Cour assistée de Me ROBERT substituant Me Pierre FAUCQUEZ, avocat au barreau de BOULOGNE SUR MER
INTIMÉS Appelant incident Monsieur Alain X... né le 19 Juillet 1946 à TREPIED (62780) Demeurant ...62170 MONTREUIL
représenté par Me QUIGNON, avoué à la Cour assisté de Me THOMAS substituant Me Odile DESMAZIERES, avocat au barreau de ST OMER
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 591780020500 / 1123 du 08 / 03 / 2005 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)
Appelante incidente Madame Yvette C... épouse X... tant en sa qualité d'administratrice légale de M. X... suivant jugement du juge des tutelles de MONTREUIL / MER du 07. 07. 2003, qu'en son nom personnel née le 24 Octobre 1948 à NEUVILLE SOUS MONTREUIL (62170) Demeurant 51 rue de Montreuil 62170 NEUVILLE SOUS MONTREUIL
représentée par Me QUIGNON, avoué à la Cour assistée de Me THOMAS substituant Odile DESMAZIERES, avocat au barreau de ST OMER
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 591780020500 / 1119 du 08 / 03 / 2005 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ Madame MERFELD, Président de chambre Madame CONVAIN, Conseiller Madame BERTHIER, Conseiller---------------------GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame AMBROZIEWICZ
DÉBATS à l'audience publique du 28 Juin 2006, Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 Décembre 2006 après prorogation du délibéré du 12 Octobre 2006 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame MERFELD, Président, et Madame AMBROZIEWICZ, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 Juin 2006
Sur le rapport de Madame CONVAIN, Conseiller.
Le 12 mars 2000, un incendie a détruit l'immeuble d'habitation sis à ECUIRES,..., appartenant à Monsieur Alain X... et Madame Yvette C..., son épouse. Cet immeuble était assuré par la SA AXA ASSURANCES dans le cadre d'un contrat multirisques habitation.
Sur assignation délivrée le 17 avril 2001 par Monsieur et Madame X..., le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER, par jugement du 6 février 2002, a sursis à statuer dans l'attente du résultat de la plainte pour escroquerie à l'assurance déposée par l'assureur.
Une ordonnance de non lieu est intervenue le 1er juillet 2002.
Par jugement du 9 novembre 2004, le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER a condamné la SA AXA ASSURANCES à payer aux époux X... la somme de 18. 500 euros ainsi que les sommes de 80. 745 euros (paiement immédiat) et celle de 110. 534 euros (paiement sur présentation des justificatifs de travaux de réparation), dit que ces deux dernières sommes sont indexées sur l'indice de la construction à compter du 26 mai 2000, mis à la charge de la SA AXA ASSURANCES la somme de 1. 525 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La SA AXA ASSURANCES a interjeté appel de ce jugement par déclaration déposée le 3 janvier 2005.
Par conclusions signifiées le 7 février 2006, elle demande à la Cour de dire que seule l'indemnité immédiate de 80. 745 euros doit être prise en charge par la SA AXA ASSURANCES, réformer le jugement sur toutes les autres condamnations, lui donner acte de ce qu'elle offre de régler " à la barre et à deniers découverts " la somme de 80. 745 euros, constater qu'elle a d'ores et déjà versé la somme de 111. 904,98 euros déduction faite du versement de la provision de 4. 573,47 euros, dans le cadre de l'exécution provisoire, condamner Monsieur et Madame X... à rembourser le trop-perçu soit la somme de 35. 733,45 euros outre celle de 2. 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle fait valoir que l'expert qu'elle a envoyé sur les lieux du sinistre a conclu que l'incendie avait une origine intentionnelle, qu'elle a donc déposé plainte entre les mains du doyen des juges d'instruction de BOULOGNE SUR MER, le 16 février 2001, cependant qu'une ordonnance de non lieu était rendue le 1er juillet 2002 et qu'elle a ensuite formulé une offre d'indemnisation, refusée par les époux X... qui ont saisi le Tribunal de BOULOGNE SUR MER. Elle précise qu'au vu de ces circonstances, il ne peut lui être reproché d'avoir tardé à indemniser Monsieur et Madame X..., qu'aucune faute ne peut être retenue à son encontre et que le préjudice moral des époux X... n'est pas justifié. Elle soutient que Monsieur X... n'apporte pas la preuve de frais de relogement qu'il aurait engagés entre la date du sinistre et celle de la vente de l'immeuble incendié, le 13 mai 2003, que Madame X... vivait déjà séparément au moment du sinistre et disposait de son propre logement et qu'en tout état de cause, les frais d'usage et de relogement sont limités à 15 % de l'indemnité, soit 26. 291 euros maximum. Elle souligne que l'indemnité de 8. 500 euros allouée par le Tribunal au titre de la perte d'usage était déjà comprise dans l'indemnisation immédiate à laquelle elle a été condamnée pour un montant de 80. 745 euros et qu'elle a donc été condamnée deux fois pour le même poste de préjudice.
Elle prétend enfin que l'indemnité différée évaluée à hauteur de 110. 534,22 euros ne pouvait être accordée que sur justificatifs des factures de travaux afférents à la reconstruction (bâchage, démolition, déblais, note d'honoraires d'architecte) et que l'immeuble ayant été revendu sinistré par les époux X..., il n'y a pas lieu de les indemniser de ce chef étant précisé que le poste valeur vénale avant sinistre a été indemnisé.
Par conclusions signifiées le 11 avril 2006, Monsieur X... et Madame X... tant en son nom personnel qu'ès qualités d'administratrice légale de M. X... placé sous tutelle par jugement du 7 juillet 2003 demandent à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la condamnation de la SA AXA ASSURANCES à leur rembourser les préjudices subis. Relevant appel incident sur l'évaluation de certains postes de préjudice ils demandent la condamnation de leur assureur au paiement des sommes suivantes :-15. 250 euros au titre du préjudice moral-80. 745 euros au titre de l'indemnité immédiate-110. 534 euros au titre de l'indemnité matérielle complémentaire-91. 470 euros au titre des frais de relogement-10. 000 euros pour procédure d'appel abusive. Ils demandent en outre que la SA AXA ASSURANCES soit condamnée à leur verser une somme au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, " calculée selon les termes de la convention signée entre Monsieur et Madame X... et leur conseil ".
Ils exposent qu'ils ont reçu de la SA AXA ASSURANCES une proposition d'indemnisation qu'ils ont acceptée le 10 mai 2000 mais que l'assureur n'a jamais respecté son engagement, n'a pas versé les fonds et a déposé plainte plus d'un an après le sinistre. Ils soutiennent que ces circonstances leur ont causé de multiples tracas et que l'accusation injurieuse et diffamante d'incendie volontaire portée contre Monsieur X... a porté atteinte à son honneur. Ils prétendent qu'ils ont dû faire face à des frais de relogement (location) et qu'ils ne vivaient pas séparément lors du sinistre.
SUR CE
Attendu que le tribunal a alloué aux époux X... les sommes suivantes :-80. 745 euros : indemnité immédiate-8. 500 euros : frais de relogement-110. 534 euros indemnité différée-10. 000 euros dommages intérêts ;
Attendu que la SA AXA ASSURANCES ne conteste pas devoir aux époux X... la somme de 80. 745 euros au titre de l'indemnité " immédiate " qui correspond selon les termes du rapport d'expertise au remboursement du bâtiment, du mobilier, de la perte d'usage sous déduction de la franchise ;
Sur les frais de relogement
Attendu qu'il n'est pas contesté qu'aux termes du contrat multirisques habitation " Ambiance " souscrit par Monsieur et Madame X..., est prévue la garantie des " frais consécutifs ", soit les " frais justifiés et réellement engagés " et notamment : les frais de relogement et d'honoraires de l'architecte reconstructeur ; qu'aux termes des conditions particulières souscrites, ces frais sont limités à " 15 % de l'indemnité ", soit 28. 691,83 euros (1. 254. 707,00 francs soit 191. 278. 85 euros x 15 %) ;
Attendu que le Tribunal a alloué à Monsieur et Madame X... la somme de 8. 500 euros soit 220 euros par mois durant 39 mois au titre d'une perte de l'usage de l'immeuble précisant que Monsieur X... ne justifiait pas de pertes financières pour se reloger et qu'il vivait séparément de son épouse ;
Attendu que Monsieur et Madame X... justifient avoir pris à bail une maison sise à ECUIRES,...du 1er avril au 30 novembre 2000, moyennant un loyer mensuel de 3. 120 francs soit 475,64 euros ; qu'ensuite, il est démontré que Monsieur X... a pris à bail, à compter du 16 décembre 2000, un appartement auprès de la SA d'HLM LOGIS 62, moyennant un loyer mensuel de 1. 090 francs soit 166,17 euros ; qu'il justifie par la production d'un relevé de compte de l'occupation de ce logement, situé à MONTREUIL ..., jusqu'à la date de revente de sa maison sinistrée, le 13 mai 2003 ; que cette adresse correspond, contrairement à ce que prétend la SA AXA ASSURANCES, à celle figurant sur le jugement du Tribunal d'Instance de MONTREUIL SUR MER de placement sous mesure de protection de Monsieur X... du 7 juillet 2003 ; que ce dernier disposait donc d'une seule et même adresse ; Que c'est donc à bon droit qu'est réclamé le remboursement de frais de relogement qui ne sauraient être confondus avec l'indemnité pour " perte d'usage " comprise dans l'indemnité immédiate ; Qu'en revanche, le remboursement des frais de relogement engagés postérieurement à la revente de l'immeuble sinistré ne peut être sollicité dès lors que ces frais ne sont plus liés à l'indemnisation du sinistre ;
Attendu qu'au vu des pièces justificatives produites, le montant des frais de relogement s'élève, du jour de l'incendie au jour de la revente de l'immeuble, à la somme de :-période du 1er avril au 30 novembre 2000 : 475,64 x 8 = 3. 805,12 euros-période du 1er décembre 2000 au 13 mai 2003 : 3. 332,12 euros (suivant relevé de compte), soit au total : 7. 137,24 euros ; Que cette somme ne dépasse pas le montant plafonné des frais consécutifs et la SA AXA ASSURANCES en est donc redevable à Monsieur et Madame X... ; que le jugement sera réformé sur le montant de la somme allouée ;
Attendu que Madame D... veuve C... témoigne de ce qu'elle héberge chez elle sa fille Yvette X..., à titre gratuit, depuis le 1er décembre 2000 ; que les frais liés à l'hébergement des enfants et petits-enfants de Madame X... lors de leurs visites annuelles, en camping ou location, du fait de l'impossibilité de les héberger dans le logement familial, sont postérieurs à la période de relogement liée au sinistre ; que cette demande ne peut être accueillie favorablement ;
Sur l'indemnité différée
Attendu qu'aux termes de l'accord de règlement signé par les parties le 10 mai 2000, il était convenu du règlement immédiat de la somme de 529. 650 francs soit 80. 744,62 euros et du règlement différé de celle de 725. 057 francs soit 110. 534,23 euros ; qu'il ressort du rapport d'expertise que cette dernière somme correspond à la reconstruction de la maison (601. 349 francs), la démolition plus bâchage (47. 600 francs) et les honoraires d'architecte (76. 108 francs) ; Que l'accord prévoyait que " la valeur à neuf et les travaux engagés seront indemnisés après travaux dans la limite des justificatifs produits " et que les indemnités versées en règlement du sinistre " doivent être utilisées pour la remise en état effective de l'immeuble endommagé ou pour la remise en état de son terrain d'assiette ", conformément aux dispositions de l'article L 121-17 du Code des assurances ;
Attendu que les époux X... invoquent une perte de valeur de leur immeuble sinistré et réclament le versement de l'indemnité différée ; Que toutefois, au vu des dispositions qui précèdent, il n'est pas discutable que Monsieur et Madame X... ne peuvent réclamer le versement de cette indemnité différée de 110. 534,23 euros ; qu'en effet, ils ne prétendent ni ne démontrent avoir fait procéder aux travaux de reconstruction alors que le versement de cette indemnité était précisément conditionné à une telle démonstration ; Que le jugement doit être réformé ;
Sur le préjudice moral
Attendu qu'il ressort des pièces de la procédure qu'après avoir signé un accord de règlement avec les époux X..., accord reprenant les évaluations financières faites par son expert, et avoir versé la somme de 4. 573,47 euros (30. 000 francs) à titre de provision, la SA AXA ASSURANCES s'est refusée à tout versement et a déposé plainte avec constitution de partie civile, le 16 février 2001 alors que l'enquête initiale a été classée sans suite dès le 13 septembre 2000 ; que la SA AXA ASSURANCES ne peut se prévaloir d'une consignation de provision de 15. 000 francs dès le 6 juillet 2000 tel qu'indiqué dans l'ordonnance de non lieu dès lors que cette mention résulte manifestement d'une erreur puisque l'ordonnance du juge d'instruction fixant la consignation à hauteur de 15. 000 francs date du 7 juin 2001 et que l'information judiciaire n'a pas débuté avant la plainte avec constitution de partie civile ;
Attendu que la SA AXA ASSURANCES ne produit aucune pièce, à l'exception de sa propre plainte, tendant à justifier son refus d'indemniser ses assurés comme convenu à l'accord de règlement ; que contrairement à ce qu'elle prétend, il ne ressort pas des conclusions du rapport d'expertise produit aux débats que l'incendie pouvait avoir une origine intentionnelle ; que si l'expert a relevé deux points de départ de feu (un feu de cheminée, déclaré le samedi 11 mars 2000 vers 13 heures et éteint par les pompiers, puis un second incendie, déclaré le dimanche 12 mars vers 6 heures 30, dans le grenier), il a simplement considéré que la corrélation entre les deux sinistres paraissait " aléatoire " et qu'" une action judiciaire devant le Tribunal administratif, contre le centre de secours allongerait les délais d'expertise avec un résultat improbable " ; Que le Tribunal a justement relevé que le refus d'indemnisation formulé par l'assureur était abusif dès lors qu'il avait accepté par un accord ferme d'indemniser son assuré et qu'il avait tardé à déposer plainte ; que ces circonstances ont indiscutablement placé les époux X... dans une situation psychologique, matérielle et financière difficile ; que le Tribunal a exactement apprécié le montant du préjudice en le fixant à la somme de 10. 000 euros et le jugement doit être confirmé sur ce point ;
Attendu qu'au vu des motifs qui précèdent, la SA AXA ASSURANCES est redevable des sommes de :-indemnité immédiate : 80. 745,00 euros-frais de relogement : 7. 137,24 euros-préjudice moral : 10. 000 euros soit, au total : 97. 882,24 euros ;
Attendu que la Société AXA demande que les époux X... soient condamnés à lui restituer partie des sommes qu'elle a versées au titre de l'exécution provisoire du jugement ;
Que cependant le présent arrêt, partiellement infirmatif, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes trop versées en exécution du jugement ; qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de restitution ;
Sur la demande de dommages et intérêts pour appel abusif
Attendu que la SA AXA ASSURANCES triomphe partiellement en son appel et ne saurait être condamnée dans ces conditions au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
*** Attendu qu'au vu des circonstances de la cause, chacune des parties conservera la charge de ses propres frais irrépétibles et dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement sur le montant des indemnités à la charge de la compagnie d'assurance,
Et statuant à nouveau,
Fixe le montant des indemnités dues par la SA AXA ASSURANCES à Monsieur Alain X... et Madame Yvette C... épouse X... à la somme de 80. 745,00 euros au titre de l'indemnité immédiate,7. 137,24 euros au titre des frais de relogement et 10. 000 euros au titre du préjudice moral et condamne la Société AXA au paiement de ces sommes en derniers ou quittances,
Déboute Monsieur et Madame X... de leur demande au titre de l'indemnité différée,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la Cour,
Confirme le jugement pour le surplus,
Déboute Monsieur et Madame X... de leur demande de dommages et intérêts pour appel abusif,
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d'appel et frais irrépétibles d'appel.