CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 07 / 12 / 2006
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No RG : 05 / 00461 Jugement du Tribunal de Grande Instance de LILLE du 07 Janvier 2005
REF : JMD / CD
FAILLITE PERSONNELLE 10 ANS (confirmation)
APPELANTS
Monsieur Nicolas X... Demeurant...... 59700 MARCQ EN BAROEUL
Représenté par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués à la Cour Assisté de Me Karl VANDAMME, avocat au barreau de LILLE
Monsieur Jean-Louis Z... Demeurant... 59110 LA MADELEINE
Représenté par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués à la Cour Assisté de Me Karl VANDAMME, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉ
Maître A... es qualités de liquidateur judiciaire de la SCI GABRIELLE Demeurant... 59800 LILLE
Représenté par la SELARL ERIC LAFORCE, avoués à la Cour Assisté de Me Stéphane BESSONNET, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS à l'audience publique du 18 Octobre 2006, tenue par M. DELENEUVILLE, magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 NCPC). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme J. DORGUIN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Madame GEERSSEN, Président de chambre Monsieur ZANATTA, Conseiller Monsieur DELENEUVILLE, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 07 Décembre 2006 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Mme GEERSSEN, Président et Mme J. DORGUIN, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
OBSERVATIONS ÉCRITES DU MINISTÈRE PUBLIC : Cf réquisitions du 20 septembre 2006
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 28 septembre 2006 ***** Vu le jugement du 7 janvier 2005 par lequel le tribunal de grande instance de Lille a condamné solidairement MM Z... et X... à supporter l'ensemble des dettes de la SCI GABRIELLE et prononcé leur faillite personnelle pendant 10 ans,
Vu l'appel interjeté le 24 janvier 2005 par MM Jean-Louis Z... et Nicolas X...,
Vu les conclusions déposées pour eux le 27 mars 2006,
Vu les conclusions déposées le 6 juin 2006 pour Me A..., en sa qualité de mandataire liquidateur de la SCI GABRIELLE,
Vu les réquisitions de confirmation de la décision entreprise du ministère public du 20 septembre 2006,
Vu l'ordonnance de clôture du 28 septembre 2006,
Vu la note en délibéré du 9 novembre 2006 pour MM. FARDEL et X... et la note en réplique du 15 novembre 2006 pour Me A... es qualités, écartées pour avoir été déposées sans la demande de la Cour ;
SUR CE :
Attendu que la société civile de construction vente GABRIELLE a été immatriculée le 27 novembre 1998 avec pour gérants MM Jean-Louis Z... et Nicolas X..., remplacés par M. Benoît Y... en mars 2001, qu'elle avait pour objet la construction de 30 maisons individuelles à vendre en état futur d'achèvement dans le cadre de la loi PERISSOL, que, sur assignation d'un créancier du 31 octobre 2001, elle a été placée en liquidation judiciaire immédiate par jugement du tribunal de grande instance de Lille du 7 décembre 2001, que la date de cessation des paiements a été fixée au 31 octobre 2001, que ses deux seules associées, les SARL SEPRODIM et FONCIER PROMOTION, ont été liquidées à leur tour le 10 décembre 2001 par le tribunal de commerce de Lille, que l'insuffisance d'actif a été définitivement arrêtée à la somme de 324 442,57 €, que Me A... ès qualités, a assigné MM Z... et X... le 17 février 2004 en vue de leur faire supporter la totalité de l'insuffisance d'actif et faire prononcer leur faillite personnelle,
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Attendu que la société GABRIELLE a épuisé son objet avec l'arrivée du terme prévu par la loi dite PERISSOL, le 30 juin 2000,
Attendu que MM Z... et X... ne contestent pas leur qualité de dirigeants de fait sous couvert de M. Benoît Y..., salarié de la SNC FONCIER DU NORD, désigné aux fonctions de gérant non associé à compter de mars 2001, désignation publiée au greffe le 3 mai 2001,
Attendu qu'ils reconnaissent que l'opération de construction en vue de la vente de 30 logements a été désastreuse, qu'ils l'expliquent par le fait qu'ils ont été sous la pression de certaines entreprises, qui menaçaient d'arrêter le chantier pour se faire payer des travaux supplémentaires, et de clients qui ont exigé des remises parfois substantielles, les uns et les autres profitant de la proximité du terme fixé par la loi pour leur arracher des concessions, qu'ils ajoutent que leur expert-comptable a commis des erreurs dans le traitement des déclarations de TVA et de la taxe d'urbanisme qui ont abouti à un passif fiscal excessif, qu'ils ont été victimes des procédés d'une société MASCLET, avec laquelle ils avaient travaillé au travers de deux autres SCI, qui ont contribué à l'effondrement des marges qu'ils envisageaient d'affecter au désintéressement des créanciers de la SCI GABRIELLE par le jeu de la transparence fiscale, que le retraitement des créances à la lumière de ces explications montre que le passif n'est que de 181 025,15 €, à rapprocher des 180 971,57 € de dommages et intérêts auxquels la société MASCLET a été condamnée mais qu'elle ne paiera jamais par suite de sa liquidation judiciaire, que ces événements ont conduit à des difficultés de trésorerie qui ont entraîné la liquidation judiciaire de la société GABRIELLE et celle de ses associés trois jours plus tard, qu'ils ont été victimes d'une conjoncture défavorable, Attendu cependant que MM Z... et X... ne sauraient aujourd'hui discuter l'insuffisance d'actif qui a été définitivement arrêtée à la somme de 324 442,57 €,
Attendu que le régime de la transparence fiscale soumet à l'impôt au nom de leurs associés les profits réalisés par les sociétés qui y sont assujetties, en dehors de toute distribution de dividende, que MM Z... et X... ne peuvent expliquer avoir envisagé d'affecter les bénéfices réalisés dans une de leurs sociétés au comblement du déficit de trésorerie de la société GABRIELLE par ce seul instrument fiscal, qu'ils devaient nécessairement en passer par la méthode commune consistant à voter en assemblée des associés une répartition des bénéfices au profit des sociétés SEPRODIM et FONCIER PROMOTION à charge pour celles-ci de les apporter à la société GABRIELLE, que faute de production aux débats de délibérations en ce sens, l'argument est sans portée,
Attendu de surcroît qu'aucune des sociétés qu'ils animaient n'était en mesure de dégager des marges suffisantes pour envisager une telle opération, comme le démontre la liquidation judiciaire à laquelle cinq sur six d'entre elles ont été soumises, que leurs affirmations sur la rentabilité supposée de deux opérations immobilières sont de pures spéculations démenties par la réalité des faits,
Sur le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai de quinzaine,
Attendu que MM Z... et X... n'ont jamais procédé à la déclaration de l'état de cessation des paiements de la SCI GABRIELLE, que la procédure a été ouverte le 7 décembre 2001 sur assignation de la société FONDERIE DE MOUVAUX délivrée le 31 octobre 2001, date à laquelle le tribunal a fixé provisoirement l'état de cessation des paiements,
Attendu qu'il importe d'établir que la débitrice était en état de cessation des paiements plus de quinze jours avant la délivrance de l'assignation en redressement judiciaire par la société FONDERIE DE MOUVAUX,
Attendu que Me A... indique que cette société était créancière de la SCI GABRIELLE à raison de trois factures des 30 septembre,31 octobre 2000 et 31 mars 2001 d'un montant global de 180 574,57 F, qu'elle avait obtenu le bénéfice d'une ordonnance de référé du 3 juillet 2001, qu'il ajoute que, selon une ordonnance de référé du 4 décembre 2001, sa liquidée a été condamnée à payer la somme de 698 920,12 F à la société CABRE à raison de travaux achevés depuis le 27 septembre 2000, que M. Bernard D... a déclaré une créance entre ses mains de 23 956,91 € pour des factures impayées depuis le second semestre de l'année 2000, que la Trésorerie de LILLE SUD OUEST a émis un avis à tiers détenteur de 135 186 F à raison de la taxe d'urbanisme venue à échéance le 16 avril 2000, pour en conclure que l'état de cessation des paiements était acquis depuis le 30 septembre 2000,
Mais attendu que l'état de cessation des paiements se caractérise par l'impossibilité dans laquelle se trouve le débiteur de faire face à son passif exigible à l'aide de son actif disponible, qu'à défaut de toute référence à l'actif disponible au 30 septembre 2000, le mandataire liquidateur ne fait pas la preuve exigée,
Attendu que le bilan de la société GABRIELLE au 31 décembre 2000 est joint au dossier de la cour, qu'il fait apparaître qu'elle disposait à cette date de 64 858 F de liquidités, qu'il lui restait à percevoir 760 000 F environ sur la vente des 30 maisons individuelles qui constituaient son programme, qu'en regard il subsistait un compte " Fournisseurs " de 4 683 408,18 F, que le simple rapprochement des chiffres conduit à en déduire qu'elle était dans l'incapacité absolue d'honorer ce passif à l'aide de ses seules ressources présentes et à venir, qu'elle avait, comme l'ont admis MM Z... et X..., besoin de fonds supplémentaires que seules ses associées étaient en mesure de lui apporter,
Attendu que ces éléments tirés de la comptabilité ne permettent pas de déterminer la date à laquelle l'ensemble de ce passif est devenu exigible, qu'ils induisent cependant qu'au jour de l'ordonnance de référé du 3 juillet 2001, exécutoire par provision, la société GABRIELLE était dans l'incapacité de payer la créance de 180 574,57 F de la FONDERIE DE MOUVAUX, que la date de cessation des paiements peut être fixée à cette date, qu'elle est antérieure de plus de quinze jours au 31 octobre 2001, que le reproche est fondé, que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point,
Sur l'usage des biens de la société liquidée à des fins contraires à son intérêt dans le but de favoriser d'autres personnes morales dans lesquelles ils étaient intéressés
Attendu que Me A... ès qualités reproche à MM Z... et X... d'avoir agi au détriment de la société GABRIELLE, en payant 617 744,59 F à chacune des sociétés SEPRODIM et FONCIER PROMOTION et 742 122,72 F à la SNC FONCIER DU NORD entre le 1er octobre 1998 et le 31 décembre 1999, ainsi que 261 837,74 € à une SARL FABRYC, dont ils étaient les gérants, en liquidation judiciaire depuis le 6 mai 2003, pour des travaux de plâtrerie, alors qu'elle n'apparaît pas dans les comptes rendus de chantier,
Attendu que les mis en cause répondent que, dès lors que les porteurs de parts de société civile sont responsables de dettes sociales, il ne peut leur être reproché un usage des biens de la société contraire aux intérêts de celle-ci, qu'ils ajoutent que ces paiements étaient causés dès lors que les sociétés SEPRODIM et FONCIER PROMOTION avaient reçu une mission de maîtrise d'ouvrage déléguée, que les paiements incriminés ne représentent que 4,11 % du chiffre d'affaires à comparer avec les 15 % réclamés en moyenne par un intervenant extérieur, que la société FONCIER DU NORD avait été chargée de la commercialisation de l'opération, qu'elle a restitué 450 000 F en deux versements des 6 janvier et 15 février 2001 lorsqu'il est apparu que l'opération avait dérapé, que la société FABRYC, dont ils étaient les gérants non rémunérés, a été constituée pour combler la défaillance de la société MASCLET compte tenu de l'urgence à terminer les travaux, que son marché de 1 266 300 F TTC a été dépassé en raison des mauvaises prévisions des architectes, que les comptes rendus de chantier mentionnent la présence de M. DI BELLA qui était son salarié,
Attendu cependant qu'à la différence des sociétés de personnes, les associés de sociétés civiles ne sont tenus au passif social qu'en cas de vaine et préalable poursuite contre la société, qu'au surplus les associés de la SCI GABRIELLE n'étaient pas MM Z... et X... personnellement mais les SARL SEPRODIM et à FONCIER PROMOTION dont ils détenaient majoritairement le capital, qu'il s'ensuit qu'ils avaient constitué un écran entre les créanciers de la société GABRIELLE et eux-mêmes vouant par avance à l'échec toute poursuite à leur encontre à raison des dettes sociales, que l'usage des biens de la société contraire aux intérêts de celle-ci qui leur est reproché peut parfaitement prospérer,
Attendu qu'aucune convention ne vient justifier les prétendues missions de maîtrise d'ouvrage déléguée et de commercialisation qui auraient été accordées aux sociétés SEPRODIM, FONCIER PROMOTION et FONCIER DU NORD,
Attendu que ces paiements sont intervenus au cours de l'exercice clos le 31 décembre 1999, alors que le programme immobilier était loin d'être achevé, que MM Z... et X... ne justifient pas qu'à cette date la commercialisation du programme et la mission de maîtrise d'ouvrage déléguée étaient terminées, qu'il s'en déduit que ces paiements ont été consentis par anticipation,
Attendu que les factures produites aux débats ne font pas référence à cette soi-disant mission de maîtrise d'ouvrage déléguée, qu'elles mentionnent simplement " honoraires de gestion ", qu'au surplus elles ne sont pas conformes aux prescriptions de l'article L. 441-3 du Code de commerce faute de précisions quant à la date de la prestation, la quantité, le prix unitaire hors TVA des services rendus, qu'elles sont impropres à légitimer les paiements en litige,
Attendu qu'aucune facture, aussi imparfaite soit-elle, ne vient à l'appui des paiements au profit de la société en nom collectif FONCIER DU NORD, qu'il importe peu de savoir qu'une fraction des honoraires aurait été restituée en janvier et février 2001 dès lors qu'il subsiste une somme de 292 122,72 F (742 122,72 – 450 000) qui lui a été versée dans des conditions obscures,
Attendu que ces faveurs font indiscutablement encourir à leurs auteurs les sanctions prévues aux articles L 624-5 et L 625-4 anciens du Code de Commerce, que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef,
Attendu qu'il n'est pas contestable que le lot plâtrerie a été confié à la société FABRYC dès lors que la copie du marché de gré à gré du 25 octobre 1999, jointe au dossier, fait apparaître le cachet et la signature du cabinet d'architecture OTTON et SANCHEZ, que la circonstance qu'elle serait une création de MM Z... et X... et que son nom ne figurerait pas sur les comptes rendus de chantier est insuffisante pour en déduire qu'elle aurait bénéficié de paiements indus de la part de la société GABRIELLE, que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point,
Sur la poursuite d'une activité déficitaire
Attendu que le bilan au 31 décembre 2000 fait apparaître un bénéfice de 143 832 F mais une situation nette négative de 4 001 217 F, que, selon une mention qui figure en haut et à gauche de chaque feuillet, il apparaît qu'il a été porté à la connaissance des dirigeants le 3 mai 2001, que la poursuite d'une activité déficitaire reprochée à ceux-ci ne peut prospérer qu'à compter de cette date à défaut de tout autre élément de nature à faire la preuve qu'ils avaient parfaite connaissance de l'ampleur du déficit et de l'urgence à mettre en œ uvre des mesures de redressement,
Attendu que le dossier ne contient aucune donnée propre à établir que la poursuite d'activité au-delà du 3 mai 2001 a engendré des dépenses nouvelles qui seraient venues grossir le déficit antérieur, que ce reproche sera écarté,
Sur les fautes de gestion
Attendu que les paiements de faveur dont ont bénéficié les sociétés SEPRODIM, FONCIER PROMOTION et FONCIER DU NORD dès les débuts de l'opération immobilière, avant même que le moindre bénéfice ait été dégagé, constituent des fautes de gestion dès lors qu'ils ont définitivement dégradé la trésorerie sociale et provoqué l'état de cessation des paiements,
Attendu qu'il ressort d'un courrier de l'expert comptable M. E..., que le montage financier de l'opération avait affecté la totalité des recettes tirées de la vente des lots au remboursement du crédit bancaire accordé à la société GABRIELLE sans lui laisser la trésorerie indispensable pour lui permettre de faire face à ses autres charges, la TVA essentiellement, que ce fait à lui seul suffit à faire la preuve que MM Z... et X... se sont montrés de bien piètres gestionnaires en dépit de leur qualité autoproclamée de professionnels de la promotion immobilière,
Attendu que l'insuffisance d'actif a été définitivement arrêtée à la somme de 324 442,57 €, qu'il leur est entièrement imputable, qu'il convient de le mettre intégralement à leur charge,
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Attendu que le jugement entrepris sera entièrement confirmé,
Attendu qu'il est équitable d'allouer à Me A..., ès qualités, la somme de 3 000 € en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, par arrêt mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne MM Z... et X... à payer chacun à Me A..., ès qualités, la somme de 1. 500 € en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Les condamne aux dépens, qui pourront être recouvrés, pour ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.