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30/11/2006 | FRANCE | N°04/02934

France | France, Cour d'appel de Douai, 30 novembre 2006, 04/02934


COUR D'APPEL DE DOUAI


TROISIÈME CHAMBRE


ARRÊT DU 30 / 11 / 2006


*
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No RG : 04 / 02934


Tribunal de Grande Instance de LILLE
du 04 Mars 2004


REF : EM / VD




APPELANT
Monsieur Patrice X...


...


...
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...



représenté par la SCP CONGOS-VANDENDAELE, avoués à la Cour
assisté de Me PATERNOSTER substituant Me SEGARD, avocat au barreau de LILLE








INTIMÉES
Mademoiselle Dominique A...

n

ée le 01 Octobre 1961 à LILLE (59000)

...


...


...



représentée par Me QUIGNON, avoué à la Cour
assistée de Me LEDIEU de la SCP LECOMPTE et LEDIEU, avocats au barreau de CAMBRAI




CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE M...

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 30 / 11 / 2006

*
* *

No RG : 04 / 02934

Tribunal de Grande Instance de LILLE
du 04 Mars 2004

REF : EM / VD

APPELANT
Monsieur Patrice X...

...

...
...

...

représenté par la SCP CONGOS-VANDENDAELE, avoués à la Cour
assisté de Me PATERNOSTER substituant Me SEGARD, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉES
Mademoiselle Dominique A...

née le 01 Octobre 1961 à LILLE (59000)

...

...

...

représentée par Me QUIGNON, avoué à la Cour
assistée de Me LEDIEU de la SCP LECOMPTE et LEDIEU, avocats au barreau de CAMBRAI

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LILLE
Ayant son siège social
2 rue d'Iena-BP 09
59895 LILLE CEDEX 9

représentée par la SELARL Éric LAFORCE, avoué à la Cour
ayant pour conseil Me Guy DRAGON, avocat au barreau de DOUAI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Madame MERFELD, Président de chambre
Madame CONVAIN, Conseiller
Madame BERTHIER, Conseiller
---------------------
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame AMBROZIEWICZ

DÉBATS à l'audience publique du 28 Juin 2006,
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 Novembre 2006 après prorogation du délibéré du 12 Octobre 2006 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame MERFELD, Président, et Madame AMBROZIEWICZ, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 juin 2006

Sur le rapport de Madame CONVAIN, Conseiller.

Mademoiselle Dominique A... née le 1er octobre 1961 qui souffrait d'un reflux gastro-oesophagien a été opérée par le Docteur Patrice X... le 15 septembre 1993 par coelioscopie. Devant l'apparition d'une dysphagie (difficulté à avaler) et suite aux échecs des dilatations endoscopiques le Docteur X... a dû pratiquer deux autres opérations les 18 octobre et 10 novembre 1993 à la suite desquelles est apparue une paralysie intestinale totale qui persiste encore actuellement et nécessite une nutrition parentérale (par voie vasculaire).

Par jugement du 4 mars 2004 le Tribunal de Grande Instance de LILLE a déclaré le Docteur X... responsable des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale du 10 novembre 1993, avant dire droit sur l'évaluation du préjudice corporel de Mademoiselle A..., a ordonné une expertise et commis le Docteur E... pour y procéder, a condamné d'ores et déjà le Docteur X... à verser à Mademoiselle A... une provision de 15. 240 € à valoir sur son préjudice et une indemnité procédurale de 3. 000 € et a suris à statuer sur les demandes de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de LILLE.

Le Docteur X... a relevé appel de ce jugement le 29 avril 2004.

Par arrêt du 2 juin 2005 auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens et prétentions des parties la Cour a ordonné une nouvelle expertise et commis le Professeur F... et le Docteur G... pour y procéder avec mission notamment de dire si les interventions chirurgicales ont été pratiquées selon les règles de l'art, de rechercher si la patiente a reçu une information préalable suffisante sur les risques que lui faisait courir l'intervention chirurgicale et s'il existe des éléments précis et concordants pour attribuer tout ou partie de l'état séquellaire à une lésion ou une section des nerfs pneumogastriques au cours de l'une des interventions chirurgicales du Docteur X....

Les experts ont déposé leur rapport le 5 décembre 2005 concluant comme suit :
L'indication opératoire était logique chez une patiente jeune dont la symptomatologie était rebelle au traitement médical.
L'intervention chirurgicale a été réalisée correctement. Les complications à type de dysphagie sont classiques et la prise en charge, d'abord endoscopique puis chirurgicale, était logique.
L'information faite par le Docteur X... avant l'intervention a été correcte. Madame A... ne pouvait être informée de la survenue de la paralysie totale du tube digestif dans la mesure où cette complication, persistant plus de dix ans après l'intervention, n'a, à notre connaissance jamais été publiée.
A la lecture du dossier et suite à l'expertise contradictoire de ce jour, il nous apparaît que la conduite thérapeutique qui a été menée par le Docteur X... ne fait apparaître aucune faute de cause à effet directe et certaine avec le préjudice allégué.
Il existe un lien de causalité suffisant pour affirmer que l'état séquellaire de ce jour est consécutif à la troisième intervention chirurgicale.
Il n'est pas possible d'affirmer avec certitude qu'il y ait eu une section ou une lésion des nerfs pneumogastriques lors des deux ré-interventions mais les examens complémentaires réalisés sont tous concordants pour penser qu'il y a bien eu une lésion des nerfs pneumogastriques.

Les experts ont fixé le taux d'incapacité permanente partielle résultant des séquelles affectant l'appareil digestif à 30 % avec impossibilité pour Mademoiselle A... de reprendre son activité professionnelle d'auxiliaire de puériculture en raison des contraintes imposées par la nutrition parentérale.

Par conclusions du 15 mars 2006 le Docteur X..., contestant toute responsabilité, demande à la Cour d'infirmer le jugement, de débouter Mademoiselle A... de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 2. 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Il soutient que les différents rapports d'expertise ne permettent pas d'établir la réalité de la lésion des nerfs pneumogastriques au cours des interventions chirurgicales qu'il a pratiquées et qu'en toute hypothèse une telle lésion ne pourrait résulter d'un comportement fautif.

Par conclusions du 8 février 2006 Mademoiselle A... sollicite la confirmation du jugement sur la responsabilité et la condamnation du Docteur X... à lui verser les sommes suivantes : 879. 681,80 € à titre du solde du préjudice soumis à recours,61. 000 € au titre du préjudice personnel,1. 133. 561 € au titre de la tierce personne et 55. 742,53 € au titre des frais divers, outre une indemnité de 5. 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle rappelle les conclusions de l'expertise du Docteur J... qui retient une faute médicale à la charge du Docteur X... et soutient que ces conclusions ajoutées aux différentes données émanant du Professeur F... confirment le principe de la responsabilité du Docteur X....

Elle ajoute que la responsabilité du Docteur X... peut également être recherchée en raison du défaut d'information, soutenant que si elle avait su que l'opération envisagée par le Docteur X... présentait un risque de lésion du nerf pneumogastrique et qu'il s'agissait là du principal danger de cette chirurgie " elle n'aurait pas manqué d'interroger le Docteur X... sur les conséquences d'une telle lésion et aurait sûrement pris une décision d'une autre nature ou pour le moins beaucoup plus éclairée ".

Elle demande à la Cour de la recevoir en son appel incident à l'égard de l'ONIAM en infirmant sa condamnation à verser une indemnité procédurale à cet organisme.

La CPAM de LILLE a conclu à la confirmation du jugement par adoption des motifs des premiers juges et à la condamnation du Docteur X... à lui verser la somme de 223. 273,27 €, montant de ses débours provisoires.

SUR CE :

Attendu que l'appel incident de Mademoiselle A... contre l'ONIAM est sans objet puisque la Cour a déjà statué sur cet appel dans son arrêt du 2 juin 2005 en infirmant le jugement en ce qu'il a condamné Mademoiselle A... à verser une indemnité procédurale à l'ONIAM et en mettant les dépens de première instance afférents à l'appel en intervention de cet organisme à la charge du Trésor Public ;

Attendu que Mademoiselle A... recherche la responsabilité contractuelle du Docteur X... sur deux fondements : une faute technique lors de l'acte chirurgical et un défaut d'information ;

1o) Sur la faute technique lors de l'acte chirurgical

Attendu que Mademoiselle A... a commencé à souffrir d'une hernie hiatale en 1991 ; que les examens fibroscopiques réalisés ont permis d'établir le diagnostic de reflux gastro-oesophagien ; que cette oesophagite se révélant rebelle à tout traitement médical, Mademoiselle A... a été opérée le 15 septembre 1993 par le Docteur X... qui a réalisé une intervention de type Nissen sous coelioscopie ; qu'à la suite de cette intervention Mademoiselle A... va présenter une dysphagie importante qui conduira à réaliser, à deux reprises, les 28 septembre et 12 octobre 1993 une dilatation endoscopique de l'oesophage laquelle n'amènera aucune amélioration ; que le 18 octobre 1993 le Docteur X... pratiquera alors une nouvelle intervention par coelioscopie ayant pour objet la libération de plusieurs points de suture sur les piliers de l'oesophage ; que cependant en raison d'une réaction inflammatoire l'abord endoscopique a été rendu difficile et la dysphagie a persisté ; qu'après une troisième dilatation réalisée sans succès et devant la persistance des symptômes le Docteur X... pratiquera, le 10 novembre 1993, une nouvelle intervention chirurgicale par laparotomie qui permettra la libération de l'orifice hiatal sur sa face antérieure ;

Attendu que dans les suite de cette troisième intervention est apparue en août 1994 une paralysie intestinale totale qui va se traduire par l'impossibilité pour Mademoiselle A... de s'alimenter par la bouche et qui nécessitera la mise en place d'une nutrition parentérale laquelle fut émaillée ultérieurement de multiples complications (infections, embolie pulmonaire, pneumothorax, dépression
réactionnelle) ;

Attendu que le Professeur I..., désigné en qualité d'expert par ordonnance de référé du 7 octobre 1997 relève que si les nerfs pneumogastriques avaient été sectionnés le tableau clinique présenté serait plutôt celui d'une débâcle diarrhéique et indique qu'une section des deux nerfs pneumogastriques ne provoque pas une paralysie non seulement gastrique mais aussi intestinale persistant dans le temps ; qu'elle a précisé qu'une paralysie intestinale si importante que celle présentée par Mademoiselle A... n'a jamais été décrite après une vagotomie et que l'absence de " réponse du grêle au repas " fournie par la manométrie du grêle réalisée le 6 janvier 1995 va plutôt dans le sens d'une perte de la fonction sensitive du nerf pneumogastrique et donc d'une vagoplégie fonctionnelle bien que son effet soit trop prolongé dans le
temps ;

Qu'elle conclut que la survenance de la paralysie de la totalité du tube digestif, quelque peu différée par rapport à la troisième intervention du 10 novembre 1993, ne s'explique pas par une faute technique ; qu'elle ajoute que l'imputabilité de la paralysie du tube digestif à la chirurgie réalisée est indiscutable mais en dehors de toute faute, négligence ou maladresse et qu'il s'agit d'un aléa thérapeutique ;

Attendu que par jugement avant dire droit du 16 mars 2000 le Tribunal de Grande Instance de LILLE a ordonné une nouvelle expertise médicale confiée au Professeur J... qui a conclu que la preuve de la lésion des nerfs pneumogastriques était apportée par l'examen pratiqué en décembre 2000, au laboratoire de biochimie à l'Hôpital Claude Huriet, cet examen permettant de dire avec certitude que la sécrétion gastrique de Mademoiselle A... était celle d'une malade qui a eu une vagotomie complète ;

Qu'il indique que ni dans son compte rendu opératoire, ni oralement lors des deux séances d'expertise le Docteur X... n'a pu préciser l'identification et l'isolement des nerfs pneumogastriques et a, au contraire, insisté sur l'importance de la sclérose et la difficulté de la dissection ; qu'il relève que l'étude de la littérature sur les réinterventions pour chirurgie du carrefour oesogastrique montre que la lésion du nerf pneumogastrique est le principal danger de cette chirurgie, que ces interventions sont souvent très difficiles, que cependant cette section des nerfs pneumogastriques ne peut pas être considérée comme un aléa thérapeutique mais comme une conséquence directe de l'acte chirurgical ;

Attendu que le fait que la lésion soit la conséquence directe de l'acte chirurgical n'exclut pas qu'il puisse s'agir d'un aléa thérapeutique lequel est défini comme la réalisation, en dehors de toute faute du praticien, d'un risque accidentel qui ne pouvait être maîtrisé ;

Attendu qu'il est donc nécessaire, pour retenir la responsabilité du praticien d'établir qu'il a commis une faute ; que l'obligation du médecin n'est qu'une obligation de moyen et que l'existence d'une faute ne peut se déduire de la seule survenance du dommage et de sa gravité ;

Attendu que pour caractériser la faute du Docteur X... les premiers juges ont retenu que le chirurgien n'avait pas précisé avoir identifié et isolé les nerfs pneumogastriques et qu'il n'était ni établi, ni prétendu que ces nerfs présentaient une anomalie rendant leur atteinte inévitable ;

Attendu que le Professeur F... et le Docteur G..., experts commis par la Cour, ont exclu toute faute du Docteur X... dans la conduite thérapeutique et dans la réalisation des trois interventions chirurgicales ; que s'agissant plus précisément de la question relative à l'isolement des nerfs pneumogastriques ils écrivent :
Le film de la première intervention a pu être visionné par les deux parties lors d'une précédente expertise. Les nerfs ont été respectés.
Il n'apparaît pas dans les compte-rendus opératoires des deux autres interventions que la dissection systématique de ces nerfs ait été effectuée dans le but de les préserver.
Notre expérience personnelle dans la chirurgie de la récidive de hernie hiatale ou de la dysphagie post-opératoire nécessitant une ré-intervention chirurgicale nous fait apparaître que les risques de dissection systématique des pneumogastriques est beaucoup plus dangereuse qu'utile, surtout pour l'oesophage.D'autre part la recherche systématique des nerfs dans la sclérose post-opératoire rend leur isolement très aléatoire et dangereux. En effet le risque majeur de cette chirurgie de reprise est la blessure et la plaie de l'oesophage pouvant entraîner une médiastinite dont les conséquences sont gravissimes... ;

Attendu que la réintervention chirurgicale du 10 novembre 1993 s'est faite sur un terrain fortement sclérosé par le processus cicatriciel de la précédente opération ; que dans de telles conditions les deux experts considèrent non seulement qu'il ne peut être reproché au Docteur X... de ne pas avoir disséqué les nerfs pneumogastriques pour les isoler mais qu'en outre une telle dissection aurait été extrêmement dangereuse faisant courir à la patiente un risque de blessure de
l'oesophage ;

Que les renseignements complémentaires apportés par l'expertise du Professeur F... et du Docteur G... font apparaître que compte tenu des difficultés auxquelles le Docteur X... s'est heurté aucun manque de précautions, ni imprudence ne peut lui être reproché et que le risque de lésion des nerfs pneumogastriques qui s'est réalisé ne pouvait être maîtrisé ; qu'il s'agit donc d'un aléa thérapeutique ; que la réparation des conséquences de l'aléa thérapeutique n'entre pas dans le champ des obligations dont un médecin est contractuellement tenu à l'égard de son patient ;

Que le jugement qui a retenu la responsabilité du Docteur X... sur le fondement de la faute dans l'exécution de l'acte chirurgical doit être infirmé ;

2o) Sur le manquement au devoir d'information

Attendu qu'hormis les cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, le médecin est tenu de lui donner une information loyale, claire et appropriée sur les risques graves afférents aux investigations et soins proposés ;

Attendu qu'il résulte des trois rapports d'expertise et il n'est pas contesté que le Docteur X... a présenté à Mademoiselle A... un schéma représentant la coupole diaphragmatique et l'estomac avant et après l'intervention sous coeliochirurgie pour lui expliquer le principe de la technique opératoire et lui a montré les instruments utilisés pour la coeliochirurgie ; que Mademoiselle A... a également été informée du risque de dysphagie qui a été décrit comme susceptible de durer deux à trois semaines ;

Attendu que Mademoiselle A... reproche au Docteur X... de ne pas avoir évoqué le risque présenté par l'intervention par laparotomie ;

Que les experts s'accordent pour considérer qu'elle ne pouvait être informée des complications qui sont intervenues et qui ont conduit à une paralysie intestinale totale et durable car ces complications sont :
-tout à fait inhabituelles et non prévisibles pour le Professeur I...,
-exceptionnelles pour le Professeur J...,
-inconnues dans la littérature médicale et jamais publiées pour le Professeur F... et le Docteur G... ;

Attendu qu'indépendamment de la complication liée à la paralysie intestinale totale et durable qui, selon l'avis concordant des experts, était un risque imprévisible et même ignoré, il ressort des conclusions des experts (page 33 du rapport du Professeur J... et page 12 du rapport du Professeur F... et du Docteur G...) que le risque de lésion du nerf pneumogastrique lors de la chirurgie de la récidive hiatale était connu ;

Qu'il n'apparaît pas que le Docteur X... ait informé Mademoiselle A... de ce risque ;

Attendu toutefois que le défaut d'information ne peut donner lieu à réparation que s'il a privé le patient d'une possibilité de choix ;

Que l'appréciation des conséquences du manquement du médecin au devoir d'information ne doit pas être faite à posteriori mais en se plaçant dans le contexte qui se présentait au patient au moment où cette information aurait dû lui être donnée ;

Attendu que la lésion est consécutive à la troisième intervention chirurgicale ; que depuis l'opération par coelioscopie du 15 septembre 1993 Mademoiselle A... présentait une importante dysphagie qui rendait totalement impossible l'absorption de toute alimentation même liquide, que trois dilatations de l'oesophage n'avaient amené aucune amélioration et qu'une intervention par coelioscopie avait échoué ;

Que la situation dans laquelle Mademoiselle A... se trouvait alors était grave ; que l'objet du consentement éclairé à l'acte médical est d'offrir au patient une liberté de choix quant au traitement ou à l'investigation médicale ; que Mademoiselle A... n'explique pas de quelle autre possibilité elle aurait disposé si elle avait refusé l'intervention par laparotomie qui lui était proposée ;

Qu'à supposé même que Mademoiselle A... ait disposé d'une possibilité de choix, celui-ci aurait était fait en comparant les avantages de l'intervention proposée avec les risques encourus dont il lui aurait été donné connaissance ; or que l'information n'aurait pas pu, en toute hypothèse, porter sur le risque de paralysie intestinale totale et persistante puisque cette complication était inconnue ; que les autres conséquences connues d'une lésion des nerfs pneumogastriques n'étaient que temporaires ; que le Professeur F... et le Docteur G... expliquent d'ailleurs à ce sujet que la vagotomie (section d'un nerf) tronculaire constituait, dans les années 1960-1970, le traitement chirurgical des ulcères du duodénum voire même du reflux gastro-oesophagien ; que dans ces conditions il est légitime de penser que même informée du risque de lésion des nerfs pneumogastriques Mademoiselle A... n'aurait pas renoncé à l'opération ;

Attendu que seule une perte de chance réelle et sérieuse d'éviter le dommage peut donner lieu à réparation ; que Mademoiselle A... qui, sur ce point, a la charge de la preuve, ne caractérise pas la perte d'une telle chance ; qu'il convient de la débouter de sa demande sur le fondement du manquement à l'obligation d'information ;

***

Attendu que Mademoiselle A... doit donc être déboutée de toutes ses prétentions ; que par voie de conséquence les demandes de la CPAM seront également rejetées ;

Attendu qu'il serait inéquitable de prononcer à l'encontre de Mademoiselle une condamnation au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; que le Docteur X... doit être débouté de sa demande d'indemnité procédurale ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant en audience publique et contradictoirement,

Vu l'arrêt au 2 juin 2005,

Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré le Docteur X... responsable du préjudice subi par Mademoiselle A... lors de l'exécution de l'acte chirurgical du 10 novembre 1993, en ce qu'il l'a condamné au paiement d'une provision à valoir sur ce préjudice et une indemnité procédurale et en ce qu'il a commis le Docteur E... en qualité d'expert,

Statuant à nouveau,

Déboute Mademoiselle A... de ses demandes,

Y ajoutant, la déboute également de sa demande sur le fondement du défaut d'information,

Déboute la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de LILLE de ses demandes,

Condamne Mademoiselle A... aux dépens de première instance et d'appel avec, pour les dépens d'appel, droit de recouvrement direct au profit de la SCP CONGOS-VANDENDAELE, avoués,

Déboute le Docteur X... de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

S. AMBROZIEWICZ E. MERFELD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 04/02934
Date de la décision : 30/11/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Lille


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-11-30;04.02934 ?
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