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09/11/2006 | FRANCE | N°05/5427

France | France, Cour d'appel de Douai, Ct0094, 09 novembre 2006, 05/5427


COUR D'APPEL DE DOUAI
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 09 / 11 / 2006
* * * No RG : 05 / 05427 Tribunal de Grande Instance de LILLE du 19 Août 2005 REF : LB / VD

APPELANTE Madame Andrée X............

représentée par Me QUIGNON, avoué à la Cour assistée de Me LAUGIER substituant Me Patrick DOUSSOT, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉES Madame Martine A... B............

représentée par la SCP COCHEMÉ-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour assistée de Me Aurore BONDUEL substituant Me Vincent POTIE, avocat au barreau de LILLE

CAISSE PRIMAIRE D'A

SSURANCE MALADIE DE LILLE Ayant son siège social 2 Rue d'Iéna-BP 09 59894 LILLE CEDEX 9

régulièremen...

COUR D'APPEL DE DOUAI
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 09 / 11 / 2006
* * * No RG : 05 / 05427 Tribunal de Grande Instance de LILLE du 19 Août 2005 REF : LB / VD

APPELANTE Madame Andrée X............

représentée par Me QUIGNON, avoué à la Cour assistée de Me LAUGIER substituant Me Patrick DOUSSOT, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉES Madame Martine A... B............

représentée par la SCP COCHEMÉ-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour assistée de Me Aurore BONDUEL substituant Me Vincent POTIE, avocat au barreau de LILLE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LILLE Ayant son siège social 2 Rue d'Iéna-BP 09 59894 LILLE CEDEX 9

régulièrement assignée, n'ayant pas constitué avoué

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ Madame MERFELD, Président de chambre Monsieur VERGNE, Président de chambre Madame BERTHIER, Conseiller---------------------GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame AMBROZIEWICZ

DÉBATS à l'audience publique du 28 Septembre 2006, Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 Novembre 2006 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame MERFELD, Président, et Madame AMBROZIEWICZ, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 14 septembre 2006
Sur le rapport de Madame BERTHIER, Conseiller.

Madame Andrée X..., née le 2 juillet 1934 a été suivie à compter de 1981 par le Docteur Martine A... B..., gynécologue, et a bénéficié notamment, à compter de 1985, de mammographie tous les trois ans.

En février 1995, à l'issue d'une mammographie effectuée par le Docteur Jean-François F..., Madame X... avait été intriguée par le compte rendu qui concluait à un examen " sensiblement " normal et elle avait été rassurée par son gynécologue qui lui avait parlé d'une formule de style.
En novembre 1996, Madame X... qui avait changé de gynécologue par suite d'un déménagement, a subi un examen radiologique prescrit par le Docteur G..., qui mettait en évidence l'existence d'une tumeur cancéreuse au sein gauche. Une ablation du sein gauche avec curetage des ganglions lymphatiques de l'aisselle gauche était pratiquée le 27 janvier 1997.
Par ordonnance du 5 novembre 1998, le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de LILLE a ordonné une expertise médicale et commis pour y procéder le Docteur H...aux fins notamment de donner un avis sur le principe et l'étendue de la responsabilité du Docteur Jean-François F...et du Docteur Martine A... B... concernant la mammographie pratiquée sur Madame X... en 1995.
L'expert s'est adjoint les services d'un sapiteur en la personne du Professeur Jacques I..., chirurgien gynécologue, et a déposé son rapport daté du 13 juillet 1999.
Sur assignation délivrée le 30 octobre 2001, le Tribunal de Grande Instance de LILLE, par jugement du 22 mai 2003, a rejeté les demandes de Madame X... à l'encontre du Docteur F...au motif que les anomalies existant en 1995 sur la radiographie n'étaient pas significatives de la présence d'une tumeur et en raison de l'absence de preuve de soins inappropriés.
Madame X... a alors engagé une procédure à l'encontre du Docteur A... B....
Sur assignations délivrées par actes du 8 et du 9 juin 2004, le Tribunal de Grande Instance de LILLE, par jugement du 19 août 2005, a débouté Madame X... de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à verser au Docteur A... B... la somme de 800 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Madame X... a interjeté appel de ce jugement par déclaration déposée le 8 septembre 2005.
Par conclusions signifiées le 12 juin 2006, elle demande à la Cour d'infirmer le jugement, de dire que la responsabilité contractuelle et à défaut délictuelle du Docteur A... B... est engagée pour défaillance dans le suivi en raison de son âge et de ses antécédents familiaux et de le condamner à lui verser les sommes de :-7. 600 Euros au titre de l'incapacité permanente partielle,-22. 850 Euros au titre du préjudice esthétique,-30. 500 Euros au titre du pretium doloris,-30. 500 Euros au titre du préjudice moral, le tout avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 5 novembre 1998,-3. 000 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle demande en outre que l'arrêt soit déclaré opposable à la CPAM de LILLE.
Elle prétend que le Docteur A... B... ne lui a pas apporté les soins attentifs, consciencieux et conformes aux données de la science dès lors que :-il n'a pas pris en compte ses antécédents familiaux pouvant contre-indiquer notamment la prescription d'un traitement hormonal de substitution et l'amener à pratiquer des mammographies annuellement et non pas tous les trois ans seulement,-il n'a pas suivi consciencieusement les mammographies réalisées dès 1988 dont l'évolution des commentaires radiologiques aurait dû l'amener à faire preuve de vigilance et à attirer l'attention du radiologue sur l'existence de clichés anciens, à procéder à une relecture des clichés anciens ou à un examen clinique,-il a manqué à son obligation d'information quant au compte-rendu du cliché radiologique de 1995 faisant état du caractère " sensiblement normal " de l'examen au regard de l'examen précédent de 1991, qui était " normal ".

A titre subsidiaire, elle invoque la perte de chance liée à l'absence d'information sur les véritables risques de développer un cancer du sein, d'avoir pu choisir un suivi médical plus régulier et des examens plus rapprochés. Elle soutient qu'un dépistage plus précoce lui aurait permis de bénéficier d'un traitement alternatif à l'ablation, telle la chimiothérapie.
Elle souligne que son préjudice est important puisqu'elle a subi l'ablation du sein gauche et qu'elle est atteinte au bras et à l'épaule gauches, qu'elle est soumise à une surveillance médicale durant dix ans. Elle invoque une incapacité temporaire totale de travail de six mois, un préjudice esthétique de 4 sur l'échelle de 7, un pretium doloris de 4 sur 7 et un préjudice moral.
Par conclusions signifiées le 13 avril 2006, Docteur A... B... demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madame X... de ses demandes et l'a condamnée à verser la somme de 800 Euros au titre des frais irrépétibles mais de l'infirmer pour le surplus, de lui allouer la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et d'y ajouter une condamnation de Madame X... au paiement de la somme de 1. 200 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle invoque les conclusions du rapport d'expertise qui excluent sa responsabilité et fait valoir que les griefs formulés à son encontre ne sont pas fondés.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de LILLE, assignée à personne habilitée le 6 janvier 2006, n'a pas constitué avoué.

SUR CE :

Attendu qu'il ressort des conclusions du rapport d'expertise judiciaire que : " l'expert et son sapiteur considèrent que les soins donnés à Madame X... ont été conformes aux bonnes pratiques, diligents, et en accord avec les données de la Science médicale. Il n'y a pas eu de retard fautif de diagnostic radiologique et, s'il est toutefois exact qu'il est possible de relever rétrospectivement de discrètes anomalies sur les radiographies du sein gauche pratiquées en février 1995 sur Madame X..., lorsque l'on sait qu'un cancer y a été diagnostiqué un an plus tard, il n'y a pas lieu de considérer qu'un cancer du sein devait être diagnostiqué à l'époque. Par ailleurs, l'expert et son sapiteur, non contredits par les médecins-conseils des parties lors de la réunion d'expertise, précisent que les soins donnés à Madame X... auraient été inchangés, quand bien même le cancer aurait été diagnostiqué plus tôt. En particulier, l'intervention chirurgicale aurait été identique, le siège central de la tumeur contrindiquant une intervention chirurgicale limitée (tumorectomie) " ;

Attendu que Madame X... n'invoque pas devant la Cour d'autres moyens que ceux soumis aux premiers juges auxquels ceux-ci ont répondu par des motifs pertinents qu'il y a lieu d'adopter en relevant notamment qu'il ressort du rapport d'expertise que :-les fiches de suivi médical du Docteur A... attestent d'une surveillance bi-annuelle correcte pour une patiente soumise à un traitement hormonal substitutif de la ménopause et la périodicité proposée pour les radiographies mammaires est conforme aux recommandations nationales en vigueur à l'époque des faits,-il était légitime de prescrire un traitement hormonal substitutif de ménopause à partir de 1981 afin de prévenir les complications cardiovasculaires et osseuses et l'ostéoporose liées à la disparition des hormones naturelles ovariennes,-les antécédents de cancer du sein dans la famille ne sont devenus flagrants pour Madame X... qu'à partir de 1988 au décès de sa mère et la connaissance de ces antécédents n'aurait pas modifié les modalités de la surveillance ni du dépistage du cancer du sein qui ont été correctement effectués. Le rythme d'une mammographie tous les trois ans se conforme aux normes acceptées (...) Ayant vu Madame X... la dernière fois en août 1995 et constaté par l'examen clinique qu'il n'existait aucun symptôme mammaire, le Docteur A... n'avait donc aucun motif d'entreprendre de nouvelles investigations,-dépisté en février 1995 le cancer aurait exactement de la même façon exigé un traitement chirurgical qui du fait du siège du cancer ne pouvait qu'être une amputation mammaire avec les mêmes préjudices esthétiques et les mêmes risques de gros bras séquellaire et de la limitation de la mobilité de l'épaule, la même nécessité d'une radiothérapie complémentaire et d'une hormonothérapie adjuvante,-Madame X... n'a pas perdu de chance de guérison d'une année sur l'autre compte tenu de l'absence d'envahissement ganglionnaire par les cellules cancéreuses ;

Attendu qu'en conséquence, il ne peut être soutenu que le Docteur A... B... n'a pas donné de soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science et qu'elle aurait violé son obligation contractuelle ; que " la mauvaise tenue " du dossier de Madame X... invoquée par l'appelante et en tous cas, l'absence de mention du cancer du sein dont était atteint la mère de Madame X... n'a, en tout état de cause, pas eu d'incidence sur la surveillance médicale et le dépistage du cancer du sein, tel qu'il ressort des conclusions du rapport d'expertise ;

Attendu qu'il ne saurait être reproché par ailleurs au Docteur A... le fait de ne pas avoir rappelé au Docteur F...l'existence de clichés mammographiques datant de 1991 dès lors que le gynécologue ne pouvait savoir que le radiologue n'avait plus trace dans ses archives du passage de Madame BULTEEL dans son cabinet à cette date ; qu'en tout état de cause, il n'y a pas eu d'erreur de lecture ou de diagnostic au vu des clichés de 1995, selon l'expert (page 9 du rapport) et ces clichés ont été comparés avec ceux de 1988 dont les résultats, comme ceux, comme ceux de 1991, étaient normaux ;
Attendu que le défaut d'information ne peut donner lieu à réparation que s'il a privé le patient d'une possibilité de choix ;
Que Madame X... qui prétend que le Docteur A... B... ne lui a délivré " aucune information claire, loyale et précise " sur le résultat de la mammographie de 1995 n'indique pas de quelle information elle a été privée, ni n'explique en quoi une quelconque information complémentaire lui aurait permis d'éviter tout ou partie de son préjudice ;
Que les experts (et encore les médecins conseils des parties présents lors de l'expertise) ont convenu que l'absence de diagnostic de cancer sur la mammographie du 10 février 1995 ne pouvait être considérée comme fautive ;
Qu'enfin, il importe de rappeler que quand bien même un retard fautif aurait été constaté, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, les soins données à Madame X... auraient été inchangés et qu'elle n'aurait pu bénéficier d'une chimiothérapie ou d'une tumorectomie aux lieu et place de l'ablation du sein, compte tenu de la localisation de la tumeur ; qu'aucune perte de chance ne peut, en tout état de cause, être retenue ;
Qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, le jugement doit être confirmé ;

Attendu que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute ; que l'intimée sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;
Attendu que l'indemnité procédurale due au Docteur A... B... pour ses frais irrépétibles d'appel sera fixée à la somme de 800 Euros ;

PAR CES MOTIFS et ceux des premiers juges qu'elle adopte

La Cour, statuant en audience publique et par arrêt réputé contradictoire,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Condamne Madame Andrée X... aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP COCHEME KRAUT LABADIE, avoués,

Condamne Madame Andrée X... à payer à Madame Martine A... B... la somme de 800 Euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Le Greffier, Le Président,

S. AMBROZIEWICZ E. MERFELD.........................


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Ct0094
Numéro d'arrêt : 05/5427
Date de la décision : 09/11/2006

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Lille, 19 août 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2006-11-09;05.5427 ?
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