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09/11/2006 | FRANCE | N°05/03969

France | France, Cour d'appel de Douai, 09 novembre 2006, 05/03969


COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 09 / 11 / 2006

*
* *



No RG : 05 / 03969

Tribunal de Grande Instance de BÉTHUNE
du 26 Avril 2005

REF : LB / VD



APPELANTE
S.A. GAN EUROCOURTAGE VIE
Ayant son siège social
8 / 10 rue d'Astorg
75008 PARIS CEDEX 08

représentée par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour
assistée de Me HARENG de la SCP LELEU-DEMONT-HARENG, avocats au barreau de BÉTHUNE



INTIMÉ
APPELANT INCIDENT
Monsieur Albert Y...



né le 01 Avril 1947 à OIGNIES

...


représenté par la SCP COCHEMÉ-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour
assisté de Me Richard OPILA, avocat au barreau de LIL...

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 09 / 11 / 2006

*
* *

No RG : 05 / 03969

Tribunal de Grande Instance de BÉTHUNE
du 26 Avril 2005

REF : LB / VD

APPELANTE
S.A. GAN EUROCOURTAGE VIE
Ayant son siège social
8 / 10 rue d'Astorg
75008 PARIS CEDEX 08

représentée par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour
assistée de Me HARENG de la SCP LELEU-DEMONT-HARENG, avocats au barreau de BÉTHUNE

INTIMÉ
APPELANT INCIDENT
Monsieur Albert Y...

né le 01 Avril 1947 à OIGNIES

...

représenté par la SCP COCHEMÉ-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour
assisté de Me Richard OPILA, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Madame MERFELD, Président de chambre
Monsieur VERGNE, Président de chambre
Madame BERTHIER, Conseiller
---------------------
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame AMBROZIEWICZ

DÉBATS à l'audience publique du 27 Septembre 2006,
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 Novembre 2006 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame MERFELD, Président, et Madame AMBROZIEWICZ, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 14 septembre 2006

Sur le rapport de Madame BERTHIER, Conseiller.

Par acte sous seing privé du 11 janvier 1996, Monsieur Albert Y... et son épouse Madame Cécile A...se sont portés cautions dans la limite de 750. 000 Francs d'un prêt consenti par la BANQUE SCALBERT DUPONT à la société anonyme CÉCILE dont Monsieur Y... est le président directeur général, à hauteur de 1. 500. 000 Francs sous le numéro de compte 537, remboursable sur cinq ans, trimestriellement.

Par acte notarié du 5 février 1996, la BANQUE SCALBERT DUPONT a consenti aux époux Y... un prêt no601 d'un montant de 1. 500. 000 Francs remboursable en 120 mensualités en vue d'un apport à la société anonyme CÉCILE.

Parallèlement à la souscription des prêts, Monsieur Y... a adhéré le 17 janvier 1996 à deux polices d'assurance-vie groupe auprès de la Compagnie GAN VIE pour garantir les risques décès, incapacité temporaire de travail et invalidité absolue et définitive.

Le 12 novembre 1998, Monsieur Y... était placé en arrêt de travail cependant que la société CÉCILE était déclarée en redressement judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de BÉTHUNE du 18 décembre 1998.

Sur assignation délivrée le 2 février 2001 par Monsieur Y..., le Tribunal de Grande Instance de BÉTHUNE, par jugement du 26 avril 2005, a :
-donné acte à la société GAN EUROCOURTAGE VIE venant aux droits de la société GAN VIE de son intervention volontaire et l'a déclarée recevable,
-condamné la société GAN EUROCOURTAGE VIE à verser à Monsieur Y... les sommes de :
* 75. 462,25 Euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation sur la somme de 69. 425,27 Euros et à compter du jugement sur le surplus,
* 18. 000 Euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
* 1. 500 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société GAN EUROCOURTAGE VIE a interjeté appel de ce jugement par déclaration déposée le 28 juin 2005.

Par conclusions signifiées le 7 avril 2006, elle demande à la Cour de réformer le jugement, de débouter les époux Y... de leurs demandes et de les condamner au paiement de la somme de 5. 000 Euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle fait valoir que la garantie incapacité temporaire totale a été mise en oeuvre à compter du 1er mars 1999, compte tenu du délai de franchise de 90 jours et que la somme de 19. 800 Francs par mois a été versée durant 36 mois, soit la durée de garantie du contrat.

Elle prétend que la clause du contrat plafonnant le montant des indemnités à la somme de 19. 800 Francs par mois n'est ni obscure ni confuse et que Monsieur Y... a accepté les conditions contractuelles en signant chaque bordereau d'adhésion.

Elle soutient que contrairement à ce qu'a indiqué le Tribunal, les cotisations d'assurance n'ont pas été versées sans contrepartie dès lors que le plafonnement ne s'applique que pour le risque " incapacité temporaire de travail " et qu'il ne prive pas d'effet les garanties contractuelles essentielles que sont les garanties décès et invalidité absolue et définitive qui peuvent jouer pour chaque contrat, dans la limite du plafond, et pour lesquelles la part la plus importante de prime est versée.

Elle souligne que si l'absence de contrepartie d'une des cotisations versées était retenue comme l'a dit le Tribunal, seule la responsabilité de l'organisme prêteur pourrait être engagée dans le cadre de son obligation de conseil et d'information.
A titre subsidiaire, la société GAN EUROCOURTAGE VIE s'oppose au versement de dommages et intérêts en l'absence de preuve de sa faute et d'un lien de causalité avec le préjudice allégué par Monsieur Y....

Par conclusions signifiées le 18 mai 2006, Monsieur Y... demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la société GAN EUROCOURTAGE VIE tenue à payer aux époux Y... des indemnités contractuelles de 19. 800 Francs par mois pour chaque prêt au titre des deux bulletins d'adhésion et de débouter la société GAN EUROCOURTAGE VIE de l'ensemble de ses demandes. Formant appel incident, il sollicite la réformation du jugement sur le quantum des sommes allouées et la condamnation de la société GAN EUROCOURTAGE VIE à payer aux époux Y... les sommes de :
-86. 992,89 Euros au titre des indemnités contractuelles sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil,
-390. 892,79 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi sur le fondement des articles 1147 et 1150 du Code Civil,
-2. 500 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Il fait valoir qu'il a souscrit deux contrats portant sur des garanties et des primes identiques et que la compagnie d'assurance n'a accepté de garantir que l'un des deux prêts au motif que la prise en charge était plafonnée à 19. 800 Francs par mois pour l'ensemble des deux contrats.

Il soutient que la position de l'assureur ne peut être suivie puisqu'elle tend à ne faire produire aucun effet à l'un des deux contrats souscrits alors que les primes ont bien été payées et les garanties acceptées par la compagnie après mûre réflexion, et qu'elle vise à lui accorder en fait un avantage illicite, en violation avec les dispositions des articles 1131,1156 et 1157 du Code Civil.

A titre subsidiaire, il invoque les dispositions de l'article 1162 du Code Civil pour soutenir que l'interprétation du contrat doit être faite en sa faveur s'il existait une contradiction entre les clauses stipulées aux conditions particulières.

Il demande donc que la garantie de la société GAN EUROCOURTAGE VIE soit mise en oeuvre pour les deux contrats et qu'elle soit condamnée à lui verser la somme de 56. 300,88 Euros au titre du prêt 601 et 30. 692,01 Euros au titre du prêt 537, soit 86. 992,89 Euros au total.

Monsieur Y... prétend que le refus de la garantie par l'assureur lui a causé un préjudice plus ample puisque le défaut de prise en charge des échéances a provoqué la déchéance du terme du prêt 601, des frais annexes (indemnité d'exigibilité anticipée, intérêts sur mensualités impayées, frais de procédure) et la mise en oeuvre de procédures de saisies immobilières concernant ses appartements du TOUQUET et d'ORCIÈRES-MERLETTE, vendus sous le prix du marché. Il demande réparation à hauteur de la somme totale de 390. 892,79 Euros, sur le fondement des articles 1147 et 1150 du Code Civil.

SUR CE :

Attendu que Monsieur Y... a souscrit le 17 janvier 1996 deux bulletins individuels d'admission au contrat no6004 / 368 395 / 1994 auprès de la société GAN EUROCOURTAGE VIE en garantie de deux prêts de 1. 500. 000 Francs chacun, l'un contracté par les époux Y... pour un apport à la SA CÉCILE, l'autre contracté par la SA CÉCILE ;

Attendu qu'aux termes des conditions particulières de la notice d'assurance, au chapitre INCAPACITÉ TEMPORAIRE TOTALE-INVALIDITÉ PERMANENTE, il est prévu :
" 1-Durée de paiement des prestations : les prestations sont maintenues tant que dure l'incapacité temporaire totale de travail jusqu'au 1095ème jour d'incapacité temporaire totale de travail ou jusqu'à la date de reconnaissance de l'invalidité permanente et au plus tard jusqu'à la fin de l'année du 65ème anniversaire de l'assuré.
2-Montant des prestations : le montant des indemnités versées par les assureurs ne peut excéder, quel que soit le nombre de prêts consentis :
-660 F par jour
-19. 800 F par mois " ;

Attendu que Monsieur Y... a sollicité la mise en oeuvre de la garantie incapacité temporaire totale compte-tenu d'un arrêt de travail survenu le 12 novembre 1998 ;

Qu'il est constant que la société GAN EUROCOURTAGE VIE a appliqué le plafonnement de la prise en charge à 19. 800 Francs par mois pour les deux prêts et que la garantie a joué ainsi à compter du 1er mars 1999, compte-tenu du délai de franchise ;

Attendu que Monsieur Y... invoque les termes des articles 1131 et 1156 du Code Civil et le fait qu'il a souscrit deux bulletins individuels d'adhésion portant sur les mêmes garanties avec des primes identiques et il soutient qu'en conséquence la garantie est acquise pour les deux prêts, faute de quoi l'assureur se serait accordé un avantage illicite ;

Attendu que le Tribunal a considéré que les cotisations d'assurance avaient été versées sans contrepartie au titre des garanties incapacité temporaire totale de travail et invalidité permanente et a dit que la clause de plafonnement devait être appliquée distinctement pour chaque contrat ;

Qu'il a, pour motiver sa décision, indiqué qu'" en aucune hypothèse la Compagnie ne pouvait être amenée à fournir sa garantie au titre du prêt d'une durée de cinq ans consenti à la Société CÉCILE sans la devoir aussi au titre du prêt consenti à Monsieur et Madame Y... sur dix ans, la mise en oeuvre de la garantie au titre du premier contrat impliquant la défaillance de la Société CÉCILE mais également l'incapacité ou l'invalidité de Monsieur Y... caractérisant à elle seule le sinistre au titre du second " ;

Qu'en statuant ainsi, le Tribunal a considéré que la défaillance de la société CÉCILE et de son dirigeant étaient nécessairement liées, que la garantie souscrite n'avait donc pas vocation à s'appliquer pour chacun des deux contrats et qu'ainsi elle était dépourvue de cause pour l'un deux ;

Que toutefois, il ne peut être dit que l'incapacité de travail d'un dirigeant entraîne, de fait, la défaillance de sa société, ce postulat omettant l'hypothèse du remplacement du président directeur général et il n'est pas discutable que si la défaillance des emprunteurs n'avait pas été simultanée, le plafonnement n'aurait joué que pour le contrat non remboursé, comme le souligne l'appelante ;

Qu'en l'espèce, il n'est pas discutable que c'est le concours de circonstances entre la maladie de Monsieur Y... et le redressement judiciaire, quelques semaines plus tard, de la société CÉCILE qui a entraîné la mise en oeuvre de la clause de plafonnement mais l'aléa existait bien qui justifiait la perception de primes d'assurance ; qu'au demeurant, les deux prêts n'avaient pas la même durée, le contrat souscrit par les époux Y... étant d'une durée double de celle du contrat souscrit par la société CÉCILE et à l'issue de la période d'amortissement de ce dernier, en mars 2001, les garanties perduraient pour le prêt souscrit par Monsieur et Madame Y... et le plafonnement ne pouvait jouer que pour ce dernier ;

Que le contrat était donc causé et le Tribunal ne pouvait donc statuer comme il l'a fait ;

Attendu que Monsieur Y... invoque également les dispositions de l'article 1157 du Code Civil qui dispose que " lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun " ; que néanmoins, il n'explique pas en quoi la clause litigieuse serait susceptible de deux sens et donc d'interprétation ;

Attendu qu'il soutient en outre que la société GAN EUROCOURTAGE VIE relie contractuellement les deux opérations sans justifier qu'une telle stipulation du contrat le lui permet ;

Qu'il fait observer à ce titre qu'apparaissent sur le bulletin d'adhésion plusieurs lignes pour indiquer les prêts à garantir et que si plusieurs prêts avaient été mentionnés au bénéfice d'un même emprunteur avec un même assuré, on comprendrait tout à fait l'interprétation de la clause de plafonnement défendue par la société GAN EUROCOURTAGE VIE mais que tel n'est pas le cas ;

Attendu que si Monsieur Y... a effectivement adhéré à deux bulletins de souscription du même contrat d'assurance pour chacun des deux prêts souscrits et que les caractéristiques de ces deux prêts ne sont pas reprises sur chaque bulletin, il a expressément, au paragraphe " souscription ", coché sur chaque bulletin la mention suivante : " je soussigné (...) déclare avoir demandé ou obtenu, à ce jour, des prêts (exclusion faite de la présente demande) actuellement couverts ou susceptibles de l'être par le même contrat " ;

Que cette mention établit le lien entre les deux opérations financières ; qu'elle est claire et donne tout son sens à la clause de plafonnement ; que le fait que les deux prêts ne sont pas mentionnés sur les lignes du paragraphe intitulé " caractéristiques de l'opération " importe peu ;

Attendu qu'il est constant en outre que Monsieur Y... a reconnu avoir reçu un extrait du contrat et il ne prétend pas avoir ignoré l'existence de la clause de plafonnement ;

Attendu que l'intimé invoque enfin l'article 1162 du Code Civil pour soutenir que l'interprétation du contrat doit être faite en sa faveur ; que néanmoins, il ne justifie pas de l'existence d'une contradiction entre les clauses stipulées aux conditions particulières, comme il le prétend ;

Attendu qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, le jugement doit être infirmé et Monsieur Y... débouté de l'ensemble de ses demandes ;

Attendu que l'indemnité au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel de la société GAN EUROCOURTAGE VIE sera fixée à la somme de 1. 000 Euros ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement,

Déboute Monsieur Albert Y... de ses demandes,

Condamne Monsieur Y... aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct pour ceux d'appel au profit de la SCP LEVASSEUR CASTILLE LEVASSEUR, avoués,

Le condamne à payer à la société GAN EUROCOURTAGE VIE la somme de
1. 000 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le Greffier, Le Président,

S. AMBROZIEWICZ E. MERFELD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 05/03969
Date de la décision : 09/11/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Béthune


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-11-09;05.03969 ?
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