COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 06 / 11 / 2006
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No RG : 03 / 02141
JUGEMENT Tribunal de Grande Instance de HAZEBROUCK du 12 Mars 2003
REF : CC / MB
APPELANT
Monsieur Régis X... né le 03 Juin 1959 à PERONNE EN MELANTOIS demeurant... 59670 CASSEL
représenté par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués associés à la Cour assisté de la SCP CARLIER-BERTRAND-KHAYAT, avocats associés au barreau de DUNKERQUE
INTIMÉS
Monsieur Daniel Y... né le 26 Décembre 1949 à HAZEBROUCK Madame Frédérique Z... épouse Y... née le 01 Décembre 1970 à LILLE demeurant... 59670 CASSEL
représentés par la SCP CARLIER-REGNIER, avoués associés à la Cour assistés de Maître Michel GRASSET, avocat au barreau de HAZEBROUCK
PARTIES INTERVENANTES
Monsieur Eric B... né le 28 mai 1962 à CALAIS demeurant... 59670 CASSEL
SCI GUILLAUME D'ORANGE ayant son siège social 26 rue du Maréchal Foch 59670 CASSEL
représentés par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE, avoués associés à la Cour assistés de Maître Christine SEGHERS, avocat au barreau de DOUAI
Madame Valérie D... divorcée B... née le 9 juin 1964 à CALAIS demeurant... 59290 PORT LOUIS
représentée par la SELARL LAFORCE, avoué à la Cour ayant pour conseil Maître FEBVAY Hugues, avocat au barreau d'HAZEBROUCK
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ Madame ROUSSEL, Président de chambre Madame GUIEU, Conseiller Madame COURTEILLE, Conseiller---------------------GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame HERMANT
DÉBATS à l'audience publique du 12 Juin 2006, après rapport oral de Madame COURTEILLE Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 6 novembre 2006 après prorogation du délibéré en date du 16 Octobre 2006 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame ROUSSEL, Président, et Madame HERMANT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 30 MAI 2006
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Par jugement 12 mars 2003, auquel il est expressément renvoyé pour l'exposé des faits et de la procédure, des moyens et prétentions des parties, le Tribunal de Grande Instance de Hazebrouck a :
-débouté M. X... de son exception d'irrecevabilité,
-dit que la vente de l'immeuble situé... à Cassel cadastré B no 1005 et 1006 est parfaite entre M. Régis X... et M et Mme Y... à la date du 11 mai 2001 au prix de 750 000 F soit 114 336,76 euros,
-ordonné à M. X... de régulariser la vente devant le notaire dans le délai de trois mois à compter de la signification de la décision,
-débouté M. X... de toutes ses demandes,
-condamné M. X... à payer aux époux F... la somme de 1524 euros à titre de dommages intérêts,
condamné M. X... à payer aux époux Y... la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par déclaration déposée au greffe de la Cour le 4 avril 2003, M. X... a relevé appel de ce jugement. 4 avril 2003,
Vu les conclusions déposées le 27 septembre 2004 par M. X... sollicitant que soit prononcée la nullité du jugement pour non respect du contradictoire, que le jugement soit infirmé et que la demande en réalisation de la vente soit déclarée irrecevable.
M. X... demande qu'il lui soit donné acte de l'appel en garantie de Me B..., notaire, et de la SCI Guillaume d'Orange.
Vu les conclusions déposées le 28 avril 2006 par M et Mme Y... tendant à la confirmation du jugement.
Vu les conclusions déposées le 4 janvier 2006 par Mme D... épouse B... tendant à voir déclarer irrecevable, faute d'intérêt à agir, l'appel en intervention forcé dirigé contre elle par M. X... et à obtenir la condamnation de celui-ci à lui verser une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Vu les conclusions déposées le 3 mai 2004 par la SCI Guillaume d'Orange tendant à voir déclarer irrecevable l'appel en intervention forcé dirigé à son encontre par M. X...
-lui donner acte de ce qu'elle intervient volontairement,
-prononcer la nullité du jugement comme ayant statué sur des moyens de droit non soulevés par les parties,
-condamner les époux Y... à lui payer une somme de 5000 euros à titre de dommages intérêts,
-infirmer le jugement,
-dire irrecevable l'assignation du 18 février 2002 faute de publication aux hypothèques.
Il sera procédé à un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties à l'occasion de la réponse qui y sera apportée.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 30 mai 2006.
SUR CE,
Données du litige,
M. X..., médecin, est propriétaire d'un immeuble situé... a Cassel, comportant deux parcelles, cadastrées B 1005 et B 1006.
M B... est propriétaire de l'immeuble voisin, situé....
Le 4 avril 1997, M. X... a donné à bail à M et Mme Y... son immeuble, à l'exception du cabinet médical, comportant un bureau et une salle d'attente, qu'il a continué d'occuper.
En mars 2001, Mme B... a acheté à M. X... la parcelle cadastrée B 1006 correspondant à un jardin situé en contrebas de l'immeuble, ....
M. X... expose qu'un compromis de vente a été signé entre lui et M. et Mme B... concernant l'immeuble le 19 avril 2001.
Le 5 mai 2001, M. X... a adressé à M et Mme Y..., une correspondance aux termes de laquelle il offrait de leur vendre la maison du... moyennant un prix de 750 000 F, outre la prise en charge de la réfection du mur mitoyen ; la vente devait également se faire sous la condition suivante : interdiction de louer à un médecin pendant 20 ans, le docteur X... étant autorisé à rester dans son cabinet pendant un an. La vente devait être réitérée le 20 juin 2001.
Les époux Y... ont adressé le 11 mai 2001 une réponse à cette offre au prix de " 75 000 F. " mais la vente n'a pas été réitérée à la date convenue.
Par acte authentique en date du 12 juillet 2001, M. X... a vendu l'immeuble à la SCI Guillaume d'Orange dont le gérant est M. Eric B....
Estimant que la vente était parfaite dès leur acceptation de l'offre, en mai 2001, par acte du 18 février 2002, les époux Y... ont assigné M. X... en réalisation forcée de la vente.
C'est dans ces conditions qu'est intervenue la décision déférée.
Devant la Cour, M. X... a assigné en intervention forcée Me Eric B... et la SCI Guillaume d'Orange, par acte du 13 février 2004 et Mme Valérie D... par acte du 8 mars 2005.
* A l'appui de ses prétentions en appel, M. X... fait valoir que :
-le Tribunal a fondé sa décision sur un moyen de droit qu'il a relevé d'office sans entendre les parties à ce sujet, le jugement encourt donc la nullité pour violation du principe du contradictoire
-les demandes sont irrecevables, l'assignation n'ayant pas fait l'objet d'une publicité à la conservation des hypothèques,
-le bien a été vendu le 12 juillet 2001 à la SCI Guillaume d'Orange à la suite d'un compromis passé avec celle-ci le 19 avril 2001,
-aucun accord n'est intervenu avec les époux Y..., ceux-ci ayant offert un prix inférieur à l'offre faite et n'ayant pas consentie aux conditions mises à la vente,
-il est bien fondé à solliciter la garantie de Me B... et de la SCI Guillaume d'Orange.
En réplique, M et Mme Y... soutiennent que :
-l'assignation portant sur la réalisation de la vente, la publication n'est pas imposée aux termes du Décret du 7 janvier 1959,
-la vente était parfaite entre les parties dès le 11 mai 2001 date à laquelle a été notifiée à M. X... leur acceptation de l'offre de vente, peu importe que cette offre ait été entachée d'une erreur matérielle sur le prix,
-la vente du 12 juillet 2001, en l'absence de communication du compromis qui aurait été passé le 19 avril 2001, n'a pu être valablement conclue à un prix inférieur à celui qu'ils avaient accepté,
-le retard dans la réalisation de la vente leur a causé un préjudice dont ils sont bien fondés à demander réparation.
Mme D... oppose à l'assignation en intervention forcée une fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de M. X... à son égard, la présente instance étant relative à la vente de la parcelle B 1005 alors qu'elle est propriétaire de la parcelle B 1006.
Me B... et la SCI Guillaume d'Orange font valoir que :
-l'appel en intervention forcée en ce qu'il est dirigé contre M. Eric B... est irrecevable celui-ci n'étant pas partie à la vente contestée, seule la SCI étant intervenue,
-l'assignation n'ayant pas été publiée conformément aux dispositions du Décret du 4 janvier 1955, les demandes sont irrecevables,
-l'immeuble a été vendu le 31 juillet 2001 à la suite d'un compromis intervenu le 19 avril 2001, la demande est donc irrecevable.
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Sur la nullité du jugement,
Il ressort des écritures et pièces de la procédure de première instance, que M. et Mme Y... se prévalaient de leur qualité de locataires, de sorte que le moyen tenant au non-respect du droit de préemption du locataire se trouvait dans le débat, compte tenu de la qualité de locataires des demandeurs et qu'il n'y a pas lieu d'annuler le jugement pour violation du principe du contradictoire.
Sur la fin de non recevoir tirée du défaut de publication de l'assignation,
Si l'article 28 du Décret du 4 janvier 1955 prévoit que sont obligatoirement publiés au Bureau des Hypothèques " les demandes en justice tendant à obtenir, et les actes et décisions constatant, la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision d'une convention ", l'article 37 du Décret du 7 janvier 1959 dispose quant à lui que " peuvent être publiés dans les même conditions " les demandes en justice tendant à obtenir la réitération ou la réalisation en la forme authentique desdits actes, dans cette hypothèse la publication, qui n'est pas obligatoire n'est pas une condition de recevabilité de la demande.
Il ressort de l'assignation délivrée le 18 février 2002 que la demande formée par les époux Y... tend à obtenir la réitération en la forme authentique de la promesse de vente du 5 mai 2001, de sorte que la publication de cette demande n'était pas imposée à peine d'irrecevabilité et que la fin de non recevoir sera rejetée.
Sur la fin de non recevoir relevée par M. B...
M. B... expliquant n'être pas partie à l'acte de vente du 12 juillet 2001, contesté dans le cadre du présent litige, soutient que M. X... ne justifie pas d'un intérêt à agir à son encontre ; que par conséquent son assignation en intervention devant la Cour n'est pas justifiée et sollicite sa mise hors de cause.
Il résulte des termes du compromis de vente du 19 avril 2001 enregistré au rang des minutes de l'étude de Me H..., notaire, invoqué dans leurs écritures par l'appelant et la SCI Guillaume d'Orange, que M. Eric B... était partie au compromis, de sorte que M. X... justifie bien, le compromis du 19 avril 2001 étant invoqué pour la première fois devant la Cour, tant d'un intérêt à agir que d'une évolution du litige et que la mise en cause de M. B... dans le cadre de la procédure d'appel est justifiée, par conséquent la fin de non recevoir sera rejetée.
Sur la fin de non recevoir soulevée par Mme D...,
Mme D... divorcée de M. B... n'est certes pas partie à la vente litigieuse, mais comme M. B..., avec qui elle était alors mariée, elle est intervenue au compromis du 19 avril 2001 relatif à la vente de l'immeuble du..., de sorte que la fin de non recevoir sera également rejetée.
Sur le fond,
M. X... oppose aux demandes en réitération de la promesse de vente formée par les époux Y..., la vente réalisée le 12 juillet 2001 avec la SCI Guillaume d'Orange, vente précédée le 19 avril 2001, d'un compromis de vente passé avec M et Mme B.... Il conteste qu'un accord soit intervenu avec les époux Y..., le prix mentionné par ceux-ci dans le lettre d'acceptation de l'offre du 5 mai 2001 n'étant pas celui proposé par lui.
M et Mme Y... exposent qu'ils ont accepté l'offre du 5 mai par lettre du 9 mai 2001 envoyée le 11 mai 2001 et que dès ce moment la vente était parfaite entre les parties, ils contestent la vente postérieure.
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La vente est parfaite entre les parties et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée et le prix payé.
La SCI Guillaume d'Orange a communiqué dans le cadre du délibéré à la demande de la Cour, le compromis de vente passé entre M. X... et M et Mme B... portant sur la vente de la maison située 28 rue Foch à Cassel, cadastrée section B 1005 le 19 avril 2001 pour un prix principal de 625 000 F. Il est précisé à l'acte que les acquéreurs peuvent se substituer toute personne de leur choix et que l'immeuble est vendu occupé, en raison d'un bail authentique passé le 4 avril 1997 avec M. Et Mme Y... ; que l'acquéreur s'engage à respecter ledit bail.
Ce compromis en date du 19 avril 2001 a été déposé le 5 mai 2001 au rang des minutes de Me H..., notaire, et enregistré le 28 mai 2001, cet acte ayant ainsi, conformément aux dispositions de l'article 1328 du Code Civil date certaine au 5 mai 2001.
Dans ces conditions, la vente était parfaite entre M. X... et M et Mme B..., qui se sont par la suite substitués la SCI Guillaume d'Orange. L'offre de vente a été adressée le 5 mai 2001 par M. X... à M et Mme Y..., cette offre était dès lors dépourvue de tout effet, étant observé que l'immeuble a été vendu occupé et que les intimés ne peuvent se prévaloir du droit de préemption du locataire, le congé ayant été délivré en février 2006 postérieurement à la vente ; par conséquent et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, il y a lieu d'infirmer le jugement et de débouter les époux Y... de leur demande en réitération de la vente.
Sur la demande de dommages intérêts,
M. X..., la SCI Guillaume d'Orange et Mme D... sollicitent chacun la condamnation des intimés à leur payer diverses sommes à titre de dommages intérêts pour procédure abusive.
Ils ne développent à l'appui de leur demande aucun moyen de nature à caractériser une quelconque faute commise par les intimés dans l'exercice de leur droit d'agir en justice et seront par conséquent déboutés de leurs demandes.
M et Mme Y... sollicitent une somme de 3000 euros en raison du préjudice subi par eux du fait de la procédure et du harcèlement dont ils font l'objet de la part de M. X....
M et Mme Y... qui ne communiquent à l'appui de leurs demandes que des déclarations établies par eux mêmes ou des amis n'établissent pas les faits de harcèlement invoqués, succombant ils ne démontrent pas la mauvaise foi de M. X... dans l'exercice de son droit d'agir en justice, ils seront déboutés de cette demande.
Sur les appels en garantie,
Le jugement étant infirmé, aucune condamnation n'étant prononcée à l'encontre de M. X..., les appels en garantie formés par lui à l'encontre de M B..., Mme D... et la SCI Guillaume d'Orange sont sans objet.
L'équité ne commande pas d'allouer une quelconque somme aux parties à titre d'indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS
Rejette la demande d'annulation du jugement rendu le 12 mars 2003 par le Tribunal de Grande Instance de Hazebrouck,
Infirme le jugement,
Déclare M et Mme Y... recevables en leurs demandes,
Déclare recevables les assignations en intervention forcée de Mme D..., M. B... et la SCI Guillaume d'Orange,
Déboute M et Mme Y... de l'ensemble de leurs demandes,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les appels en garantie formés par M. X...,
Déboute les parties de leurs demandes de dommage intérêts pour procédure abusive et d'indemnité procédurale,
Condamne M et Mme Y... aux dépens de première instance et d'appel,
Autorise les avoués dans la cause à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.